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études-coloniales
22 novembre 2007

Professer l’Empire. La construction des sciences coloniales en France sous la IIIe République (Pierre Singaravelou)

Diapositive1

 

Professer l'empire :

la construction des sciences coloniales

en France

sous la IIIe République

Pierre SINGARAVELOU

 
Mardi 11 décembre 2007, à la Sorbonne, à 14 heures

Pierre Singaravelou soutiendra publiquement sa thèse de doctorat d'histoire :

Professer l'empire : la construction des sciences coloniales

en France sous la IIIe République

préparée sous la direction du professeur Christophe Charle, université Paris I Panthéon-Sorbonne

jury

M. Jean-François Chanet, professeur à l’Université Lille-III

M. Christophe Charle, professeur à l’Université Paris-I 

M. Richard Drayton, reader à l’Université de Cambridge

M. Jacques Frémeaux, professeur à l’Université Paris-IV

Mme Sylvie Guillaume, professeur à l’université Bordeaux 3



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4 octobre 2006

Pour un débat de fond sur le passé colonial - à propos du livre de Daniel Lefeuvre (Claude Liauzu)

march__Haute_Volta_Caom_Ulysse
Kaya (Haute-Volta), le marché, 1941961 - source :
Caom, base Ulysse

 

Pour un débat de fond sur le passé colonial

à propos du livre de Daniel Lefeuvre

Claude LIAUZU

 

couv_Daniel_newDans son livre Pour en finir avec la repentance coloniale (1) Daniel Lefeuvre dénonce vigoureusement les «contrevérités, billevesées, bricolage…en quoi consiste le réquisitoire des Repentants». C’est une incitation à réfléchir aux conditions dans lesquelles s’est engagé le débat actuel sur le passé colonial. D. Lefeuvre exprime à n’en pas douter un point de vue largement partagé parmi les spécialistes en rappelant clairement que la colonisation n’a pas été synonyme de génocide, que les procès ad satietam et la surenchère victimaire n’ont rien à voir avec l’histoire. Il a le mérite de mettre à leur place ceux qui, succès médiatique aidant, prétendent rien moins que proposer une «relecture de Hannah Arendt» et «fonder une école de recherche» (2), alors que quantité de jeunes chercheurs de qualité ne trouvent pas d’éditeur, que des années de travail scientifique mené avec passion dorment dans les rayonnages des bibliothèques universitaires.

Il pouvait aller plus loin dans la sociologie de l’adversaire et analyser sa stratégie, qui consiste d’abord à31 occuper le terrain : tel membre de l’Achac  pourfend le Mémorial de la France d’outre-mer pour colonialisme, tel autre est membre du Conseil Scientifique du même mémorial ; même scénario quant à la Cité de l’immigration ; ou encore on organise un colloque avec Christiane Taubira tout en signant l’appel demandant l’abrogation de sa loi.

Cependant, comment critiquer les «repentants» sans faire de même pour les nostalgiques de la colonisation ? Ces tâches sont indissociables, car il s’agit de deux entreprises de mémoires minoritaires, qui cultivent les guerres de cent ans, se nourrissent l’une de l’autre et font obstacle à ce qui est désormais un enjeu fondamental pour notre société : élaborer un devenir commun à partir de passés faits de conflits, de relations aussi étroites 9782707134127FSqu’inégales, d’une colonisation ambiguë, comme l’ont montré Pierre Brocheux et Daniel Hémery (3). Que Lefeuvrix, descendant d’Arverne, ironise sur l’idée de poursuites contre les descendants de Jules César pour crime contre l’humanité, soit, mais le «Cafre» des Iles à sucre n’a peut-être pas encore atteint la distance permettant cette attitude envers un esclavage dont les traces n’ont pas disparu, et on comprend que Karambeu n’ait guère envie de rire au souvenir de son grand-père cannibalisé en 1931.

Plus sérieusement, le débat porte sur un des point les plus sensibles du métier, celui de ses usages publics, des rapports entre histoire mémoire et politique. Et la profession est mal à l’aise. Elle choisit parfois un retrait sur l’Aventin mais, si cela est possible dans un espace préservé comme le CNRS, le professeur de collège et lycée confronté directement aux questions portées par ces mémoires, ne peut s’y réfugier. Il faut donc poser très clairement ces rapports complexes, difficiles, mais inéluctables. Et les tensions dont la discipline a été l’objet depuis plusieurs années fournissent matière à réflexion.

Daniel Lefeuvre rappelle qu’avec quelques collègues nous avons engagé une campagne contre la loi du 23 février 2005 (loi dont l’article 3 qui représente une menace pour la recherche n’est toujours pas abrogé). Cette campagne ne se réclamait d’aucune école, d’aucune famille de pensée et ceux qui sont signé l’appel ont des points de vue très divers. Certains désapprouvent la loi Taubira, d’autres (c’est mon cas) la considèrent «partielle, partiale», mais un «mal nécessaire». Il eût certes été préférable que l’intégration du passé colonial, des migrations et de l’esclavage à la place qui leur revient dans les programmes scolaires émane de notre profession. Pourquoi, en dépit de démarches répétées des spécialistes, d’une accumulation scientifique la rendant possible, cette réforme des programmes n’est-elle toujours pas advenue ?

Jamais, depuis un siècle, notre discipline n’a été autant en porte-à-faux par rapport à notre monde. Les sciences sociales sont par nature de la société et dans la société. Elles ne peuvent prendre la distance indispensable avec les mémoires et les usages publics en les ignorant. Cela ne veut dire en rien, tout au contraire, qu’il faille s’aligner sur les discours politiques. Contre les certitudes assénées au nom de la lutte idéologique, il faut maintenir le devoir d’histoire. Affirmer qu’on ne saurait avoir d’«ennemis à gauche» et donc qu’il ne faut pas critiquer les historiens «anticolonialistes», c’est confondre les rôles, mélanger scienceJaures3d et politique et se tromper d’époque. Les associations antiracistes, si elles veulent conserver des relations cohérentes avec les chercheurs, doivent revenir au modèle de l’affaire Dreyfus, quand les historiens et les archivistes assuraient leur fonction, celle d’expert et non de caution «scientifique» aux idéologues. Elles devraient se souvenir qu’un Jaurès [ci-contre] militant s’est fait historien et a appliqué avec rigueur les règles de la méthode pour établir les preuves de l’innocence de Dreyfus, ce qui est tout le contraire de l’instrumentalisation de l’histoire.

Il faut le redire aussi, le travail d’historien est un travail collectif qui repose sur la publicité des documents et la confrontation des points de vue. Cela est un devoir tant scientifique que civique. Ce qui est regrettable, ce n’est pas seulement la publication d’idées fausses, mais la tendance générale à préférer leur outrance à des textes élaborés rigoureusement. Même une organisation comme la Ligue des Droits de l’Homme tombe dans ce travers lorsqu’un de ses sites s’abstient de publier un texte de Gilbert Meynier et Pierre Vidal-Naquet, paru depuis un an dans Esprit, et qu’on trouve sur tous les sites s’intéressant au passé colonial, ainsi que toute critique de Olivier Le Cour Grandmaison et de l’Achac.

Cependant, on a du mal à croire que la société du maire de Marseille ou celle d’un Georges Frèche et des associations nostalgiques de l’OAS, d’un ministre des anciens combattants qui insulte les historiens, soient plus gratifiantes que celle des associations antiracistes. Les projets de mémoriaux de la France d’outre-mer ou de l’Algérie française pour lesquels les politiciens sollicitent les historiens  sont-ils scientifiquement plus solides ?  Sur tout cela, le silence de Daniel Lefeuvre affaiblit sa démonstration.

Au delà de ces péripéties, on ne pourra réagir à la Barnum history qu’en lui opposant un renouvellement des problématiques, une mise à jour de nos questionnements. Sur ce point, une remarque de Daniel Lefeuvre me fournit l’occasion d’une précision. Si j’ai donné comme exemple de profits juteux de la compagnie sfaxSfax-Gafsa le compte de 1913 ce n’est pas pour forcer une démonstration, et la série des bilans annuels confirme ces profits. C’est le résultat d’une  recherche sur le travail et le capitalisme en Tunisie à l’époque coloniale. Toute économie est politique, et les comptabilités nationales, les termes de l’échange, les comptes-rendus financiers doivent être complétés par l’analyse de la situation coloniale, notion proposée par Balandier voilà un demi siècle, et qui a été insuffisamment utilisée. Les profits de la Sfax-Gafsa reposent sur la concession d’une partie du sud tunisien, des principaux gisements de phosphates de l’époque, du chemin de fer et du port. Dans cet empire, les syndicats et les premières mesures protégeant le travail ne se sont imposés qu’au prix de grandes grèves sanglantes en 1937. Quand un inspecteur du BIT peut y pénétrer enfin en 1937 aussi, sa constatation est simple : le salaire d’un manœuvre ne permet pas de nourrir une famille, car ce capitalisme a des aspects boyards en exploitant le monde rural, qui lui fournit sa main d’œuvre et la reprend quand elle est inutile, ou usée. On ne comprend pas autrement le long refus  de faire des «zoufri» des mineurs de type métropolitain. [photo : phosphates des mines de Gafsa chargés à bord de cargos dans le port de Sfax - source]

Mais ces débats sur les données économiques et sociales qui ont eu leur importance, capitale dans les débats des décolonisations, qui ont leur importance, n’enferment pas toute l’histoire de la colonisation. Et l’une de nos responsabilités est d’élargir le champ des études en faisant leur place aux questionnements actuels et en tout premier lieu aux dimensions culturelles, qui sont déterminantes dans le devenir d’une société marquée par la pluralité héritée de la colonisation et amplifiée par la mondialisation. Une autre est de fournir une vulgarisation de qualité, accessible au large public concerné par le passé colonial, aux enseignants, soucieuse moins de défendre une opinion que d’aider les lecteurs en leur fournissant des repères, en leur présentant les pièces des dossiers, la pluralité des points de vue et des interprétations. C’est l’objet d’un Dictionnaire collectif sous presse.

Enfin, il ne suffit pas d’être un bon artisan, de travailler «à l’aide des bons vieux outils de l’historien, les sources, les chiffres, le contexte». Il faut affronter à la fois ce qui est une crise de la mémoire nationale et une crise de la discipline. «Chaque fois que nos tristes sociétés, en perpétuelle crise de croissance, se prennent à douter d’elles-mêmes, on les voit se demander si elles ont eu raison d’interroger leur passé ou si elles l’ont bien interrogé», constatait Marc Bloch.

Aujourd’hui, cette crise est étroitement liée au passé colonial, mais les études historiques françaises, enfermées dans son Hexagonalisme ne peuvent y répondre. Il faut refondre les programmes de l’enseignement et de la recherche dans le sens d'une histoire mondiale, celle de toutes les civilisations, des nations, des sans-patries, de l'histoire totale.

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Claude Liauzu

 

1 - Flammarion, 2006
2  - N. Bancel, P. Blanchard, F. Vergès, La République coloniale , Albin Michel, 2003, p. 7 ; et Zoos humains, La Découverte, 2002  p. 430
3 - Indochine, une colonisation ambiguë, La Découverte, 2001.

_________________________________




Un accord et deux remarques

à la lecture du texte de Claude Liauzu

Michel RENARD

 

D'accord avec Claude Liauzu lorsqu'il écrit que "D. Lefeuvre exprime à n’en pas douter un point de vue largement partagé parmi les spécialistes en rappelant clairement que la colonisation n’a pas été synonyme de génocide, que les procès ad satietam et la surenchère victimaire n’ont rien à voir avec l’histoire". Mais pourquoi cette discrétion à le proclamer ? Pourquoi ce sentiment, qu'en général, une complaisance un peu honteuse est observée face aux allégations des membres de l'Achac ? L'un d'entre eux, Nicolas Bancel, professeur en Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS) à l'université Marc-Bloch de Strasbourg était l'invité, en octobre 2005, de la fête du livre à Saint-Étienne. Il a prononcé quelques absurdités sur les programmes scolaires des collèges et lycées, prétendant que l'histoire s'y réduisait à une glorification de la nation française façon catéchisme de la IIIe République...! Prouvant par là qu'il ne connaissait strictement rien de ces programmes. Si, dans ses écrits, il traite les sources historiques avec la même désinvolture, il y a de quoi s'inquiéter...

Il en va de même de leur prétention à apparaître comme les démiurges d'une lucidité historique que personne, avant eux, n'aurait jamais approchée... Le trio Blanchard/Bancel/Vergès, dans la République coloniale écrit, sans vergogne : "la déconstruction de la République coloniale reste en marge de l'historiographie actuelle" (p. 16). Ah bon...?!

Faut-il leur rappeler le travail de Charles-Robert Ageron ? L'historien n'écrivait-il pas, en 1978 (!) dans son livre France coloniale ou parti colonial ? : "l'heure de l'histoire est venue dès lors que les exaltations naïves de «l'épopée coloniale» ne trouvent plus d'éditeur et que l'anticolonialisme ne fait plus recette" (1). L'Achac n'a ni le monopole ni la primeur de la déconstruction de la République coloniale. On est effaré d'avoir à le rappeler. Il est vrai que Charles-Robert Ageron, maître de l'histoire coloniale, évoquait, quelques lignes plus bas, "les ombres et les lumières de la colonisation", formule qui le vouerait, aujourd'hui aux velléités inquisitoriales. Comment ? Les "lumières" de la colonisation ? Mais, c'est du révisionnisme... Pour un peu, les néo-jdanovistes de l'antiracisme associeraient Ageron à l'édition 2007 du Petit Robert dans leur condamnation ubuesque et leur tentative de censure...

 

Repentance et Colonostalgie
Autre sujet. Que penser de cette critique que Claude Liauzu adresse au livre de Daniel Lefeuvre, quand il note : "comment critiquer les «repentants» sans faire de même pour les nostalgiques de la colonisation ? Ces tâches sont indissociables" (...) "Sur tout cela, le silence de Daniel Lefeuvre affaiblit sa démonstration".  En clair, cela ne signifie-t-il pas qu'une critique de la Repentance peut être suspectée de "rouler" pour la Colonostalgie ? Ou encore, que "pour passer" auprès d'un public de "gauche", cette critique de la Repentance doit donner des gages, en ciblant ceux qui déplorent la décolonisation...? Je ne dis pas que Claude Liauzu pense cela. Il écrit même le contraire à propos de la Ligue des Droits de l'Homme qui applique précisément cette politique en censurant les critiques formulées contre Le Cour Grandmaison ou l'Achac.

Mais, il est vrai que certains craignent d'une approbation du livre de Daniel Lefeuvre qu'elle ne vaille passage dans le "camp adverse". On se croirait revenu aux temps de la Guerre Froide : aux yeux des jdanovistes, la critique de l'URSS valait alignement sur les États-Unis. Aujourd'hui, aux yeux des néo-anticolonialistes, si on ne dit pas que la colonisation a été uniment appauvrissante, dépersonnalisante et génocidaire, le soupçon plane : vous ne seriez pas colonostalgique ? Or, il faut le dire avec forte conviction : on peut critiquer les thèses (?) de la Repentance sans se sentir obligé d'ajouter, rituellement, "il en va de même de la Colonostalgie" ; on ne passe pas pour autant dans le camp de... l'OAS...!

Devrait-on juger la pertinence intellectuelle d'une démonstration en évaluant, par anticipation, ses supposées conséquences idéologiques ? S'interdire le constat que, de 1905 à 1962, la France a versé en Algérie l'équivalent de 7 ou 8 plans Marshall, parce que la colonisation ne relèverait - croit-on - que de la seule rationalité économique du pillage ? S'interdire de considérer que, durant la guerre d'Algérie, l'emprise du FLN sur la population algérienne devait aussi à des pratiques coercitives et violentes, parce que la lutte pour l'indépendance nationale est légitime ? La vérité historique ne rend pas de comptes aux idéologies, croyances ou intérêts de pouvoir. Seule vaut la rigueur méthodologique du "métier d'historien" (Marc Bloch).

 

Généalogie de l'incrimination
Enfin. Claude Liauzu écrit, en filant la raillerie de Pour en finir avec la repentance coloniale : "Que Lefeuvrix, descendant d’Arverne, ironise sur l’idée de poursuites contre les descendants de Jules César pour crime contre l’humanité, soit, mais le «Cafre» des Iles à sucre n’a peut-être pas encore atteint la distance permettant cette attitude envers un esclavage dont les traces n’ont pas disparu, et on comprend que Karambeu n’ait guère envie de rire au souvenir de son grand-père cannibalisé en 1931". Je comprends l'amertume à songer au passé de servitude de "ses" ancêtres. C'est d'ailleurs une amertume que l'on peut ressentir sans être le "descendant" de ces ("ses" ?) victimes. Imaginer le contraire, serait nier tout humanisme dans sa tension universaliste. Mais quel sens cela a-t-il de cristalliser cette peine en opération historico-idéologique instaurant des généalogies contestables et une tout aussi contestable idée de responsabilité collective ?
Quant au "souvenir"..., il faudrait prendre du recul par rapport aux injonctions émotionnelles. D'abord, le souvenir n'est jamais strictement personnel : "on ne se souvient pas seul" écrit Paul Ricoeur en évoquant la sociologie de Maurice Halbwachs (p. 146 et sq. de La mémoire, l'histoire et l'oubli), donc il faut envisager sa déformation/manipulation par les différentes strates de transmission. Ensuite, la violence d'un traumatisme ne suffit pas à expliquer la manifestation violente de sa réitération ou de sa réminiscence. Qui demande repentance à l'Allemagne pour les 1,4 million de soldats morts pour la France de 1914 à 1918 ? Quels ressortissants du Limousin demandent repentance à l'Alsace pour les sacrifiés d'Oradour ? Et pourtant le chagrin n'a pas disparu, l'oubli ne s'est pas imposé. Mais l'histoire a dit la vérité.

MR___Port_Cros___copie

 

1 - France coloniale ou parti colonial ?, Charles-Robert Ageron, Puf, 1978, p. 5.

 

 

Michel Renard

 

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le général Randon reçoit la soumission des chefs kabyles
source



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2 octobre 2006

Les marchands de repentance (Jacques de Saint Victor)

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mission Crampel en 1890-1891

Les marchands de repentance

Jacques de SAINT VICTOR

 
Pour en finir avec la repentance coloniale de Daniel Lefeuvre
- Flammarion, 230 p., 18 €.
compte-rendu paru dans Le Figaro littéraire, 28 septembre 2006

À l'heure d'«Indigènes», l'historien spécialiste de la colonisation remet les «repentants» médiatiques à leur place.

DANS UN ESSAI au titre audacieux, l'historien Daniel Lefeuvre nous offre une salutaire leçon d'histoire.Daniel_rfi_29_septembre_2006__1_ Revenant sur l'exploitation du passé colonial par certains groupuscules identitaires ou gauchistes, ce spécialiste de la colonisation, professeur d'histoire à Paris-VIII, rappelle avec courage certaines évidences bien malmenées ces derniers temps par le débat médiatique et, plus grave, historique. Son propos n'est pas, loin s'en faut, de réhabiliter la colonisation et son cortège d'événements sanglants. Son ambition est tout autre : condamner l'amalgame, l'anachronisme, le parti pris idéologique de ceux qu'il appelle les «Repentants». Non, la colonisation à la française n'a en rien enfanté le «nazisme» ; non, le sous-développement actuel des anciennes colonies n'a pas pour source unique «l'exploitation» à laquelle s'est livrée en son temps la métropole ; non, la crise actuelle des banlieues n'a rien à voir avec un passé colonial «qui ne passerait pas», comme le soutiennent ceux qui voudraient nous faire croire que la crise sociale est d'abord une crise ethnique.

Triste cortège de contre-vérités que ce «roman noir» de la colonisation. Nul ne s'étonnera que la question de la «fracture coloniale» soit l'un de ces nouveaux combats menés par l'extrême gauche plurielle dont parle Philippe Raynaud (voir Le Figaro Littéraire du 20 septembre 2006), à côté de l'altermondialisme ou de la question palestinienne. Les «Repentants» appartiennent pour certains au petit syndicat des professionnels de la provocation médiatique qui savent exploiter brillamment cette «société du spectacle» qu'ils méprisent. Avide de «sang et de larmes» pour complaire à l'Audimat, celle-ci ne peut qu'encourager des empoignades ineptes sur tel ou tel pamphlet vide de tel ou tel essayiste en mal de notoriété. L'un est prêt à comparer Napoléon à Hitler ; l'autre voit partout des ancêtres des einsatzgrüppen. La reductio ad Hitlerum, sévèrement dénoncée en son temps par Hannah Arendt, ne fait plus peur aujourd'hui, du moment qu'elle crée un peu de bruit médiatique.

Engagez_vous__Troupes_coloniales__Sogno__55_x_79_cmsNégligeant ces comètes, l'auteur s'attache surtout à condamner les travaux plus substantiels de ceux qui, tels Olivier Le Cour-Grandmaison ou le groupuscule des adeptes de la «fracture coloniale», utilisent le passé de la France à des fins plus politiques. Celles-ci sont de plusieurs ordres : universitaires (obtenir de nouveaux moyens, des centres de recherches, etc.), idéologiques (la repentance) et financier (l'argent de la repentance). Falsifier l'histoire, c'est fausser le jugement. En prétendant que la France coloniale avait des projets exterminateurs, qu'elle serait l'ancêtre du nazisme, et que ce secret aurait été intentionnellement «bien gardé», prépare les esprits à toutes les démissions. Or, la colonisation, notamment celle de l'Algérie, que Daniel Lefeuvre connaît bien pour lui avoir consacré plusieurs ouvrages, a été sanglante. Mais il n'y a jamais eu de projet d'extermination générale. Les «Repentants» oublient ou feignent d'oublier que «l'histoire est tragique», comme disait Raymond Aron. Lefeuvre rappelle qu'il y a eu, avant la conquête de l'Algérie, bien d'autres tristes épisodes dans l'histoire de l'Europe, comme le sac du Palatinat par les armées de Louis XIV ou les massacres de Vendée par les colonnes infernales de Turreau. On pourrait remonter jusqu'à l'Antiquité biblique. Tous seraient les ancêtres directs du nazisme ? Cela fait un arbre généalogique un peu trop fourni.

Les colonies : «un tonneau des Danaïdes»

L'essai de Daniel Lefeuvre est encore plus intéressant quand il démonte certaines idées reçues. Sait-on queailes_fran_aises_caom «loin de remplir les caisses de l'Etat, les colonies se sont révélées un véritable tonneau des Danaïdes» ? Sait-on encore que, contrairement à une légende tenace, le métro de Paris a été beaucoup moins construit par les Kabyles que par des ouvriers venus des quatre coins de France ? Sait-on enfin que les immigrés n'ont joué après 1945 qu'un rôle mineur dans le relèvement national, contrairement à ce qui s'était passé au cours de la Première Guerre mondiale ? Toutes ces données feront frémir les sociologues de la «fracture coloniale». Elles les embarrasseront d'autant plus que Lefeuvre ne part pas de quelque «enquête» en banlieue. C'est un travail historique, chiffré, sans faux-semblant. Même si on peut discuter çà et là quelques assertions, il faut saluer le courage d'un historien qui ne se contente pas de s'enfermer dans des colloques de spécialistes ou des articles publiés dans des revues «scientifiques» que personne ne lit, comme tant de ses confrères qui font leur petite carrière en laissant la voie libre aux bonimenteurs médiatiques.

Le Figaro littéraire
28 septembre 2006



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22 février 2022

Oran, 2 mars 1962 : une véritable crise de folie meurtrière

Oran massacre 2 mars 1962
les enfants Ortega et leur mère massacrés sauvagement le 2 mars 1962

 

Oran, 2 mars 1962

une véritable crise de folie meurtrière

 

Oran, 2 mars. - La tension restait vive vendredi matin à Mers-El-Kébir, où l'agitation a repris dans le centre européen vers 9 heures. À 9 h. 30 des coups de feu ont été entendus, et l'on apprenait que, selon l'A.F.P., cinq musulmans avaient été tués et des magasins saccagés. Une demi-heure plus tard, à 10 heures, le couvre-feu était décrété sur l'ensemble de la commune de Mers-El-Kébir.

La grève générale a été déclenchée dans toute la ville, par solidarité avec les ouvriers des arsenaux de la Direction des constructions et armes navales, après le massacre par des musulmans jeudi, dans des conditions particulièrement atroces, d'une mère de famille européenne, Mme Rosette Ortega, âgée de trente ans, et de ses deux petits enfants.

Les émeutiers, conduits par des meneurs F.L.N., ont assassiné Mme Ortega à coups de hache et de barres de fer, après avoir fracassé le crâne des deux enfants contre les murs. Puis ils ont saccagé et pillé la modeste demeure.

La réaction des Européens a été immédiate, et au faubourg Saint-André-de-Kébir des magasins appartenant à des musulmans ont été incendiés.

L'intervention des fusiliers marins de la base navale et d'un escadron de gendarmerie mobile a empêché la foule déchaînée de se ruer à travers le port de pêche. Un bébé musulman de trois mois a été brûlé vif jeudi soir dans son berceau, des Européens ayant incendié un appartement qu'ils croyaient vide.

Le Monde
par LÉO PALACIO
  publié le 03 mars 1962 à 00h00

 

Oran, 2 mars (U.P.I.,A.F.P.). - C'est vers 11 h. 40, jeudi, que des groupes de musulmans ont fait irruption dans la conciergerie du stade de la Marsa, à Mers-El-Kébir (7 kilomètres à l'ouest d'Oran), tout près de la base militaire.

Au cours d'une véritable crise de folie meurtrière collective, ces hommes ont tué sauvagement la gardienne, une jeune Européenne de trente ans, Mme Rosette Ortega, et ses deux enfants, André, quatre ans, et Sylvette, cinq ans.

La jeune femme fut massacrée à coups de hache, tandis que, dans un réflexe de mère affolée, elle tentait de s'interposer entre les musulmans déchaînés et son petit garçon. Puis les déments brisèrent le crâne du petit André contre un mur.

Alors qu'ils allaient partir, leur forfait accompli, ils aperçurent la petite fille qui rentrait du jardin, des fleurs dans les bras. Aussitôt, l'un des hommes la saisit par les pieds et lui écrasa la tête contre la muraille.

Quand M. Jean Ortega, employé à la direction des constructions navales, rentra chez lui, les corps des malheureuses victimes baignaient dans des mares de sang : Mme Ortega gisait les bras en croix, à l'entrée de son appartement, le petit garçon à côté d'elle. Dans la cour, tenant dans sa main crispée des géraniums, gisait le corps de la petite fille.

Des jeunes gens vêtus de blousons noirs.

La nouvelle de l'assassinat s'est répandue rapidement en ville, déchaînant la colère des Européens. Des jeunes gens, vêtus de blousons noirs et armés de bâtons, se sont répandus dans les ruelles étroites des quartiers musulmans, criant des slogans activistes.

Prévenus par les passants, des éléments des forces de l'ordre arrivèrent sur les lieux et ouvrirent le feu sur les assassins qui tentaient de fuir en direction du douar qui surplombe le stade. Trois d'entre eux furent abattus.

Les fusiliers marins du commando Jobert et des gendarmes mobiles participèrent à une opération de contrôle dans le village musulman et dans les douars des environs de Mers-El-Kébir.

Quatre fuyards musulmans ont été tués dans des conditions mal précisées. Des blessés ont été trouvés dans des maisons musulmanes.

 

Oran massacre 2 mars 1962

 

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29 mars 2021

Mohamed Moussaoui dénonce le double discours du recteur de la Grande Mosquée de Paris

 

Chems-eddine-Hafiz
Chems-eddine Hafiz, recteur de la Grande  Mosquée de Paris

 

Mohamed Moussaoui

dénonce le double discours du recteur

de la Grande Mosquée de Paris

 

Ce dimanche 28 mars 2021, M. Chems-eddine Hafiz, recteur de la Grande  Mosquée de Paris a déclaré sur la chaine LCI qu’il ne peut se mettre autour de la même table que les fédérations (CIMG «Milligorüs» et CCMTF Comité de Coordination des Musulmans Turcs de France») qui ont refusé de signer la charte des principes pour l’Islam de France. Il précise également qu’à travers ces deux fédérations l’État Turc s’ingère dans notre pays.

Dans cette même émission, le recteur m’accuse de me «cacher derrière les statuts du CFCM» pour continuer à avoir des contacts avec ces fédérations.

Il convient de rappeler que le même recteur a invité l’ambassadeur et représentant de l’État Turc en France à un déjeuner convivial, le 16 mars 2021, à la mosquée de Paris. Il a également rencontré le président du CCMTF, longuement à la mosquée de Paris le 12 mars 2021.

Quant à moi, j’ai organisé effectivement une réunion du bureau du CFCM, le 17 mars 2021, afin de désigner l’aumônier national des prisons, conformément à l’engagement pris, en octobre 2020, par le CFCM devant  le ministre de la justice. Les responsables de ces deux fédérations, en leur qualité de membres élus du bureau du CFCM, ont participé à cette réunion.

Ce que le recteur qualifie abusivement de «se cacher derrière les statuts du CFCM» est en réalité le respect des règles qui régissent le CFCM conformément à loi de la République sur les associations. En vrai républicain, je ne peux transgresser les lois de la République et en même temps critiquer ceux qui n’ont pas signé la charte des principes pour l’islam de France. D’autant plus que cette charte met le respect des lois de la République au cœur de ses engagements.

Quant au recteur de la mosquée de Paris, rien ne l’obligeait à organiser ces rencontres avec ceux qu’il fustige, et dénonce et à forte raison dans les formats qu’il a choisis.

Cette réalité des faits montre clairement l’incohérence de l’action du recteur de la mosquée de Paris et son double langage malgré ce qu’il prétend être.

Mohammed MOUSSAOUI
Président du CFCM

 

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Mohammed Moussaoui

source

 

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13 mars 2021

Archives nationales: «N’abusons pas du secret-défense, si justifié soit-il parfois» - texte/pétition

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Archives nationales :

«N’abusons pas du secret-défense,

si justifié soit-il parfois»

 

TRIBUNE - Trente-et-un éminents spécialistes d’histoire contemporaine s’inquiètent d’une instruction interministérielle qui autorise l’administration à refuser l’accès à certains documents classés «secret-défense» au-delà du délai de 50 ans prévu par la loi.

Par Tribune collective

Publié dans Le Figaro le 08 mars 2021

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Chacun convient, quand il n’y appelle pas, de la nécessité du secret de la défense nationale qui s’applique à protéger notre sécurité, les intérêts fondamentaux de la nation et nos libertés publiques. Et chacun peut s’astreindre à en définir les usages, à titre individuel comme dans l’espace public qui nous est collectif, face à un défi majeur ou en temps de guerre.

Pourtant, des garde-fous sont nécessaires en démocratie, où l’État ne saurait penser par lui seul, loin de la société. La publication récente au Journal officiel d’une instruction générale interministérielle du 13 novembre 2020 précisant les dispositions réglementaires en matière d’accès aux archives de la nation nous le rappelle.

Profitant de la dernière révision périodique de ce texte, dont la première version date de 1952 jusqu’à l’avant-dernière en 2011, le gouvernement a cru devoir outrepasser les dispositions générales prévues par la loi sur les archives du 15 juillet 2008, qui soumettent déjà à un long délai l’accès aux archives contemporaines de la France ayant été classifiées «secret de la défense nationale».

Ce nouveau tour de vis permet à l’administration de dépasser discrétionnairement les délais légaux pour certains documents, fixés par la loi à cinquante ans, sauf exception. La situation concerne tous ceux qui, historiens, archivistes, étudiants, mais encore citoyens, à l’instar des associations et personnalités ayant déposé un recours contre l’instruction générale interministérielle devant le Conseil d’État le 15 janvier 2021 ont un droit à accéder aux archives.

L’enjeu n’est pas simplement technique, même si cette réforme désorganise profondément les services d’archives et fait dysfonctionner les Archives de France, submergées par des demandes de déclassification. Hier inexistantes pour des documents au-delà de 50 ans, à l’exception de ceux touchant la sécurité des personnes physiques, les armes de destruction massive ou le judiciaire, ces procédures de déclassification leur sont aujourd'hui imposées.

Surtout, par ce choix porté par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, la France s’expose à une régression sans précédent de l’ouverture de ses archives concernant ses activités régaliennes, remontant jusqu’à 1934 et non plus 1970 ainsi que le fixe la loi sur les archives.

Cette situation inédite est d’autant plus incompréhensible que l’élargissement de l’accès aux archives contemporaines, précisément délimité et effectivement contrôlé, répond, à l’heure du rapport Stora sur l’Algérie, à la demande des trois derniers présidents de la République et pour satisfaire aux relations
de la société française à son histoire nationale. Jugulaire, l’État aurait-il oublié, sur son chemin, toujours réglementaire, la société ?

C’est du bon usage des procédures de classification et de déclassification qu’il s’agit, «tant le secret dela défense nationale vieillit mal», disait déjà le conseiller d’État Guy Braibant avant même la loi de 2008.

Précisément, l’équilibre entre la loi, en son esprit, et les effets pratiques
de la réglementation sur l’accès des archives, est rompu. Nous sommes parvenus à l’instant où les inconvénients particuliers l’emportent désormais sur l’intérêt général.

Entre Courteline et Kafka.

Doit-on maintenir dans le secret de la défense nationale les discussions des accords de Munich de 1938 ou des plans stratégiques de 1940, des conflits contemporains postérieurs à 1945 ou de la diplomatie française des trois dernières Républiques ? Comme par un effet de prolifération du secret à une matière historique variée se trouve paradoxalement affectée l’histoire des institutions publiques, de l’énergie, des relations internationales de la France, de la technologie et de la science même : pourra-t-on travailler sur l’histoire de la police, donc  du nécessaire antiterrorisme, ou sur l’énergie nucléaire civile alors que son avenir est actuellement en jeu ?

Dans toutes les grandes démocraties du monde, chacun comprend que le secret, y compris celui de la défense doit s’interrompre à un terme historique échu. La France ne peut dès lors se singulariser et doiy chercher des convergences avec nos alliés qui conservent eux aussi des archives de leurs relations extérieures et de défense.

Sans revenir sur les dispositions concernant les documents relatifs aux armes de destruction massive, ce qui fait débat, aujourd’hui et demain, est la définition du nécessaire secret de la défense nationale s’appliquant aux archives françaises : or, il s’agit bien de le délimiter sans provoquer de disproportion, de déséquilibre ou d’inconvénient pratique.

Le domaine précis de son application se trouve posé, d’abord par le législateur et non par l’administration, tentée de classifier à tout-va des documents qui n’ont parfois que peu ou plus à voir avec les intérêts fondamentaux de la nation. Il n’est pas simple de trancher entre ce qui est secret, très secret et ce qui ne l’est pas ou plus. Il existe une liberté d’accès aux archives, rappelée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 15 septembre 2017.

Aux termes de l’article 34 de la Constitution, son organisation relève de la loi ; aussi est-il périlleux pour nos libertés publiques de vouloir la restreindre par le seul confort juridique d’une instruction générale interministérielle.

 

Liste des signataires :

Éric Anceau, maître de conférences à Sorbonne Université ;

Laurence Badel, professeur à l’Université Paris-I- Panthéon-Sorbonne ;

Olivier Dard, professeur à Sorbonne Université ;

Alain Duhamel, de l’Institut ;

Olivier Forcade, professeur à Sorbonne Université ;

Jacques Frémeaux, professeur émérite à Sorbonne Université ;

Jean Garrigues, professeur à l’Université d’Orléans ;

Pascal Griset, professeur à Sorbonne Université ;

Jean-Charles Jauffret, professeur émérite à l’IEP d’Aix- en-Provence ;

Jean-Noël Jeanneney, professeur émérite à l’IEP de Paris, ancien ministre ;

Pierre Journoud, professeur à l’Université Paul-Valéry- Montpellier-III ;

Henry Laurens, professeur au Collège de France ;

Sébastien-Yves Laurent, professeur à l’Université de Bordeaux ;

 Roseline Letteron, professeur à Sorbonne Université ;

Philippe Levillain, de l’Institut ;

Christine Manigand, professeur à l’Université Paris-III- Sorbonne nouvelle ;

Hélène Miard- Delacroix, professeur à Sorbonne Université ;

Pierre Nora, de l’Académie Française ;

Mona Ozouf, directrice de recherche émérite au CNRS ;

Jenny Raflik, professeur à l’Université de Nantes ;

Jean-Pierre Rioux, inspecteur général honoraire de l’Éducation nationale ;

Eric Roussel, de l’Institut ;

Jean- François Sirinelli, professeur émérite à l’IEP de Paris ;

Georges-Henri Soutou, de l’Institut ;

Frédéric Turpin, professeur à l’Université de Savoie ;

Maurice Vaïsse, professeur émérite à l’IEP de Paris ;

Pierre Vermeren, professeur à l’Université Paris-I- Panthéon-Sorbonne

Fabrice Virgili, directeur de recherche au CNRS ;

Laurent Warlouzet, professeur la Sorbonne Université ;

Bertrand Warusfel, professeur à l’Université Paris-VIII ;

Michel Winock, professeur émérite à l’IEP de Paris.

 

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_______________________________

 

Palais de l’Élysée, le mardi 9 mars 2021

Communiqué

Il revient à l’État d’articuler de manière équilibrée la liberté d’accès aux archives et la juste protection des intérêts supérieurs de la Nation par le secret de la Défense nationale.

Décidé à favoriser le respect de la vérité historique, le Président de la République a entendu les demandes de la communauté universitaire pour que soit facilité l’accès aux archives classifiées de plus de cinquante ans.

Le chef de l’État a ainsi pris la décision de permettre aux services d’archives de procéder dès demain aux déclassifications des documents couverts par le secret de la Défense nationale selon le procédé dit «de démarquage au carton» jusqu’aux dossiers de l’année 1970 incluse. Cette décision sera de nature à écourter sensiblement les délais d’attente liés à la procédure de déclassification, s’agissant notamment des documents relatifs à la guerre d’Algérie.

En complément de cette mesure pratique, le gouvernement a engagé, sur la demande du Président de la République, un travail législatif d'ajustement du point de cohérence entre le code du patrimoine et le code pénal pour faciliter l'action des chercheurs. Il s’agit de renforcer la communicabilité des pièces, sans compromettre la sécurité et la défense nationales. L’objectif est que ce travail, entrepris par et avec les experts de tous les ministères concernés, aboutisse avant l’été 2021.

SERVICE DE PRESSE ET VEILLE DE LA PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE

organisationpresse@elysee.fr T. +33 (0)1 42 92 83 01

 

 

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8 novembre 2021

Guerre d’Algérie, enlèvements d’Européens : contre une erreur trop répandue (Jean Monneret)

Oran 62

 

Guerre d’Algérie, enlèvements d’Européens :

contre une erreur trop répandue

Jean MONNERET

 

Divers commentateurs ont cru pouvoir dénoncer à ce sujet une responsabilité du clan Ben-Bella/Boumediene.

Qu’une erreur soit avalisée par des gens plus ou moins nombreux ne l’empêche pas de demeurer une erreur. Concernant les enlèvements d’Européens, chacun sait aujourd’hui que leur chiffre explosa après le 19 mars 1962, jour de la proclamation des Accords d’Évian.  Divers commentateurs (il s’agit rarement d’historiens «patentés») ont cru pouvoir dénoncer à ce sujet une responsabilité du clan Ben-Bella/Boumediene. Qu’en est-il ?

Au printemps 1962, alors que la perspective de l’Indépendance de l’Algérie se rapprochait à grands pas, le FLN fut traversé par une grave scission. Deux camps s’opposèrent : d’un côté le GPRA (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne) établi à Tunis et que présidait Ben Khedda et l’Etat-Major Général (EMG) de l’Armée des frontières, basé en Tunisie et au Maroc et dirigé par Houari Boumediene. Ben Bella, l’ancien prisonnier d’Aulnoye fit allégeance à ce dernier, dès sa libération.

Le clan Ben-Bella/Boumediene et ses partisans n’hésitèrent pas à contester une partie des Accords d’Évian, lors du Conseil National de la Révolution Algérienne (CNRA) tenu à Tripoli le 25 mai 1962.

Dès lors certains en conclurent qu’ils les avaient ensuite sabotés Le texte des Accords dûment revêtu de la signature de Krim Belkacem reconnaissait aux Européens le droit de séjourner en Algérie et d’y participer à la vie politique. Il n’en fallait pas davantage à quelques commentateurs pour juger le GPRA plus modéré tandis que l’EMG et le clan Ben-Bella/Boumediene leur paraissaient plus radicaux.

De là à imaginer que ledit clan avait utilisé les enlèvements pour faire fuir les Pieds-Noirs et rendre l’exode irréversible, il n’y avait qu’un pas. Il fut vite franchi. Pourtant, il manquait, afin d’établir ce point, une chose indispensable aux yeux des Historiens : un socle documentaire solide et des témoignages divers et convergents. À ce jour, les deux font toujours défaut.

La responsabilité du clan Ben-Bella/Boumediene dans l’épuration ethnique qui toucha les Européens d’Algérie demeure donc une simple hypothèse. Plus que jamais s’impose à l’Historien de rappeler les contraintes de la méthode historique comme la nécessité de se méfier des fausses évidences.

Car, en effet plusieurs faits établis vont à l’encontre de ladite hypothèse.

1°/ L’idée qu’à Tripoli, il y avait le GPRA qui soutenait les Accords d’Évian et le clan Ben-Bella/Boumedienne qui les combattait devrait être nuancée. La Charte de Tripoli qui constituait un programme de réformes révolutionnaires pour l’Algérie et traitait les Accords d’Evian de « Plateforme néo-coloniale » fut adopté à l’unanimité. Trois personnes (on est tenté d’écrire : seulement) refusèrent d’approuver les Accords d’Évian dont Boumedienne, mais là n’était pas l’origine du clivage. C’est la désignation du Bureau Politique qui se révéla une pierre d’achoppement et entraîna la rupture.

2°/ L’idée que les Algériens opposés au GPRA fussent décidés à mettre Évian en échec (voire à en croire certains à poursuivre la guerre) et qu’ils aient organisé à cette fin les rapts d’Européens est fort discutable. Bien sûr, ces rapts sont une réalité et une réalité dramatique. Nombreux après le 19 mars, ils se sont poursuivis jusqu’en octobre 1962. Ceci est largement établi, mais, affirmer que la responsabilité en incomberait, en quelque sorte exclusivement, aux partisans de l’EMG est une reconstitution a posteriori. Elle implique de considérer le GPRA comme un groupe porté aux compromis, simplification pour le moins abusive.

Évian fut le fruit d’un marchandage aigu qui dura des mois. Il résulta d’un abandon quasi-complet par la partie française de ses «exigences». (Cf le livre de Robert Buron Carnets politiques de la Guerre d’Algérie et notre propre ouvrage La phase finale de la Guerre d’Algérie). Il ne fut en aucun cas le résultat d’un adoucissement de la délégation FLN.

3°/ À partir du 16/17 avril 1962, les rapts devinrent massifs dans la ville d’Alger et la région algéroise. Ces deux endroits étaient respectivement dirigés par la Zone Autonome d’Alger du FLN ayant à sa tête Si Azzedine (Rabah Zérari) et par la wilaya 4 ayant à sa tête Si Hassan (Youcef Khatib). Ces deux secteurs détiennent un record des enlèvements d’Européens. Or, ils n’avaient nullement fait allégeance au clan Ben-Bella/Boumediene. Ils soutenaient le GPRA. Ceci ne peut, ni ne doit être escamoté.

4°/ Dans l’Algérois, des partisans du clan Ben-Bella/Boumediene s’organisèrent pour contrer les partisans du GPRA. Leur cible n’était pas les Européens. Mohammed Khider réunit les Benbellistes en des comités de base qui se lancèrent dans des manifestations diverses, y compris contre les soldats de la wilaya 4.

Yacef Saadi vieux routier du terrorisme depuis la Bataille d’Alger se mit à leur service. Il organisa dans la Casbah, où il avait des appuis, des commandos visant des chefs de la Zone Autonome. L’un d’eux fut abattu le 23 juillet 1962 alors qu’il passait Rampe Valée. Or, il s’agissait de Mohammed Oukid responsable du Renseignement à la Zone Autonome et grand commanditaire des enlèvements d’Européens. Ceci ne peut davantage être escamoté. (Cf. L’organigramme de la Zone Autonome, fourni par Si Azzedine dans son livre Et Alger ne brûla point. Ed. Stock).

5°/ Comment les choses se passèrent-elles en Oranie ? Cette Zone, comme la ville d’Oran s’affichait favorable au clan Ben-Bella/Boumediene.

Le phénomène des enlèvements, comme à Alger, y a débuté le 16/17 avril 1962. Ceci indique clairement qu’il y avait à l’origine un mot d’ordre central, transcendant le clivage entre le GPRA et l’EMG.

Néanmoins, le nombre des enlèvements resta plus faible à Oran et en Oranie que dans l’Algérois. Toutefois, le vaste massacre survenu le 5 juillet 1962 dans Oran égalisa, si l’on peut dire, les scores. Il est vrai que certains attribuent également ce massacre au clan Ben-Bella/Boumediene, mais là aussi sans preuves sérieuses.

6°/ Enfin un autre point ne saurait être escamoté. Le Consul Général Jean Herly a laissé au CDHA un témoignage important. Il affirme avoir reçu de Ben-Bella une aide considérable pour retrouver et souvent faire libérer des Européens enlevés.

Ajoutons qu’au lendemain du 5 juillet, à partir notamment du 8, Ben Bella  et son partenaire se montrèrent d’une sévérité exemplaire envers les auteurs d’exactions contre les Européens.

Ben-Bella en personne reçut les chefs d’entreprises Pieds-Noirs oraniens. Il affirma vouloir les débarrasser du «complexe de la souricière». (Comprendre, l’impossibilité de sortir du territoire). Il organisa aussi une vaste récupération des voitures volées les jours précédents et invita les Européens à venir les récupérer.

L’efficacité d’une telle démarche resta douteuse car, nombreux étaient ceux qui étaient déjà définitivement partis, mais sa symbolique fut forte à l’époque.

Les troupes de Boumediene imposèrent à Oran et dans l’Oranie un ordre de fer. Les fusillades par l’Armée ne furent pas rares. Pendant l’été, la zone oranienne fit contraste avec l’Algérois en proie aux exactions de la wilaya 4 qui durèrent jusqu’aux affrontements de l’automne avec l’Armée des frontières  qui y mit fin pour l’essentiel.

Bien entendu, ni Ben-Bella, ni Boumediene n’agissaient par humanisme ou affection pour les Pieds-Noirs. L’opportunité politique seule les guidait. Cependant, la crainte, très répandue alors, que l’Algérie ne s’engageât dans la même voie que le Congo belge sous Lumumba, se dissipa. Hélas ! Les Pieds-Noirs étaient partis, l’exode était irréversible. Pour le malheur des uns comme pour celui des autres.

Jean MONNERET
27 octobre 2021

Jean Monneret portrait

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9 juin 2020

Cyrulnick et Sansal sur les mémoires France-Algérie (François-Guillaume Lorrain)

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Cyrulnick et Sansal

sur les mémoires France/Algérie

François-Guillaume Lorrain et extraits

 

Il est difficile de partager, dans les extraits qui sont ici proposés, le jugement de Boualem Sansal : "jamais au cours de l'histoire humaine, colonisateur ne fut plus mauvais maître et plus piètre gouverneur que la France coloniale".

On souhaiterait que cette affirmation fût étayée d'une démonstration plus développée.

Michel Renard

 

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Cyrulnick et Sansal, juin 2020 (2)

 

 

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La fin de la guerre d'Algérie, Guy Pervillé (article censuré par la direction des Archives de France) [lire]
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Trente années de lutte pour faire reconnaître le drame des Français disparus en Algérie en 1962, par Jean Monneret [lire]
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La naissance du monde moderne
Un livre de Christopher A. Bayly [lire]
La mondialisation, une vieille histoire [lire]
Les errements de l'histoire "post-coloniale" [lire]
Portrait du colonialisme triomphant. Louis Archinard, 1850-1932, un livre important de Martine Cuttier, préface de Marc Michel [lire]
Comment l'Algérie devint française, un livre de Georges Fleury [lire]

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@ écrire à Études Coloniales

quelques livres recommandés :
Léopold Justinard, missionnaires de la tachelhit, 1914-1954, Rachid Agrour, 2007 [voir]
 Pour en finir avec la repentance coloniale, Daniel Lefeuvre, Flammarion, 2006-2008 [voir]
 Histoire de l'anticolonialisme en France, Claude Liauzu, A. Colin, 2007 [voir]
 Les Africains et la Grande Guerre, Marc Michel, Karthala, 2003 [voir]
 Le Dê Tham (1853-1913), un résistant vietnamien..., Claude Gendre, 2007 [voir]
Gallieni, Marc Michel, Fayard, 1989 [voir]
 Un silence d'État. Les disparus civils européens de la guerre d'Algérie, Jean-Jacques Jordi, Soteca, 2011 [voir]
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Algéri coloniale, galerie Algérie coloniale. Musulmans et chrétiens : le contrôle de l'État, Oissila Saaidia, Cnrs, 2015 [voir]
Un village à l'heure coloniale : Draria, 1830-1962, Colette Zytnicki, Belin, 2019 [voir]
Mirages de la carte : l'invention de l'Agérie coloniale, Hélène Blais, Fayard, 2014 [voir]
Un siècle de passions algériennes : une histoire de l'Algérie coloniale, Pierre Darmon, Fayard, 2009 [voir]

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Faivre Maurice, galeriequelques ouvrages du général Maurice Faivre, vice-Président de la Commission française d'Histoire militaire
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Marc Michel, galeriequelques ouvrages du professeur Marc Michel (université de Provence), spécialiste de l'Afrique coloniale
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Nouschi et Fremigacci, couv
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blog Marie-Hélène Degroise
le blog de Marie-Hélène Degroise : http://photographesenoutremer.blogspot.fr/
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Histoire de la colonisation française, Fayard

 

 

Posté par michelrenard à 00:01 - Commentaires [74]
2 mars 2020

Les disparus de la guerre d'Algérie (1954-1962) : un guide de recherche

fiche disparu

 

Les disparus de la guerre d'Algérie

(1954-1962) : un guide de recherche

 

Plusieurs services d'archives viennent de publier un guide de recherche relatif à toutes les catégories de disparus durant la guerre d'Algérie  :

  • Algériens disparus en Algérie
  • Algériens disparus en France
  • Français civils disparus en Algérie
  • Français militaires disparus en Algérie
  • Harkis et autres membres des forces supplétives de l'armée française disparus en Algérie.

Attention, il s'agit bien d'un guide recherche et non d'une base de données numérisées comme celle qui recense les morts de la Première Guerre mondiale sur le site Mémoire des hommes.

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Voici le texte introductif

Le présent guide sur les disparus de la guerre d'Algérie (1954-1962) s'inscrit dans le contexte de la déclaration du Président de la République du 13 septembre 2018 sur la mort de Maurice Audin, qui «vise notamment à encourager le travail historique sur tous les disparus de la guerre d’Algérie, français et algériens, civils et militaires».

Le guide offre pour la première fois un panorama d’ensemble sur les archives relatives aux disparus de la guerre d’Algérie, quel que soit le lieu en France où elles sont conservées. Il vous dirige vers les principaux fonds susceptibles de répondre à une recherche. À l’archiviste revient de mettre les fonds à disposition du public (en expliquant ce qu’ils contiennent et le contexte de leur production) ; c’est l’objet de ce guide. Au public ensuite de s’en emparer et de les exploiter.

Ce guide a été conçu pour être accessible à tous, chercheur ou non. S’il a pour but de faciliter vos recherches, celles-ci n’en demeurent pas moins difficiles et seront peut-être même infructueuses, pour plusieurs raisons :

- Certains documents sont aujourd’hui perdus.

- Il n’existe pas de liste nominative complète des disparus de la guerre d’Algérie ; l’administration de l’époque n’en a jamais produite et les éléments qui permettraient de le faire sont potentiellement dispersés entre plusieurs fonds et répartis entre plusieurs institutions de conservation. L’établissement d’une telle liste relève de la recherche historique.

- La qualité des informations données par les documents impose la prudence : des renseignements concernant une même personne peuvent diverger, selon le document consulté.

- Les noms qui figurent dans les archives peuvent comporter des erreurs ou des variantes pour une même personne ; c’est cette orthographe que l’on retrouve aussi dans les inventaires qui décrivent les archives. Cette remarque concerne les noms des Algériens, pour lesquels il peut par ailleurs y avoir confusion entre nom et prénom, mais aussi les noms d’origine européenne.

Ce guide est le fruit d'une étroite collaboration interministérielle : piloté par le Service interministériel des Archives de France, il a été co-rédigé avec les Archives nationales, les Archives nationales d'outre-mer, les Archives de Paris et la Préfecture de Police de Paris ainsi qu'avec le ministère des Armées (Direction du patrimoine, de la mémoire et des archives, et Service historique de la Défense) et le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères (Archives diplomatiques).

 

Définition

Les "disparus" auxquels ce guide est consacré sont ceux qui ont été considérés comme tels au moment où les dossiers ont été constitués ; ils concernent donc ceux dont le corps n'a pas été retrouvé mais aussi des personnes qui ont pu réapparaître ensuite ou dont le corps a été retrouvé plus tard. Le guide n'aborde pas en revanche la notion de "victime" en général (blessés physiques, victimes économiques, psychologiques, etc.), qui est plus large.

 

lien : https://francearchives.fr/fr/article/166418920#/

 

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10 mars 2020

le livre numérique de Jean Monneret sur le massacre du 5 juillet 1962

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le livre numérique de Jean Monneret

sur le massacre du 5 juillet 1962

 

Le minutieux travail d'investigation effectué par Jean Monneret sur les massacres d'Oran le 5 juillet 1962 est disponible à cette adresse :

https://jean-monneret.com/2019/09/24/5-juillet-1962-documents-darchives/

 

Capture d’écran 2020-03-10 à 11

 

Capture d’écran 2020-03-10 à 18

 

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27 octobre 2018

Le Pr. Badr Maqri retrace l’histoire coloniale de la ville d’Oujda (Maroc)

Badr Maqri, couv 2018

 

 

le Pr. Badr Maqri retrace l’histoire coloniale

de la ville d’Oujda (Maroc)

 

L'auteur s’est basé sur le vecteur de l’organisation territoriale, en tant qu'organisation institutionnelle et administrative d'une zone géographique. Et pour que cette organisation soit pertinente et optimale, il a ciblé, deux mesures :

- la distribution  et la clarification des responsabilités entre les différents niveaux de structures territoriales.

- la rationalisation des collectivités territoriales.

Le livre de Badr Maqri, propose une brève présentation postcoloniale, de l'un des aspects de l'histoire du Maroc colonisé.

Il expose l'application de l'organisation territoriale et administrative de la zone française au Maroc, par arrêté résidentiel du 15 février 1949, modifiant l'arrêté résidentiel du 19 septembre 1940. C'est par cette modification; que la zone française, fut divisée à dater du 1er mars 1949 en sept régions : Rabat, Oujda, Meknès, Marrakech, Fès, Casablanca et Agadir.

L'organisation territoriale dans son contexte colonial (protectorat), n'est pas une simple création. Elle est en premier lieu une interprétation du temps et de l'espace, ce qui recouvre l’historique, le social, l’économique, le politique, et même l’ethnique.

La phase «indigène» de l'organisation territoriale, résume tout un ensemble d'assertions politiques, idéologiques et sociales sur la société autochtone.

Les organisations institutionnelle, administrative et professionnelle d'Oujda en 1952, scrutées dans ce livre, ne voilent pas l'existence d'un groupe colonisé et à la fois conquis et dominé.

L'organisation territoriale, selon Badr Maqri, fait partie de ce que Lyautey avait appelé, l'organisation en marche, c'est-à-dire que, les moyens militaires devaient être doublés d'une organisation politique et économique, que l'occupation de quelques points bien choisis, centres d'attraction naturels, était autrement efficace que tous les raids et toutes les colonnes du monde et que le développement des voies ferrées, des marchés, la reprise des transactions, l'appel aux intérêts matériels, la création de soins médicaux, constituaient les meilleurs modes d'action.

 

Oijda, place Clemenceau
Oujda, la place Clemenceau

 

Organiser le territoire d'Oujda en 1952 dans un cadre institutionnel et administratif précis, se réfère, d’après l’auteur, à toute une représentation que le protectorat se fait du Maroc colonisé. C'est une forme de perception de la «pacification» du Maréchal Lyautey.

Selon la déclaration de Lyautey, le 4 février 1897, il n'y aura pas de cliché d'organisation mais une méthode qui a nom souplesse, élasticité, conformité aux lieux, aux temps, et aux circonstances. (p. 8).

Il expliqua sa stratégie le 28 octobre 1903, en affirmant que «toutes les conséquences politiques et économiques de l'occupation d'un pays découlent, forcément, de la manière dont il est procédé à cette occupation, en unissant, dès le début, de la manière la plus étroite, la préparation et l'action politique à l'occupation militaire et en ne perdant jamais de vue le but politique et économique du lendemain. C'est la doctrine Gallieni».

Et parmi ses instructions adressées à Oujda en 1910, aux commandants de secteur des Béni-Snassen (nord d’Oujda) : «l'objectif est de réaliser la pacification matérielle et morale, en habituant les indigènes à notre contact, en leur en faisant apprécier le bénéfice (achat de denrées, protection, arbitrage, assistance médicale) aucune vexation, aucun abus d'autorité, aucune rapine, aucune violence » (p. 14).

Or, l'organisation territoriale d'Oujda en 1952, traduit axiomatiquement, selon Badr Maqri, la manière dont il est procédé à l'occupation de cette ville le vendredi 29 mars 1907.

Autrement dit, l'organisation territoriale du Maroc sous le protectorat français, qu'elle soit urbaine ou rurale, est l'expression sensible de la relation de l’action politique à l'action militaire de l'occupation entre 1912 et 1956.

Kamil Kadiri

 

  •  Bdr Maqri est professeur à l’université Mohammed Ier d’Oujda

 

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Oujda, nouveau quartier européen (1)
Oujda, le nouveau quartier européen, époque du Protectorat

 

Oujda, bazar Maroc France
Oujda, bazar Maroc France, époque du Protectorat

 

Oujda, le marché
Oujda, le marché, époque du Protectorat

 

Oijda, place
Oujda, place, époque du Protectorat

 

Oijda, Maroc hôtel restaurant
Oujda, Maroc-Hôtel-Restaurant, époque du Protectorat

 

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Oujda, le nouveau quartier européen, carte postale légendée, époque du Protectorat

 

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Oujda, le nouveau quartier européen, carte postale légendée, époque du Protectorat

 

 

 

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15 janvier 2019

Pour en finir avec la repentance coloniale : liste des articles (2006-2012)

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Pour en finir avec la repentance coloniale :

liste des articles (2006-2012)

 

  • Les immigrés n’ont pas «reconstruit» la France après 1945, Daniel Lefeuvre (2008) [lire]
  • La France n’a pas de dette  envers ses ex-colonies, mais une histoire commune, Daniel Lefeuvre (2008) [lire]
  • La réalité coloniale en question, à propos d’une pétition, général Maurice Faivre, Daniel Lefeuvre, Michel Renard [lire]
  • Oui, nous devons demander pardon… (tu l'as bien cherché, Gérard Longuet), Daniel Lefeuvre [lire]
  • Questions de Quentin Ariès (IEP Grenoble) à propos de Pour en finir avec la repentance coloniale, Daniel Lefeuvre, Michel Renard [lire]
  • Pour en finir avec la repentance coloniale, le livre de Daniel Lefeuvre au programme d’entrée à l’IEP de Grenoble, le dossier complet [lire]
  • Commémorations : pour en finir avec les lois mémorielles, Daniel Lefeuvre sur iTélé [lire]
  • Le PCF et les aspects positifs de la colonisation (à propos de l’Académie des sciences d’outre-mer), Michel Renard [lire]
  • Passé colonial français : rétablir les vérités historiques, interview, Daniel Lefeuvre [lire]
  • Pas question de «pensée philocoloniale», Daniel Lefeuvre [lire]
  • L’aphasie de Nicolas Bancel et Pascal Blanchard face aux critiques historiennes, Michel Renard [lire]

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  • Il est faux d'affirmer que la colonisation française a été un génocide ou une extermination, Claude Liauzu et Gilbert Meynier [lire]
  • Pourquoi les Vietnamiens n’ont-ils pas revendiqué des excuses, Pierre Brocheux [lire]
  • «Le système colonial a été profondément injuste», Nicolas Sarkozy à Alger – La perception politique n’épuise pas la réalité historique, Michel Renard [lire]
  • Les dérives de l’anticolonialisme, Yves Montenay [lire]
  • Allocution de Nicolas Sarkozy à Dakar (26 juillet 2007) – Critiques, par Achille Mbembé, par Thomas Heams, par Ibrahima Thioub [lire]

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  • Réponse à Catherine Coquery-Vidrovitch, Daniel Lefeuvre [lire]
  • En commémorant l’abolition de l’esclavage, Nicolas Sarkozy se dément, Claude Liauzu [lire]
  • Opposé à la repentance, M. Sarkozy participe à la commémoration de l’abolition de l’esclavage, Le Monde (9 mai 2007) [lire]
  • Je récuse absolument le terme de repentance, Catherine Coquery-Vidrovitch [lire]
  • Chez les décolonisés dont la situation de dégrade, il y a une tendance à dire que c’est la faute de l’ancienne puissance occupante, Éric Hobsbawm [lire]
  • Toute histoire coloniale peut être relue et commentée, Pierre Joxe [lire]

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  • Un historien peut-il faire dire tout ce qu’il veut aux statistiques ? Réplique à un argument de Catherine Coquery-Vidrovitch, Michel Renard [lire]
  • «Une histoire idyllique du colonialisme» ? réponse à Jack Lang [lire]
  • La controverse autour du «fait colonial», note sur un livre de romain Bertrand, Claude Liauzu [lire]
  • Commentaire sur la «repentance» et sur le discours de Pascal Blanchard [lire]
  • Réponse d’un «repentant» à un «non-repentant», interview de Pascal Blanchard par Olivier Menouna (Africa international) [lire]
  • Soldats indigènes : prenons garde à la mystification, Pierre Brocheux [lire]
  • Après la sortie du film Indigènes, la France face à ses ex-colonies, un forum avec Daniel Lefeuvre (NouvelObs.com) [lire]
  • Pascal Bruckner, Benjamin Stora : contre l’oubli, la mémoire ou l’histoire (Le Figaro) [lire]
  • Colonisation : Sarkozy rejette la faute (AP) [lire]

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  • Réponse à la lecture de Benjamin Stora, Daniel Lefeuvre [lire]
  • Colonies : ni tabou ni repentance, Georgette Elgey (Historia) [lire]
  • Se repentir de la repentance, Jean Dubois (Les Échos) [lire]
  • Colonialisme : haro sur la repentance, à propos du livre de Daniel Lefeuvre, Violaine de Montclos [lire]
  • De la repentance à l’Apartheid, Olivier Pétré-Grenouilleau [lire]
  • Pour un débat de fond sur le passé colonial, à propos du livre de Daniel Lefeuvre, Claude Liauzu [lire]
  • Colonisation : halte aux amalgames, Marc Riglet [lire]
  • Les marchands de repentance, Jacques de Saint Victor [lire]

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  • La France n’a pas de dette envers ses ex-colonies, mais une histoire commune, Daniel Lefeuvre [lire]
  • Colonisation : pour en finir avec les idées reçues, Daniel Lefeuvre [lire]
  • Ne cédons pas à l’intimidation (Emmanuel Hecht, Les Échos) [lire]
  • Les Nord-Africains n’étaient pas de la chair à canon (à propos du film Indigènes), Daniel Lefeuvre [lire]
  • Le débat sur la repentance coloniale est lancé [lire]
  • Le vrai visage des tirailleurs, Daniel Lefeuvre (interview, L’Express) [lire]
  • Pour en finir avec la repentance coloniale, bonnes pages du livre de Daniel Lefeuvre [lire]

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14 mai 2019

Louis Testard, héros de Sidi-Brahim et prisonnier d'Abd el-Kader

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Louis Testard, héros de Sidi-Brahim

et prisonnier d'Abd el-Kader

précisions biographiques

 

Louis Testard était cavalier au 2e régiment de hussards, en Algérie. Son unité, le 2e escadron, fit partie des éléments engagés dans la bataille de Sidi-Brahim (23-26 septembre 1845). Au cours du combat, Testard offrit son cheval au capitaine Courby de Cognord tombé à terre après que sa monture eût été blessée. Il est du nombre des onze prisonniers de guerre qui restèrent quatorze mois en captivité auprès des troupes d'Abd el-Kader. Ils sont libérés le 23 novembre 1846.

La personnalité de Louis Testard (1820-1871) est un peu éclipsée par le fait que ses souvenirs ont été racontés par Hippolyte Langlois (1819-1884) qui a fait figurer son seul nom sur la couverture du livre : Souvenirs d'un prisonnier d'Abd el-Kader (1859) [texte en ligne sur Gallica].

 

Souvenirs d'un prisonnier d'Abd el-Kader, couv

 

Son prénom même n'est jamais mentionné dans l'ouvrage. Je l'ai découvert dans un décret impérial du 30 mai 1868 qui accorde à 72 militaires des pensions de retraite à titre d'ancienneté de service.

 

décret impérial, 30 mai 1868
décret impérial, 30 mai 1868

 

Le livre, Souvenirs d'un prisonnier d'Abd el-Kader, évoque le village natal de Louis Testard : Chanéac, en Ardèche. Une recherche dans l'état civil de cette commune permet de retrouver son acte de naissance : le 20 janvier 1820.

 

Louis Testard, naissance, 20 janvier 1820
acte de naissance de Louis Testard, 20 janvier 1820

 

L'ouvrage contient également le récit du contrat de mariage, passé devant Me Planchard, notaire à Paris, à la mi-novembre 1849 (p. 346) ainsi que l'allusion aux fonctions occupées par Louis Testard en 1852 quand il entrevoit Abd el-Kader à Paris : il est planton aux Tuileries (p. 348).

Il était donc possible d'envisager qu'il résidait dans la capitale et qu'il y était également décédé ; une investigation dans l'état civil de Chanéac (Ardèche) ne permettait pas d'y repérer son nom. Après dépouillement des tables décennales de l'état civil parisien, je finissais par trouver la date de son décès : le 25 mai 1871, dans le 9e arrondissement. Il n'aura donc guère profité de sa retraite obtenue trois ans plus tôt...

 

Louis Testard, décès, 25 mai 1871
acte de décès de Louis Testard, 25 mai 1871

 

Il faut signaler que la captivité des prisonniers de Sidi-Brahim avait déjà été racontée par Ernest Alby (1809-1868) dans son livre Les vêpres marocaines, ou les derniers prisonniers d'Abd el-Kader écrit en 1851 et publié en 1853.

Michel Renard

 

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Souvenirs d'un prisonnier d'Abd el-Kader, table

 

Testard, libération prisonniers
la libération des prisonniers, novembre 1846

 

 

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30 mai 2018

Maroc 1908, photos et cartes postales écrites

marabout de Si Ali el-Moumen
marabout de Si Ali el-Moumen

 

 

Maroc 1908

photos et cartes postales écrites

par un médecin-major du camp de Ou-Berkan

 

Ces trente-et-une photos nous ont été confiées par Philippe Velin (Guainville, Eure-et-Loir). Nous les publions puis confions les originaux au Centre des Archives d'Outre-Mer à Aix-en-Provence. Elles font suite à quatre photos déjà publiées en juin 2017 ici-même.

Choisies parmi les cartes postales (18) à disposition des Européens ou réalisées par lui-même (13), elles sont l'œuvre d'un médecin-major de l'armée (au-dessus de lui se trouve un médecin-chef), du nom de Blanc et signées : Bey.

Elles couvrent une période qui va de début janvier à décembre 1908. Et offrent de nombreux renseignements sur les conditions de vie du corps d'opération français au Maroc.

Le médecin-major Blanc s'adresse à sa mère et à sa sœur domiciliées, comme lui, au n° 40 de la rue du Bac à Paris. Sa sœur, Marie-Antoinette Blanc, était la meilleure amie de la grande-mère de Philippe Velin à qui ont été légués tous ces documents.

Un nettoyage des photos a été effectué pour restaurer leur netteté, leur contraste et leur éclat.

Michel Renard

 

 

Bey, médecin-major, 1908
le médecin-major Blanc, au Maroc en 1908

 

 

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Maroc 29r
1er janvier 1908

 

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Maroc 27r
2 janvier 1908

 

Maroc 27v

 

 

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Maroc 26r
4 janvier 1908

 

Maroc 26v

 

 

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Maroc 31r
30 janvier 1908

 

Maroc 31v

 

 

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Maroc 23r
4 février 1908

 

Maroc 23v

 

Voilà, ma chère mimie, un spécimen des tentes sous lesquelles nous sommes logés ! Comme maintenant chaque officier en a une, tu vois que nous ne sommes guère à plaindre.

Peu de travail pour le moment : j'en profite pour battre une flemme consciencieuse car le beau temps est revenu

 

 

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Maroc 24r
23 février 1908

 

Maroc 24v

 

 

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Maroc 28r
27 février 1908

 

Maroc 28v

 

 

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Maroc 22r
19 mars 1908

 

Maroc 22v

 

 

 

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Maroc 1r
22 mars 1908

 

Maroc 1v

 

 

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Maroc 2r
26 mars 1908

 

Maroc 2v

 

 

 

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Maroc 3r
29 mars 1908

 

Maroc 3v

 

 

 

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Maroc 4r
2 avril 1908

 

Maroc 4v

 

 

 

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Maroc 5r
10 avril 1908

 

marabout de Si Ali el-Moumen
marabout de Si Ali el-Moumen

 

Maroc 5v

 

 

 

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Maroc 6r
12 avril 1908

 

Maroc 6v

 

 

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Maroc 21r
15 avril 1908 (cachet)

 

Maroc 21v

 

 

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Maroc 25r
25 avril 1908

 

Maroc 25v

 

 

 

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Maroc 7r
2 mai 1908

 

Maroc 6v

 

 

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Maroc 8r
5 mai 1908

 

Maroc 8v

 

 

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Maroc 9r
13 mai 1908

 

Maroc 9v

 

 

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Maroc 20r
30 mai 1908

 

Maroc 20v

 

 

 

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Maroc 10r
8 juin 1908

 

Maroc 10v

 

 

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Maroc 11r
12 juin 1908

 

Maroc 11v

 

 

 

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Maroc 19r
16 juin 1908

 

Maroc 19v

 

 

 

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Maroc 18r
29 juin 1908

 

Maroc 18v

 

 

 

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Maroc 12r
22 juillet 1908

 

Maroc 12v

 

 

 

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Maroc 17r
27 juillet 1908

 

Maroc 17v

 

 

 

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Maroc 13r
3 août 1908

 

Maroc 13v

 

 

 

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Maroc 16r
8 août 1908

 

Maroc 16v

 

 

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Maroc 15r
31 août 1908

 

Maroc 15v

 

 

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Maroc 14r
17 septembre 1908

 

Maroc 14v

 

 

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Maroc 30r
7 décembre 1908

 

Maroc 30v

 

 

* voir aussi : Maroc 1908, quatre photos légendées par un aide-major de Sidi-Mohammed-ou-Berkan

 

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7 octobre 2016

Qui a laissé massacrer les harkis ? (Michel Renard)

 Harkis Marianne 7 oct 2016 (1)

 

 

Qui a laissé massacrer les harkis ?

Michel RENARD

 

Harkis Marianne 7 oct 2016 (1)

Harkis Marianne 7 oct 2016 (2)

Harkis Marianne 7 oct 2016 (3)

Harkis Marianne 7 oct 2016 (4)

 

Paru dans l'hebdomadaire Marianne, le 7 octobre 2016.

 

 

qui a laissé massacrer les harkis ?

Michel RENARD

 

L’armée française aurait-elle pu sauver les harkis ? Il est vrai que les dernières forces françaises n’ont évacué l’Algérie qu’en juin 1964. Cependant après le référendum du 1er juillet 1962 et la proclamation de l’indépendance, l’armée française ne pouvait sortir de ses casernes sans la demande de l’Exécutif provisoire algérien puis du gouvernement de Ben Bella.

La responsabilité du pouvoir gaulliste ne peut donc être directement alléguée. Sauf à lui faire grief de n’avoir pas dénoncé la violation, par la partie algérienne, des Accords d’Évian. Ces derniers garantissaient la sûreté de la population européenne, des anciens supplétifs de l’armée française, des messalistes.

Le réquisitoire contre la jeune Ve République fut énoncé, le 23 septembre 2001, par le président Jacques Chirac alors en pré-campagne électorale : «la France n'a pas su sauver ses enfants de la barbarie».

À ce titre, des documents officiels sont terriblement accusateurs sur le refus de transferts de harkis en métropole, comme en témoigne le télégramme «très secret» de Louis Joxe, ministre des Affaires algériennes, le 12 mai 1962 : «les supplétifs débarqués en métropole en dehors du plan général de rapatriement seront en principe renvoyés en Algérie (…) Je n’ignore pas que ce renvoi peut être interprété par les propagandistes de la sédition comme un refus d’assurer l’avenir de ceux qui nous sont demeurés fidèles. Il conviendra donc d’éviter de donner la moindre publicité à cette mesure». Massacre algériens. Abandon français.

Par le geste de François Hollande, «nous trouvons la paix des mémoires», a déclaré Mohamed Otsmani, membre du Comité de liaison national des harkis. Rien n’est moins sûr.

L’hypermnésie repentante qui a marqué les présidences Chirac, la corde pénitentielle des post-colonial studies et le grand silence algérien sur l’histoire entravent la nécessaire mise en perspective des engagements d’Algériens musulmans aux côtés de l’administration ou de l’armée française. Ceux-ci ne datent pas de 1955, année de création des premières unités musulmanes : Groupes mobiles de protection rurale (GMPR) puis moghaznis pour les Sections administratives spécialisées (SAS) de Soustelle ; ni de 1956 avec les premières harkas impliquées dans les combats.

 

harki interprète
harki interprète

 

 

L’histoire longue du contact colonial

Les décennies de présence française en Algérie ne peuvent se réduire aux affrontements sanglants ni à l’imposition d’un ordre injuste brimant tous les éléments des populations autochtones.

Quelque critique qu’on lui adressait, la domination coloniale a fini par paraître légitime à travers sa pérennité et la succession des générations. Jamais une contre-autorité n’a pu emporter l’adhésion massive des «indigènes» avant le ralliement forcé au FLN en 1962.

Du capitaine Yusuf (1830) à l’adjudant Ben Bella (1944) en passant par les tirailleurs de la Grande Guerre, des centaines de milliers de combattants ont participé aux opérations de l’armée française, dans le «cadre français» comme dans le «cadre indigène». L’espace à contrôler, leur accoutumance au milieu et leur coût d’entretien des trois quarts inférieurs à celui d’un militaire européen, favorisent leur embauche pendant la conquête.

L’effectif des forces indigènes passe de 2 500 hommes en 1841 à 7 000 en 1847, lors de la fin de l’affrontement avec Abd el-Kader, et jusqu’à 12 000 pendant la campagne de Kabylie en 1871. Ajoutons-y les guerriers non inscrits dans des formations régulières.

À l’appoint matériel s’ajoute l’apport moral : «Il n’est pas de tribu qui ne compte quelques-uns de ses enfants sous notre drapeau» reconnaît un Tableau de la Situation de 1849, ce qui constitue «une puissance considérable au service des idées que nous voulons propager dans la population arabe» (cité par Jacques Frémeaux, La France et l’Algérie en guerre, 2002, p. 107). Devenus anciens soldats, ils fournissent l’administration coloniale en petits cadres des postes, des douanes… Au-dessus, les caïds, aghas et bachaghas formaient une espèce d’aristocratie de commandement au prestige de laquelle les masses rurales restèrent longtemps sensibles.

Ce continuum humain, dans les fonctions administrative ou de sécurité, interdit de penser la réalité coloniale algérienne comme un face-à-face exclusif opposant les «indigènes» aux dominants européens. Il faudrait s’en souvenir pour replacer l’épisode harki dans une séquence plus longue du contact colonial, de «la colonisation ambiguë» (Pierre Brocheux) ou de la «colonisation positive» (Marc Michel). Ce serait une étape vers l’apaisement des mémoires. Mais pas la seule.

 

tirailleur algérien, 1915
tirailleur algérien, 1915, photographie de presse (source)

 

 

L’impensé algérien

Le terme infamant de «collabos» utilisé par le président Bouteflika en juin 2000 à Paris pour désigner les harkis, voulait tracer une comparaison avec les agents français de l’occupation nazie entre 1940 et 1944. Ce parallèle ne tient pas. Pour deux raisons.

D’abord la trame historique n’est pas de même durée ; il n’y a pas d’Algérie Libre ni de De Gaulle algérien installé à Constantinople pour délégitimer l’autorité française présente depuis 1830. Ensuite, et surtout, les motivations des collabos et des harkis ne furent pas identiques. Les premiers étaient mus par l’adhésion idéologique. Les seconds par une diversité de facteurs : patriotique (pour une minorité), alimentaire, sécuritaire. L’option consistait, le plus souvent, à accepter des formes de ralliement et de coopération à l’échelon local et non à consentir au sauvetage d’une Algérie française qui aurait été négatrice de leurs intérêts.

Les harkis furent souvent coincés. Comme l’explique, résigné, le personnage du prisonnier FLN Idir, ancien tirailleur algérien en 1944, à Saïd, également ancien de Monte Cassino, dans le film L’ennemi intime de Florent Siri : «Regarde cette cigarette [il l’a allumée aux deux extrémités]. C’est toi. D’un côté, c’est l’armée française. De l’autre, c’est le FLN. Quoi que tu fasses, tu as perdu d’avance. Tu ne sais plus qui tu es. Tu n’es déjà plus un algérien. Tu ne seras jamais un français».

En 2006, l’historien Mohammed Harbi, ancien dirigeant du FLN emprisonné par Boumediène en 1965, réfutait la vision d’un élan homogène : «L’idée d’un choix opéré de la part des harkis de se battre aux côtés de la France durant la guerre d’Algérie est loin de s’appliquer à la plupart d’entre eux. Les harkis sont devenus une communauté en France et non pas pendant la guerre d’Algérie».

Autre rectification. Les «indigènes» musulmans soldats de l’armée française entre 1954 et 1962, ne sont pas tous harkis. Il faut compter avec les anciens de la 1ère Armée française du général de Lattre de Tassigny et surtout avec les engagés et les appelés. En janvier 1961, l’armée de Terre en dénombrait 65 000, dont 40 000 appelés du contingent. Les harkis se chiffraient à la même date à 90 000 personnes.

L’historien Jacques Frémeaux, professeur à la Sorbonne, estime que le total des musulmans combattant du côté français atteint 180 000 hommes armés. Soit 25% environ de l’effectif militaire français, «bien plus élevé que durant la conquête (à peu près 10%)». Sur la base de recherches dans les archives militaires, le général Faivre parvient à un total de 250 000 musulmans algériens employés dans l’armée française.

À comparer avec le nombre des combattants de l’ALN dans les maquis (hors l’armée des frontières) durant tout le conflit, qui serait de 132 000 hommes selon les recensements du ministère des anciens Moujahidines (La France et l’Algérie en guerre, p. 140 et p. 127). Le dogme de l’unicité du «peuple algérien» luttant pour l’indépendance à partir du 1er Novembre 1954 en prend un coup. Mais le pouvoir à Alger n’est pas prêt de l’admettre, le savoir historien semble incompatible avec sa «vérité» officielle. Et les mémoires continueront à s’affronter.

 

harkis en manœuvre
harkis en maœuvre

 

Les massacres

La stratégie de la terreur déployée par le FLN, depuis août 1955, a été pourvoyeuse de ralliement dans les forces supplétives. Ce qu’affirme Mohammed Harbi, cité par le général Faivre : «les méthodes répressives et les injustices du FLN apparaissent comme les motifs principaux de l'engagement massif des harkis».

Ont-ils commis des exactions eux-mêmes ? Oui, certains. Mais, dès mars 1962, ils furent considérés comme un bloc collectivement responsable. Le soir même du 19 mars, les moghaznis de Jean-Pierre Chevènement à Saint-Denis-du-Sig en Oranie, sont massacrés. La question du nombre de victimes n’est pas réglée. L’amplitude des estimations suggère un chiffre allant de 10 000 à 70 000, le total de 150 000 n’étant plus retenu. La carence d’informations et d’archives du côté algérien est la première responsable de cette incertitude.

La préméditation est clairement établie. Le général Faivre cite plusieurs directives de chefs des wilayas dès 1961. Dans l’Oranie (wilaya 5) : «Envers les harkis, que le Peuple frappe de son mépris... user de tact et de souplesse afin de les gagner provisoirement. Leur jugement final aura lieu dans l'Algérie indépendante, devant Dieu et devant le Peuple qui sera alors seul responsable de leur sort».

L’été et l’automne 1962 ont vu se multiplier les atrocités contre les harkis, parallèlement aux enlèvements et disparitions d’Européens. Ce dernier point est passé des témoignages douloureux de la mémoire des Pieds-Noirs à l’investigation historienne avec l’ouvrage de Jean-Jacques Jordi, Un silence d’État. Les disparus civils européens de la guerre d’Algérie (2011).

Un historien comme Abderahmen Moumen a établi une chronologie de la violence à l’égard des supplétifs, en quatre phases principales : «des Accords d’Évian le 18 mars 1962 au scrutin d’indépendance le 3 juillet 1962 ; de juillet à septembre 1962, durant la vacance du pouvoir et la guerre civile marquée par l’éclatement du FLN et de l’ALN en deux coalitions rivales ; du mois d’octobre 1962 où s’installe le premier gouvernement algérien jusqu’au premier trimestre 1963 (phase marquée par une violente reprise des massacres) ; et enfin, jusqu’en 1964, une quatrième phase marquée par des massacres sporadiques et circonscrits» («Violences de fin de guerre. Les massacres des harkis après l’indépendance algérienne (1962-1965)», in Marie-Claude Marandet, Violence(s) de la Préhistoire à nos jours. Les sources et leur interprétation, 2011).

En France, une tendance récente tend à désenfler l’importance des sévices contre les supplétifs algériens : l’historienne Sylvie Thénault pose la question «Massacre des harkis ou massacres de harkis ?» (2008) et le journaliste Pierre Daum insiste sur le nombre de harkis restés en Algérie après l’indépendance (Harkis, le dernier tabou, 2015). Guy Pervillé, professeur à l’université de Toulouse, note à propos de ce livre : «Le point qui risque de susciter le plus de réactions indignées est la conviction de l’auteur que la plupart des "harkis" sont restés en Algérie sans y être tués».

Faute de libre accès aux archives algériennes, dont Mohammed Harbi a dit, en 2011, qu’elles étaient «terribles et explosives», on pourra retenir cet aveu du président Bouteflika en octobre 1999 sur les ondes de Beur FM à propos de la répression contre le GIA : «Nous ne faisons pas les mêmes erreurs qu'en 1962 où, pour un harki, on a éliminé des familles et parfois des villages entiers» (cité dans La Croix, 14 juin 2000).

Si une historienne française a pu rédiger sa thèse et publier un livre sur La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie (2001), on attend toujours le pendant dans l’autre camp. Quand les autorités algériennes autoriseront la publication d’une thèse intitulée Le FLN, la torture et les massacres pendant la guerre d’Algérie, les esprits commenceront à se rasséréner. D’ici-là, les déclarations mémorielles ne feront pas histoire. Et les enfants issus de l’immigration maghrébine continueront de clamer dans les classes de collège et lycée que les harkis sont des «traîtres».

Michel Renard

 

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Nicolas Sarkozy, candidat à la présidentielle, avait déclaré à Nice le 30 mars 2007 : «Si je suis élu président de la République, je m’engage à reconnaître la responsabilité de la France dans l’abandon et le massacre des harkis en 1962, afin que l’oubli ne les assassine pas une deuxième fois ». Promesse non tenue.

Reprenant les mêmes termes le 25 septembre dernier [2016], François Hollande a officiellement engagé la France en reconnaissant la responsabilité de ses gouvernements dans «l’abandon des harkis», dans «les massacres de ceux restés en Algérie» et dans «les conditions d'accueil inhumaines de ceux transférés en France». Le demi-siècle qui sépare l’événement du tardif aveu de culpabilité aurait-il fait pencher la balance plus que de raison ?

On peut, en effet, s’étonner de l’égale portée de ces trois imputations. Si l’abandon et l’accueil inhumain des harkis en métropole relèvent sans conteste de la seule responsabilité française, les massacres n’ont pas été ordonnés par la France. Seules les autorités du FLN algérien ont pris cette décision, ou laissé faire les règlements de compte aux sombres motifs. Assumant ainsi devant l’histoire le reniement de la parole donnée lors des pourparlers secrets de Bâle (oct.-nov. 1961) au sujet du principe de «non représailles» à l’encontre des Algériens ayant «collaboré» avec la France.

M. R.

 

 

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26 mai 2017

Algérie, l'histoire à l'endroit, de Bernard Lugan (Roger Vétillard)

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une histoire de l'Algérie sans légendes

un livre de Bernard Lugan

 

L’africaniste Bernard Lugan s’intéresse ici à l’histoire officielle de l’Algérie. Il y décèle beaucoup de légendes et d’inexactitudes. Il en fait un inventaire très argumenté et précis. Tout au long des dix études qu’il mène en autant de chapitres, il explique clairement les raisons qui l’ont fait exposer ses analyses.

Au fil des pages, on se souvient que le peuple algérien, en dépit des affirmations de ses responsables, est avant tout berbère. Génétiquement, démographiquement l’imprégnation arabe est très marginale. Pourtant les revendications «berbérisques» furent toujours présentées en Algérie comme une conspiration séparatiste dirigée contre l’Islam et la langue arabe.

 

islamisation

En fait, à travers la religion musulmane, l’identification aux peuples issus de la péninsule moyen-orientale a été imposée et a finalement été plus ou moins acceptée. Et l’islamisation succéda à la christianisation qui était pourtant jusqu’au VIe siècle un fait important dans ces régions où il existait, dans l’actuel Maghreb, plus de 900 diocèses, dont près de la moitié avaient une référence donatiste.

Si l’islam a ainsi pu s’imposer en moins de deux siècles à la Chrétienté, c’est en partie à cause des querelles religieuses et sociales du monde berbéro-romano-chrétien et à la conversion imposée par les nouveaux colons arrivés du Moyen-Orient.

Et puis, l’Algérie n’a pas été créée avant que la France décide d’en faire un pays. Les «principautés» de Bougie et de Tlemcen n’eurent d’existences qu’éphémères, elles furent souvent plus ou moins soumises à l’influence du Maroc ou de Tunis, puis à l’administration ottomane. Les différentes révoltes au moment de la présence turque ne peuvent, pour Lugan, être considérées comme des mouvements pré-nationaux.

À aucun moment, elles ne menacèrent le pouvoir ottoman. En fait, les menaces européennes, voire marocaines et tunisiennes entrainèrent une mainmise ferme des Turcs sur la Régence d’Alger, notamment parce que cette dernière affirmait protéger le caractère musulman de ces contrées. La tempête qui décima en 1541 la flotte de Charles Quint en rade d’Alger fut considérée comme une intervention divine et conforta cette assertion.

 

la résistance d’Abd el-Kader

Ailleurs, l’auteur montre que la résistance d’Abd el-Kader n’a concerné qu’une partie de l’actuelle Algérie, tout comme celle de Mokrani en 1871 ne fut qu’un soulèvement des zones berbérophones. Il met à mal les légendes et contre-vérités qui s’attachent en Algérie, et même en France, au soulèvement de Mai 1945 dans l’Est algérien, à Guelma et Sétif. Il s’oppose à celles qui présentent le soulèvement de novembre 1954 comme celui de tout un peuple uni dans la lutte contre la puissance coloniale. Il confirme que l’armée française n’a pas été vaincue par le FLN, mais que c’est la volonté politique des gouvernants de la France qui a permis l’indépendance de l’Algérie.

Quant au 17 octobre 1961 à Paris, là où des gens comme Jean-Luc Einaudi et les auteurs britanniques Jim House et Neil Master évoquent plus de 100 morts parmi les manifestants sollicités par le FLN, il établit en s’appuyant sur les enquêtes rigoureuses d’historiens come Jean-Paul Brunet ou celles des rapports diligentés par le gouvernement de Lionel Jospin (Rapports Mandelkern et Géronimi) que le nombre de morts de cette journée est faible voire quasiment inexistant.

Et enfin, comme l’a démontré Daniel Lefeuvre, et confirmé Jacques Marseille, «la France a plutôt secouru l’Algérie qu’elle ne l’a exploitée».

En 132 années de présence, elle a créé ce pays, l’a unifié, lui a offert un Sahara qu’elle n’avait jamais possédé, a drainé ses marécages, bonifié ses terres, soigné sa population qui a ainsi pu se multiplier.

C’est un travail de synthèse remarquable, auquel on peut reprocher certains manques concernant par exemple le poids des préceptes musulmans dans la guerre d’Algérie et dans la société d’aujourd’hui, mais qui permet à chaque lecteur intéressé par l’histoire de ce pays, de trouver des arguments pas souvent convoqués pour éclairer ou contredire certains moments et certaines affirmations présentées comme des consensus qui ne concernent pas les historiens rigoureux. Ce livre devrait permettre de revenir aux débats, mais beaucoup ne le souhaiteront peut-être pas.

Roger Vétillard

 

Bernard Lugan, Algérie, l’histoire à l’endroit, éd., Panissières, 243p, 2017, 25 €.
ISBN 2-916393-83-8

 

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Présentation par l'éditeur

Depuis 1962, l’écriture officielle de l’histoire algérienne s’est appuyée sur un triple postulat :

- celui de l’arabité du pays nie sa composante berbère ou la relègue à un rang subalterne, coupant de ce fait, l’arbre algérien de ses racines. 

- celui d’une Algérie préexistant à sa création par la France à travers les royaumes de Tlemcen et de Bougie présentés comme des noyaux pré-nationaux.

- celui de l’unité d’un peuple prétendument levé en bloc contre le colonisateur alors qu’entre 1954 et 1962, les Algériens qui combattirent dans les rangs de l’armée française avaient été plus nombreux que les indépendantistes.

En Algérie, ces postulats biaisés constituent le fonds de commerce des rentiers de l’indépendance. En France, ils sont entretenus par une université morte du refus de la disputatio et accommodante envers les falsifications, pourvu qu’elles servent ses intérêts idéologiques. Dans les deux pays, ces postulats ont fini par rendre le récit historique officiel algérien aussi faux qu’incompréhensible.

Cinquante ans après l’indépendance, l’heure est donc venue de mettre à jour une histoire qui doit, comme l’écrit l’historien Mohamed Harbi, cesser d’être tout à la fois «l’enfer et le paradis des Algériens».

Ce livre répond donc aux interrogations fondamentales suivantes : l’essence de l’Algérie est-elle Berbère ou Arabe ? Avant la conquête française, ce pays fut-il autre chose qu’une province de l’Empire ottoman ? Les résistances d’Abd el-Kader et de Mokrani furent-elles des mouvements pré-nationaux ?

Que s’est-il véritablement passé à Sétif et à Guelma en mai 1945 ? La France a-t-elle militairement perdu la guerre d’Algérie ? Quelle est la vérité sur le «massacre» du 17 octobre 1961 à Paris ? Enfin, peut-on raisonnablement affirmer que la France ait «pillé» l’Algérie comme le prétendent certains ?

 

 

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25 février 2017

Un regard sur la guerre d'Algérie, un livre de Roger Vétillard

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Un regard sur la guerre d'Algérie,

un livre de  Roger Vétillard

 

Un livre qui a certains égards pourra paraître polémique, mais qui offre l'inestimable avantage d'aller au-delà des idées reçues et des dogmes établis.

Partant du double constat exprimé par Kader Benamara dans sa préface ("Les deux communautés qui vivaient en Algérie aimaient passionnément cette terre", mais aussi que "la cohabitation n'a jamais été chose aidée en Algérie"), Roger Vétillard ne nous propose pas un simple récit chronologique de la guerre dans son ensemble, mais un certain nombre de coups de projecteur sur des événements particuliers replacés dans leur contexte (avec de nombreuses références à des témoignages des acteurs), mais aussi avec un regard personnel qu'il reconnaît et revendique.

Des événements de mai 1945 à Sétif et Guelma aux derniers "incidents" en 1962, l'auteur aborde les questions de la "Toussaint rouge", des embuscades (celle de Palestro mais aussi bien d'autres, avec la question de la mutilation des corps au sujet de laquelle il remet en cause les analyses de Raphaëlle Branche), la bataille d'Alger avec la torture ("Elle a été autorisée et employée. Mais beaucoup de renseignements importants sont obtenus sans aucune violence. Lancer une campagne contre les tortures, c'est de bonne guerre de la part des amis du FLN, mais ces derniers ne se sont jamais émus du sort réservé par le FLN aux Français d'Algérie et aux Algériens eux-mêmes qui ne suivaient pas ses consignes"), etc.

 

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Au fil des chapitres, nous retrouvons ainsi la bataille des frontières, le coup du 13 mai 1958 (avec cette question a priori étonnante - et peu convaincante - sur un éventuel "complot gaulliste" et surtout la position de Debré qui écrit alors : "Le combat pour l'Algérie française est le combat légal, l'insurrection pour l'Algérie française est l'insurrection légitime"...), les opérations et l'efficacité du plan Challe dans ses différentes facettes ("Il faut convenir que cette stratégie est essentiellement militaire et ne tient pas assez compte du côté humain en déracinant des populations entières"), la longue et lancinante question de l'OAS, aussi bien sur le territoire qu'en métropole, dans le domaine de l'action violente comme dans les efforts (finalement infructueux) en matière de communication et de propagande.

Les événements souvent dramatiques qui précèdent, accompagnent et suivent les Accords d'Évian (non respectés on le sait), sont au coeur des derniers chapitres, jusqu'à la "Naissance difficile du nouvel État" marqué par le drame du 5 juillet 1962 à Oran.

 

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On apprécie la chronologie assez complète qui ouvre le volume et on en vient à espérer qu'effectivement il est désormais possible de travailler sur la guerre d'Algérie sans oeillères ni a priori idéologiques. Un volume très intéressant, par les précisions qu'il apporte et l'effort de prise en compte de tous les paramètres (même si cela reste difficile) dont il témoigne. Une publication qui fera indiscutablement date pour l'histoire de la guerre d'Algérie.

Rémy Porte
source : mensuel Guerres et conflits
12 novembre 2016

 

Riveneuve éditions, Paris, 2016, 324 pages, 22 euros

 

 

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5 décembre 2016

Guerre d'Algérie : les oublis de l'Histoire, 5 décembre 2016

émission 5 déc 2016 (1) - 1

 

 

Guerre d'Algérie : les oublis de l'Histoire

émission de TVL du 5 décembre 2016

 

 

 

 

Roger Saboureau 5 déc 2016
Roger Saboureau, "Secours de France", 5 décembre 2016

 

Jean-Marie Schmitz 5 déc 2016
Jean-Marie Schmitz, président de "Secours de France", 5 décembre 2016

 

général Fournier 5 déc 2016
général Henri-Jean Fournier, association "Soldis", 5 décembre 2016

 

Michel Deyglun 5 déc 2016
Michel Deyglun, ancien officier S.A.S. en Algérie, 5 décembre 2016

 

Olivier Dard 5 déc 2016
Olivier Dard, professeur à l'université Patis IV-Sorbonne

 

Hugues Kéraly 5 déc 2016
Hugues Kéraly, 5 décembre 2016

 

Messaoud Kerfi 5 déc 2016
témoignage de Messaoud Kerfi sur les harkis, 5 décembre 2016

 

émission 5 déc 2016 (2)

 

association "Secours de France"

 

émission 5 déc 2016 (3)

 

émission 5 déc 2016 (4)

 

 

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18 juillet 2014

le livre de Guy Pervillé sur le 5 juillet 1962 à Oran

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le massacre des Européens à Oran,

le 5 juillet 1962 :

"l'événement le plus sanglant de

toute la guerre d'Algérie"


Roger VÉTILLARD, compte rendu

 

Guy Pervillé, Oran, 5 juillet 1962. Leçon d’histoire sur un massacre, éditions Vendémiaire, Paris 2014, 317 p, 20 €. ISBN 978-2-36358-131-0.

 

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Européens d'Oran arrêtés le 5 juillet 1962

 

Guy Pervillé est prolifique : ses publications toujours très documentées se succèdent. Et quand l’Historien rejoint l’Enseignant, il nous propose une leçon d’histoire sur la première journée de l’Algérie indépendante.

 

au moins 679 personnes mortes ou disparues

Le 5 juillet 1962 à Oran la population européenne a été pourchassée, massacrée le jour où l’Algérie fêtait son indépendance. Ce drame a longtemps été occulté par la presse et même par les historiens. Ce sont en effet au moins 679 personnes qui sont mortes ou sont disparues ce jour-là. Quand on constate que la journée du 17 octobre 1961 à Paris qui a fait 32 morts ou celle du 8 février 1962 avec les 9 morts du métro Charonne ont eu et conservent un retentissement médiatique important, on mesure combien le silence sur cette tragédie est scandaleux.

Les écrits sur cette journée ne sont pas rares même s’il a fallu attendre de nombreuses années pour qu’ils soient l’objet d’une certaine attention et qu’ils finissent par ne plus être contestés.

Pourtant dès 1964, le père Michel de Laparre qui a publié le Journal d’un prêtre en Algérie a raconté en détails la vie à Oran en 1962 et notamment pendant les événements du 5 juillet. Dans ses propos, il convenait que les Français de métropole auraient du mal à croire ce qu’il relatait.

Journal d'un prêtre en Algérie couv

Il y avait bien d’autres témoins, mais personne ne les écoutait. C’étaient des civils, des militaires, tel Jean-Pierre Chevènement qui le premier a parlé de 800 disparus. Puis il y eut les publications de Bruno Étienne, de Fehrat Abbas, Claude Paillat, Gérard Israël, et bien d’autres jusqu’aux derniers ouvrages de Geneviève de Ternant, Jean-François Paya, Jean-Jacques Jordi, Jean Monneret, Guillaume Zeller.

Geneviève de Ternan couv

Guy Pervillé fait une analyse exhaustive et critique de tout ce qui est paru sur le sujet. En enseignant soucieux d’examiner tous les détails, il étudie, confronte les versions, et tente de faire une synthèse aussi objective que possible.

Pourquoi donc le silence s’est-il abattu sur cet épisode ? Parce qu’il est survenu à un moment où la guerre d’Algérie était censée être terminée et la paix être revenue sur un pays que 8 ans de guerre avait meurtri ? Parce que pour certains les pieds-noirs n’avaient que ce qu’ils avaient cherché ? Parce que l’OAS était responsable de tout cela ?

 

pourquoi le général Katz s’est-il tenu à distance des massacres ?

Pourquoi donc l’armée française qui était présente avec 18000 hommes a-t-elle attendu 5 heures avant d’intervenir ? Pourquoi le général Katz s’est-il tenu à distance de ces massacres ? Et quand il dira des décennies plus tard qu’il a suivi les ordres du général de Gaulle, nous avons du mal à le croire car, comme le montre Guy Pervillé, son témoignage n’est pas exempt d’erreurs, d’omissions, et même de contre-vérités.

Comment rendre compte de cette journée en gardant le recul nécessaire à l’historien ? L’auteur, qui connaît mieux que beaucoup de ses confrères cette période de l’histoire de l’Algérie, nous offre avec cette étude historiographique une leçon d’histoire qui ne peut qu’interpeller le lecteur.

Il reste toutefois une question importance sans réponse : quelles sont les raisons de ce massacre ?

Une analyse simpliste a pu désigner l’OAS – les derniers commandos de cette organisation, véritables despérados, pour reprendre le mot du général Katz - comme la responsable unique des débordements que tout le monde reconnaît désormais. Mais il est établi que tous les commandos ont quitté Oran le 28 juin 1962, que les Européens n’avaient plus d’armes, que tous ceux qui avaient quelque chose à se reprocher étaient partis.

Oran 5 juillet Européens arrêtés
Européens d'Oran arrêtés le 5 juillet 1962

Bien sûr, la stratégie d’affrontement qu’elle avait mise en œuvre à partir du mois de février 1962 pour tenter de provoquer une réaction violente du FLN afin d’amener l’armée française à intervenir, a instauré un climat qui aurait pu favoriser les représailles au moment de l’indépendance. Mais cette présentation n’est guère convaincante. Les Algériens eux-mêmes ne l’authentifient pas.

 

complot lié à la prise du pouvoir par l’État-Major Général de l’ALN ?

S’agit-il comme l’évoque Gilbert Meynier et le soutient Jean-François Paya du résultat d’un complot lié à la prise du pouvoir par l’État-Major Général de l’ALN qui œuvrait pour Ben Bella et Boumediene ? Les archives sont muettes sur cette question. Cette hypothèse est séduisante et aucun élément ne permet de l’éliminer, mais elle se doit d’être étayée par des documents irréfutables pour pouvoir être entérinée. C’est l’avis de l’auteur.

D’autres questions moins essentielles nous interrogent - l’attitude du gouvernement français pendant et après ce drame, le nombre exact de victimes, la passivité de l’armée française - sont posées, les commentaires de l’auteur à leur propos méritent d’être analysés.

Voici donc un ouvrage qui est à ce jour le plus complet sur un sujet qui a enfin franchi le mur du mutisme. Il mérite de la part des historiens et de tous ceux que l’histoire de la guerre d’Algérie interpelle une attention toute particulière.

Roger VÉTILLARD

 

 

Oran, le 5 juillet 1962 - Guy Pervillé - Ed. Vendémiaire

 

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2 septembre 2016

La conquête de l'Algérie - la dernière campagne d'Abd el-Kader, Jacques Frémeaux

 Frémeaux couv

 

La conquête de l'Algérie

la dernière campagne d'Abd el-Kader

Jacques Frémeaux

 

 

Septembre 1845. La conquête de l’Algérie paraît terminée après les cinq ans de guerre contre l’émir Abd el-Kader. L’armée française contrôle tout le pays, à l’exception du Sahara. Les immigrants européens n’ont jamais été si nombreux. À Paris, on songe à se débarrasser de l’encombrant maréchal Bugeaud, pour le remplacer par un gouverneur moins belliqueux et plus discipliné. Bugeaud lui-même annonce sa démission.

C’est alors qu’Abd el-Kader, réfugié au Maroc, reprend la lutte. Il anéantit une colonne française à Sidi-Brahim, prélude à une brillante campagne, dans laquelle il démontre ses qualités de stratège. Les plateaux d’Oranie, le massif du Dahra, la plaine du Chélif s’embrasent à l’appel des confréries. La France des notables, représentée par le Premier ministre François Guizot, s’obstine et envoie des renforts. Les généraux de l’armée d’Afrique recourent à des méthodes tristement éprouvées. L’insurrection est écrasée. L’armée triomphe, mais l’avenir de la colonisation demeure encore bien incertain.

Jacques Frémeaux signe le premier ouvrage de fond sur un épisode méconnu et pourtant essentiel de la «pacification» française en Algérie. Une page d’histoire passionnante qui éclaire sous un jour neuf les relations tumultueuses entre la métropole et sa colonie.

 

Frémeaux couv

 

 

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24 juin 2017

Maroc 1908, quatre photos légendées par un aide-major de Sidi-Mohammed-ou-Berkan

l'aide-major
l'aide-major

 

 

Maroc 1908, quatre photos

légendées par un aide-major de

l'infirmerie-ambulance de Sidi-Mohammed-ou-Berkan

 

Ces quatre photos nous ont été confiées par Philippe Velin (Guainville, Eure-et-Loir). Nous les publions puis confions les originaux au Centre des Archives d'Outre-Mer à Aix-en-Provence.

Elles présentent l'intérêt d'être légendées au verso par un médecin aide-major, présent sur trois photos mais dont nous ignorons le nom.

Les lieux représentés sont situés à la frontière algéro-marocaine, dans la région de Berkane et de Tafoughalt (orthographié Tafouralt à l'époque). Le poste militaire portait le nom de Sidi-Mohammed-ou-Berkane.

Les dates mentionnées (janvier et février 1908) s'inscrivent dans la période des "événements de la frontière algéro-marocaine" qui ont débuté à l'automne 1907.

 

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Maroc 1908 (1)
entre Aïn Taforalt (Tafoughalt) et la zaouïa d'Aounout, janvier 1908

 

Maroc 1908 (5)
verso de la photo ci-dessus


Un coin du chemin qui conduit d'Aïn-Taforalt à la zouïa d'Aounout. Est-ce vert et frais ?

Dans le creux du chemin, un sous-lieutenant du Tirailleurs indigènes et un Tirailleur infirmier.

La photo a été prise vers le 20 janvier 1908.

 

commentaire : la légende inscrite au verso identifie les deux personnages au premier plan ; elle ne dit rien du militaire au-dessus.

 

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Maroc 1908 (2)
oued Berkou, 10 février 1908

 

Maroc 1908 (6)
verso de la photo ci-dessus

 

Au bain dans l'oued ou Berkan le 10 février 1908.

Monestier, l'officier d'administration gestionnaire de l'ambulance de la colonne Branlière (rentré à Marnia depuis).

Duval, aide-major de 1ère classe à la Légion, et votre serviteur.

N'avons-nous pas l'air de gras et bons bourgeois ?

 

 

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Maroc 1908 (3)
personnel de l'infirmerie-ambulance de Sidi-Mohammed-ou-Berkan, février 1908

 

Maroc 1908 (7)
verso de la photo ci-dessus

 

Le personnel de l'infirmerie-ambulance de Sidi-Mohammed-ou-Berkan (Maroc).

Au milieu, décoré, M. Villary, médecin-major de 1ère classe, ancien médecin-chef de l'ambulance de campagne de la colonne Branlière.

Puis M. Mellot, médecin-major de 2e classe, mon médecin-chef actuel (infirmerie, ambulance du camp).

Puis le sergent Asseu.

Puis l'aide-major Duval de la Légion.

Assis, un aide-major barbu que vous connaissez. [c'est-à-dire l'auteur de ces lignes]

Sur la gauche, debout le caporal Rüdiger qui vient d'être nommé sergent et, à côté de lui, raide comme un piquet, le fidèle El Houaed, mon ordonnance, "soldat de première classe au premier régiment de Tirailleurs".

Février 1908.

 

 

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Maroc 1908 (4)
la source Aïn Aoulout, à quatre kilomètres du camp de Sidi-Mohammed-ou-Berkan

 

Maroc 1908 (8)
verso de la photo ci-dessus

 

La source S. Aoulout. Ce qui manque, c'est la couleur. Une eau profonde, limpide et bleue, la terre rouge et la verdure ! Puis le reflet d'un gros barbeau "marabout" (les poissons de cette source sont sucrés).

Au premier plan, le cheval de l'opérateur, mon médecin-chef.

Plus loin le mien, celui que je liquide [?] en ce moment. Je cause avec un sergent de Tirailleurs.

Cette source est à 4 kilomètres de Sidi-Mohammed-ou-Berkan.

 

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images complémentaires

 

zaouïa Aounond
zaouïa d'Aounoud (ou Aounout)

 

zaouïa Aounout
zaouïa d'Aounoud (ou Aounout)

 

cpa Taforalt (2)
carte postale du camp d'Aïn-Taforalt, envoyée par un militaire
du camp de Sidi-Mohammed-ou-Berkan en juin 1908


cpa Taforalt (1)
carte postale du camp d'Aïn-Taforalt, envoyée par un militaire
du camp de Sidi-Mohammed-ou-Berkan en juillet 1908

 

SI-Mohamed-ou-Berkane
Sidi-Mohamed-ou-Berkane

 

source Aïn-Aoulout
la source d'Aïn-Aoulout

 

frontière algéro-marocaine maps
frontière algéro-marocaine nord-est

 

Aounout et Tafoughalt carte
Aounout et Tafoughalt

 

transcription, enquête,
recherche iconographique
Michel Renard

 

* voir aussi : Maroc 1908, photos et cartes postales écrites par le médecin-major Blanc

 

 

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13 juillet 2015

manuels scolaires et histoire guerre d'Algérie (Jean Monneret)

Term Hatier Histoire 2014

 

 les incroyables silences

des manuels d'histoire de lycée

Jean MONNERET

 

Pris par des travaux intenses, j'ai tardé à me pencher sur le traitement du terrorisme dans les manuels scolaires, comme souhaité par quelques-uns de vous. Le choc n'en a été que plus rude :

J'ai sous les yeux le manuel Hatier destiné aux Terminales L/ES/S, je suis abasourdi.

Torture : Il n'est question que de cela sur 2 pages entières, 1944 et 1945. Bien entendu, il n'est question que de la torture pratiquée par des militaires français. Alors que tous les protagonistes de cette guerre l'ont mise en oeuvre (FLN , Barbouzes, MNA, etc...). On peut dénoncer la torture, mais, le faire sans rappeler le contexte terroriste est intellectuellement malhonnête. Le problème de la torture touche aux fondements mêmes de la civilisation occidentale et je ne peux l'évoquer pleinement ici.

Je renvoie donc à mon article sur l'Affaire Audin disponible sur mon site. Pour faire simple, disons qu'il est légitime de s'interroger sur la torture. Si le terrorisme ne justifie pas la torture, celle ci ne saurait davantage justifier, à postériori, les méthodes du FLN. Camus, pour sa part, préférait parler des noces sanglantes du terrorisme et de la répression.

 

Pas un mot sur Camus, sur l'Église de France, sur les officiers qui se sont opposés à la torture

Au sujet de la torture, nous avons droit à Alleg, Ighilariz, Servan-Schreiber, de Bollardière, Raphaëlle Branche et naturellement Sartre. Je ne dirais pas qu'il n'y a qu'un son de cloche puisque précisément il y en a un autre : Paul Aussaresses, personnage trés controversé et dont le témoignage discuté tend à confirmer ceux qui précèdent. Pas un mot sur les débats passionnés de l'époque concernant l'emploi de cette torture. Pas un mot sur Camus, sur l'Église de France, sur les officiers qui se sont opposés à la torture, etc.....

Terrorisme : Le mot n'est pas employé une seule fois. Le FLN est complétement exonéré de ses exactions. Si c'est ainsi que l'on prépare les générations futures à lutter contre ce fléau, la France est mal partie.

Les historiens de la Guerre d'Algérie sont : Vidal-Naquet, Raphaëlle Branche déjà citée, Mohammed Harbi et naturellement Benjamin Stora. Pas la moindre allusion à la diversité des opinions sur ce point : Pervillé, Frémeaux, Lefeuvre, Jauffret, Vétillard, Jordi, Faivre, inconnus au bataillon.

Les malheurs des Pieds Noirs sont exposés par J. Roy, M.Cardinal et L'Association des PN Progressistes, un groupuscule sans représentativité mais chéri des media.

Je reviendrai sur tous ces points dans une étude plus détaillée. Ceci est ma réaction à chaud.

Jean Monneret

 

Histoire Lycée
Guillaume Bourel, Marielle Chevallier, Pascal Buresi, Anne Descamps, Ivan Dufresnoy, Axelle Guillausseau, Jean Hubac, François-Xavier Nérard, Xavier Paulès, Tramor Quemeneur, Sandrine Saule, Marie-Bénédicte Vincent
Tle L, Tle S, Tle ES, Terminale
Histoire
Manuel
7 mai 2014

 

 

 

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12 février 2015

Mémoires, histoire des déplacements forcés (Mélica Ouennoughi, dir.)

Melica couv

 

 

déplacements forcés dans l'histoire coloniale

Mélica OUENNOUGHI

 

Cet article intègre des contributions de chercheurs sur leurs travaux respectifs portant sur les héritages des composantes en migration.

Ces textes réunis ont été dirigés sous la forme d'un fil conducteur que j'ai pu conduire depuis ma thèse autour des marqueurs, legs et résistances politico-culturelles des déplacés depuis la fin du XIXe siècle (époque coloniale) jusqu'à nos jours. Il s'agit dans ce travail collectif de rapporter l'existence de biens immatériels préservés par des populations déplacés en dépit du dénigrement de leur oasis ou leur lieu d'origine.

Ce travail intègre un article inédit que m'a transmis le fils de Pierre Bourdieu, connaissant mes travaux sur les migrations forcés suite aux déportations d'Algériens et Maghrébins en Nouvelle-Calédonie poursuivant le déracinement d'un système paysan qui venait en amont des migrants des années 1945-50.

L'article de Pierre Bourdieu et Loïc Wacquant s'intitule "l'ethnologue organique" en mémoire au sociologue Abdelmalek Sayad. Il ouvre en quelque sorte le lien permettant de réunir les contributions dans une même dynamique scientifique interdisciplinaire dont la base est l'anthropologie qui fournit un canevas de recherche thématique.

L'un des auteurs Michel Renard apporte sa contribution sur le politique et le religieux des années 1910-1940. Comment sont les Algéro-berbères sont-ils parvenus en France à organiser entre autres, une structure politique visant la séparation d'avec la puissance coloniale...

Les lecteurs pourront également découvrir une contribution d'un chercheur kanak en sciences de l'éducation, en effet Eddy Wadrawane, apporte une contribution scientifique sur "Emplacement et déplacement des écoles en milieu kanak... Les lecteurs pourront découvrir ainsi que le déplacement d'un objet « L’école » a tout son sens dans l'exemple kanak.

Ils pourront enfin poursuivre sur le déplacement des arts de la littérature véhiculés par des artistes primo-arrivants depuis les années 1990 à aujourd’hui, et cet ouvrage marqueur des anciennes migrations souligne comment la vision négativiste de l'ancienne migration avait pourtant permis de faire naître une dynamique culturelle et scientifique qui, bien que non visible dans  la société, se perpétue par la voie de legs immatériels et sans signe apparent.

Son seul fondement repose sur les vieux dictons en rappel à Bourdieu, une dynamique séculaire qui prend tout son sens aujourd'hui puisqu'elle s'est véhiculée autour de vieux cimetières. Depuis mes anciens travaux et mon retour de Nouvelle-Calédonie, je pose la question des vieilles assemblées d'une vieille coutume léguée dans des affinités provoquées dans des alliances mixtes.

Un des exemples les plus marquants de la fin du  XIXe siècle, est le lien fraternel entre les Algériens et Communards durant leur exil dans les territoires politiques des iles Loyauté, la Presqu’île Ducos et l’île de Maré de Nouvelle-Calédonie ; lien entretenu par des alliances dont le vieux cimetière de l’île des Pins entre 1873 et 1885 en porte la mémoire, puis lors de leur libération ou leur évasion pour certains vers Bourail. Ce fut le cimetière de Bourail qui prit le relais dans l’instauration d’une vieille assemblée de type djemâa, tajmâat  (autour du saint patron soufi sidi Moulay).

Les lecteurs pourront découvrir également deux contributions sur le formidable lien d'une ancienne résistance issue d'une mixité des années 1950 en Argentine mais également au Canada, grâce à la transmission de vieux dictons.

J'ai intégré les suites d'un de mes travaux sur l'implication des arabo-berbères dans la gestion des conflits kanaks. En effet la vieille coutume des anciens se rapproche pour régler des litiges dans la mixité. Ainsi par ces formes de réunions informelles, les anciens indigènes, qu'ils aient été kanaks ou d'Afrique du Nord, participent au destin commun dans les questions du "Vivre ensemble" du Préambule de Nouméa de 1998.

Par ces chemins coutumiers informels des anciens, les nouvelles générations mixtes sont devenues des Calédoniens à part entière. C'est près des legs culturels qu'ils vivent naturellement dans l'espace républicain français. Une attention particulière sur les conditions du "vivre ensemble" a été porté sur un autre article rédigé avec Alain Montlouis sur l'échec scolaire avec, comme alternative, l'anthropologie...

Enfin les lecteurs pourront lire des contributions de chercheurs agronomes algériens sur les espaces oasiens depuis la colonisation et les réformes agraires aux complexités des espaces oasiens au niveau habitat, aménagement des oasis, maintien des typologies et d'une tradition séculaire en dépit des dénigrements de la mondialisation...  En rappel aux travaux scientifiques sur le colloque Histagro (2005) sur la thématique «Histoire et Agronomie. Entre Rupture et Durée» et aux travaux des journées d’étude du CRSTRA Biskra (2005) sur les oasis et steppes sahariennes.

Un article de Ahmed Rouadjia porte sur la question de la «mémoire» comme enjeu plus symbolique et politique en Algérie, que scientifique, en apportant un esprit critique sur l’obsession de la mémoire révolutionnaire algérienne et les questions d’appropriation scientifique.

Et puis en annexe de l'ouvrage, les lecteurs découvriront un écrit inédit de Louise Michel qui a fait l'objet d'une conférence sur Paris que Alex Laupeze, Anthropologie, avait dirigé, autour de  deux conférenciers dont Nicolas Rey sur l'histoire des esclaves en Amérique Latine et moi-même sur Algériens et Communards en 1871.

En dernier lieu, 12 fiches matricules inédites en annexe tirées des 2000 fiches de mes rushs et qui feront  l'objet d'un répertoire généalogique entre les Nords-africains de la Nouvelle-Calédonie et ceux de Guyane, À paraître en complément du premier fourni sur la Nouvelle-Calédonie, entre les Nords-africains de la Nouvelle-Calédonie et ceux de Guyane.

Mélica Ouennoughi

6988999

 

les auteurs de cet ouvrage et leurs contributions

Mélica OUENNOUGHI - Cultures et traditions arabo-berbères en Océanie. Implication dans la gestion coutumière kanak des conflits interethniques.

Pierre BOURDIEU et Loïc WACQUANT - L'ethnologue organique de la mogration algérienne.

Ahmed ROUADJIA - Souvenirs de la Révolution et mémoire de la migration algérienne.

Mohamed CHABANE - Fellahs algériens face à la dépossession coloniale des terres agricoles.

Salah CHAOUCHE - L'oeuvre coloniale en Algérie : quel impact sur la fabrique de la ville.

Michel RENARD - Migrations algéro-berbères en France : le politique et le religieux, années 1910-1940.

Alain MONLOUIS et Mélica OUENNOUGHI - Une vision de l'échec scolaire en France.
Une alternative : l'anthropologie.

Eddy WADRAWANE - Emplacement et déplacement des écoles en milieu kanak. Un analyseur anthropologique de la place faite aux institutions de savoir occidental dans une situation coloniale.

Abdelhakim SENOUSSI, Bachir KHENE, Slimane HANNACHI - Lecture de l'espace oasien en Algérie :
décadence ou renouveau ? Cas du pays de Ouargla et de la vallée du M'Zab.

Souad BABAHANI et A. H. SENOUSSI - Coutumes oasiennes : un aliment et un "médicament".

Marie VIROLLE - Création littéraire de la migration algérienne (1996-2013) dans la revue Algérie/Littérature/Action.

Lynda CHOUITEN - Algerian songs of exile. From manicheism to hybridy.

Marion CAMARASA - L'immigration algérienne au Canada : 50 ans d'une histoire atypique.

Paula SOMBRA - Influence et legs de l'expérience algérienne dans l'Argentine des années 1960-70.

Annexe I - Louise MICHEL, sur l'insurrection kanak (1878).

Annexe II - Extrait du Répertoire généalogique des déplacés algériens et maghrébins condamnés au bagne de Guyane.

 

compte rendu de cet ouvrage

- compte rendu de cet ouvrage par Ahmed Rouadjia sur Le Matin.dz (15 novembre 2014).

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* sur ce site

- Les oubliés de l’Histoire coloniale du Pacifique : Mélica Ouennoughi

- Les déportés Maghrébins en Nouvelle-Calédonie : Mélica Ouennoughi

- Algériens et Maghrébins en Nouvelle-Calédonie, de 1864 à nos jours : Mélica Ouennoughi

 

* sur le site setif.info

- Dr Mélica Ouennoughi, anthropologue et historienne spécialisée sur les migrations maghrébines et sahariennes en Océanie

 

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Marion Camarasa

 

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Loïc Wacquant

 

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Eddy Wadrawane

 

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Marie Virolle

 

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Lynda Chouiten

 

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images de l'espace oasien à l'époque de l'Algérie coloniale

 

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oasis, 1901-1903 (source)

 

FRANOM16_8FI_088_V039N057-1
oasis, 1901-1903 (source)

 

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palmiers, oasis de Biskra, Sahara, 1856 (source)

 

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palmiers et tentes, oasis de Biskra, Sahara, 1856 (source)

 

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déportés arabes en Nouvelle-Calédonie

 

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camp des déportés arabes à la presqu'île Ducos, 1887-1895 (source)

 

 

 

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3 janvier 2015

le sacrifice monumentalisé, autour de la Première Guerre mondiale : mosquées et kouba

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Mosquée, 1916 ; kouba, 1918 ; Mosquée, 1920 :

le sacrifice monumentalisé

Michel RENARD

 

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* Cette communication en colloque s'accompagnait d'une présentation Powerpoint, dont chaque image a été insérée dans le texte qui suit lui conférant une dimension d'investigation et de restitution iconographique.

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La Première Guerre mondiale a fait passer le nombre de musulmans présents en métropole de quelques milliers à 500 000 environ, soit 320 000 indigènes mobilisés venus en Europe et 184 000 travailleurs (1). Cent fois plus !

 

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Jacques Frémeaux, Les colonies dans la Grande Guerre, 2006

 

Le chiffre de travailleurs est, cependant, sujet à caution. L’historien Charles-Robert Ageron parle de surévaluation de l’administration. Et ramène ce total à une fourchette de 10 à 15 000 ! Un dixième de l’évaluation officielle, qui comptabiliserait fautivement tous les embarquements, compte non tenu des voyages successifs (2).

 

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un Kabyle, éboueur à Paris, en 1917

 

Si Charles-Robert Ageron a raison, cela expliquerait que nous disposions de beaucoup moins d’informations sur ces travailleurs que sur les soldats.

Ainsi, cette communication portera uniquement sur les combattants de confession musulmane et le traitement qui fut réservé aux conditions d’exercice de leurs sentiments religieux.

Plus précisément à trois édifices emblématiques : la mosquée du Jardin Colonial, la kouba du cimetière de Nogent-sur-Marne et la Mosquée de Paris.

 

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Qui en furent les concepteurs et dans quel contexte ? qui en furent les réalisateurs ? quelle analyse peut-on en effectuer ?

***

 

En résumé, les quatre facteurs provoquant une prise en compte de la composante religieuse des troupes provenant de l’empire colonial africain, furent :

- le nombre – même si la proportion n’est que de 4% de la totalité des effectifs combattants ;

- les blessés et morts au front ;

- l’effet de retour sur les populations de l’empire ;

- et la concurrence avec l’adversaire germano-turc.

 

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I – Soldats des colonies : le non-Jihad

 

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Ce dernier facteur apparaît très vite avec l’entrée en guerre de l’empire Ottoman le 1er novembre 1914, puis la proclamation du jihad le 14 novembre par le cheikh al-islam Mustapha Hayri Effendi à Constantinople (3).

 

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déclaration du jihad, le 14 novembre 1914 à Constantinople

 

On sait la faiblesse intrinsèque de cet appel qui subordonnait le combat des musulmans à une alliance avec des puissances chrétiennes, l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie.

Il n’empêche que les autorités françaises s’employèrent à en parer les effets potentiels auprès de ses soldats, combattants ou déjà prisonniers, en sollicitant des attestations de fidélité des multiples figures musulmanes de son empire colonial.

La Revue du Monde Musulman créée en 1907 par Alfred Le Châtelier (1855-1929) a publié ainsi, la proclamation de Moulay Youssef, sultan du Maroc, à ses troupes, en date du 15 novembre 1914 (26 hijja 1332) :

 

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Revue du Monde Musulman, vol. XXVIII, 1914

 

- «À nos fidèles sujets qui combattent en soldats valeureux sur le sol de la France, à vous le salut accompagné de souhaits pour que Dieu vous aide et vous protège. (…)

Soyez assurés du triomphe final, et comptez que les ailes de la victoire se déploieront sur vos rangs, car c’est avec des soldats venus de la majeure partie des pays d’Islam, vos propres coreligionnaires, que vous combattez (…) un ennemi imbu de préjugés illusoires, qui s’est laissé égarer par un orgueil tyrannique, entraînant avec lui d’autres peuples ignorants et irréfléchis, incapables de prévoir les conséquences et les dangers des œuvres entreprises sans discernement».

Dernier passage faisant directement allusion à la Turquie qui vient de proclamer le jihad (4).

 

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Revue du Monde Musulman, vol. XXIX, 1914

 

Le numéro XXIX de la Revue du Monde Musulman, paru fin 1914 ou début 1915, est tout entier consacré à la publication de messages religieux refusant le soutien à la Turquie et lui opposant à la fois des répliques politiques (l’attachement à la Patrie française et à ses «bienfaits»…) et des arguments religieux, citations coraniques à l’appui.

En Algérie, la coopération du «clergé» musulman officiel s’affiche dès avant la proclamation turque et plus encore après.

Dans sa thèse, Gilbert Meynier, relève que : «du 6 au 28 novembre 1914, L’Écho d’Alger publie une centaine d’adresses "loyalistes", La Dépêche de Constantine une quinzaine en deux jours (6 et 7 novembre 1914)» (5). Elles proviennent de notables, élus, caïds de communes mixtes, mais aussi de muftis, de cadis, d’imams, de chefs de confréries.

 

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L'Écho d'Alger, 20 novembre 1914

 

Les muftis des deux rites, malékite et hanéfite, à Alger, déclarent :

- «Les Turcs ont enfreint le commandement de Dieu : "ne vous précipitez pas de vos propres mains dans la perdition" [sourate II, verset 195]. Ce verset comprend, suivant l’avis des exégètes, l’interdiction de toute entreprise guerrière illicite, c’est-à-dire qui ne tend pas à faire triompher la justice ou à porter assistance à ceux dont la cause est juste et qui n’aurait d’autre raison que l’intérêt personnel ou la passion de répandre du sang» (6).

 

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Revue du Monde Musulman, vol. XXIX, 1914

 

L’interprétation de ces prises de positions est controversée. Gilbert Meynier insiste sur les sollicitations de l’administration et la nature assimilationniste des réactions religieuses.

Il évoque, par contre, la nouveauté des manifestations provenant des confréries tout en les marquant du sceau de la collusion avec l’autorité coloniale : «leurs déclarations fracassantes, parfois dithyrambiques en faveur des armes et du nom français, donnent l’estampille de l’islam algérien à la collaboration» (7).

Pour sa part, Charles-Robert Ageron souligne l’étonnement réconfortant que provoquèrent le rejet des démarches turques et germaniques :

- «le loyalisme des Musulmans algériens en 1914 fut une surprise pour tous les gens informés. L’Allemagne escomptait un concours efficace du monde islamique et espérait provoquer des troubles en Afrique du Nord. La France, qui ne l’ignorait pas, redoutait les effets d’une guerre sainte proclamée par le Sultan de Constantinople et ceux de la propagande allemande» (8).

La lecture de plusieurs harangues algériennes montre, au-delà de l’assentiment politique, une physionomie de différend intra-islamique, de controverse théologique.

Certes, les textes ne prétendent pas au statut de fatwa, mais le Coran est cité, le hadith est cité, y compris celui qui affirme «Détournez-vous des Turcs tant qu’ils vous laisseront tranquilles».

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hadith utilisé en Algérie coloniale contre le jihad proclamé par les Turcs en 1914

 

Ce hadith est utilisé, entre autres, par le seyyid tijania Mohammed el-Kebir sidi-Mohammed el-Bechir qui en précise le sens grâce au Djami Saghir de Soyouti : «Laissez les Turcs de côté tant qu’ils se tiendront chez eux et ne vous attaqueront pas» (9).

D’autres messages, marocains par exemple, parlent «d’usurpation du titre khalifal» par les Turcs.

Ainsi, on voit le vieux contentieux arabo-turc sur la suprématie du monde musulman, ressurgir pour étayer un refus des premiers de s’aligner sur les seconds.

Cet aspect est lié à la question du califat, thème d’une diplomatie française ayant à définir une politique à l’égard de l’empire ottoman et à prendre en compte sa dimension de «première puissance arabe musulmane», selon la formule de Paul Bourdarie, fondateur de la Revue Indigène (10).

 

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le Bey de Tunis, Sidi En Nacer

 

En Tunisie, le Bey adresse une proclamation à l’ensemble de ses sujets. Il précise que la France «ne nourrit aucune haine contre le peuple turc (…) sa colère ne vise que quelques Jeunes-Tucs que les intrigues allemandes à Constantinople ont asservis aux ambitions germaniques».

Il rappelle ses sujets «aux devoirs qui leur incombent» en citant le «bel exemple (de) leurs coreligionnaires des Indes anglaises» (11).

De leur côté, les lettres de dignitaires musulmans tunisiens ont, à l’évidence, été rédigées juste après la déclaration de guerre de la Turquie et avant les avis religieux provenant de Constantinople.

Ils évoquent tous l’intervention de la Turquie dans le conflit. Mais ne font pas mention du jihad.

 

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Revue du Monde Musulman, tome XXXIII, 1917

 

Après le Maghreb, l’Afrique Noire.

La Revue du Monde Musulman a relayé dans son tome XXXIII (1917) les témoignages de loyalisme de différents dignitaires religieux en Afrique Occidentale française recueillis en 1915 et 1916.

Cadis, imams de grande mosquée, mokaddems de tariqa, marabouts, émirs locaux, cheikhs de nombreux cercles, almanys, prédicateurs… livrèrent leurs missives d’allégeance et de confiance, leurs vœux de triomphe prodigués aux troupes françaises contre l’oppresseur.

 

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proclamations du cadi Alioun Diagne de Dakar et de  Diagne Samba, chef de Rufisque

 

La Revue du Monde musulman publie 33 messages provenant du Sénégal (Falémé et Djoloff compris), 30 de Mauritanie, 19 du bassin du Niger, 14 du Fouta-Djallon et de Guinée, 3 de Côté d’Ivoire, 5 du Dahomey, soit 104 au total, à ajouter aux 24 déjà publiés dans le n° XXIX de la revue (mais certains sont les mêmes).

Il est difficile d’apprécier les effets de ces exhortations religieuses mais les conséquences démobilisatrices escomptées par l’appel au jihad n’eurent pas lieu (12). Charles-Robert Ageron évoque même «l’échec de la guerre sainte» (13).

En conclusion, on peut mesurer, par ces déclarations, le barrage politico-religieux édifié pour désamorcer le panislamisme généré par le corpus de déclarations et fatwas émis par Constantinople dès novembre 1914.

***

 

Examinons maintenant, les manifestations de gratitude renvoyées par la puissance coloniale à l’endroit des combattants qui ont assumé leur loyauté jusqu’au sacrifice.

 

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II – La mosquée du Jardin Colonial

 

J’ai tenté ailleurs une évaluation de la politique militaire à l’égard de la religion de ses combattants musulmans pendant la Guerre (14).

Mais l’armée ne fut pas seule dans la prise de conscience qu’il fallait aller au-devant des pratiques musulmanes des soldats de l’Empire.

 

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le journal Le Temps, 26 décembre 1914

 

À la «une» du Temps, le 26 décembre 1914, le pasteur protestant Frank Puaux (1844-1922), professeur à la Faculté de théologie protestante de Paris, attire l’attention sur le traitement des blessés indigènes :

 - «il faudrait faciliter à nos indigènes les moyens de retrouver en France leurs coutumes africaines… (il faudrait) attacher aux formations sanitaires des imams qui veilleraient aux rites religieux, objets du grand respect des musulmans et, en cas de mort, présideraient aux funérailles suivant les prescriptions coraniques» (15).

L’institution militaire avait réagi dès le début de l’automne 1914, à propos des sépultures. Elle le fit quelques semaines plus tard en décidant d’accueillir des blessés musulmans dans les locaux du Jardin colonial. Un hôpital de convalescence y fut aménagé.

L’idée d’y adjoindre une mosquée germa au cours de l’année 1915 comme instrument réactif aux initiatives allemandes qui avaient fait édifier une mosquée dans le camp de prisonniers de Zossen, près de Berlin, en 1915.

 

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camp du Croissant (Halbmond-Lager) à Wündsdorf-Zossen, à côté de Berlin ;
entrée de la mosquée avec le minaret durant la Première Guerre mondiale

 

Que se passait-il à Zossen, qui puisse inquiéter la France en guerre ? Ce camp enfermait environ 8000 prisonniers nord-africains et hindous. On y distribuait, dans toutes les langues, un journal intitulé Jihad, et les détenus pouvaient pratiquer leur religion librement (16).

 

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El Jihad, journal distribué aux prisonniers musulmans du camp de Zossen, 15 juillet 1917

 

Les archives allemandes détiennent un film de 6 minutes sur la célébration de l’aïd el-kebir à Zossen en 1916. Cette fête fut célébrée le 9 octobre dans le monde musulman (peut-être le 8 à Zossen ?). Il doit donc s’agir du même jour.

http://www.filmothek.bundesarchiv.de/video/2535

 

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On voit le cortège se rendre sur l’esplanade où fut organisée la cérémonie rituelle.

 

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aïd el-kebir, octobre 1916, au camp de Zossen

 

Des hommes sont en uniforme, d’autres en tenue traditionnelle… peut-être des goumiers 

 

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Les sacrificateurs tournent la tête vers la tribune, attendant le «bismillah allâhu akbâr» collectif. Puis les bêtes sont apprêtées.

 

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les sacrificateurs attendent le bismillah... pour sacrifier les moutons

 

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préparation du mouton, aïd el-kebir à Zossen en octobre 1916

 

Un personnage harangue la foule assise devant lui.

 

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Ce moment a-t-il été précédé d’une prière ? Si tel fut le cas, le film ne contient pas cette scène.

Mais le dispositif, les tapis au sol et sur l’estrade, le passage, visible au premier rang, des hommes passant de la génuflexion à la position assis en tailleur permettent de le supposer fortement, ainsi qu'une autre image de prière à côté de la mosquée.

 

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khûtba (prône) de l'aïd el-kebir à Zossen en octobre 1916

 

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prière collective au camp de prisonniers musulmans de Zossen

 

L’orateur (khatib) était le cheikh égyptien, pro-turc et pro-allemand, Abd el-Aziz Sawis qui prononça la khûtba (prône), traduite par Idris pour les prisonniers Tatars. Il expliqua aux prisonniers qu’ils avaient été trompés par les ennemis de l’Islam mais qu’ils pouvaient désormais se racheter en s’engageant dans le chemin du Jihad (17).

Ce qui pouvait préoccuper au plus haut point les Français était que l’un des propagandistes les plus actifs à Zossen fût le cheikh Sâlih ash-Sharîf at-Tûnisî (1869-1920) (18).

 

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le cheikh Sâlih ash-Sharîf at-Tûnisî (1869-1920)

 

Né à Tunis, d’une famille algérienne émigrée dans les années 1830, son grand-père et son père avaient étudié à l’université de la Zeituna.

Il devint lui-même professeur dans cette institution renommée. En 1900, il émigra à son tour, vers Istanbul puis Damas.

Sans que l’on sache trop comment, il entra dans le cercle des principaux dirigeants turcs.

En 1911, il accompagna Enver Pacha en Cyrénaïque pour organiser la résistance à l’invasion italienne. On dit que c’est Sâlih Sharîf qui déclara le jihad.

Par des contacts d’amitié avec la famille de l’émir Abd el-Kader et ses accointances avec les Jeunes-Turcs, il arriva à Berlin à la fin 1914 et se mit en rapport avec l’Office de Renseignement sur l’Orient (Nachrichtenstelle für den Orient - NfO) animé par Max von Oppenheim et placé sous la direction de l’État-major et du ministère des Affaires étrangères.

 

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Sâlih ash-Sharîf at-Tûnisî, collaborateur de l'Office de Renseignement sur l'Orient, à Berlin

 

Parmi les axes de travail de la NfO, se trouvaient la propagande auprès des prisonniers musulmans et la propagande dans les colonies des puissances de l’Entente.

Sâlih ash-Sharîf étonna les témoins de ses discours aux soldats prisonniers à Lille (occupée depuis le 13 octobre), en ce même mois de décembre 1914.

 

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Die Wahreit über den Glaubenskrieg (La vérité sur le jihad) de Sâlih ash-Sharîf at-Tûnisî, 1915

 

En 1915, il publia son opuscule La vérité sur le Jihad (die Wahrheit über den Glaubenskrieg, Haqîqat al-jihad), écrit en novembre 1914.

Il y exposait une doctrine classique du jihad, agrémentée d’un tableau apocalyptique de la situation coloniale, et obviait à la critique adressée à la proclamation turque :

- «Mon intention est de réfuter tout ce qui pourrait inquiéter les âmes de ceux qui n’arrivent pas à discerner la vraie nature de cette guerre des mises en suspicion par les ennemis fourvoyants».

Le jihad, disait-il, «n’est pas identique à l’homicide de tous ceux qui ont une autre confession», ou encore «ce n’est pas une lutte contre tous ceux qui ne correspondent pas à notre religion», donc il n’est pas dirigé contre les chrétiens en général, mais contre «l’ennemi barbare tel que les Anglais, les Russes et les Français».

Sâlih ash-Sharîf concluait : «C’est un devoir du monde entier islamique de se lever sans exception et de suivre le drapeau du calife de la famille sublime d’Osman et de s’assembler avec ses alliés fidèles, les Allemands et tous ceux qui les suivent» (19).

 

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Jihad et colonialisme, de Mahmoud Abdelmoula (1987) contient le texte de Sâlih ash-Sharîf

 

Cet ensemble de données avait de quoi inquiéter la France en guerre.

Il fallait parer à ce prosélytisme politico-religieux – parce que les prisonniers reviendraient un jour dans leurs foyers - et à ses effets éventuels immédiats dans les colonies.

 

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image de propagande allemande pro-islamique, en cinq langues

 

L’idée première de la mosquée du Jardin Colonial est donc à inscrire dans une contre-propagande.

Ce qui marquait un degré supplémentaire dans la politique d’égards. Jusqu’ici, l’aménagement de sépultures musulmanes relevait plutôt d’un acquiescement à des demandes, plus ou moins explicites, d’ordre métaphysique. Même si le souci de ne pas commettre d’impairs à l’égard de l’opinion d’un «arrière» colonial existait aussi, évidemment.

 

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le diplomate français Pierre de Margerie (ici, à Berlin, en 1928)

 

L’objectif de cette entreprise est exposé, le 16 janvier 1916, par Pierre de Margerie (1861-1942), directeur des Affaires politiques au ministère des Affaires étrangères :

- «Les autorités militaires allemandes ayant fait ériger à Zossen, près de Berlin, où se trouvent détenus trois mille de nos prisonniers musulmans, une mosquée que sont conviés à visiter périodiquement, dans un but de réclame, des publicistes turcs, persans et égyptiens, le gouvernement de la République a cru devoir, comme vous le savez, répondre à cette manœuvre de nos ennemis en faisant ériger un oratoire musulman au centre du Jardin colonial à Nogent-sur-Marne où il a installé un hôpital spécialement destiné aux blessés mahométans.
J'ai l'honneur de vous adresser, ci-joint, un dessin de cette mosquée que j'ai fait parvenir également à nos agents en pays musulmans en les invitant à y donner le plus de publicité possible» (20).

 

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dessin du projet de mosquée dans le Jardin Colonial, 1916

 

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dessin du projet de mosquée dans le Jardin Colonial, 1916

 

L’édifice est bâti en 1916, à partir du dessin préparatoire, et inauguré le 14 avril de la même année. Deux imams y sont affectés en permanence.

La mosquée est utilisée par les convalescents de l’hôpital du Jardin Colonial, ce qui fait moins de monde qu’à Zossen.

Mais la France peut dire et faire dire, désormais, qu’elle considère ses soldats musulmans avec respect pour leur religion et qu’elle n’est pas à la traîne de l’Allemagne.

 

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mosquée dans le Jardin Colonial à Nogent-sur-Marne, 1918

 

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mosquée dans le Jardin Colonial à Nogent-sur-Marne, 1918 (détail),
à gauche l'imam Katranji est le premier des dignitaires religieux (barbe blanche),
l'imam Mokrani est le deuxième (au centre), tous deux de rite malékite, à droite, probablement l'imam hanéfite

 

Le lieu servit également de célébrations, mises en scène, des fêtes religieuses et notamment de l’aïd el-kebir, comme à Zossen.

La monumentalisation permettait la mise en image et la diffusion d’une contre-propagande parmi les populations de l’empire colonial.

 

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René Besnard, ministre des Colonies, sept.-nov. 1917, en visite à la mosquée du Jardin Colonial ;
le personnage central est très probablement Émile Piat

 

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mosquée du Jardin Colonial, aïd el-kebir, 1918

 

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mosquée du Jardin Colonial, aïd el-kebir, 1918

 

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mosquée du Jardin Colonial, photographies, 1918 (source : ANOM)

 

La correspondance de Pierre de Margerie en témoigne. Le 13 décembre 1916, il s’adresse au président du Conseil, Aristide Briand :

- «J'ai l'honneur de vous faire savoir que j'avais adressé, le 19 septembre dernier, à notre Agent et Consul général en Égypte, deux albums de vues photographiques représentant les différents services de l'hôpital du Jardin Colonial à Nogent-sur-Marne où sont groupés un assez grand nombre de blessés musulmans, en le priant de donner à ces documents une certaine publicité.
M. Defrance m'a écrit, à la date du 11 du mois dernier, qu'il lui a paru que la publication de ces photographies, qui témoignent du soin apporté par le gouvernement de la République à faire bénéficier nos soldats mahométans blessés de tout le confort désirable et des progrès de la science, était de nature à produire dans les milieux musulmans d'Égypte non sympathiques à la cause des Alliés, un effet salutaire, et qu'il a obtenu de la direction du journal Al-Ahram de faire reproduire celles d'entre elles paraissant les plus propres à frapper l'imagination et à réaliser le but poursuivi» (21).

L’historien Peter Heine, professeur d’études islamiques à Berlin, confirmait ce point dès 1982, à partir des archives allemandes :

- «Par la suite, le nombre de déserteurs musulmans diminua progressivement. Sans, l’une des raisons fut l’amélioration de la contre-propagande française qui était en mesure de mobiliser les muftis d’Afrique du Nord prêts à relativiser la proclamation du jihad par la Sublime Porte.
En outre, la France se tourna vers une politique plus amicale (friendlier) envers l’Islam, étape qui apaisa les troupes tunisiennes et algériennes» (22).

De toute façon, les déserteurs ne furent qu’un «petit nombre» selon Jacques Frémeaux ; quelques centaines, engagés dans l’armée ottomane, dit Gilbert Meynier.

 

 

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III – La kouba de Nogent-sur-Marne

 

Réalisée dans la période finale de la guerre, la kouba de Nogent revêt une également une dimension de politique musulmane à l’égard des colonies. Mais l’initiative est débarrassée de tout souci de concurrence avec l’Allemagne.

Là encore, l’édifice apparaît comme le vecteur privilégié de la politique d’égards. C’est à un fonctionnaire du Quai d’Orsay, le consul Émile Piat (né le 29 mai 1858), que l’on doit l’idée première de construire une kouba dans le cimetière de Nogent.

Après avoir été, commis de chancellerie à Smyrne en 1879, à Tunis en 1881, puis en poste à Tripoli en 1883, à Zanzibar en 1884-1886 (où il fut gérant du consulat), et durant plusieurs années drogman à Tanger (1888-1893), il était devenu consul chargé de différentes missions.

 

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Émile Piat fut commis de chancellerie à Smyrne (aujourd'hui, Izmir) en Turquie

 

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Émile Piat fut en poste à Tripoli, en Cyrénaïque (aujourd'hui Libye)

 

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Émile Piat fut gérant du consulat à Zanzibar  (avant la période du protectorat britannique)

 

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Émile Piat fut gérant du consulat à Zanzibar  (avant la période du protectorat britannique)

 

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Émile Piat fut , plusieurs années, drogman à la Légation de France à Tanger

 

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Émile Piat fut , plusieurs années, drogman à la Légation de France à Tanger

 

À l’âge de 60 ans, pourvu d’une solide expérience du monde de l’Islam, il était donc chargé de la surveillance des militaires musulmans dans les formations sanitaires de la région parisienne (en fait, depuis au moins l’année 1915).

Son projet de kouba ne résulte d’aucune consigne militaire, supérieure, d’aucune directive du Quai d’Orsay.

Si il n’est pas dépourvu – nous l’avons dit – d’un calcul politique, Émile Piat a conçu son dessein à titre personnel. Et, ce qui est symptomatique, c’est qu’il suscita d’autres contributions personnelles, d’autres engagements individuels.

Émile Piat écrit, le 14 juin 1918, à son ami, le capitaine Jean Mirante, officier traducteur au Gouvernement général à Alger :

- «Ayant eu l’impression que l’érection d’un monument à la mémoire des tirailleurs morts des suites de leurs blessures aurait une répercussion heureuse parmi les populations indigènes de notre Afrique, j’ai trouvé à Nogent-sur-Marne, grâce à l’assistance de M. Brisson, maire de cette ville, un donateur généreux, M. Héricourt, entrepreneur de monuments funéraires qui veut bien faire construire un édifice à ses frais dans le cimetière de Nogent-sur-Marne» (23).

Grâce à Mirante – qui fit ensuite une carrière aux Affaires indigènes en Algérie – Émile Piat obtient le soutien financier du Souvenir Français d’Alger pour la décoration de l’édifice. Le coût principal est supporté par le marbrier funéraire, Héricourt, à Nogent.

 

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la kouba de Nogent-sur-Marne fut inaugurée le 16 juillet 1919

 

La kouba est finalement inaugurée le 16 juillet 1919. Émile Piat écrit au capitaine Mirante, deux jours plus tard :

- «Ce monument qui est fort simple produit néanmoins un bel effet au cimetière de Nogent-sur-Marne. Les délégués de l’Algérie, de la Tunisie et du Maroc qui assistaient à la cérémonie présidée par M. Fabre, sous-secrétaire d’État au ministère de l’Intérieur, ont été favorablement impressionnés. Ils remporteront dans leur pays la certitude que rien n’a été négligé en France pendant la guerre pour soigner nos musulmans avec une sollicitude et un dévouement au-dessus de tout éloge».

La kouba resta une quarantaine d’années en place avant d’être victime de la négligence des différentes autorités susceptibles de la sauvegarder.

Toutes les démarches entreprises pour l’entretien et la restauration de la kouba butèrent sur l’impossibilité de dégager une autorité habilitée à financer les travaux.

En mars 1982, les édiles locaux durent constater «l’effondrement naturel» du monument.

 

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l'emplacement de la kouba, en 2004 (photo Michel Renard)

 

Notons, pour terminer l’histoire – puisque le nom de Daniel Lefeuvre, premier président du conseil scientifique de notre Fondation y est attaché – que la kouba a été reconstruite à la suite de plusieurs années de requêtes menées par l’association Études Coloniales dont les historiens Daniel Lefeuvre, Marc Michel et moi-même furent les fondateurs.

L’édifice reconstruit, par l’héritier familial du premier marbrier, a été inauguré le 28 avril 2011. Daniel Lefeuvre a été emporté par la maladie le 4 novembre 2013.

 

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la première kouba (1919) et la seconde (2010), dans le cimetière de Nogent-sur-Marne

 

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Daniel Lefeuvre lors de l'inauguration de la kouba reconstruite, 28 avril 2011

 

Pour en revenir à Émile Piat, il n’était pas un néophyte en matière de propagande.

En 1915, déjà en fonction, il avait envoyé des photographies de tombes musulmanes, aménagées dans plusieurs cimetières de la région parisienne, à son ami le capitaine Mirante.

Il lui disait : «Pensez-vous qu’il y ait lieu d’en faire expédier dans les milieux arabes pour prouver que nous respectons toutes leurs croyances ?» (2 septembre 1915).

Trois semaines plus tard, autre envoi. Photographie d’un groupe de tirailleurs en traitement à l’hôpital du Jardin Colonial :

- «J’espère que vous pourrez la faire reproduire dans vos Akhbar el-Harb [journal, en langue arabe, édité pendant la guerre par le Gouvernement général de l’Algérie], car je pense qu’elle produira une bonne impression sur les populations indigènes» (20 septembre 1915).

 

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blessés musulmans en convalescence à l'hôpital du Jardin Colonial, 1915

 

Suivent ainsi plusieurs lettres. Le 1er février 1917, il écrit : «Les Akhbar el-Harb continuent à être un excellent moyen de propagande. C’est bien le journal qui convient à nos tirailleurs et, pour ma part, je le distribue régulièrement dans les formations sanitaires que je visite».

 

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remise de médailles à des blessés musulmans à l'hôpital du Jardin Colonial ;
Émile Piat est probablement le civil qui se trouve entre les deux militaires à képi, au centre

 

Émile Piat insère donc son initiative dans une continuité politique d’assistance et de propagande bien comprise.

 

Émile Piat portrait 1917
portrait vraisemblable d'Émile Piat (1858-?)

 

La fondation de la Mosquée de Paris, elle, s’inscrit dans un réseau de facteurs plus divers et plus complexes.

 

 

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IV – La Mosquée de Paris

 

Dans une formule ramassée, on peut dire que la Mosquée de Paris affiche trois marqueurs :

1) - l’indigénophilie fut la source des projets ;

2) - la guerre détermina sa construction ;

3) - la politique coloniale musulmane en fit son symbole.

 

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1) les projets

Les deux premiers projets, en 1846 et 1895, procédaient d’une vision compréhensive et empathique des rapports coloniaux avec des sujets musulmans. Une indigénophilie stratégique, pourrait-on dire.

Puis vinrent les propositions opiniâtres de la Revue Indigène et de son fondateur, le journaliste et activiste, Paul Bourdarie (1864-1950).

 

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Paul Bourdarie, fondateur de la Revue Indigène

 

L’animateur de la Revue Indigène imagina un projet, appelé le projet Bourdarie-Tronquois, et le fit circuler auprès des possibles décideurs parlementaires et gouvernementaux (24).

Une troisième vague monta à l’assaut, ainsi que l’annonce Émile Piat, le 18 juillet 1919, à son correspondant habituel, le capitaine Jean Mirante, à Alger :

- «il a été décidé à la suite d’une démarche qui a été faite auprès de M. Bèze du ministère de l’Intérieur par MM. Diagne, Cherfils et le Dr Bentami et à laquelle je me suis associé, qu’une mosquée serait édifiée à Paris. J’espère que le Gouvernement général facilitera les souscriptions en Algérie. La construction de cet édifice dans notre capitale aura un retentissement énorme dans tout l’Islam».

Voilà les sources liées au courant indigénophile.

 

2) la guerre

Le conflit produisit une double accélération menant à la décision.

a) D’une part, la politique musulmane en Arabie, déterminée par la guerre contre la Turquie, et par la rivalité avec l’Angleterre pour l’influence auprès du chérif Hussein de La Mecque, conduisit le président du Conseil Briand et le Quai d’Orsay :

- à l’envoi d’une délégation conduite par Si Kaddour ben Ghabrit pour la réouverture du pèlerinage aux Lieux Saints de l’islam (660 pèlerins), en octobre 1916 ;

- et à la création d’un organisme permettant l’acquisition d’une hôtellerie des pèlerins (réalisée en décembre 1916) : la Société des habous des Lieux Saints de l’islam.

Les membres de celle-ci sont désignés par Pierre de Margerie et la Société est constituée par acte enregistré à la mahakma hanéfite d’Alger, le 16 février 1917 (25).

Cette structure servit ensuite lors de la fondation de la Mosquée de Paris.

b) Un projet de loi est présenté par le gouvernement le 30 janvier 1920  prévoyant la création d’un Institut musulman comprenant notamment une mosquée, et affectant une subvention de 500 000 francs à cette entreprise.

Le texte est examiné le 29 juin 1920, avec un rapport de la commission des Finances présenté par Édouard Herriot, président du parti Radical et membre du Comité de l’Institut musulman aux côtés de Paul Bourdarie.

 

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subvention de 500 000 francs votée par le Parlement en 1920 pour l'Institut musulman

 

Herriot déclare que «la guerre a scellé, sur les champs de bataille, la fraternité franco-musulmane», que la «patrie désormais commune doit tenir à l’honneur de marquer au plus tôt et par des actes, sa reconnaissance et son souvenir».

La loi est finalement signée le 19 août 1921. Peu avant, la Ville de Paris avait votée deux subventions (1 620 000 francs et 175 000 francs) permettant l’achat du terrain qui fut cédé ensuite à la Société des Habous qui s’était transformée en association loi 1901, le 24 décembre 1921.

Les travaux s’effectuent entre 1922 et 1926. Et l’inauguration principale a lieu le 15 juillet 1926.

En 1920, Herriot avait assuré que «le monde musulman ne manquera pas d’être sensible au geste de la France, installant et honorant chez elle un édifice consacré à la Religion musulmane et un foyer intellectuel où à l’abri de notre pavillon l’Islam trouvera l’appui de nos sciences pour rajeunir et renouveler ses traditions de haute culture».

 

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"l'Islam trouvera l'appui de nos sciences pour rajeunir et renouveler ses traditions",
Édouard Herriot,1920

 

Le député radical annonçait, ainsi, un double objectif :

- l’érection d’un édifice devant manifester le libéralisme de la France à l’égard des sujets musulmans et dont on espère des répercussions en chaîne dans le monde de l’Islam ;

- un dessein intellectuel ambitieux – et peut-être trop crédule – visant ce qu’on appellerait aujourd’hui une «modernisation» du corpus islamique.

Il n’est rien resté du dessein de réformer l’islam.

Mais le monument est toujours là. Même si il fallu attendre novembre 2010 pour qu’une plaque apposée sur la Mosquée de Paris rende explicitement hommage aux soldats musulmans de la Grande Guerre.

 

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la Mosquée de Paris en construction, 1924 ; aquarelle de Camille Boiry, L'Illustration, 1925

 

3) la politique coloniale musulmane

La Mosquée de Paris a connu cinq inaugurations :

- celle du 1er mars 1922, pour l’orientation de la qibla ;

- celle du 19 octobre 1922 pour la pose de la première pierre du mihrab ;

- celle, générale, du 15 juillet 1926, en présence du sultan Moulay Youssef ;

- celle, proprement religieuse de la salle de prière, du 16 juillet 1926, en présence du sultan et du cheikh Ahmad al-‘Alawi de la tariqa ‘Alawiyya ;

- celle du 12 août 1926, pour la salle de conférences de l’Institut musulman, en présence du bey, possesseur du royaume de Tunis, Sidi Mohammed el-Habib.

Les fonctions religieuses et symboliques l’ont emporté sur la fonction intellectuelle.

La Mosquée est devenue un lieu où s’effectuent les rites principaux de l’islam : prière, khûtba, tarawih du mois de ramadan, aïd el-fitr, aïd el-kabîr ou el-adha…

 

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extrait du discours de Si Kaddour ben Ghabrit en 1926

 

Elle est aussi un symbole de la politique musulmane à l’époque de l’empire colonial, et la figure de Si Kaddour ben Ghabrit a été le grand ambassadeur de celle-ci.

 

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inauguration de la Mosquée de Paris, la garde du Sultan

 

Mais le souvenir du sacrifice des «indigènes» musulmans sur les champs de bataille de la Grande Guerre s’est perdu avec le temps.

 

Conclusion

Le point commun de ces trois édifices, dont seuls deux ont perduré, était d'inscrire dans le monumental le sacrifice des soldats français de confession musulmane venus de l'empire colonial.

Si le premier fut conçu comme provisoire, les deux autres affichaient dans leur matériau le désir de durer. Ils ont traversé le temps. Mais le troisième – la Mosquée de Paris – a connu une destinée plus complexe se détachant de son objectif premier.

 

Michel Renard
15 octobre 2014
colloque de la Fondation pour la mémoire
de la guerre d'Algérie
fm-gacmt

Notes

1 - Cf. Jacques Frémeaux, Les colonies dans la Grande Guerre. Combats et épreuves des peuples d’Outre-mer, Soteca éd., 2006, p. 63 et 73. Les données chiffrées sont approximatives.

2 - Charles-Robert Ageron, «L’immigration maghrébine en France. Un survol historique», revue Vingtième Siècle, 1985, réédité dans Genèse de l’Algérie algérienne, éd. Bouchène, 2005, p. 412.

3 – Sur les différentes proclamations turques en novembre 1914, voir l’article de Mustafa Aksakal «"Holy war made in Germany » ? Ottoman origins of the jihad», in Religion, Identity and Politics. Germany and Turkey in interaction, édité par Haldan Gülalp et Günter Seufert, éd. Routledge/ESA studies in Europan societies, New York, 2013, p. 34-45.

4 - Sur le Maroc, cf. Daniel Rivet, Lyautey et l’institution du Protectorat français au Maroc, 1912-1925, tome 2, L’Harmattan, 1996, p. 108-110, et notamment ce passage sur l’algérien ‘Abd el-Malek : «Dès lors son combat, financièrement commandité par l’Allemagne et idéologiquement orienté par Istanbul, se concentre exclusivement contre les Français. (…) Mais ce jihâd conserve un caractère factice, presque postiche, actionné qu’il par un musulman étranger au Maroc, lui-même télécommandé par une puissance chrétienne. Il ne résiste pas, du coup, à la débâcle de ses commanditaires» (p. 208-109), et Le Maroc de Lyautey à Mohammed V, le double visage du Protectorat, Denoël, coll. «L’aventure coloniale de la France», 1999, p. 59 : «…Abd el-Malek, qui avait depuis 1915 harcelé, sans les ébranler, les positions du Protectorat dans la vallée de l’Ouergha en s’appuyant sur le concours d’agents allemands et en invoquant le recours d’Istanbul : un "jihâd made in Germany" en quelque sorte : postiche, factice» (p. 29).

5 - Gilbert Meynier, L’Algérie révélée. La guerre de 1914-1918 et le premier quart du XXe, Droz, 1981, p. 269.

6 - Revue du Monde Musulman, «Les musulmans français et la guerre», vol. XXIX, décembre 1914, p. 176-177.

7 - Gilbert Meynier, ibid, p. 270.

8 - Charles-Robert Ageron, Les Algériens musulmans et la France, 1871-1919, tome second, 1968, rééd. Bouchène, 2005, p. 1174.

9 - Revue du Monde Musulman, «Les musulmans français et la guerre», vol. XXIX, décembre 1914, p. 199.

10 - cf. notamment Henry Laurens, «La France et le califat» (1999) in Orientales II. La IIIe République et l’Islam, Cnrs éd. 2004, p. 69-100 : «Dès l’entrée en guerre des Ottomans, la France va multiplier les fatwa des différentes autorités islamiques de son empire pour démontrer l’illégitimité du califat ottoman par rapport au califat arabe. Certaines de ces fatwa sont particulièrement argumentées et tranchent en faveur du chérif de La Mekke comme véritable héritier légitime du califat. Les Français s’empressent de les publier et de les diffuser dans les milieux musulmans», p. 86.

11 - Revue du Monde Musulman, «Les musulmans français et la guerre», vol. XXIX, décembre 1914, p. 271-272. Sur la Tunisie, cf. François Arnoulet, «Les Tunisiens et la Première Guerre mondiale (1914-1918)», Revue de l’Occident Musulman et de la Méditerranée, n° 38, 1984, p. 47-61.

12 - Sur la propagande allemande au Maroc, voir Ministère de la Guerre, état-major de l’Armée, service historique, Les armées françaises dans la Grande Guerre, tome IV, vol. 1, 1935, p. 213 et suiv. On y trouve ce diagnostic : «L’essai de soulèvement général, au nom de l’Islam, n’ayant aucun résultat, il fallait recommencer sur d’autres bases. L’Allemagne eut recours aux procédés suivants : propagande auprès des militaires nord-africains servant en France ; etc.», p. 214 ; le camp de prisonniers à Zossen, près de Berlin, est évoqué.

13 - Charles-Robert Ageron, Les Algériens musulmans et la France, 1871-1919, tome second, 1968, rééd. Bouchène, 2005, p. 1174.

14 – Michel Renard, «Le religieux musulman et l’armée française (1914-1920)», colloque international de Reims, «Les troupes coloniales et la Grande Guerre», 7 et 8 novembre 2013 :

http://etudescoloniales.canalblog.com/archives/2014/08/23/30279901.html

15 - Le Temps, samedi 26 décembre 1914.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k242034f/f1.zoom.langFR

16 – L’étude la plus complète sur le sujet, à ma connaissance, est celle de Gerhard Höpp, Muslime in der Mark : als Kriegsgefangene und Internierte in Wünsdorf und Zossen, 1914-1924, Berlin, Verlag Das Arabische Buch, 1997 :

http://www.zmo.de/publikationen/studien_6.pdf

Sur les activités de Max von Oppenheim à destination des prisonniers de confession musulmane, cf. «Dschihad an der Seite von Kaiser und Reich», in Preußische Allgemeine Zeitung, 26 janvier 2013 ; et plus généralement, Stefan Kreutzer, Dschihad für den deutschen Kaiser. Max von Oppenheim und die Neuordnung des Orients (1914-1918), Ares Verlag, 2012. La mosquée de Zossen fut inaugurée le 13 juillet 1915.

17 - Gerhard Höpp, ibid., p. 124.

18 - Cf. Peter Heine, «Salih ash-Sharif at-Tunisi, a North African nationalist in Berlin during the first World War», Revue de l’Occident Musulman et de la Méditerranée, 33, 1982-1, p. 89-95.

19 - Cf. Mahmoud Abdelmoula, Jihad et colonialisme. La Tunisie et la Tripolitaine (1914-1918), éd. Tiers-Monde, Tunis, 1987.

20 - Anom (Aix-en-Provence), Fr Caom 1affpol/907 bis/5, 16 janvier 1916.

21 - Anom (Aix-en-Provence), Fr Caom 1affpol/907 bis/5, 13 décembre 1916.

22 - Peter Heine, ibid., p. 90-91.

23 - Anom (Aix-en-Provence), Algérie, GGA, 1Cab/4. Toutes les citations d’Émile Piat proviennent de ce fonds d’archives.

24 - Dans un manuscrit (n° 163) conservé par l’Académie des Sciences d’outre-mer, un texte, sans date, signé de quatre auteurs (le député de Seine-et-Oise Aristide Prat, Paul Bourdarie, l’architecte Alfred Tronquois, et Barret de Beaupré) explique qu’il fallait désirer : «la conquête morale des élites du monde arabe et musulman [et rechercher] les ponts existants ou à établir entre la civilisation arabe et la civilisation française. Dans ce but, les promoteurs [d'un Institut franco-arabe musulman] avaient tout d'abord eu la pensée de proposer l'édification à Paris d'une mosquée. Le projet Bourdarie-Tronquois, adopté et soutenu par MM. Herriot, sénateur, Benazet, Marin, Prat, députés, Girault, de l'Institut, A. Brisson, etc... ainsi que par de nombreux musulmans, a reçu l'approbation successive de la Commission interministérielle des Affaires musulmanes, de M. le Président A. Briand et du Conseil des ministres».

25 - Découvert aux archives nationales (F60/820) et publié par mes soins :

http://islamenfrance.canalblog.com/archives/2006/09/03/2602527.html

 

Diapositive72
à la mémoire de mon ami Daniel Lefeuvre

 

Diapositive73

 

 

Et à la mémoire de mon fils Pierre Renard, accidenté le 12 octobre, hospitalisé et dans le coma pendant que je prononçais cette conférence, et décédé le 22 octobre 2014. Je t'aime, mon fils.

 

Pierre pull noir 2013
Pierre Renard, 1980-2014

 

 

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