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études-coloniales
18 juillet 2012

Armée et Algérie 1830-1962

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mémoire et vérité

Armée et Algérie 1830-1962 - n° spécial 2012

association de soutien à l'armée française

présentation : Henry PINARD LEGRY

 

écusson ASAF

 

l'armée en Algérie, un engagement total

L’année 2012 marque le cinquantième anniversaire de la fin de la présence de la France sur une terre qui fut française pendant 130 ans et que son armée avait largement contribué à pacifier, administrer et développer.

Elle y avait notamment constitué l’armée d’Afrique, mosaïque de régiments composés d’européens et d’indigènes, qui ont glorieusement participé par deux fois à la défense de la patrie ou à sa libération.

Fidèle à sa devise «Mémoire et vérité», l’Association de Soutien à l’Armée Française a estimé de son devoir de réaliser un numéro spécial :

«ARMÉE et ALGÉRIE 1830-1962»

Ce document est plus particulièrement destiné aux jeunes Français de 20 ans qui n’ont souvent qu’une connaissance sommaire et partiale de cette période de notre histoire.

Mais il offre aussi aux plus anciens, qui ont vécu de près ou de loin les évènements de la période 1945-1962 sans toujours en avoir une bonne vue d'ensemble, la possibilité de les resituer dans un cadre général plus complet.

Alors que de nombreux ouvrages et magazines sont publiés et que des colloques sont organisés, dont certains sont de véritables «chefs d’œuvre» de désinformation, l’ASAF a ainsi voulu réaliser un document pédagogique présentant les faits dans leur contexte et selon une chronologie qui permette à tout lecteur non spécialiste de comprendre la logique de leur enchaînement et les comportements qu’ils ont générés.

Pendant 130 ans, notre armée et nos soldats ont rempli en Algérie toutes les missions que les autorités politiques de métropole leur ont confiées. Ils l’ont fait selon leur conscience, avec le souci de servir au mieux les intérêts supérieurs du pays.

La France et son armée n’ont pas à faire repentance, mais les Français ont le devoir de connaître et de comprendre leur histoire, l’Histoire de la France, parce qu’elle est un élément essentiel de notre identité et de notre unité nationales.

Je tiens à remercier tous les membres de l’ASAF qui ont contribué à réaliser ce numéro spécial, ainsi que l’E.C.P.A.D. et le Service Historique de la Défense (S.H.D.)

Henri PINARD LEGRY Président de l’ASAF

ARMÉE - ALGÉRIE / SPÉCIAL 2012

SOMMAIRE

ARMÉE - ALGÉRIE 1830-1962 / NUMÉRO 1 SPÉCIAL 2012

INTRODUCTION 5

I – L’ARMÉE FRANCAISE ET L’ALGÉRIE,  UNE HISTOIRE ANCIENNE (1830–1945)

II – L’ALGÉRIE EN 1954 18

III – UNE ARMÉE QUI VEUT GAGNER LA PAIX (1954–1956) 29

IV – UNE ARMÉE CONTRAINTE À UNE GUERRE TOTALE (1957) 45

V – UNE ARMÉE INSTRUMENTALISÉE (1958) 75

VI – UNE ARMÉE VICTORIEUSE (1959-1960) 79

VII – UNE ARMEE TRAUMATISEE (1961) 93

VIII – UNE ARMEE HUMILIÉE (1962 ) 97

EPILOGUE 103

ANNEXES 106

Annexe 1 - Les pertes de l’armée française en Algérie 

Annexe 2 - Engagement des Nord-Africains

Annexe 3 - L’accord de cessez-le-feu en Algérie

Annexe 4 - Déclarations gouvernementales du 19 mars 1962

Annexe 5 - Carte des principales opérations

Liste des abréviations utilisées dans l’ouvrage 

 

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- Vous pouvez vous le procurer pour 7,5 euros, port inclus, à l'ASAF, 18 rue Vézelay 75008.

 

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16 août 2012

au sujet d'un article de Chantal Morelle sur les harkis

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questions sur l'accueil des harkis

général Maurice FAIVRE

 

J'ai lu cet article de Vingtième siècle, que je ne connaissais pas : "Les pouvoirs publics français et le rapatriement des harkis en 1961-1962", revue Vingtième siècle, 2004, n° 83, p. 109-119.

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Chantal Morelle note que les pouvoirs ont été débordés, que la logique gaulliste de respect des accords d'Évian a prévalu, mais que sa vision n'était pas accordée à la réalité du terrain.
La référence aux directives de Joxe est bonne, mais elle ignore les directives des wilayas et se réfère aux seuls articles d'Ageron, favorables à de Gaulle et à la modération du FLN,  et qui comportaient des erreurs flagrantes !
L'accueil était prévu sur le papier ! Or il n'a commencé que le 12 juin ! Selon Chantal Morelle, la responsabilité est collective (Joxe, Messmer, Frey). Ils étaient d'accord pour sauver le maximum de supplétifs (sic).
Elle ne parle pas de l'intervention de Pompidou.
La situation provisoire aurait perduré ! Elle n'avait donc rien de provisoire ?
Maurice Faivre

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camp de harkis en 1962

 

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14 août 2012

la caricature anti-coloniale, nouveau discours d'État (Jean Monneret)

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la caricature anti-coloniale, nouveau discours d'État

 

Face à l’anticolonialisme d’État

Jean MONNERET, historien

 

L’anticolonialisme est désormais la doctrine officielle de la République. Lors de sa visite en Algérie, au début de son quinquennat, Nicolas Sarkozy y avait déjà affirmé à l’Université de Mentouri, que le système colonial était basé sur l’injustice. [sur François Hollande, cf. ici - note de la rédaction]

L’exposition qui a eu lieu récemment, au musée de l’Armée, aux Invalides à Paris, sur la conquête et sur la guerre d’Algérie est allée plus loin. Conçue sous Sarkozy et faisant appel à un célèbre trio d’historiens anticolonialistes, elle avalisait la version FLN du conflit.

Mettant gravement en accusation l’Armée française, elle minimisait les crimes de la rébellion comme les souffrances des Pieds-Noirs et des Harkis. Nous sommes donc en présence désormais d’un anticolonialisme d’État. On peut compter sur les socialistes au pouvoir pour le porter à de nouveaux sommets.

L’anniversaire du 5 juillet 1962 a été présenté dans les médias audiovisuels (sauf un) sous l’angle de l’accession de l’Algérie à l’Indépendance. Les massacres d’Oran ont été totalement occultés sauf dans l’émission de Robert Ménard  (lequel a vu depuis son émission supprimée sur I Télé ).

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Que signifie tout cela ?

La France tourne le dos à son passé, alors même que l’Empire colonial, la colonisation et la départementalisation de l’Algérie furent pour l’essentiel une œuvre républicaine. Elle fut longuement exaltée comme telle par les plus hauts dirigeants de la IIIe République en particulier. Or, depuis deux décennies, la Ve du même nom a décidé de stigmatiser cette période de notre histoire.

Ainsi, concernant la guerre d’Algérie qui eut lieu de1954 à 1962, les médias ont pu, avec l’appui des gouvernants de droite comme de gauche, cautionner une version de ce conflit fort analogue à celle du FLN, à peine distincte de ce qui se diffuse an Algérie depuis un demi-siècle. Il n’y a pas eu de repentance de la France comme le réclamaient les hiérarques d’Alger. Il y a eu acceptation par la France officielle de leur version falsifiée de l’histoire coloniale et du conflit algérien.

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Il y a quelques années M. de Villepin avait répondu aux demandes de repentir venues d’Alger qu’il convenait de laisser les historiens débattre de ces problèmes.

Depuis c’est tout l’inverse qui s’est produit. Nous avons vu s’installer un système de propagande soviétoïde qui a martelé à satiété la version anticoloniale officielle. Ce système n’a pas hésité à censurer des universitaires de renom et même à retirer à d’autres des responsabilités déjà attribuées. Il a favorisé jusqu’à la caricature la pensée unique, voire l’omniprésence d’un historien unique et la ghéttoïsation complète des opinions dissidentes.

Ce système totalitaire domine largement les médias. Il est la honte d’un pays qui, urbi et orbi, s’affirme démocratique. En plaçant la France en position d’accusée permanente, il crée dans les banlieues «sensibles» une atmosphère négative hostile au pays d’accueil.

En choisissant de faire de certaines victimes du conflit algérien de «bonnes» victimes, tandis que celles causées par le FLN sont oubliées, ce système bafoue la morale et l’Histoire. Des centaines de milliers de victimes de la rébellion il fait une sous-catégorie de la population française. Ceux qui dirigent la France seraient bien inspirés d’y réfléchir.

L’objectif idéologique

Il s’agit de discréditer les nations européennes. Pour cela, on les charge de responsabilités historiques toujours plus pesantes : l’esclavage depuis longtemps tenu pour crime contre l’humanité, et la colonisation que certains s’efforcent de mettre sur le même plan. Cet objectif fut révélé par M. Stora dans un entretien du 14 novembre 2006 publié par le Figaro : «Il faut reconstruire nos mémoires nationales, comme nous l’avons fait, en d’autres registres avec l’esclavage et la période vichyste.»

Tout est dit. Reconstruire nos mémoires nationales, si l’on traduit ce charabia, signifie réécrire l’Histoire. Stora est spécialiste de la période coloniale et de l’Algérie. Il veut mettre le signe égale entre la colonisation, l’esclavage et Vichy. (Que nous laisserons de côté dans le cadre de cet article).

Ce vers quoi nous nous dirigeons est de plus en plus clair : une vaste culpabilisation des nations européennes, France en tête. En effet, notre pays fut par excellence un pays colonisateur. L’objectif ultime est non moins clair : il s’agit ainsi de discréditer puis d’abolir ces nations européennes. Elles devront à l’avenir s’effacer au profit du conglomérat multiculturel concocté à Bruxelles. Ce magma informe, sans âme et sans épine dorsale sera un protectorat américain où l’Islam politique (on nous l’annonce de toute part), jouera un rôle croissant.

Bon vingt-et-unième siècle !

Jean Monneret

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19 juin 2012

Exode des Français d'Algérie

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Commémoration « cinquantenaire de

l’exode des Français d’Algérie »

 

Samedi 23 JUIN 2012

ESPLANADE – ATRIA

5, Bd de Pragues – 30000 NIMES

Samedi 23 juin

9h30 Accueil des personnalités - Square du 11 novembre.

10h Monument aux morts - Cérémonie de commémoration

et dépôt de gerbes - Square du 11 novembre.

ESPLANADE CHARLES DE GAULLE

10h15 Moment de convivialité offert

sur l’Esplanade

11h Inauguration de l’Espace Culturel - Dédicaces de livres.

AUDITORIUM DE L’HÔTEL ATRIA

11h30 Inauguration des expositions photos

présentées par les associations de rapatriés

du Gard et de l’exposition « Les Harkis dans

la colonisation et ses suites ». Salle le Foyer.

Superbe exposition de tableaux en 3D réalisées par Francine PARRA, née CASTANO

• Espace Sainte Perpétue (patio de l’hôtel Atria)

Inauguration de l’exposition de peintures

orientalistes de Josette Spaggia.

Fermeture des expositions à 21 heures

14h « L’agonie de l’Algérie ».

Conférence de Guy Tudury, écrivain.

 

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15h « Il y a 50 ans … l’Exode ».

Conférence de José Castano, écrivain.

 

17h Projection Film « la Valise ou le Cercueil »

de Charly Cassan et Marie Havenel suivie

d’une discussion avec les réalisateurs.

JARDINS DE LA FONTAINE

21h30 Concert d’Alain Rattier et son big Band

qui interprèteront des airs des années 1950 et 1960.

Billetterie : FNAC et points habituels

 

Dimanche 24 Juin

Dimanche 24 juin

10h Cérémonie interreligieuse - Dépôt de gerbes.

Sanctuaire de Santa Cruz.

ESPLANADE CHARLES DE GAULLE

11h30 Séance de dédicaces par les écrivains présents.

Espace Culturel.

AUDITORIUM DE L’HÔTEL ATRIA

11 h 30 Expositions Photos - Salle le Foyer, hôtel Atria.

Exposition de peintures orientalistes

de Josette Spaggia.

Superbe exposition de tableaux en 3D réalisées par Francine PARRA, née CASTANO

Espace Sainte-Perpétue, patio de l’hôtel.

Fermeture des expositions à 21 heures.

14h30 « Fondements du traumatisme identitaire

des rapatriés » - « La construction de la mémoire

des pieds-noirs et sa mise en conflit dans l'espace

public français ».

Conférence de Quentin Lajus, étudiant à l’Institut

d'Etudes Politiques de Bordeaux.

15h30 Projection du film « Le Choix de mon Père »

de Rabah Zanoun.

 

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17h « Les Harkis, de la guerre d'Algérie à nos jours »

Conférence d’Abderahmen Moumen,

Docteur en Histoire.

18h15 Projection du film « Algérie, Histoires à ne pas dire »

de Jean-Pierre Lledo.

ESPLANADE CHARLES DE GAULLE

19h45 Clôture du 50e anniversaire

 

Renseignements : Magalie DAUDET – Tel. 04.66.27.76.80

e-mail : magalie.daudet@ville-nimes.fr

 

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6ème Salon du « savoir faire Pied-Noir » - Port Barcares – 24, 25, 26 Août 2011

 

Mas de l’Ille – Bd des Rois de Majorque (Sortie 12 de la voie rapide) –

 66420 - PORT BARCARES - Entrée gratuite Entrée pour tous

Renseignements au 04.94.33.68.38 ou 04.68.86.13.62 ou 06.82.22.75.65 ou 06.09.78.58.92

 gabriel.mene@wanadoo.fr

Une magnifique  initiative pour  un  peuple aussi  productif  que  celui des Français D’ALGERIE et surtout, pour que sa mémoire demeure.

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25 juin 2012

un témoignage inédit jusqu'alors sur la colonisation française au Congo en 1902-1904

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«Au Congo, les Blancs sont mes pires ennemis»,

lieutenant Clément (1902-1904)

Michel RENARD

 

D’abord, un beau livre. Comme on en éditait avant. Des pages à la reliure cousue et non seulement collée ainsi que la plupart des livres brochés qui au bout de quelques années se décollent… Une couverture cartonnée. Un cahier photo… Et le tout pour pour 19 euros seulement. Bravo à l’éditeur Pierre de Taillac. Ce livre m’enterrera... Ses acheteurs auront plaisir à le manipuler... et à le lire.

L’ouvrage Un marsouin au Congo, présenté par Bertrand Goy, est le témoignage d’un lieutenant des Troupes de Marine entre 1902 et 1904. Le destin de ce texte est étonnant. Il fut sauvé par Mme Monique Fayasson qui le recueillit, un jour de pluie, dans une vente "vide-greniers" dans les années 1980. Aujou'rd'hui, il est à la disposition de tous. Et c'est un incomparable document sur le "colonialisme"... ou plutôt la colonisation.

départ de caravanes 1891
Congo, départ de caravanes, 1891 (source Anom)

Ce que montrent les récits du lieutenant Clément, c'est que le colonialisme ne fut vraiment pas un système. Il ne cache rien des atrocités commises par les uns et par les autres. Il décrit un imbroglio de motivations et de décisions contradictoires. Les militaires s'en sortent plutôt bien. Les administrateurs et les concessionnaires commerciaux (une quarantaine) à qui l'État à confié des milliers de kilomètres carrés d'exploitation, s'en sortent plutôt mal.

De nombreux historiens ont démonté le mythe du "pillage colonial". Henri Brunschwig, dans Mythes et réalités de l'impérialisme colonial français, 1871-1914, en 1960, prenait des précautions vis-à-vis de satistiques, selon lui, insuffisantes, mais affirmait avec suffisament de données : "Les colonies n'ont pas été pour l'industrie française un monopole profitable. Elles n'auraient pas pu l'être parce que l'industrie n'était pas en mesure de les fournir. Force leur fut donc de s'adresser à l'étranger, en dépit des tarifs douaniers qui renchérissaient ses produits" (p. 101).

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factorie inondée au Congo français

Brunschwig décrit, en réalité, un autre mythe : celui de l'illusion coloniale, qu'on voit bien évoquée dans le récit du lieutenant Clément qui en a été un rouage honnête et souvent souffrant... Henri Brunschwig : "La politique d'expansion a sûrement coûté à la France plus qu'elle ne lui a rapporté. Est-ce à dire que ceux qui la prônaient auraient dû y renoncer ? Pas forcément, car ils pouvaient toujours espérer un bénéfice futur. C'est le propre de cette politique coloniale que de toujours miser sur l'avenir : on vote les crédits militaires parce qu'après la conquête viendra la mise en valeur ; on consent aux investissements parce que les chemins de fer et autres installations techniques permettront l'exploitation rationnelle ; on multiplie les hôpitaux et les écoles pour créer sur place une main d'oeuvre rentable ; on spécule sans cesse sur l'avenir et cette spéculation, en dernière analyse, conduit les colonisateurs à outiller les populations au lieu de les exploiter purement et simplement" (p. 101).

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officiers en mission au Congo, mission Dymbovsy, 1891 (Source Anom)

La conscience de la réaction de "l'indigène" est très lucide chez le lieutenant Clément : "J'eus l'impression d'être en pays nouveau, inconnu, dont les habitants ne soupçonnaient pas encore que nous étions là pour les soumettre, les faire travailler à notre profit et lever l'impôt. Ils acceptaient le commerçant qui leur vendait des fusils et de la poudre, mais étaient tout prêts à s'en servir contre nous si on leur demandait autre chose qu'une toujours dangereuse hospitalité" (p. 66).

Mais ce dispositif n'est pas un "système". Les intérêts des militaires se heurtent aux ambitions financières des concessionaires : "Alors seulement je compris dans quel piège j'étais tombé. Je maudis ma sotte confiance. Je vis clairement le but de ces hommes qui avaient vu dans ma perte le moyen de relever leurs affaires en obtenant une indeminité du Gouverneur" (p. 85).

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Dans le même temps, les Européens (français) adoptent, mi-forcés mi contensentants, les usages des lieux : "Nous avions acheté à Nila deux femmes "Pandis" pour la modique somme d'un kilo de sel chacune" (p. 91). "J'avais engagé mes tirailleurs à en faire autant, mais les quelques mariages qui se décidèrent alors furent remis à plus tard lorsque les tirailleurs auraient envoyé la dot qui pour eux était plus élevée" (p. 91).

 

l'optique militaire n'est pas la pire

L'avantage de la lecture des mémoires du lieutenant Clément au Congo, c'est qu'elle pulvérise pas mal de clichés sur la colonisation. L'optique militaire n'est pas la pire, même si elle a aussi provoqué des massacres, mais dans une dialectique d'affrontements aux comportement parfois opposés : "Je m'attendais à être lancé à la poursuite des fugitifs ; il n'en fut rien. Dupont [administrateur, ce n'est pas un militaire] voulait agir seul, sachant trop bien combien j'étais doux avec les indigènes qui ne se battaient pas, juste avec ceux qui me faisaient le plaisir de se battre. Il commença par faire tuer à coups de revolver les deux petits malades. Ils étaient en train de manger les papayes que je venais de leur envoyer avec des morceaux de biscuits de troupes. Cette nouvelle me causa la plus terrible colère que j'aie jamais eue, mes jambes tremblaient : certainement, j'aurais tué Dupont s'il avait été près de moi" (p. 139-140).

Les concessionnaires, à qui l'État a confié des territoires immenses pour leurs activités productives et commerciales, ne s'en sortent pas toujours bien. Ils tentent, en cas d'échec, de se faire rembourser par la puissance publique en dénonçant les impérities de l'armée. Le lieutenant Clément l'apprit à ses dépends.

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Congo français, case abri pour Européens dans un poste de traitant

Le lieutenant Clément a dû subir quelques avanies dans l'évolution de sa carrière. Protégé par Harry Hallis, fondateur du Comité de l'Afrique française en 1890, il dut sûrement d'échapper à des sanctions plus sévères à la suite de ses démêlés avec l'administrateur Dupont.

Le récit est très suggestif. Toutes ces souffrances avec la fameuse adénite ou inflammation infectieuse de ganglions dont Clément cherche à se guérir lui-même. Ces amitiés, ces morts violentes, ces confiances et ces trahisons. Le lieutenant Clément écrit : "Le seul conseil que me donna mon camarade fut de me méfier de tout le monde et il ajouta quelques paroles tant de fois vérifiées : «Les Blancs sont ici nos pires ennemis»" (p. 63).

Un livre à mettre en relation avec Passions africaines, d'Albert Nebout (éditions de Paris, 1995), dont l'action se situe vingt ans plus tôt.

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voyage en hamac

 

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village indigène au Congo français, avant 1906

 

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Albert Nebout dont je ne fournirai que cette citation : "(les indigènes africains de l'Oubangui) avouent leur anthropophagie sans gêne aucune, mais j'ai pu observer chez plusieurs de ces indigènes, de l'honnêteté, de la bonté et une certaine discrétion dans leurs rapports avec moi. L'anthropophagie n'en fait donc pas des bêtes féroces"... (p. 100).

Michel Renard

 

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16 avril 2012

Ben Bella, biographie

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 Ahmed Ben Bella, un itinéraire

 Jean-Louis PLANCHE

 

Mercredi 11 avril dans l’après-midi mourrait à Alger Ahmed Ben Bella, premier président de la République algérienne de 1962 à 1965. Cette mort à 95 ans, entouré des siens, est venue conclure paisiblement une vie dont les engagements avaient pourtant été longtemps consacrés à la politique, sous une forme parfois aventureuse.

Transporté le lendemain au Palais du Peuple, l’ex-Palais d’Eté, résidence du chef de l’État, le corps du défunt recevait les hommages des personnalités et de ses anciens compagnons de combat, avant d’être accompagné vendredi par le président de la République Abd-el-Aziz Bouteflika au cimetière d’El-Alia, et d’être inhumé au Carré des Martyrs où reposent Houari Boumedienne, second président de la République, et l’Émir Abdelkader, héros légendaire. Un deuil national de huit jours était décrété.

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les obsèques de l'ex-président Ahmed Ben Bella

La presse algérienne rapporta que l’événement n’avait suscité aucune émotion dans l’opinion algérienne. Tout juste fut remarquée la coïncidence de cette mort, à quelques semaines près, avec le cinquantième anniversaire de l’indépendance recouvrée par l’Algérie en 1962. Le long retrait de la vie politique que subit Ahmed Ben Bella n’explique qu’en partie ce silence.

Certes, emprisonné puis assigné à résidence pendant 15 ans par Houari Boumedienne qui l’avait destitué violemment en 1965, Ahmed Ben Bella a vécu exilé en Suisse de 1981 à 1990, puis, de retour en Algérie s’est gardé de toute activité politique nationale, se consacrant à des causes lointaines (soutien à l’Irak et à la Palestine), puis à l’altermondialisme et à la religion. La presse ne l’évoquait même plus, les livres d’histoire ne citaient pas toujours son nom. Politiquement, le tumultueux Ahmed Ben Bella n’était plus de ce monde, sinon paradoxalement en France.

 

Né en 1916 à Maghnia en Oranie

Né en 1916 à Maghnia en Oranie, à la frontière avec le Maroc dont son père est originaire, Ahmed Ben Bella a la jeunesse d’un fils de petit paysan, scolarisé jusqu’au brevet, passionné par le football pour lequel il a des dispositions. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, il joue à l’Olympique de Marseille et ne porte aucun intérêt marquant à la politique. Mobilisé en 1943, il fait une guerre exemplaire, s’illustre à Monte Cassino, est promu adjudant et décoré des mains du général De Gaulle.

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soldats allemands au Mont Cassino

À son retour au pays en 1945, l’atrocité de la répression menée en mai-juin 1945 dans le Constantinois le bouleverse. Il quitte l’armée et adhère au PPA-MTLD de Messali Hadj dont il devient rapidement un permanent, est élu conseiller municipal de Maghnia, prend en Oranie la tête de l’Organisation spéciale du parti, sa branche armée.

Aventureux et athlétique, il dirige en 1949 le hold-up contre la grande poste d’Oran qui rapporte au PPA-MTLD 3 Millions de Francs (env. 90 000 €).

Cela lui vaut en 1949 d’être promu responsable national de l’Organisation spéciale et en 1950 d’être arrêté, l’enquête sur l’affaire d’Oran ayant abouti. Condamné à 7 ans de prison, il s’évade en mars 1952.

Réfugié en Égypte, il est membre de la Délégation extérieure du PPA-MTLD qui représente les intérêts du parti. Chaleureux, inspirant la sympathie, il se lie d’amitié avec le colonel Nasser et Fethi Al Dib, chef des services de renseignements, se spécialise dans les questions militaires et les commandos. L’Égypte devient en 1954 le principal soutien du FLN et de sa Délégation extérieure.

 

Ben Bella et le FLN d'Abane Ramdane

Les relations de Ben Bella avec Abane Ramdane, principal organisateur et théoricien du FLN en Algérie, sont très vite détestables. Ben Bella supporte mal les décisions prises par le Congrès de la Soummam en 1956 sous l’impulsion d’Abane Ramdane, notamment la primauté au FLN des civils sur les militaires.

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Ben Bella, Nasser et Bourguiba

Il voyage beaucoup, et c’est au retour d’une conférence au Maroc que l’appareil où il se trouve, le 22 octobre 1956, avec la délégation algérienne, est intercepté au-dessus de la Méditerranée par l’aviation française, acte de piraterie aérienne qui compta dans l’isolement de la France en guerre d’Algérie.

Emprisonné jusqu’en 1962 en forteresse militaire, il y gagne de survivre aux aléas de la guerre et des conflits au FLN. Peu connu mais rendu célèbre par sa détention, il devient pour l’opinion algérienne une légende.

 

Président de la République algérienne

Dans ces conditions, et celle du morcellement des centres de décision, à l’issue d’une guerre civile impitoyable qui a duré 8 ans, parvenir au pouvoir suprême est une affaire de chance et d’habileté. Libéré très vite à la suite des Accords d’Évian, il sait jouer le groupe de Tlemcen et l’Armée des frontières qui, n’ayant pas combattu, dispose d’un potentiel militaire intact, contre le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne, l’improbable Exécutif provisoire, réfugié à Rocher Noir, son radeau de la Méduse, n’ayant qu’une réalité formelle.

Son sourire radieux et sa mince silhouette d’éternel jeune sportif captivent les foules. Le 27 septembre 1962, il est désigné Président du Conseil, tandis que l’armée achève de ramener l’ordre dans Alger et sa banlieue.

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Tout puissant, il ne peut pas grand-chose tant que la désorganisation n’a pas été jugulée. Elle est si profonde qu’il y faudra du temps. La lecture de la courbe de la consommation nationale d’électricité est éloquente. Elle ne cesse de baisser depuis 1962 et ne commença à se redresser qu’en 1967. La SNCFA par exemple n’a conservé qu’une poignée de techniciens. Par ailleurs, aventuriers, escrocs et pillards venus de tous les horizons se sont abattus sur le pays.

En sens inverse, la destination est mondaine. On peut dîner à Alger à l’improviste chez la nièce d’un futur et hautain président de la République française. Si à l’automne 1962 des rafales de pistolets-mitrailleurs s’entendent encore du côté d’El-Harrach, la ville d’Alger est ensuite la capitale la plus sûre de la Méditerranée, et peut sans danger se traverser de nuit à pied pour les romantiques solitaires.

Certes, il ne faut pas tenter le diable, comme ces jeunes écossaises trop belles et trop inconscientes qui acceptèrent d’être invitées à un mariage dans l’Atlas saharien. C’était leur mariage. Devenues grand-mères, elles y vivaient encore il y a quelques années, entourées de leurs petits-enfants.

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Fidel Castro et Ben Bella

L’époque est aussi au socialisme qui paraît triomphant. Cuba, aux portes des États-Unis, s’est converti à un système qui semble ouvrir les portes du futur. En France même, au Parti communiste, certains responsables rêvent qu’un jour les rapatriés français d’Algérie, conquis eux aussi par contagion, puissent lui servir de tête de pont en France.

 

Les coopérants français

Avec les retours de l’automne 1962, les Français sont plusieurs centaines de milliers en Algérie, où plus de 20 000 coopérants venus de France s’activent dans tous les ministères, jusqu’au Palais du Gouvernement (ex-Gouvernement général). Des fonctionnaires français locaux quittent cependant le pays à l’automne, quand les salaires sont réduits des 2/3, l’Algérie ne pouvant plus leur servir les salaires de la colonie, et les coopérants lui coûtant cher.

Le grand départ des Français se fit après les décrets de mars 1963 qui ont nationalisé les terres coloniales et les ont mise en autogestion, s’inspirant du modèle de la Yougoslavie socialiste. Des Espagnols quittent aussi. "Les Arabes ne peuvent plus nous nourrir", disent-ils.

Il restait cependant à l’automne 1965 près de 60 000 Français d’Algérie. Ceux-là acceptent d’être commandés par des Arabes, et ne partirent que l’âge venant, la médecine n’ayant pas le niveau français, les filles grandissant, le niveau de l’Université baissant, tandis que la France en face est emportée par la hausse continue du pouvoir d’achat que suscitent les "Trente glorieuses", et l’esprit mai 1968 attirant les plus jeunes. Au demeurant, l’émigration des Algériens vers la France bat ses records. Un ouvrier qualifié chez Renault peut gagner autant qu’un jeune coopérant en Algérie.

Ben Bella signe, les attributions de biens vacants, comme les décrets de mars. Il parle bien d’union de l’Islam et du Socialisme. Mais les milieux religieux font grise mine, certains regrettant, en conversation privée, "le temps de la France". Les critiques contre lui sont rares. Elles sont le fait d’opposants politiques, en Kabylie notamment, et de bourgeois dont souvent les familles ont préféré passer sur la rive nord de la Méditerranée, le frère ou le cousin connu pour être un progressiste assurant sur place la gestion des affaires familiales.

Pas dupe, ou revenant vite à la réflexion, l’opinion algérienne apprécie au total Ben Bella. Sa dictature de fait est progressiste, permissive, et accepte de fait bien plus qu’elle ne le dit. Son accord paraît total avec le chef d’état-major des Armées, le colonel Boumedienne, dont la chevelure châtain clair se teint peu à peu en noir, cependant qu’une moustache lui pousse. Et les opposants sont peu à peu ralliés par des prébendes, des rentes de situation, des sinécures, qui désarment leur hostilité.


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Ben Bella et Boumedienne

Une bourgeoisie d’État, discrète, se forme sous ses yeux. Elle choisit d’aller passer le carnaval à Rio plutôt qu’à Nice, apprécie la Suisse pour sa discrétion et son respect de l’argent, préfère Paris, où la discrétion et le respect sont incontestables, mais dont les prix sont si exagérés. Avant la guerre, elle levait parfois le poing dans les manifestations du Parti communiste algérien, ou l’index, dans ceux du PPA-MTLD. Aujourd’hui, elle lève le doigt, à l’adresse du croupier, aux tables de roulettes des casinos d’Europe.

 

Mais Ben Bella ne voit rien, écoute à peine. Peu à peu, devant les obstacles que la réalité des hommes et des forces économiques lui opposent, il renforce ses pouvoirs. En septembre 1963, candidat unique du parti unique, le FLN, il a été élu président de la République. Il cumule les ministères, donnant l’impression à son entourage qu’il vise au pouvoir personnel. Le gouvernement français lui fait de plus en plus grise mine, mais il se rapproche de l’URSS et de la Chine. Il refuse de prendre au sérieux les mises en garde qu’il inquiète et qu’un coup d’État se prépare.

Les blindés de l’armée qui se mettent en place dans Alger le 18 juin 1965 ne sont destinés qu’à la figuration dans le film La Bataille d’Alger que Pontecorvo tourne. En fait, les armes sont approvisionnées. Le samedi 19 juin, à 1h30 du matin, Ben Bella, éberlué, est arrêté au centre d’Alger, dans sa villa dont le service de protection est trop insignifiant pour le défendre.

Ses amis, le colonel Boumedienne et Abdelaziz Bouteflika, sont à la tête du coup d’État militaire qui l’arrête et le déporte. Dans le pays, les manifestations de protestation sont insignifiantes. La fête, commencée le 5 juillet 1962, est finie.

Jean-Louis Planche
auteur de Sétif 1945 : histoire d'un massacre annoncé, Perrin, 2001.

 

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17 juin 2012

histoire de l'Algérie cette semaine

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activités relatives à l'Algérie et son histoire

Jean MONNERET

 

Chers Amis,

Cette semaine sera celle de beaucoup d'activités relatives à l'Algérie et aux publications sur l'Algérie.

Je vous recommande d'écouter l'émission du mardi 19 juin sur Radio Courtoisie à partir de 18 heures. "Le Journal des Historiens" dirigé par Philippe Conrad présentera le Hors Série N°4 de la Nouvelle Revue d'Histoire consacré à la guerre d'Algérie et à l'histoire de ce pays. Parmi les participants il y aura outre Dominique Venner et votre serviteur, le général Faivre et Roger Vétillard.

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Le samedi 23 à partir de 15 heures, nous nous retrouverons pour une vente-signature à la librairie Notre-Dame de France, 21 rue Monge, Paris 5e. Ces rencontres sont l'occasion de revoir des amis nouveaux et anciens, d'échanger souvenirs et informations dans une atmosphère conviviale. L'achat de livres, s'il est bienvenu, n'est nullement obligatoire. La priorité c'est l'amitié.

C'est elle encore qui présidera, le lendemain 24 juin à l'Espace Champerret, la Fête Annuelle de Radio Courtoisie qui voit défiler chaque année des milliers de personnes pour y rencontrer de trés nombreux écrivains dont beaucoup sont réguliérement boycottés par les médias et le système.Pour ce qui nous concerne, sur le sujet Algérie, Radio Courtoisie a sauvé notre liberté de nous exprimer.

En souhaitant vous y voir nombreux,

Jean Monneret

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10 avril 2012

réponse de Benjamin Stora à Daniel Lefeuvre et réplique de celui-ci

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Benjamin Stora répond à la critique

de Daniel Lefeuvre à propos de "La Déchirure",

et Daniel Lefeuvre lui réplique

 

Benjamin STORA

Dans son long compte rendu à charge paru dans Études coloniales, du documentaire dont je suis l’auteur avec Gabriel Le Bomin (La Déchirure), Monsieur Daniel Lefeuvre, de manière systématique minimise les victimes algériennes, dans les massacres de mai-juin 1945 à Sétif et Guelma ; d’août 1955 dans le Constantinois ; du Plan Challe en 1959, ou du 17 octobre 1961 à Paris.

Il critique également les chiffres avancés du déplacement des populations paysannes (rapport de M. Rocard de 1959). Il ne doute jamais des versions officielles proposées par les gouvernements français de l’époque, et ne prend jamais en compte les chiffres avancés par les nationalistes algériens.

Est-ce là la position d’un historien qui se veut rigoureux et équilibrée ? Il va de soi, qu’élève de Charles Robert Ageron (voir mon site), je me suis appuyé sur l’ensemble de ses travaux pour les faits avancés dans ce documentaire.

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Dans le même esprit, il critique systématiquement les images montrant des victimes algériennes. C’était déjà le point de vue des officiels français de l’époque. Je le renvoie aux travaux de Marie Chominot qui, dans sa thèse de doctorat sur «Les images et la guerre d’Algérie», a bien démontré le système de propagande mis en œuvre visant à décrédibiliser ces images accusatrices.

Ce documentaire a d’autre part bénéficié en partie du concours de l’ECPAD pour les images cette guerre, ce que Daniel Lefeuvre ne signale jamais dans son article.
Enfin, puisqu’il aime citer d’autres historiens, je le renvoie au texte de Jacques Frémeaux publié dans Le Figaro, et à ceux publiés dans de nombreuses revues d’histoire qui disent la qualité et l’impartialité de ce travail difficile.

Benjamin Stora
professeur à l'université Paris XIII
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Daniel LEFEUVRE

La réponse de Benjamin Stora à ma critique du film La Déchirure ne laisse pas de surprendre. D’abord, parce qu’il me prête des affirmations dont on ne trouve pas trace dans mon texte.

Ainsi, où Benjamin Stora a-t-il lu que je contestais le nombre d’Algériens déplacés dans les villages de regroupement ? Mon texte ne fait aucune allusion ni à cet épisode de la guerre d’Algérie, ni au Rapport Rocard. Il en va de même pour le bilan des victimes algériennes des opérations Challe.

J’invite Benjamin Stora à lire plus scrupuleusement les textes qu’il souhaite critiquer, c’est de bonne méthode historique.

minimiser ?

Au-delà de ces inexactitudes, Benjamin Stora me reproche surtout de «minimiser» de manière «systématique» les victimes algériennes, refusant de prendre en compte les «chiffres avancés par les nationalistes algériens», concernant les massacres de mai 1945, d’août 1955 et du 17 octobre 1961, et plus généralement, de la guerre d’Algérie.

Où Benjamin Stora a-t-il lu que je minimisais les pertes algériennes ? Sétif, Guelma, mai 1945 : ma critique ne porte pas sur le bilan des victimes, mais sur le fait que le documentaire impute l’origine du soulèvement au tir d’un policier sur le porteur du drapeau des nationalistes.

Or, comme Roger Vétillard l’a établi de manière indiscutable, dans son livre, avant même le départ de la manifestation, des Européens ont été tués. Pourquoi Benjamin Stora feint-il d’ignorer cette chronologie et répond-il à côté ? Pour dédouaner le PPA de ses responsabilités ?

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les chiffres des uns et des autres

Philippeville, août 1955 : le reproche que j’adresse au documentaire est de ne citer QUE les chiffres du FLN (12 000 morts), en ignorant les estimations officielles (1 273). Serait-ce que pour Benjamin Stora, les premiers ne prêteraient pas à examen critique, les seconds relevant seuls, bien évidemment, de la propagande ?

En l’espèce, Benjamin Stora témoigne d’un parti pris inacceptable de la part d’un historien pour qui le doute critique fait loi, quelles que soient les sympathies qu’il entretient avec son objet de recherche.

Plan Challe : comme pour le Rapport Rocard, je n’en parle pas et Benjamin Stora aura du mal à prouver le contraire. Je prends les lecteurs attentifs à témoin. Pourquoi me reprocher des affirmations que je n’ai pas formulées ?

17 octobre 1961 : le documentaire affirme que la répression policière a fait cent morts. Benjamin Stora connaît pourtant l’étude approfondie, scrupuleuse de Jean-Paul Brunet. À ma connaissance, il ne l’a jamais critiquée. Einaudi lui-même, lors du procès Papon, en a admis, de fait,  le bienfondé (voir la liste des victimes publiée par Michel Renard dans Études coloniales).
Pourquoi Benjamin Stora continue-t-il de donner crédit à un bilan mensonger ? Peut-il, sur ce point précis, nous éclairer ?

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Prendre en compte les chiffres avancés par les nationalistes algériens ? Que faut-il entendre par «prendre en compte» ? S’agit-il de leur donner crédit a priori ? De les considérer comme dignes de foi ?  Faut-il, par exemple, «prendre en compte» le chiffre de 45 000 victimes de la répression du 8 mai 1945 ? de 1 million, voire 1,5 millions de morts de la guerre d’Algérie ? Certainement, dans le cadre d’une étude sur la propagande du FLN, certainement pas comme mesure historiquement fondée du bilan humain de ces événements.

les chiffres de Charles-Robert Ageron

Benjamin Stora rappelle qu’il fut un élève de Charles-Robert Ageron et qu’il en connaît l’œuvre, ce qui est parfaitement exact.

Pourtant, lorsqu’il évoque – dans La Déchirure –  les «400 000 victimes» algériennes de la guerre d’Algérie, puis les «centaines de milliers» lors du débat, il s’éloigne considérablement des estimations de Charles-Robert Ageron.

À partir de quels calculs, selon quelles méthodes, Benjamin Stora parvient-il à un chiffrage 60 % plus élevé que celui d’Ageron ? Dès lors, comment, sans autre explication, peut-il soutenir s’être «appuyé sur l’ensemble» des travaux de celui-ci ?

De deux choses l’une, ou l’estimation de Charles-Robert Ageron (250 000), qui rejoint celle de Xavier Yacono (300 000), est valide, et il n’y a aucune raison de s’en départir, ou bien Stora estime qu’elle est erronée, et il lui appartient de le démontrer.

En outre, dans ce bilan, pourquoi ne pas mentionner qu’un grand nombre de victimes – au moins trente mille, sans compter les harkis massacrés après le 19 mars 1962 – sont tombés sous les coups du FLN ?

le traitement historien des images

Reste l’usage des images. Où Benjamin Stora a-t-il lu que je critiquais les images montrant les victimes du FLN ? Je mets seulement en cause le fait que les images ou les films présentés ne sont ni sourcés, ni datés et que leur statut (documents authentiques ou reconstitutions) n’est jamais mentionné.

Pourquoi faudrait-il traiter l’image autrement que toutes les autres archives sur lesquelles travaillent les historiens ? Au demeurant, que certaines aient été fournies par l’ECPAD ne change rien à l’affaire. Tout document est justiciable d’un examen critique.

Enfin, Benjamin Stora ne s’explique nulle part sur les erreurs factuelles  que j’ai relevées ni sur le silence qu’il entretient sur la pratique de la torture par le FLN.

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Au total, cette réponse n’en est pas une. Faute de pouvoir m’opposer des arguments consistants, Benjamin Stora se réfugie ici – comme il l’avait fait à propos des critiques sur le film Les Hommes libres –  dans la pratique de l’esquive.

Et je ne suis toujours pas convaincu pas de la «qualité et de l’impartialité» de son documentaire que je persiste à considérer comme outrancier dans sa charge contre la politique de la France en Algérie et les pratiques de l’armée française (faut-il rappeler une énième fois que la torture n’a pas été généralisée à toute la période de la guerre et dans tout l’espace algérien!) mais, au contraire,  très indulgent à l’égard des méthodes mises en œuvre par le FLN pendant la guerre et très complaisant à l’égard de la propagande qu’il développe depuis.

Daniel Lefeuvre
professeur à l'université Paris VIII
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Post-scriptum sur la colorisation -  Le 22 décembre 2009, Benjamin publiait sur son blog une réflexion très intéressante  «À propos de la colorisation des images » (http://blogs.mediapart.fr/blog/Benjamin%20Stora. Il écrivait alors, à propos du documentaire Apocalypse de Daniel Costelle et Isabelle Clarke :

«Une sensation étrange de nouveauté se dégage. Cela ne tient pas au ton, à la voix du commentateur Mathieu Kassovitch mais à autre chose, de beaucoup plus troublant. La nouveauté, c'est la continuité d'images en couleur. Pour l'historien que je suis, toucher à une archive, en l'occurrence ici la coloriser, est vraiment problématique.

Qui décide de la couleur des cheveux, ou des yeux, d'une femme qui regarde l'objectif d'un soldat allemand ; des haillons d'un enfant qui lève les bras dans le ghetto de Varsovie ; ou de l'uniforme d'un soldat français jeté sur les routes ? Il y a dans ce documentaire des images tournées en couleur, et des images colorisées aujourd'hui, sans que jamais le téléspectateur ne soit informé de ce passage, de ce va-et-vient perpétuel.

Ce procédé me trouble : faut-il pour capter, motiver l'intérêt du spectateur, avoir recours à la couleur ? Faudra-t-il, un jour, coloriser les archives des camps de concentration pour que le public puisse encore manifester de l'intérêt pour cette séquence tragique d'histoire ?

Ce travail de colorisation semble aujourd'hui abandonné pour les films de fiction. Le célèbre film, Les tontons flingueurs ressort aujourd'hui dans une version mastérisée, mais en noir et blanc. Ce n'est donc plus la fiction que l'on colorie, mais «le réel» du documentaire, comme si la couleur rendait la guerre plus accessible, plus supportable. Ce débat commence, et je connais désormais de nombreux historiens qui ne supportent plus cette «restitution» de couleurs du réel, au risque de la falsification des archives».

Or, comme David Pujadas en informait les téléspectateurs, avant la projection, la colorisation des images de La Déchirure a été systématique. Benjamin Stora, troublé par le procédé  en 2009, y a eu recours en 2012. Ce qui était alors «problématique» ne serait-il plus ? Cette «falsification des archives» qu’il relevait alors se justifierait-elle désormais ? Le débat vaut d’être mené et je remercie par avance Benjamin d’y apporter sa contribution, notamment en expliquant les raisons de son revirement.

 

 

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9 juin 2012

édition mise à jour et augmentée du livre de Jean Monneret sur Oran le 5 juillet 1962

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La tragédie dissimulée

Oran, 5 juillet 1962 (éd. Michalon)

Édition mise à jour et augmentée

Jean MONNERET

 

«Bientôt les indigènes armés qui sont là vont se jeter sur tous les Européens qu’ils rencontreront dans un mouvement de folie et de meurtre collectif. On se venge sur l’autre, le différent… C’est un règlement de compte ethnique qui se déroule. »Ainsi l’auteur décrit-il cette fatale journée.

À Oran, le 5 juillet 1962, jour choisi pour célébrer dans la liesse l’indépendance de l’Algérie, des centaines d’Européens furent enlevés et tués. Et les troupes françaises, encore présentes dans la ville, sont restées l’arme au pied. Comme le leur avait ordonné le président De Gaulle. Cette journée poussera à l’exil des milliers de gens. Pourtant, pendant des décennies, cet évènement sera occulté soigneusement des deux côtés de la Méditerranée.

S’appuyant sur des archives militaires inédites, des documents internes de la Croix-Rouge et de nombreux récits de survivants, Jean Monneret révèle tous les tenants et les aboutissants de cette tragédie dissimulée.

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Si vous souhaitez recevoir cet ouvrage, merci de nous retourner le bon de commande à l’adresse ci-dessous :

Éditions Michalon

110, rue des Poissonniers

75018 Paris

ainsi que votre règlement exclusivement par chèque

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Commande …… exemplaire(s) de l’ouvrage de

Jean Monneret, La tragédie dissimulée – Oran, 5 juillet 1962 (édition mise à jour et augmentée)

Prix unitaire TTC : 18 €  - Frais de port inclus.

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- "la désinformation à propos de l'Algérie française et de la guerre d'Algérie", une conférence de Jean Monneret

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18 avril 2012

Delanoë veut contrôler les historiens de la colonisation et de la guerre d'Algérie

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L'historien et le Revizor

Alain-Gérard SLAMA

 

Un demi-siècle s'est écoulé depuis les accords d'Evian, censés avoir mis fin aux hostilités en Algérie le 18 mars 1962. Ces accords, négociés dans une atmosphère d'apocalypse entretenue par le FLN et par l'OAS, abandonnèrent les pieds-noirs sans protection aux enlèvements, à la violence et à l'exode, et les harkis désarmés au massacre. On conçoit que le rappel de cette déchirure laisse encore un goût amer.

Dans l'ensemble, les grandes chaînes de télévision ont saisi cette occasion pour diffuser de manière relativement équilibrée des images de la guerre d'Algérie inédites, atroces, mais parfois aussi généreuses de part et d'autre, qui auront permis, on l'espère, de sortir du masochisme d'usage quand il est question du passé colonial.

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On ne prévoyait pas en revanche que des fonctionnaires de l'État ou des collectivités locales, inquiets sans doute des conséquences politiques intérieures et extérieures de l'anniversaire des accords d'Évian, s'immisceraient en toute bonne conscience dans le travail des historiens.

Au début de cette année, on apprenait qu'une longue note de Guy Pervillé, historien impeccable de la colonisation, avait été réduite à quelques lignes dans un bulletin du ministère de la Culture consacré aux commémorations de l'année en cours.

Ce sont à présent deux autres historiens, Jacques Frémeaux et Daniel Lefeuvre, qui reçoivent un courrier les convoquant auprès du directeur adjoint du cabinet de M. Delanoë, pour leur faire connaître les raisons qui ont conduit le comité d'histoire de la Ville de Paris à leur adjoindre deux nouveaux membres au sein du commissariat général de l'exposition «Paris et les Parisiens dans la guerre d'Algérie», dont la mission leur avait été confiée. La lettre qui leur a été adressée fait état du souhait de l'Administration de rechercher «une solution scientifiquement rigoureuse et politiquement consensuelle».

Inutile de préciser que, devant pareille mise en doute de leur conscience professionnelle, nos deux historiens ont envoyé à leur Revizor une lettre de protestation accompagnée de leur démission. Jacques Frémeaux est professeur à la Sorbonne et membre de l'Institut universitaire de France. Daniel Lefeuvre, professeur à Paris VIII, est un spécialiste non moins reconnu de l'histoire coloniale. On voit mal ce qu'on pourrait leur reprocher, sinon, au premier, d'être né à Alger et, au second, d'avoir publié en 2006 un essai salutaire intitulé Pour en finir avec la repentance coloniale.

Ainsi, après la Justice et le Parlement, il était temps que l'administration de la République veille à ce que le travail des historiens ne cause de trouble à aucune mémoire sur le territoire national, et à aucun intérêt hors de ses frontières ! On a pu vérifier l'efficacité de cette stratégie à propos du négationnisme du génocide des Arméniens par les Turcs, problème dont le pouvoir politique s'est emparé en espérant rendre justice aux victimes sans contrarier les bourreaux, et qui aura finalement achevé de le brouiller avec les uns et les autres.

Publié le 22 mars 2012 - Le Figaro

 

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12 avril 2012

la Mosquée de Paris, victime d'un délire anti-"illuminati" (ajout du 20 avril)

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manipulation et délire :

sur un prétendu symbole "illuminati"

à la Mosquée de Paris

Michel RENARD

 

Il circule depuis quelques semaines une vidéo affirmant que le minaret de la Mosquée de Paris comporte un symbole "illuminati". Après avoir visionné cette vidéo, je suis choqué et en colère contre l'indigence intellectuelle de l'auteur et la manipulation à laquelle il a procédé...!

1) l'essentiel de cette vidéo est constitué de ma propre parole...! recueillie par interview dans le documentaire "Musulmans de France, de 1904 à nos jours" (France Télévisions, 2009) ; entretien accordé à Mohamed Joseph qui était venu  chez moi l'année précédente.

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J'y explique seulement le paradoxe POLITIQUE d'un projet de mosquée à Paris soutenu par le Parti radical, dont une bonne partie est effectivement affiliée à la franc-maçonnerie et fer de lance de la laïcité. Mais le président du conseil, Édouard Herriot, qui inaugure la Mosquée le 16 juillet 1926 n'a jamais été franc-maçon, lui...!

Je n'ai jamais parlé d'influence occulte dans le décor architectural de la Mosquée de Paris...! Pourquoi utiliser, à mon insu, mon propos pour me faire dire l'opposé de ma pensée ?!

2) le triangle n'est pas une forme géométrique ignorée du décor islamique, même s'il est rarement représenté seul. Sa symbolique hérite du nombre 3 et est à la base de la mesure de l'espace par le procédé de triangulation bien connu des mathématiciens et astronomes arabes au Moyen Âge.
Le triangle est l'une des trente-sept pièces à géométrie simple utilisé par les zelligeurs dans les décors de mosaïque.

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le triangle, une des figures géométriques des zelliges

 

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le triangle, une des figures géométriques des zelliges


Au Maroc, les pierres tombales des souverains saadiens, à Marrakech, sont constitués d'une dalle surmontée d'un élément à base triangulaire.

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Et dans le décor des muqarnas, la forme du triangle termine souvent une pièce modulaire.

On trouve aussi des triangles, à la Mosquée de Paris, sur le décor du minbar offert par la Tunisie à l'époque...

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minbar offert par la Tunisie

 

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en voilà des triangles...


Il faut arrêter la paranoïa qui voit des symboles "illuminati" partout...!

Michel Renard
termine un livre sur l'histoire de la Mosquée de Paris

 

- le tableau des figures géométriques est issu du livre Arabesques. Art décoratif du Maroc, Jean-Marc Castera, ECR Éditions, 1996, p. 114-115.

 

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critique et réponse

Il m'a été répondu, le 14 avril : "Ce triangle a le sommet séparé du reste donc rien à voir avec votre description."

Voici ma réplique (15 avril) :

La comparaison de ce motif décoratif inséré dans le creux du mur du minaret de la Mosquée de Paris et l'image figurant sur le billet d'un dollar américain est infondée. Pourquoi ?

L'image reproduite sur le dollar n'est pas une pyramide dont le sommet serait séparé par le halo des rayons d'une lumière irradiante. En réalité, il y a deux éléments distinctifs : une pyramide tronquée dont la tridimensionnalité est signifiée par la vision de deux faces de l'édifice, et un triangle qui ne peut être le sommet de cette pyramide parce qu'il n'est pas tridimensionnel. C'est une figure triangulaire plate enfermant l'œil de la connaissance.

Sur le minaret de la Mosquée de Paris, on distingue deux éléments. À la base, ce n'est pas une pyramide, parce que se combinent deux types de lignes : des lignes obliques et des lignes verticales. Or, une pyramide ne comporte pas de lignes verticales.

Par ailleurs, le triangle supérieur ne peut, lui non plus évoquer le sommet d'une pyramide parce qu'il ne comporte aucune tridimensionnalité. On dirait plutôt une toile de tente canadienne…

Reste la question de savoir ce que signifie cette insertion en creux dans la pierre… Cela ne semble pas redevable d'une nécessité fonctionnelle. Seulement d'une intention décorative. Mais laquelle ?

Je continue à chercher. En tout cas, l'interprétation "symbole illuminati" est réduite à néant. La comparaison avec l'image du dollar ne tient pas debout. Il s'agit d'une sur-interprétation, d'un abus analogique.

Michel Renard
après discussion avec Jean-Marc Castera
auteur de Arabesques. Art décoratif du Maroc, ECR Éditions, 1996.

 

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ajouts interprétatifs

J'ajoute (17 avril) que le motif du triangle entaillé dans la pierre du minaret peut se trouver sur certaines mosquées au Maghreb, par exemple sur celle de Nédroma (Algérie). On ne pourra invoquer une prétendue symbolique "illuminati" ni franc-maçonne puisqu'elle fut édifiée en 1145 et le minaret en 1348 par l’architecte Muhammad al-Sîsî certainement influencé par le style des Almohades (source).

Michel Renard

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Nouvel ajout (18 avril) : on trouve sur la mosquée turque de Divrigi un dispositif décoratif géométriquement similaire à celui relevé sur le minaret de la Mosquée de Paris. À la base, une porte dont la partie supérieure est formée de lignes obliques et qui se poursuit vers le bas par des lignes verticales. Au-dessus, un empilement de quatre lignes horizontales portant des dessins et des calligraphies. Enfin, plusieurs triangles dont celui qui est au centre a le sommet exactement situé dans le prolongement des lignes obliques du haut de la porte.

Michel Renard

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mosquée de Divrigi (Turquie)

 

 

Nouvel ajout (20 avril) - Je reçois aujourd'hui de précieux renseignements de la part de François Gruson, architecte très compétent et spécialiste de "l'architecture maçonnique" ("pour autant que celle-ci existe", comme il dit) que j'avais sollicité à la recherche d'informations techniques et symboliques.

François Gruson écrit, à propos du minaret de la Mosquée de Paris : "il s'agit visiblement d'une réinterprétation d'un arc en tas de charge avec une traverse intermédiaire, comme cela se pratique avec les techniques de pisé (tas de charge en terre sèche et tirant en bois). Je pense que vous pourriez trouver cela entre le sud-marocain, le Mali ou la Mauritanie". C'est exact.

J'ai découvert deux exemples de ce type d'agencement. D'abord celui de la mosquée de Chinguetti, en Mauritanie, considérée par les fidèles comme le septième lieu saint de l'islam. Elle fut construite au XIIIe siècle… la franc-maçonnerie n'existait pas…! Le motif de décoration triangulaire y est traditionnel. En architecture, un arc en tas de charge désigne une assise de pierres à lits horizontaux que l'on place sur un point d'appui, ; là, apparemment on le place au-dessus d'une ouverture.

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J'ai déniché également une figure décorative, certes un peu différente, mais présentant des apparentements avec les précédentes. Il n'y a pas l'ébauche de lignes pyramidales mais la distribution entre une base, une travée la surmontant puis un triangle coiffant le tout est la même.

Il s'agit de la mosquée de Gaya au Sénégal, lieu de naissance d'el-Hadj Malik Sy (1855-1922), leader de la tariqa Tijaniyaa au Sénégal au lendemain de la conquête française.

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rien de maçonnique sur le minaret de la Mosquée

Enfin, François Gruson est formel : "Si je ne suis pas spécialiste de l'architecture islamique, je crois au contraire bien connaître l'architecture maçonnique, pour autant que celle-ci existe. Je puis affirmer sans réserve que le motif qu'on voit au pied du minaret n'a rien de maçonnique".

Il ajoute : "Un de vos contradicteurs dit que la franc-maçonnerie emprunte ses symboles à d'autres traditions : il a raison et c'est particulièrement vrai du triangle et de l'oeil, symbole cher à la contre-réforme (cela s'appelle une Gloire en termes iconographiques), et qu'on peut voir notamment sur le maître-autel de la chapelle royale du château de Versailles, lieu bien peu maçonnique s'il en est (à moins qu'on ne soit plus à un anachronisme près !).

C'est également particulièrement vrai du pentagone concave, ou pentagramme, qui est un symbole présent en franc-maçonnerie... comme en l'Islam : nos paranoïaques de service pourraient filmer toutes les étoiles à cinq branches qui figurent dans les mosquées et les balancer sur le net en parlant de symboles maçonniques ! Encore faudrait-il pour cela s'intéresser à ce qu'est réellement la franc-maçonnerie et ses symbole !

Votre contradicteur a également raison quand il affirme qu'en franc-maçonnerie "tout est symbole", à condition toutefois de comprendre ce que le terme de "symbole" signifie, et de ne pas le confondre, comme il le fait et comme c'est le plus souvent le cas, avec les notions de signe ou d'emblème. Comme vous le dites, cela nécessite un peu de culture, notamment dans la sémiologie, qui est la science des signes. 

Le plus amusant dans l'affaire, est d'imaginer de prétendus francs-maçons truffer leurs édifices et les villes de soit-disant symboles ! Dans quel but ? N'ont-ils que cela à faire ? Ne leur reproche-t-on pas, au contraire, de se consacrer à d'autres chantiers bien plus impactants pour la société ? "

Merci à François Gruson de son érudition et de toutes ces précisions.

Michel Renard

 

 

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3 janvier 2012

1975, harkis, Saint-Laurent-des-Arbres

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le combat d'une vie

Hocine LOUANCHI

 

- lien vers http://www.dailymotion.com/video/xl0lyn_hocine-le-combat-d-une-vie_news

En 1975, quatre hommes cagoulés et armés pénètrent dans la mairie de Saint-Laurent-des-Arbres, dans le département du Gard. Sous la menace de tout faire sauter à la dynamite, ils obtiennent après 24 heures de négociations la dissolution du camp de harkis proche du village. A l¹époque, depuis 13 ans, ce camp de Saint Maurice l'Ardoise, ceinturé de barbelés et de miradors, accueillait 1200 harkis et leurs familles.

Une discipline militaire, des conditions hygiéniques minimales, violence et répression, 40 malades mentaux qui errent désoeuvrés et l' isolement total de la société française. Sur les quatre membres du commando anonyme des cagoulés, un seul aujourd'hui se décide à parler.

35 ans après Hocine raconte comment il a risqué sa vie pour faire raser le camp de la honte. Nous sommes retournés avec lui sur les lieux, ce 14 juillet 2011. Anne Gromaire, Jean-Claude Honnorat

Et pour compléter le documentaire, réécoutez sur SUD RADIO, «podcasts» l'émission du 8/11/11, de Karim Hacene, Enquêtes et Investigations, sur les harkis le camp de saint maurice l'ardoise en 2 parties


- autres liens : le blog de Philippe Poisson (avec de nombreux liens)

 - le blog Harkis 1. 2. 3.

 

 

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Hocine Louanchi

 

 Harkis
le Logis d’Anne en Provence

 

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5 avril 2012

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la langue de bois de Mme Zohra Drif

sur le "génocide"

commis par la France en Algérie

Michel RENARD

 

D'après le site internet algérien Algérie-Focus, le 4 avril 2012, sur les ondes de la Radio nationale Chaine III dans l’émission «invitée de la rédaction», la sénatrice et la moudjahida Zohra Drif Bitat a tenu les propos suivants :

"Chiffres à l’appui, Mme Zohra Drif Bitat, a rappelé que quand le colonisateur français  est arrivé en Algérie, la population algérienne était de l’ordre de 10 millions d’habitants. Et en 1872, la population est passée à 2,5 millions d’habitants. Ce n’est qu’en 1954 que l’Algérie coloniale a atteint les 9 millions d’habitants. Ces statistiques démontrent, on ne peut mieux, insiste-t-elle, que la France coloniale a commis un «génocide caractérisé en Algérie et appliquait un système raciste et de déculturation sur le peuple algérien, dépossédé de ses biens et dépourvu de ses droit». Et de finir : «Des génocides et des crimes contre l’humanité ont été commis par la France en Algérie. La France doit reconnaître tout ceci »."

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Zohra Drif

Où est-elle allé chercher ce chiffre de 10 millions d'habitants en 1830 sur le territoire de la Régence d'Alger sous souverainté turque ottomane ? Un seul auteur avance une telle estimation, en absence totale de recensement. C'est un chiffre idéologique aussi peu fiable que le million et demi de martyrs de la guerre d'Algérie (1954-1962) avancé par le FLN dans un pur but de propagande. Mais les officiels algériens n'ont pas quitté le terrain de la désinformation et du bourrage de crâne. La désinformation tient lieu de discours politique en Algérie.

 

combien d'habitants en "Algérie" en 1830 ?

Le premier dénombrement de la population, tant européenne qu'indigène, date de 1844-45, effectué sur ordre du ministère de la Guerre. Auraparavant, on ne dispose que d'estimations dont certaines ne pas désinterressées... Le démographe algérien Kamel Kateb, venu travailler aux archives d'Outre-mer à Aix-en-Provence - et que j'ai rencontré quand il y a quelques années il compulsait les cartons d'achives de ce centre -, a écrit un livre : Européens, «indigènes» et juifs en Algérie (1830-1962) (Ined-Puf, 2001).

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Kamel Kateb fait le bilan de toutes les estimations relatives à la population en 1830. En voici le tableau :

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cliquer sur l'image pour l'agrandir

Kateb 2
cliquer sur l'image pour l'agrandir

Il n'y a que Hamdan Khodja, notable et professeur de droit musulman, auteur d'un livre écrit en français en 1833, Le Miroir. Aperçu historique et statistique sur la Régence d'Alger (éd. Sinbdad, 1985) qui avance ce chiffre rond de 10 millions d'habitants. On ne sait rien de ses sources. Le général Bugeaud, de son côté, parle de 4 millions puis de 8 millions, en 1845 et 1846 (?) sans que l'on sache non plus, d'où il tire de pareils chiffres si dissemblables.

Comme le note Kamel Kateb : "Il n'y a pratiquement pas de trace d'explication sur les méthodes d'estimation des uns et des autres. On peut estimer que les considérations politiques [Hamdan Khodja] ou militaires [Bugeaud] ont prévalu sur l'estimation objective de la population de l'époque" (op. cit., p. 12). Hamdan Khodja cherchant à accabler, outre mesure les effets militaires de la conquête française, et Bugeaud cherchant à surestimer son adversaire pour obtenir des crédits et des effectifs plus importants.

Kamel Kateb, respectant les critères démographiques mais favorable à la thèse algérienne d'une population plus importante que ne ne le disaient diverses estimations françaises conclut au conditionnel : "La population en 1830 aurait donc pu être plus proche de quatre millions en partant de l'hypothèse qu'il existe un équilibre entre populations et resssources disponibles" (Kamel Kateb, op. cit., p. 16). Rien à voir avec les 10 millions de Zohra Drif...!


L'esprit indépendant doit prendre ses distances avec ce pathos victimaire des autorités algériennes. L'historien Xavier Yacono (1912-1990) avait finalement établi que d'après le dénombrement de 1844-1845, la population à cette époque ne devait pas dépasser 2,6 milllions d'habitants et qu'en 1830, elle devait se chiffrer à 3 millions (cf. Kamel Kateb, p. 12).

Le chiffre de 10 millions d'habitants de la Régence en 1830 est donc une affubulation totale. Zohra Drif se moque du monde. Il y a eu des régressions démographiques dues un peu à la guerre de conquête et également aux famines connues par d'autres pays non concernés par le choc colonial. Globalement, sous la domination coloniale, la population indigène a progressé.

 

un génocide ?

Jamais, l'autorité coloniale n'a envisagé l'extermination de la population "indigène" en tant que telle. La confrontation a été militaire, culturelle mais jamais ethnique au point d'envisager l'élimination d'une population en tant que telle. Il n'y a pas eu de génocide en Algérie, (voir aussi Roger Vétillard), (et encore Yves Lacoste). L'historien Mohammed Harbi l'a déjà reconnu il y a longtemps.

 Michel Renard

 

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2 avril 2012

critique du documentaire "La Déchirure", par Guy Pervillé

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"La Déchirure" :

erreurs de méthodes et graves oublis

Guy PERVILLÉ

 

Ma première impression sur le film de Gabriel Le Bomin, co-signé par Benjamin Stora, était favorable à cause de la relative nouveauté des images et de leur colorisation qui donnait une impression inhabituelle d'actualité, mais au cours de leur déroulement j'y ai trouvé des erreurs de méthode qui m'ont de plus en plus choqué.

Dans mon esprit, la comparaison s'est imposée avec le film d'Yves Courrière et Philippe Monnier, La guerre d'Algérie, daté de 1972, qui reste un modèle du genre, même si la publicité de ce nouveau film l'a présenté abusivement comme une nouveauté sans précédent. Et la comparaison a tourné très vite à l'avantage du plus ancien de ces deux films, car le plus récent a réussi a cumuler les défauts du premier avec d'autres beaucoup plus graves.

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En effet, j'ai retrouvé dans les deux films la même tendance à utiliser les images prises du côté algérien sans se soucier de leur date et de leur lieu réels de tournage, sous le mauvais prétexte qu'aucun film n'avait été tourné du côté FLN à l'intérieur de l'Algérie avant 1957.

Cela n'excuse pas le fait de nous présenter des images tournées en Tunisie en 1958 ou 1959 pour illustrer le FLN-ALN de 1955. S'il n'y avait pas encore de films pour nous les montrer, il y avait au moins des photographies authentiques. Mais le film de Gabriel Le Bomin m'a fait regretter celui d'Yves Courrière, qui au moins s'imposait de nous présenter tous les personnages importants à l'heure de leur apparition.

 

l'histoire intérieure du FLN ?

En effet, ce nouveau film nous permet de suivre à peu près les méandres de la politique française, mais il reste extrêmement flou sur l'histoire intérieure du FLN.

Il nous montre des images de personnages connus des spécialistes sans les nommer, et répare ou ne répare pas ces oublis plus ou moins tardivement. Sauf inattention de ma part, Ferhat Abbas est nommé, ainsi que Ben Bella, mais pas les autres chefs historiques du 1er novembre 1954, sauf Belkacem Krim au moment de la signature des accords d'Évian (alors qu'on le voit, comme je l'ai dit plus haut, passer en revue les troupes de l'ALN à l'extérieur en 1958 ou 1959, dans une scène faussement placée en 1955).

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Abane Ramdane

Rien sur Abane Ramdane, l'organisateur du Congrès de la Soummam en 1956, et rien sur le colonel Boumedienne (encore une fois, sauf erreur de ma part). Mais j'ai aussi entendu des phrases très approximatives, ou même carrément fausses : Jacques Soustelle qui serait de retour à Alger avant le 13 mai, le général Salan qui serait reparti à Madrid après l'échec du putsch, la fusillade du 26 mars 1962 rue d'Isly attribuée aux gendarmes et non aux tirailleurs.

 

trame historique discontinue

Mais le plus incroyable et inadmissible est le caractère discontinu de la trame des faits mentionnés. Il n'y a rien entre la semaine des barricades (fin janvier 1960) et les journées de décembre 1960, ce qui règle le problème du rapport entre l'affaire Si Salah et la rencontre de Melun en juin 1960...

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Si Salah

De même il n'y a rien entre le putsch des généraux (22-25 avril 1961) et le 17 octobre 1961 : pas de négociations entre le gouvernement français et la direction extérieure du FLN à Evian et Lugrin durant l'été, pas de rupture ni de recherche d'autres solutions éventuelles. Qu'une journaliste du Monde ne se soit même pas aperçue de ces énormes lacunes m'inquiète sur sa compétence en la matière...

En fin de compte, je trouve le film d'Yves Courrière incomparablement meilleur, sauf sur la journée du 5 juillet 1962 à Oran qu'il avait coupée parce que son scénario s'arrêtait le 1er juillet, tout en en récupérant des images pour les utiliser à d'autres dates antérieures.

À ce détail près, je dois conclure que le nouveau film est incomparablement moins bon que son prédécesseur. Et j'en conclus que son auteur est inconscient du fait que l'histoire n'est pas la même chose que la fiction, qu'elle doit donc répondre à des règles rigoureuses qui sont incompatibles avec la fameuse "liberté du romancier".

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Et c'est aussi pourquoi je suis très étonné de voir Benjamin Stora prêter l'autorité de son nom à une telle entreprise, au risque de compromettre sa réputation d'historien.

Qu'on ne s'y trompe pas : dans la quinzaine qui a précédé le cinquantième anniversaire du 19 mars 1962, j'ai eu l'occasion de lire de très nombreuses interviews dans lesquelles il a exposé son analyse sur le problème de la mémoire du conflit dans les deux pays, et je les ai approuvées, notamment quand il a pris position pour une opération "Vérité et réconciliation" inspirée de l'exemple sud-africain  au lieu de la revendication algérienne de repentance adressée à la France.

J'ai également apprécié sa participation au débat qui a suivi le film, et deux jours plus tard sur Arte sa participation très intéressante ainsi qu'émouvante au film Algérie notre histoire, de Jean-Michel Meurice, qui sortait des sentiers battus.

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Algérie, notre histoire

Mais je suis plus convaincu que jamais que les historiens doivent tracer une ligne rouge infranchissable entre ce qui est de l'histoire et ce qui n'en est pas, au lieu d'aider à faire disparaître cette différence capitale dans l'esprit du public. Même si le mal est déjà fait, et depuis longtemps, cela n'est pas une raison valable de renoncer à faire connaître la différence qui devrait séparer nettement l'histoire et les mémoires.

Guy Pervillé
professeur émérite à l'université de Toulouse Le Mirail

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- texte définitif sur le site de Guy Pervillé

- voir "La Déchirure" : ce documentaire n'est pas un outil de référence, Daniel Lefeuvre

- voir la mise au point du général Maurice Faivre et les remarques de Michel Renard

 

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28 mars 2012

immigration algérienne en France, années 1950

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combien d'Algériens

en France dans les années 1950/1960 ?

Daniel LEFEUVRE

 

Un étudiant qui prépare Sciences Po Grenoble demande à Daniel Lefeuvre, auteur de Pour en finir avec la repentance coloniale, livre proposé à ce concours d'entrée :

"Au chapitre 10: Qui a reconstruit la France après 1945 ?, à la plage 155 vous affirmez que l'on compte près de "160 000 coloniaux" en France en 1951. Aux pages 153 et 154, on peut lire que 320 000 Algériens débarquent en France (entre 1947 et 1950), et que ce chiffre ne cesse d'augmenter jusqu'à l'indépendance algérienne en 1962.
Je ne comprends donc pas... comment expliquer cette différence de chiffres assez importante ? "

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Cette question appelle deux réponses

D'une part, si vous avez bien lu, je ne dis pas que l'immigration algérienne en France augmente jusqu'à la fin de la guerre d'Algérie, mais que, s'amplifiant après 1946, le courant s'inverse au cours de la guerre d'Algérie.

D'autre part, attention à ne pas omettre que si il y a des entrées sur le territoire métropolitains il y a aussi, chaque année des départs (retour vers l'Algérie). Le nombre de 160 000 représente donc le "solde" entre les effectifs déjà en France en 1946, augmenté des arrivées, diminué des départs (ne pas confondre "flux" et "stocks" pour prendre une comparaison commerciale ou financière).

Les entrées se sont élevées à 320 000 entre 1947 et 1950, les retours en Algérie à 217 000 (chiffres arrondis). Le solde est donc de 103 000 auquel s'ajoutent les Algériens présents sur le territoire métropolitain en 1946 et les arrivées de l'année 1946. Soit, au final, environ 160 000 personnes.

Daniel Lefeuvre

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24 mars 2012

monuments aux morts à Alger, 1962

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qu'est devenu le monument aux morts

à Alger en 1962 ?

Études Coloniales

 

À la demande d'un de nos visiteurs, nous souhaiterions recueillir des informations précises sur ce qu'il est advenu du monument aux morts à Alger après l'indépendance.

Il semblerait que le 21 Août 1962, ce monument ait été bétonné faute d'avoir pu être être détruit facilement. Et ensuite ? Comment et quand a-t-il été détruit ?

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Il fut édifié, notamment par Paul Landowski. Il existe des informations précises sur le site de Simone Gauthier quant à son origine.

algerpavois

 

Ce site propose des extraits du journal de Paul Landowski que nous relayons ci-dessous :

18 février 1922
Je me suis trompé dans mon pronostic pour le concours d'Alger. C'est notre projet qui a le prix. Me voilà donc avec une nouvelle formidable histoire sur les bras.

13 mai 1923
Passé la matinée à rédiger de manière définitive le devis pour le monument d'Alger.

26 juin 1925
J'ai commencé tout de même la maquette d'Alger (1).

(1). Il s'agit du monument aux morts d'Alger ou le Pavois. Le concours a été remporté en 1922 par les architectes Maurice Gras, Edouard Monestès et les sculpteurs Landowski et Charles Bigonet.

5 novembre 1926
J'ai complètement chamboulé le groupe arrière du monument d'Alger. Deux arabes formeront l'arrière plan. Une sorte de guerrier du sud. Le groupe principal sera formé d'une femme française et d'une femme arabe dans les bras l'une de l'autre. Effet commence à être excellent.
Le mort est moulé. Il est bien. Évidemment c'est d'une taille un peu petite pour passer à l'exécution définitive. Mais je ne crois pas que j'aurai de surprise. Enfin tout dépendra du temps qui me sera indiqué pour la pose des pierres.

8 novembre 1926
Je modifie bien le groupe arrière du monument d'Alger. Les deux femmes, l'Européenne et l'Arabe, s'embrassant fait bien. Les deux figures du fond aussi. C'est mieux que ces éternels poncifs bons pour sculpteurs de nos villes de province.

16 novembre 1926
Enfin j'ai trouvé l'arrangement du groupe du dos du monument d'Alger. Unité de sentiment. Les deux femmes s'embrassent. Les deux vieillards, l'Européen et l'Arabe s'appuient l'un sur l'autre. L'unité de sentiment a conduit à l'heureux effet plastique. Repris la Victoire. Diminué la tête. En cette taille sa petitesse semble exagérée. En grand ce sera bien. Les chevaux ne vont pas très bien. Un peu ronds et monotones d'accent. Il faut de la nature là dessus.

27 décembre 1926
La Victoire pour le monument d'Alger devient épatante. Elle prend une allure énorme depuis que je traite les bras audacieusement avec un modèle homme.

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Ce site précise que le monument a été inauguré en novembre 1928 et que 10 000 noms d'Algérois de toutes origines y étaient gravés. Il aurait, en 1962, été "noyé" dans une chape de bois ou de béton. Aurait-il été, depuis, "débétonné" et redevenu visible ?

Qui en sait d'avantage ? Merci.

____________________________

 

Alger_Monument_aux_mortsle monument de Landowski

 

M2
le bétonnage d'Issiakhem (effectué en 1978)
source

 recherche : Michel Renard

 

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13 février 2012

Pour en finir avec la repentance coloniale - IEP Grenoble

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questions de Quentin Ariès

à propos de

Pour en finir avec la repentance coloniale

au programme de l'IEP de Grenoble

 Daniel LEFEUVRE

 

Quentin Ariès, préparateur à l'IEP de Grenoble : Pourquoi avoir écrit Pour en finir avec la repentance coloniale ? Est-ce pour imposer plus de frontières entre l’Histoire et le politique ?
Daniel Lefeuvre
: Il ne s’agissait pas d’établir une frontière entre l’histoire et le politique, à proprement parler. Mais d’abord de rappeler les fondements essentiels de la discipline historique, face à la déferlante de productions, à caractère prétendument historique, visant à «condamner» la colonisation et établissant une continuité artificielle entre le passé colonial et la situation, dans la France d’aujourd’hui, des populations immigrées ou issues des immigrations.

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D’autre part, je souhaitais rappeler, à grands traits, quelques acquis de l’historiographie des colonisations et démonter quelques mythes – dans le prolongement des travaux précurseurs de Paul Bairoch, d’Henri Brunschwig et de Jacques Marseille - notamment sur :

- les méthodes et le bilan des guerres coloniales, sur le rôle de la colonisation dans le développement économique de la France, sur le poids relatif de l’immigration maghrébine dans les reconstructions du pays aux lendemains des guerres mondiales, sur les manifestations de xénophobie et de racisme dont les immigrés ont été les victimes, en interrogeant l’éventuelle spécificité quant à l’ampleur et aux formes affectant les populations magrébines et noires, etc.
Le tout ouvrant à une réflexion sur l’avenir de la France, qui a trouvé son prolongement dans le livre, écrit avec Michel Renard, Faut-il avoir honte de l’identité nationale ? (Larousse, 2008).

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 Quentin Ariès : Vous faites référence à la «loi Taubira» sur la traite négrière et le commerce triangulaire comme un abus du politique dans l’Histoire. Selon vous la loi venant d’être votée sur le génocide arménien est-elle du même calibre ?
Daniel Lefeuvre
 : Oui. Indiscutablement. Je suis convaincu qu’il faut laisser aux historiens le soin d’écrire l’histoire. Sur ce sujet – qui reste l’objet de controverse, des historiens anglo-saxons discutant de la pertinence de l’accusation de génocide – comme pour tous ceux qui ont fait l’objet de lois «mémorielles», je renvoie les candidats à l’article que Madeleine Rebérioux - historienne spécialiste de Jean Jaurès et du socialisme français -, alors présidente de la Ligue des Droits de l’Homme,  avait publié dans la revue L’Histoire (n°138, novembre 1990, pp. 92-94) pour s’opposer à la loi Gayssot : "Le Génocide, le juge et l'historien", disponible, en ligne sur : http://www2.presse.ac-versailles.fr/Textes/loi1990-2.htm. Au passage, ils relèveront en quoi, selon M. Rebérioux  les historiens sont-ils des «révisionnistes par métier».

Quentin Ariès : Avez-vous été contacté par Sciences Po Grenoble pour le choix de cet ouvrage pour leurs concours ?
Daniel Lefeuvre
 : Non, à aucun moment, et il n’y avait aucune raison pour que je le sois. Les jurys sont et doivent rester totalement libres de leur choix. En revanche, compte tenu des critiques soulevées par ce choix, j’ai proposé à la direction de l’école l’organisation d’un débat dont le principe a été accepté, ce dont je suis reconnaissant à la direction de l’école. Je ne doute pas que Sarah Mekdjian qui a vigoureusement contesté ce choix, acceptera cette discussion publique. Elle aura ainsi la possibilité de présenter en détail les «provocations et les erreurs» que contiendrait mon livre  - ce «pamphlet politique réactionnaire» comme elle se plait à le qualifier - et j’aurais plaisir à lui répondre.

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Quentin Ariès : Des conseils pour les candidats pour mieux comprendre le contexte de votre ouvrage ?
Daniel Lefeuvre
 : Le ou plutôt les contextes sont de plusieurs ordres. Au plan «académique» le livre s’inscrit dans une réflexion sur l’histoire coloniale. Il souhaite rappeler l’importance des connaissances produites dans ce domaine qui dessinent une «histoire ambiguë», pour reprendre le titre particulièrement opportun du livre de Pierre Brocheux et Daniel Hémery,  Indochine, la colonisation ambiguë (La Découverte, 2001, 451 pages).

Au plan politique, le contexte était – et reste – celui d’une instrumentalisation de l’histoire, d’une histoire-réquisitoire, dont l’objectif n’est pas de révéler un passé honteux, oublié ou occulté, comme on tente de le faire croire, mais de remettre en cause les fondements de la République, au profit d’une conception communautariste et multiculturelle de la société.

Quentin Ariès : Cet ouvrage est détaillé, plein de références peu étudiées lors des classes de terminales ou de premières dans les lycées, avez-vous des références complémentaires à donner ?
Daniel Lefeuvre
 : L’historiographie coloniale est très abondante. Quelques références complémentaires :

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1) Deux instruments de travail commodes, les :

- Dictionnaire de la France coloniale, sous la direction de Jean-Pierre Rioux (Flammarion, 2007).

- Dictionnaire des esclavages, sous la direction d’Oliver Pétré-Grenouilleau (Larousse, 2010).

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2) Sur les conquêtes coloniales :

- Marc Michel, Essai sur la colonisation positive. Affrontements et accommodements en Afrique noire, 1830-1930, Perrin, 2009, 420 pages.

- Jacques Frémeaux, De quoi fut fait l’empire, Les guerres coloniales au XIXe siècle, CNRS éditions, 2010, 576 pages, qui propose une histoire comparée des conquêtes coloniales. Peut se lire par chapitres.

- Jacques Frémeaux, La France et l’Algérie en guerre, 1830-1870, 1954-1962, Economica, 2002, 365 pages.

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3) Sur les enjeux économiques :

- Le toujours utile Henri Brunschwig, Mythes et réalités de l’impérialisme colonial français, 1871-1914, A. Colin, 1960, 205 pages

- L’indispensable Jacques Marseille, Empire colonial et capitalisme français, Histoire d’un divorce, réédition A. Michel, Evolution de l’humanité, 2005.

- On  trouvera également des informations précieuses et des réflexions stimulantes dans certains articles de Paul Bairoch, in Mythes et paradoxes de l’histoire économique, La Découverte, 1995, 287 pages, en particulier sur l’importance des colonies puis du «Tiers monde» dans le développement économique de l’Europe.

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4) Sur l’Algérie et sur les enjeux de mémoire :

- Le numéro spécial d’Historiens & Géographes, n° 388, octobre 2004, propose un dossier très utile sur la Guerre d’Algérie, préparé sous la direction de Guy Pervillé.

- Sur l’histoire et les enjeux de mémoire autour de la guerre d’Algérie, Guy Pervillé, Pour une histoire de la guerre d’Algérie, Picard, 2002, 356 pages.

- Les candidats tireront également un très grand profit à consulter le site de Guy Pervillé (guy.perville.free.fr), en particulier pour tout ce qui concerne les enjeux de mémoire autour de la guerre d’Algérie, ainsi que le blog des études coloniales (etudescoloniales.canalblog.com).

Sur les relations économiques et financières entre la France et l’Algérie, mais aussi sur les origines et l’importance économique et politique de l’immigration algérienne en France, je me permets de renvoyer à D. Lefeuvre, Chère Algérie, La France et sa colonie, 1930-1962, rééd. Flammarion, 2005.

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5) La Revue Outre-Mers, publiée par la Société française d’histoire d’Outre-mer, est un outil particulièrement précieux, à la fois pour ses articles mais aussi pour ses comptes rendus de lecture (la table des articles est en ligne sur le site de la SFHOM). Les candidats pourront également se rendre sur le site Persée pour consulter en ligne (et gratuitement) les articles publiés par de très nombreuses revues d’histoire, de sociologie, de science politique.

Les candidats parisiens ont, en outre, la chance de disposer de la très riche et accueillante bibliothèque de l’Académie des Sciences d’Outre-mer (15, rue Lapérouse, Paris XVIe) où ils trouveront tous les ouvrages dont ils peuvent avoir besoin.

Quentin Ariès : L’épreuve sur ouvrage de Sciences Po Grenoble comportera des questions précises sur votre ouvrage et une «dissertation d’ouverture» par rapport au thème du livre. Selon vous, comment préparer au mieux les candidats et des idées de sujet ?
Daniel Lefeuvre
 : Il est évidemment difficile et dangereux de répondre à cette question. Sur le livre lui-même, trois pistes possibles :

1) - Les guerres coloniales, des guerres spécifiques ? (notamment dans leurs moyens et leurs méthodes).

2) - Les colonies ont-elles été indispensables à l’essor économique de la France ? (attention à penser cette question selon les conjonctures et les secteurs d’activité métropolitains).

3) - L’immigration coloniale a-t-elle été indispensable à la France ? Dans quelles circonstances ? (là encore, prêter attention à la chronologie et ne pas envisager seulement les aspects économiques).

S’agissant de la «dissertation d’ouverture»,  le concours est un concours d’entrée en Sciences po, pas un examen ou un concours d’histoire. Il me semble donc qu’il faut se focaliser sur le contexte et les enjeux politiques de l’histoire des colonisations.

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- Pourquoi cette histoire, dont Daniel Rivet estimait, en 1992, qu’elle s’était «éloignée» de nous, est-elle revenue si fortement dans le débat public actuel, au point de faire régulièrement la «une» de nombreux hebdomadaires ?

1) - Comment, par qui, pourquoi et pour qui cette histoire est-elle écrite ?

2) - Quels rapports y a-t-il entre les questions soulevées, aujourd’hui, par l’immigration et l’intégration (ou l’assimilation), par la place de l’islam en France  et le passé colonial de la France ?

- Quel est le rôle des «porteurs de mémoire» et de leurs associations (anciens combattants, rapatriés, harkis, etc.) dans ce retour et dans quelle mesure sont-ils l’objet de concurrence politique, voire électorale (y a-t-il un «vote pied-noir» ? un vote «français d’origine maghrébine» ? (les sites de Guy Pervillé et d’Études coloniales offrent de nombreux éléments de réponse à ces questions) .

Ce retour du passé colonial se rencontre-t-il également dans les autres ex-puissances coloniales ? (se reporter à Olivier Dard et Daniel Lefeuvre, L’Europe face à son passé colonial, Riveneuve, 2008).

Daniel Lefeuvre

 

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questions de Quentin Ariès

 à propos de

Pour en finir avec la repentance coloniale

 au programme de l'IEP de Grenoble

 Michel RENARD

 

Quentin Ariès - Pourquoi avoir écrit Pour en finir avec la repentance coloniale ? Est-ce pour imposer plus de frontières entre l’Histoire et le politique ?

Michel Renard : L'écriture et la recherche historiennes ont souvent été corrélées, selon des temporalités plus ou moins directes. Ainsi, le XIXe siècle a produit de grands récits de la Révolution française dont les effets continuaient d'interroger les dynamiques politiques de ce temps : Thiers, Guizot, Mignet, Michelet, Quinet, Tocqueville, Lamartine…
Dans sa dimension institutionnelle, l'organisateur de la science historique fut la monarchie de Juillet (Camille Jullian, 1896) avec une place décisive accordée à la discipline historique dans l'enseignement, la création d'Écoles spéciales, la commande de grands recueils (Documents inédits relatifs à l'histoire de France…), la Commission des Monuments historiques, les missions et fouilles à l'étranger…

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Ces dernières années, le contexte est différent. La crise de la forme nationale et de l'identité française, les poussées d'investigation et de reconnaissance mémorielles ont provoqué trois contrecoups distincts :

1) - une curiosité portée à des phases du passé un peu délaissées par l'expression historienne, telle l'histoire coloniale ou l'histoire des servitudes ;

2) - un excès d'empathie et d'émotion rétrospectives pour des catégories de populations se présentant comme "victimes" d'une histoire occultée et/ou déformée ("descendants" de peuples ayant subi l'esclavage ; enfants de pays anciennement colonisés se trouvant en situation d'immigration…) et réclamant une "repentance" ;

3) - une montée du droit se substituant à l'approche politique du rapport à l'histoire, avec les exigences de reconnaissances mémorielles et de réparations symboliques et matérielles ; un "nouveau régime d'historicité" (Antoine Garapon, Peut-on réparer l'histoire ? 2008) est apparu qui exige l'indemnisation des préjudices de l'histoire au moyen des mécanismes du droit civil. Sans parler du rôle "d'expert" que la justice a requis des historiens dans les procès Barbie, Touvier et Papon.

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Ce dispositif mental et politique a souvent conduit les historiens à répondre à cette demande sociale en faisant fi de la neutralité méthodologique. Les règles du positivisme, de la vérification factuelle des épisodes passés, de la problématisation contradictoire, de la distanciation entre mémoire et histoire ont été malmenées.

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Réfutant les termes d'une approche en termes de bilan (positif/négatif), pourtant souvent utilisée en histoire, ces travaux ont tout de même présenté le passé colonial de la France avec un subjectivisme d'une extraordinaire négativité qui heurtait le savoir constitué sur cette période par des spécialistes qui avaient respecté les exigences de leur discipline. Il fallait rétablir ces vérités.

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Quentin Ariès -  Vous faites référence aux «lois Taubira» sur la traite négrière et le commerce triangulaire comme un abus du politique dans l’Histoire. Selon vous la loi venant d’être votée sur le génocide arménien est-elle du même calibre ?

Michel Renard : Chacun sait ce que la "loi Taubira" a de contestable : l'oubli de la dimension quasi universelle de l'esclavage et des deux types de traites qui ont ponctionné le continent africain, à savoir la traite inter-africaine et la traite arabo-musulmane.
La loi pénalisant la "négation" du "génocide arménien" relève d'une illégitimité (le Parlement n'a pas à énoncer une vérité historique) et d'une imprudence intellectuelle (la qualification de "génocide" est discutée dans le monde anglo-saxon, et les travaux des historiens turcs sur les massacres d'Arméniens sont ignorés en France).

 

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Quentin Ariès -  Des conseils pour les candidats pour mieux comprendre le contexte de votre ouvrage ?

Michel Renard : Cinq références parmi d'autres peuvent motiver la curiosité et la réflexion des candidats, lecteurs du livre de Daniel Lefeuvre :

1) - Empire colonial et capitalisme français. Histoire d'un divorce, rééd. Albin Michel, 2004, Jacques Marseille (en particulier l'avant-propos).

2) - Frères et sujets. La France et l'Afrique en perspective, Jean-Pierre Dozon, Flammarion, 2003. ("la singulière ambivalence d'un État français qui, comme d'autres puissances coloniales, façonna partout dans son empire des mondes d'assujettis, mais qui, beaucoup moins communément, y instilla des doses de fraternité", p. 341).

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3) - Essai sur la colonisation positive. Affrontements et accommodements en Afrique noire, 1830-1930, Marc Michel, Perrin, 2009. (qui montre qu'en interdisant le regard critique sur les mouvements d'indépendance nationale, l'anticolonialisme historiographique a bloqué du même coup la compréhension du colonialisme, qu'il réduit au "mal" et qu'il juge plus qu'il n'explique ses mécanismes et son histoire).

4) – L'Europe face à son passé colonial, dirigé par Olivier Dard et Daniel Lefeuvre, Riveneuve éditions, 2008. (le meilleur colloque tenu ces dernières années sur le sujet avec des contributions internationales).

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5 – les articles, réactions, confrontations et discussions accessibles sur le blog Études Coloniales : http://etudescoloniales.canalblog.com/ (plusieurs entrées et dossiers).

 

Quentin Ariès -  Cet ouvrage est détaillé, plein de références peu étudiées lors des classes de terminales ou de premières dans les lycées, avez-vous des références complémentaires à donner ?

Michel Renard : Outre les ouvrages mentionnés ci-dessus, il peut être utile de parcourir quelques histoires générales  de l'histoire coloniale :

- Histoire de la France coloniale, 1914-1990, collectif, Armand Colin, 1990.

- Histoire de la colonisation française (1815-1962), tome 2, Denise Bouche, Fayard, 1991.

- Pour une histoire de la guerre d'Algérie, Guy Pervillé, éd. Picard, 2002.

- La France et l'Algérie en guerre, 1830-1870, 1954-1962, Jacques Frémeaux, Economica, 2002.

- Les traites négrières. Essai d'histoire globale, Olivier Pétré-Grenouilleau, Gallimard, 2004.

- De quoi fut fait l'Empire. Les guerres coloniales au XIXe siècle, Jacques Frémeaux, CNRS éditions, 2010.

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"Mais, avant tout, peut-être convient-il que l'histoire de la traite s'émancipe véritablement d'un certain manichéisme (...) l'Afrique noire n'a pas été seulement une victime de la traite, elle a été l'un de ses principaux acteurs" (Olivier Pétré-Grenouilleau, Les traites négrières, essai d'histoire globale, 2005, p. 460-462).

 

Quentin Ariès -  L’épreuve sur ouvrage de Sciences Po Grenoble comportera des questions précises sur votre ouvrage et une «dissertation d’ouverture» par rapport au thème du livre. Selon vous, comment préparer au mieux les candidats et des idées de sujet ?

Michel Renard : Questions précises

1) - La comparaison colonisation et Shoah est-elle historiquement concevable ?

2) - Les conquêtes coloniales furent-elles unilatéralement violentes ?

3) - L'Empire colonial français fut-il économiquement "rentable" ?

4) - La domination coloniale s'est-elle réduite à l'encadrement et à l'oppression ?

5) - L'Algérie a-t-elle perdu à la colonisation ?

6) - De quoi la France est-elle économiquement redevable aux immigrés ?

 

Dissertation d'ouverture

1) - Après avoir établi un bilan général de la colonisation, quelle pertinence peut-on accorder au thème de la "repentance" ?

2) - Peut-on affirmer que l'anti-colonialisme est toujours d'actualité ?

3) - Compte tenu des relations, des violences et des contacts établis par la colonisation entre des peuples et des cultures différents, peut-on envisager un renouvellement des coopérations et des avenirs partagés et réconciliés ?

 

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palais de Justice à Bobo-Dioulasso (Haute-Volta) en février 1948 (source)

 

Quelques liens sur Études Coloniales

- Il est faux d'affirmer que la colonisation française a été un génocide ou une extermination.

- les armes de la colonisation.

- protectionnisme et expansion coloniale.

- quelle histoire coloniale au Bac ? Clemenceau et Jules Ferry en 1885.

- des professeurs d'histoire parlent du sujet de Bac sur la colonisation.

- génocide culturel en Algérie coloniale ?

- critique du livre Coloniser, exterminer.

- discours de Nicolas Sarkozy à Dakar (26 juillet 2007) et critiques et contre-critiques.

- a-t-il existé un esprit économique impérial ?

- compte rendu du livre de Jacques Marseille par Paul Bairoch.

- le livre de Daniel Lefeuvre au programmme de l'IEP de Grenoble (dossier de la controverse).

Michel Renard

 

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deux expressions, politiquement opposées, d'une actualité
de la "décolonisation", cinquante ans après les indépendances ?

 

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7 février 2012

Marie-Étienne Péroz, un officier des troupes coloniales

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d'Afrique au Tonkin, en passant par

la Guadeloupe et la Guyane, un officier

des troupes coloniales

un livre publié par Jean-Pierre RENAUD

 

Enfant de Franche Comté, le soldat Péroz a manifesté très tôt son patriotisme. Il n’avait que 13 ans, lorsqu’il prit les armes contre les Prussiens, à Vesoul, pendant la guerre de 1870. Avant de s’engager dans l’infanterie de marine, le jeune Péroz participa à la guerre carliste, en Espagne, à la tête d’un peloton de cavalerie.(1875)

Une fois engagé, Péroz prit part aux grandes aventures coloniales de son époque, alors que les gouvernements de la Troisième République avaient engagé leur politique de conquêtes coloniales sur tous les continents.
Le soldat s’illustra notamment sur le Niger, avec ou contre Samory (1885-1892), et au Tonkin (1906-1908), contre le grand rebelle que fut le Dé-Tham.

Mais il fit également un séjour en Guadeloupe et en Guyane, où il croisa la route du capitaine Dreyfus, et, en sa qualité d’officier d’ordonnance des ministres de la Marine et des Colonies, dans les années 1888-1891, il fut aux premières loges des manifestations qui accompagnèrent l’élection du général Boulanger.
Il termina sa carrière dans des conditions énigmatiques alors qu’il mettait sur pied la nouveau territoire Niger-Tchad.

ils ne furent pas tous "traineurs de sabre"

Tout au long de sa longue carrière, Péroz a donné son témoignage de soldat et de citoyen, sur l’ensemble de ses expériences métropolitaines ou coloniales, car il a écrit des milliers de pages, et publié plusieurs livres, tout au long de sa vie. Son témoignage est précieux, notamment sur l’armée, les troupes coloniales, les opérations coloniales contre Samory, au Soudan, ou le Dé-Tham, au Tonkin, car dans beaucoup de cas et de circonstances, ce témoignage constitue une quasi-confession, d’homme et de soldat.

Ce livre est donc mis au service de ces confessions, avec des commentaires appropriés. Le lecteur pourra constater qu’il y avait un regard Péroz qui n’était, ni celui d’un colonialiste, ni celui d’un «traîneur de sabre», mais un regard d’honnête homme.

 

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notice Péroz dans le répertoire des photographes, Archives d'Outre-Mer

Bibliographie :

- "Le Soudan français et son avenir commercial", par E. Peroz, dans Bulletin de la Société normande de géographie, 1890.

- "La tactique dans le Soudan français. Quelques combats et épisodes de guerre remarquables", par E. Peroz, dans Revue maritime et coloniale, 1890

- Au Niger. Récits de campagne, 1891-1892, par E. Peroz, Paris, Calmann-Lévy, 1894.

- Au Soudan français, souvenirs de guerre et de mission, par E. Peroz, Paris, Calmann-Lévy, 1899.

- Hors des chemins battus, 1896-1899, par E. Peroz, Paris, Calmann-Lévy, 1900

- Le Niger, voie ouverte à notre empire africain, par E. Peroz, en collaboration avec le capitaine Lenfant, Paris, Hachette 1903.

- Projet d'organisation définitive du Territoire de Zinder, par E. Peroz, Congrès colonial français de 1904.

- Vie et aventures d’un soldat de fortune, par E. Peroz, Paris, Calmann-Lévy, 1906.

- France et Japon en Indochine, par E. Peroz, Paris, Chapelot, 1906.

 

Né à Montbozon (Haute-Saône), le 12 août 1857, Peroz fait la guerre de 1870 dans les Francs-tireurs, puis en 1875 part en Espagne combattre auprès du prétendant au trône Carlos. Engagé dans l’infanterie de Marine (1880), il est envoyé au Soudan, et participe à la première campagne contre Samory (1885).

Remarqué par Gallieni, il est chargé d’une première mission auprès de Samory (1886), qui lui vaut sa promotion comme capitaine. À nouveau en mission à partir de Kayes en 1887, il gagne à la France toute la rive gauche du Niger, c’est à dire le Royaume Ouassoulou, expédition que raconte Gallieni dans Deux campagnes au Soudan français. Il participe à une nouvelle campagne, cette fois sous les ordres d’Archinard.

Capitaine d'Infanterie de Marine, il est ensuite en poste au ministère de la Marine (1890-1891), comme officier d'ordonnance du chef d'état-major de la Marine, et est déjà décoré de la Légion d'honneur et des Palmes académiques. En 1894 il est commandant supérieur des troupes en Guyane. Envoyé en Indochine en 1896, il est commandant du cercle de Yen-Thé où il lutte contre les pirates du De Tham qu’il soumet par la persuasion.

Devenu résident à Nha-Nam, il fait arrêter Ky-Dong à la veille d’une insurrection. Promu lieutenant-colonel, il rentre en France en 1899. Puis il revient en Afrique, d’abord à Djibouti. Le colonel Peroz commande en 1901 le 3e territoire militaire, à Zinder, territoires du Haut-sénégal et du Moyen-Niger (futur Soudan français). Il parcourt le Soudan jusqu’au Lac Tchad.

Usé par les maladies, il demande sa retraite. Il meurt à Paris en 1910. Il a publié ses mémoires sous le pseudonyme d'Esteban de Guzman. Il a également été un collaborateur de La Dépêche coloniale, et de la Revue de Paris, et a écrit de nombreux ouvrages de 1890 à 1908. Il a participé en 1904 au Congrès colonial français.

Marie-Hélène Degroise

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7 mars 2012

l'éclatement de la Libye

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l'éclatement de la Libye ou

le retour à une longue histoire

Bernard LUGAN

 
L'éclatement de la Libye que j'avais annoncé dès le 1er avril 2011 [1] a été officialisé le 6 mars 2012 avec la déclaration d'autonomie de la Cyrénaïque. Chaque jour qui passe, les résultats de l'intrusion franco otanienne dans la guerre civile libyenne apparaissent ainsi de plus en plus catastrophiques, deux réalités ayant été totalement ignorées par ceux qui décidèrent de cette insolite expédition :
 
1) La Libye n'existe pas. 
 
2) Ses deux principales composantes, la Tripolitaine et la Cyrénaïque ont toujours été opposées.
 
Au début de l'année 2011, ce ne fut pas à un soulèvement «démocratique» que nous avons assisté, mais à une tentative de sécession de la Cyrénaïque. Sur ce mouvement vinrent ensuite se greffer les islamistes arabistes radicaux, puis les Berbères arabophones de Zentan et leurs cousins berbérophones de Zouara et du Jebel Nefusa désireux d'en découdre avec un régime qui avait constamment nié leurs droits.
 
Ainsi donc, dans l'ignorance bétonnée du dossier, l'Élysée prit-il le parti d'un camp contre un autre, croyant, ou pire, feignant de croire, que le CNT était l'émanation d'un peuple en lutte pour ses droits démocratiques alors qu'il n'était qu'un conglomérat d'intérêts contradictoires.
 
Le colonel Kadhafi massacré dans les conditions que l'on connaît, ses «vainqueurs» se déchirèrent ensuite à belles dents :
 
- En Tripolitaine, le faible CNT navigua à vue entre les milices islamico-mafieuses de Misrata, les milices islamiques  de Tripoli, les Berbères de Zentan et du jebel Nefusa et les Warfalla [2].
 
- En Cyrénaïque, les chefs de tribus virent dans le CNT une émanation de la Tripolitaine et ils s'en affranchirent. Ce fut cependant un problème local qui hâta leur décision de proclamer l'autonomie de leur région. Les tribus supportaient en effet de plus en plus mal le climat anarchique résultant des agissements de certaines  milices islamistes fondamentalistes soutenues par une partie du CNT et qui s'en prenaient à leurs pratiques religieuses coutumières.
 
Dans cette région à forte caractéristique confrérique, l'islam salafiste ou wahhabite voulut en effet interdire le culte rendu aux saints aux les marabouts du Maghreb -  allant jusqu'à détruire leurs tombeaux (voir mon communiqué du 18 janvier 2012).
Tout ceci fit que ce qui devait arriver «arriva» avec la déclaration d'autonomie du 6 mars 2012 prononcée par l'assemblée des tribus de Cyrénaïque qui reconnut comme chef Ahmed Zubaïr al-Sanussi, parent du roi Idriss Ier renversé en 1969 par le colonel Kadhafi, et membre éminent de la famille-confrérie sénoussiste qui régnait sur la région à l'époque ottomane.
 
En Libye, c'est donc à un retour à la longue histoire que nous assistons. Face à ce puissant mouvement de fond, la démocratie individualiste ou les droits de l'homme apparaissent pour ce qu'ils sont, des modes occidentales passagères bien éloignées des réalités locales. Il est cependant regrettable que les dirigeants français y aient une fois de plus cédé avec pour conséquence le bouleversement de toute la géopolitique sur l'arc de tension saharo-sahélien. 
 
Bernard Lugan
7 mars 2012


[1] Voir mon communiqué du 1° avril 2011 ainsi que les articles de l'Afrique réelle sur toute l'année 2011.
[2] Voir à ce sujet le numéro de  janvier 2012 de l'Afrique Réelle.

http://bernardlugan.blogspot.com/p/reabonnement-2012.html

 

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30 janvier 2012

les grossières erreurs du journal "Le Monde" au sujet de Bernard Lugan

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Le Monde ou

le maccarthysme journalistique français

Bernard LUGAN

 

Dans un article d'une rare partialité que Le Monde en date du 27 janvier 2012 consacre au Rwanda, MM. Christophe Ayad et Philippe Bernard me citent de la manière suivante : 

«En 2004 il (Jean-Pierre Chrétien) a participé à une commission d'enquête citoyenne, mise en place par l'association Survie, pour dénoncer le rôle de la France. Cela a valu à Jean-Pierre Chrétien de virulentes attaques de l'historien Bernard Lugan, ancien maître de conférences à l'université Lyon-III, proche de l'extrême droite. Ce dernier a écrit plusieurs ouvrages pour innocenter François Mitterrand, l'armée française et l'Église catholique au Rwanda (François Mitterrand, l'armée française et le Rwanda, éditions du Rocher, 2005). Il a témoigné en faveur de génocidaires hutu poursuivis devant le TPIR».

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Le lecteur du Monde aura retenu trois choses :

1) Je serais «proche de l'extrême droite», jugement de valeur permettant de sous-entendre que je ne suis pas crédible et donc par avance disqualifié.

2) J'aurais écrit «plusieurs ouvrages pour innocenter François Mitterrand, l'armée française et l'Église catholique au Rwanda». L'emploi du mot «innocenter» a son importance car il signifie que pour MM. Ayad et Bernard, le président François Mitterrand, l'armée française et l'Église catholique seraient coupables ou pour le moins complices de ce génocide…

Est cité à l'appui de cette affirmation un livre datant de 2005 dans lequel je défends très exactement le contraire de ce que prétendent me faire dire les journalistes du Monde. J'y reprends en effet en la développant l'idée centrale d’un précédent livre [1] qui est que les conditions du génocide résultent de l'engagement pro Hutu de l'Église catholique en 1959, puis de l'obligation démocratique imposée par François Mitterrand au président Habyarimana à partir de 1990.

L'on chercherait en vain dans cette problématique une tentative visant à «innocenter» le président Mitterrand et l'Église catholique. Quant à l'armée française comme elle a quitté le Rwanda fin 1993, soit plus de six mois avant le début de ce génocide, elle n'a effectivement aucune responsabilité dans ce drame contrairement à ce que certains obligés de Kigali cherchent à faire croire.

bidonnage

Les journalistes du Monde sont donc pris en défaut de «bidonnage» car :

- ils n’ont manifestement pas lu mon livre,

- ils tirent directement leurs «informations» de sites informatiques spécialisés dans les dénonciations de basse police.

- Ils omettent en revanche de mentionner un ouvrage plus récent dans lequel je fais le bilan de la question, notamment à travers les travaux du TPIR [2].

3) J’aurais «témoigné en faveur de génocidaires hutu poursuivis devant le TPIR», ce qui serait la suite logique des points 1 et 2. En effet, qu’attendre d’autre d’un «proche de l’extrême droite» qui a osé écrire «plusieurs ouvrages pour innocenter François Mitterrand, l'armée française et l'Église catholique au Rwanda» ?

Le problème est que je n’ai jamais «témoigné en faveur de génocidaires hutu poursuivis devant le TPIR». À quel titre d’ailleurs aurais-je pu le faire puisque je n’étais pas au Rwanda au moment du génocide et que je n’ai donc pas été le «témoin» des faits qui leur sont reprochés ?

En revanche, connaissant intimement le Rwanda où j’ai enseigné et mené des recherches archéologiques durant plus de dix années, pays auquel j’ai consacré deux thèses dont un Doctorat d’État en six tomes, j’ai, pour ces raisons académiques, été six fois assermenté comme Expert par la Cour à laquelle j’ai remis des rapports totalisant près de 2000 pages [3]. Le document joint en annexe et qui émane du Greffe du TPIR permet de mettre en évidence la grave faute déontologique commise par les deux journalistes du Monde.

À leur décharge, il est utile de préciser qu’ils ignorent peut-être que le TPIR étant régi par les règles juridiques anglo-saxonnes, il n’y existe pas d’Experts de la Cour comme en France et que les Experts cités y sont proposés aux Chambres par les parties (Accusation et Défense). Pour chaque affaire, ces experts doivent renouveler leur accréditation, processus long et fastidieux au terme duquel ils sont soit récusés, soit acceptés et dans ce dernier cas, ce n’est qu’après avoir prêté solennellement serment qu’ils deviennent selon le terme anglo-saxon «Witness Expert».

Le contre-sens fait par les journalistes du Monde pourrait donc s’expliquer soit par une désolante mauvaise foi, soit par une maîtrise incertaine de la langue anglaise ajoutée à des connaissances fragmentaires concernant la Common Law.

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La «morale» de cette affaire est claire et elle tient en deux points principaux :

1) Nous avons ici la parfaite illustration du naufrage de la presse française qui a perdu une grande partie de sa crédibilité en raison de son maccarthysme, du formatage et des insuffisances de ses journalistes. Cette presse militante et moribonde qui ne survit que par les aides de l’État et les abonnements institutionnels n’a d’ailleurs plus aucune influence à l’extérieur de sa niche écologique parisiano-conformiste.

2) Je ne ferai pas de droit de réponse et cela pour deux raisons : la première est qu’il serait caviardé et la seconde parce que je touche beaucoup plus de lecteurs et plus rapidement, avec un simple communiqué diffusé par internet. D’autant plus que nombre des visiteurs de mon blog font suivre mes communiqués à leurs réseaux, ce qui en démultiplie les effets.

Bernard Lugan
28 janvier 2012

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http://www.bernard-lugan.com

contact@bernard-lugan.com

 

 


TPIR


[1] Rwanda: le génocide, l’Église et la démocratie, 234 pages, 22 cartes, Le Rocher, 2004

[2] Rwanda. Contre-enquête sur le génocide, 330 pages, 10 cartes, Privat, février 2007.

[3] Expert assermenté par la Cour dans les affaires Emmanuel Ndindabahizi (TPIR-2001-71-T), Théoneste Bagosora (TPIR-98-41-T), Tharcisse Renzaho (TPIR-97-31-I), Protais Zigiranyirazo (TPIR-2001-73-T), Innocent Sagahutu (TPIR-2000-56-T), Augustin Bizimungu (TPIR- 2000-56-T). Commissionné dans les affaires Edouard Karemera (TPIR-98-44 I) et J.C Bicamumpaka. (TPIR-99-50-T).
La synthèse de ces rapports a été faite dans Bernard Lugan (2007) Rwanda : Contre-enquête sur le génocide, Privat.

 

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26 janvier 2012

Festival des images, partis-pris et contrevérités

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Monsieur le Président de l'Espace parisien

"Histoire Mémoire Guerre d'Algérie"

général Maurice FAIVRE

 
Réflexions historiques

69143339Les historiens que vous avez sélectionnés pour le Festival des images sont dans leur grande majorité de sensibilité anticolonialiste. 
Bénéficiant de la même liberté d'expression, d'autres historiens ne partagent pas la même idéologie et considèrent que le terme de colonialisme, inventé en 1905, était ignoré au XIXe siècle, où l'on considérait la  colonisation comme une valeur républicaine, attachée aux droits de l'homme. Victor Hugo en faisait l'apologie : "Un peuple éclairé va trouver un peuple dans la nuit". 
Au XXe siècle, Léon Blum  et Pierre Messmer ont exprimé  la même volonté de civiliser des peuples arrièrés. Comme tous les faits historiques, la colonisation présente des aspects négatifs et positifs ; privilégier les uns sans reconnaître les autres constitue une sorte de déni.
 
 
Séance du 19 janvier
Cette différence de perception est apparue après la projection du film "Mémoires meurtries". Alors qu'un débat était refusé aux spectateurs, le professeur (Quemeneur ?) a été invité à parler de l'enseignement de l'histoire de la guerre d'Algérie. Au contraire,  il a entrepris de démolir le film de l'UNC.
Or ce film présentait des témoins intéressants et divers :
- un appelé (Hillairet) qui regrettait sa jeunesse perdue,
- une EMSI et des officiers SAS attachés à la population musulmane,
- des officiers combattant le terrorisme FLN et revendiquant une Algérie nouvelle, égalitaire,
- un pied noir accueilli en Algérie par ses camarades d'école,
- un aumônier qui s'interroge sur le traitement des prisonniers,
- un ministre (Chevènement) qui condamne les soldats perdus,
- un  secrétaire d'État (Mekachera) qui admire la politique clairvoyante du général de Gaulle,
- un ministre (Rocard) qui énonce des contre-vérités (Voir pièce jointe)
 
La mémoire partagée et l'histoire discutée
Il me semble qu'un débat entre historiens de sensibilité différente serait nécessaire à la fin du Festival (ou plus tard lors du rendez-vous des Ecrivains). Je suis prêt à y participer, aux côtés de Guy Pervillé, Daniel Lefeuvre, Jean Monneret,  François Meyer et d'autres à votre convernance.
Je vous prie d'agréer l'expression de mes sentiments dévoués.
 
Maurice Faivre
membre de l'Académie des Sciences d'outremer
et de la Commission française d'Histoire militaire
 
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un centre de regroupement
 
 
Contre-vérités
Arrivant à Alger début 1959, M. Rocard visite 15 centres de regroupement et fait le constat d'un enfant mort tous les deux jours.
Faisant une péréquation non scientifique, il en conclut au décès de 150 à 200.000 enfants (contraire aux statistiques démographiques). Il communique  son rapport au ministre de la Justice (E. Michelet), qui le fait publier par le Monde.
Or il y avait à l'époque 900 regroupements, qui avaient été contrôlés par 5 inspecteurs généraux. Delouvrier fait une conférence de presse le 16 mai affirmant que "le document publié a été rédigé par un fonctionnaire qui n'avait pas reçu mandat de le faire, et que la mortalité dans les regroupements était inférieure à celle que l'on enregistrait auparavant dans les mechtas".
Il écrit en août à la LDH Paris que "ce rapport constitue une information partielle, dont les conclusions n'ont pas été reprises".
Il n'y a aucune trace dans les archives d'un crédit de 100 millions qui aurait été débloqué grâce à Michel Rocard. Delouvrier, patron du plan de Constantine, disposait de 5 milliards et n'avait pas n'avait pas besoin d'un crédit exceptionnel.
Le rapport Rocard a été très apprécié du FLN, des pays du Tiers monde et des complices français de la rébellion.
Pour plus de détails, voir Les mille villages de Delouvrier, Edit. L'Esprit du Livre, 2009, p. 135.
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25 janvier 2012

la fin de la guerre d'Algérie, par Guy Pervillé

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 la fin de la guerre d’Algérie

 Guy PERVILLÉ

article censuré par la Direction des Archives de France

 

L'historien Guy Pervillé a été censuré par les Archives de France. Voici le texte et le témoignage de l'auteur.

J’ai été contacté depuis plus d’un an (novembre 2010) par le directeur chargé des Archives de France, afin de rédiger un article, le plus objectif possible, sur la fin de la guerre d’Algérie dans la publication annuelle du ministère de la Culture et de la communication, intitulée "Commémorations nationales 2012".

J’ai envoyé cet article à la date prévue, et accepté quelques corrections mineures, avant d’envoyer mon texte définitif le 17 juin 2011. Puis j’ai appris, un peu avant Noël, que mon texte avait été amputé des quatre cinquièmes sans que je sois consulté, et qu’il paraîtrait sans ma signature.

En effet, le texte publié à la page 56 tient en une vingtaine de lignes (la bibliographie que j’avais fournie se trouve néanmoins à la page 281). Je publie donc ici mon texte complet, pour que chacun puisse juger du procédé, c’est-à-dire de ce qui s’avère être le premier acte de censure que j’aie subi en plus de quarante ans de carrière.

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la délégation algérienne à Évian

 

1962

La guerre d’Algérie se termina en 1962, puisque la France finit par reconnaître l’indépendance du pays revendiquée depuis le 1er novembre 1954 par le Front de libération nationale (FLN), mais on ne peut pas indiquer une date plus précise. En effet, la fin de cette guerre impliquait trois critères généralement confondus, mais qui sont restés distincts : la fin des hostilités entre le FLN et la France ; la reconnaissance d’un État algérien par la France ; la formation d’un gouvernement algérien capable d’incarner cet État.

La fin des hostilités entre le FLN et la France fut la conséquence des accords d’Évian signés le 18 mars 1962 par les représentants du gouvernement français et ceux du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA). Ces accords prévoyaient : la formation d’un État algérien au terme d’une période transitoire de trois à six mois (durant laquelle l’Algérie resterait gouvernée par le haut commissaire de France coopérant avec un exécutif provisoire franco-algérien désigné d’un commun accord) ; la formation du futur État par un processus démocratique d’autodétermination garantissant les droits de tous ses habitants ; et les principes des futures relations de coopération entre les deux États. Au terme de cette période, un référendum devait créer l’État algérien et ratifier en son nom les accords d’Évian. En conséquence, un cessez-le-feu devait entrer en vigueur le 19 mars à midi.

Le gouvernement français appliqua les accords. Le 8 avril 1962, il les soumit à un référendum en métropole, qui leur donna une ratification éclatante par une très grande majorité des électeurs (64,8% des inscrits et 90,6% des suffrages exprimés). Dès la proclamation officielle des résultats, le 13 avril, fut installé à Rocher Noir l’Exécutif provisoire franco-algérien présidé par Abderrahmane Farès ; et à Paris, le Premier ministre Michel Debré démissionna le 14 et fut remplacé par Georges Pompidou, alors considéré comme un simple exécutant de la politique du président Charles de Gaulle. Le 15 mai, la date du référendum algérien fut avancée au 1er juillet, et ses résultats, ratifiant massivement les accords d’Evian (par 91,23% des inscrits et 99,72% des suffrages exprimés, furent proclamés le 3 juillet.

 

OAS

Mais l’Organisation armée secrète (OAS) avait répondu à l’annonce du cessez-le-feu en intensifiant son action violente contre le FLN et contre les forces gouvernementales. Elle aboutit à un désastre pour la population française d’Algérie (fusillade sanglante de la rue d’Isly, commise par un barrage de tirailleurs contre la foule manifestant en faveur de la population de Bab-el-Oued le 26 mars à Alger), mais l’OAS, bien qu’affaiblie par plusieurs arrestations (dont celle de son chef le général Salan) intensifia son action terroriste jusqu’en juin. L’organisation d’Alger négocia des accords avec le président de l’Exécutif provisoire et le chef des ses membres FLN (accords Susini-Mostefaï du 17 juin), mais celles d’Oranie et du Constantinois continuèrent leur action presque jusqu’à la veille du référendum.

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"Européens" manifestant et abbatus par des tirs de l'armée française,
rue d'Isly à Alger le 26 mars 1962

 

FLN divisé, enlèvements

Cependant le FLN profita des accords d’Évian pour reconstituer ses forces armées et pour étendre leur autorité sur une grande partie du pays et de sa population. L’armée française s’y opposa jusqu’au 8 mai, puis dut y renoncer. À partir du 17 avril 1962, le FLN déclencha une vague d’enlèvements contre la population française, supposée complice de l’OAS, dans les agglomérations d’Alger et d’Oran, mais aussi dans l’intérieur de ces régions. Le 14 mai, la Zone autonome d’Alger, dirigée par Si Azzedine, rompit ouvertement le cessez-le-feu en déclenchant une série d’attentats. C’est alors que le président de Gaulle, tout en demandant au GPRA de les désavouer, accepta l’avancement de la date du référendum algérien au 1er juillet proposé par l’Exécutif provisoire.

D’autre part, des enlèvements et des massacres avaient été commis après le 18 mars contre d’anciens "harkis", en violation flagrante des clauses d’amnistie des accords d’Évian ; des tracts de l’ALN saisis par l’armée française faisaient craindre qu’une épuration systématique soit déclenchée après le référendum. Le respect de ces accords par le FLN semblait de moins en moins assuré, car le Conseil national de la Révolution algérienne (CNRA), réuni à Tripoli en mai et juin, les avait qualifiés de "plateforme néo-colonialiste", puis s’était divisé entre les partisans du GPRA présidé par Ben Khedda et ceux de ses opposants rassemblés dans un "Bureau politique" par Ben Bella. Mais pourtant le référendum du 1er juillet eut lieu dans l’enthousiasme avec la participation du FLN faisant campagne pour le oui.

Le 3 juillet, la France reconnut l’indépendance de l’Algérie sous l’autorité de l’Exécutif provisoire, qui devait organiser au plus vite l’élection d’une assemblée constituante souveraine ; mais cet exécutif ne pouvait fonctionner sans l’accord du FLN, lui-même divisé depuis l’échec du CNRA de Tripoli. Le 27 juin, les membres du groupe FLN de l’Exécutif provisoire avaient remis leur démission au GPRA, et le président Farès avait remis sa démission au président Ben Khedda le 3 juillet à Alger, mais il dut rester en place pour assurer la continuité de l’administration. En même temps une lutte pour le pouvoir, jusqu’au bord de la guerre civile, se déclencha entre deux coalitions issues du FLN, reconnaissant l’une le GPRA, l’autre le "Bureau politique" de Ben Bella soutenu par l’Etat-major général de l’ALN (Armée de libération nationale) du colonel Boumediene (destitué par le GPRA le 30 juin).

 

violences meurtrières

Absence d’autorité incontestée et compétition pour le pouvoir déclenchèrent de nouvelles vagues d’enlèvements et de violences meurtrières contre des Français d’Algérie (notamment des centaines d’enlèvements à Oran le 5 juillet) et contre d’anciens "harkis". Les troupes françaises accueillirent et transférèrent en France les fugitifs, mais le gouvernement leur interdit de les rechercher sans l’accord des autorités algériennes.

Cette période d’anarchie prit fin à partir de septembre, avec l’élection d’une Assemblée constituante composée de membres du parti unique FLN, qui reçut le 25 les pouvoirs de l’Exécutif provisoire et du GPRA, et qui investit le 26 un gouvernement présidé par Ahmed Ben Bella. Les enlèvements de Français diminuèrent alors, et les enlevés furent recherchés, mais les massacres d’anciens "harkis" durèrent encore plusieurs mois, et leur emprisonnement, sous prétexte d’assurer leur sécurité, près de dix ans.

 

l'utopie des "accords d'Évian"

Les accords d’Évian, voulus par le gouvernement français comme la "solution du bon sens", se révélèrent donc une utopie, qui échoua à ramener une vraie paix en Algérie. Le "rapatriement" des Français d’Algérie, et celui de "Français musulmans" (que le général de Gaulle ne considérait pas comme de vrais Français) s’imposèrent comme des nécessités. De Gaulle maintint aussi longtemps que possible ce qui restait de la politique de coopération pour éviter la faillite de l’indépendance algérienne, en espérant que la France finirait par en bénéficier un jour.

Guy Pervillé

 

PS : Je ne suis pas à plaindre, puisque mon site me permet de m’exprimer en toute liberté. Le sont bien davantage les responsables de cette publication officielle qui s’efforcent de la réaliser honnêtement, de façon à lui donner un réel intérêt. Je ne les confonds pas avec ceux qui leur ont imposé cette décision inepte, laquelle ne peut que discréditer injustement leur travail en gâchant une très bonne occasion de tenir un langage de vérité sur un sujet encore douloureux, un demi-siècle après les faits.

J’aurais apprécié que le ou les responsables de cette décision aient eu l’honnêteté et la simple courtoisie de m’informer de leurs raisons, mais il n’en a rien été. C’est donc à ces derniers que je m’adresse pour leur dire à mon tour (comme Maurice Clavel à la télévision le 13 décembre 1971) : "Messieurs les censeurs, bonsoir !"

 

Blog : http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3?id_article=266

 

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5 juillet 1962 à Oran

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10 janvier 2012

pas de génocide en Algérie

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Riad el Fath, le momument aux martyrs à Alger

 

pas de génocide en Algérie coloniale

Roger VÉTILLARD

 

Commentaires sur un épisode franco-algéro-turc récent.

Une séquence remarquée a certainement interpellé les historiens :

- le 22 décembre 2011 le Parlement français vote une loi criminalisant la négation du génocide arménien de 1915.

- la Turquie réagit dès avant le vote, rappelle son ambassadeur le 23 décembre et accuse par la voix de son premier ministre Recep Tayyip Erdogan la France d'avoir réalisé en Algérie entre 1945 et 1962 un génocide en Algérie en éliminant 15% de la population algérienne.

- le 25 décembre Mohamed El Korso membre du Conseil de la Nation (2e chambre du Parlement algérien), nommé par le président, ancien président de la Fondation du 8 mai et accessoirement enseignant d'Histoire saisit le prétexte au bond dans El Watan pour appeler à la criminalisation du fait colonial.

À ces faits, il faut apporter les remarques suivantes :

-  Les historiens sont quasiment unanimes pour dire avec le collectif "Liberté pour l'Histoire" et avec les juristes de l'Appel contre les lois mémorielles du 23 novembre 2006 que l'Histoire ne s'écrit pas sur les bancs du Parlement. D'autant plus que comme le dit Robert Badinter ces lois sont très probablement inconstitutionnelles. Et il n'appartient pas au Parlement de dire l'histoire. Celle-ci est une science qui doit progresser avec les historiens dont la démarche ne doit pas être entravée par des arrêtés souvent purement électoralistes et compassionnels.

- La Turquie s'est beaucoup agitée. On peut la comprendre : que dirait la France si le parlement turc votait par exemple une loi criminalisant le génocide vendéen et sa négation ? Mais parions sur le fait que cette agitation n'est qu'une tempête dans un verre d'eau. La Turquie ayant beaucoup à perdre dans un bras de fer diplomatique.

 

pas d'attitude génocidaire

- Ce n'est pas en répétant que la France a eu une attitude génocidaire en Algérie avec de faux-arguments que la réflexion historique pourra avancer. Il n'y a pas eu, tous les historiens seront d'accord avec moi, 1 300 000 morts en Algérie de 1945 à 1962.

Toutes victimes algériennes confondues (celles de mai 1945, celles de la guerre d'Algérie, celles du FLN, du MNA sans compter les harkis) il est difficile d'arriver à plus de 350 000. Le ministère algérien des anciens moudjahidin fixe même le nombre des moudjahidin tués à 152 863.

Quant aux événements de mai 1945 dans l'Est algérien le consensus des historiens sérieux établit le bilan à moins de 10 000 morts comme je l'ai montré dans mes ouvrages sur le sujet. Et parler comme le fait El Korso des fours crématoires de Guelma au pluriel c'est affabuler. Il y a eu tout au plus un four à chaux qui a servi à incinérer quelques cadavres et l'édifice qui est montré de nos jours dans cette région n'est selon Yasmina Adi qu'une cartoucherie.

- Comme le premier ministre algérien Ahmed Ouyahia l'a suggéré le 6 janvier 2012, conseillons à la Turquie de cesser de faire de la colonisation française en Algérie un "fonds de commerce". Les Ottomans ont occupé le pays durant trois siècles et ils ne peuvent pas être très fiers de leur œuvre.

Faut-il rappeler les agissements de certain commandant des janissaires qui n'hésitait pas à écarteler un enfant de 5 ans qui avait mangé une cuisse de poulet sans son accord, ou les méfaits de ce bey de Constantine du nom de Tchaker au XVIIIe siècle qui exigeait de ses subordonnés que chaque matin en sortant de son palais il puisse voir sur son passage une vingtaine de tête d'hommes plantées sur des piquets ?

Et plus récemment, doit-on se souvenir que la Turquie n'a pas été du côté des indépendantistes algériens au moment de la guerre d'Algérie, qu'elle a même refusé de reconnaitre l'indépendance du pays jusqu'en 1969 car elle soutenait qu'elle avait un droit de souveraineté à exercer. Une mission diplomatique n'est arrivée à Alger que le 30 juin 1963 soit un an après l'indépendance. Et ce n'est que depuis 1970 qu'il y a entre la Turquie et l'Algérie des échanges d'ambassadeurs.

Mais le calme va revenir …

Roger Vétillard

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12 février 2012

sur l'histoire des hakis, Maurice Faivre

 rue des harkis

remarques sommaires sur un colloque

consacré aux harkis (4 février 2012)

général Maurice FAIVRE

Je n'ai assisté qu'à une partie du colloque du 4 février 2012 et ai lu une recension de Ben Boukhtache dans le blog Nouvel Obs.

Ayant accompagné des harkis depuis 1960, et fait des recherches historiques dès 1964, je me réjouis que la LDH, la LICRA et les Temps modernes découvrent l'existence des harkis au bout de 50 ans (voir ci-dessous le relevé de mes recherches et travaux).

Je ne peux faire que des observations sommaires sur ce colloque :

- Benjamin Stora a raison de dire que "la présence de paysans en armes du côté français remet en question le mythe nationaliste de l'armée paysanne unanime engagée dans l'ALN".

Il dit ensuite que le bachaga Boualem n'est pas un harki, c'est vrai, mais il faut préciser qu'il a créé une harka de 360 combattants.

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combattants harkis

Il n'est pas exact de dire que Paris a tenté de réduire les effectifs harkis en mars 1961; c'est en août 1961 que le Comité des Affaires algériennes a décidé de passer de 60.000 à 45.000 harkis, réduction effective en janvier 1962 seulement. Stora semble ignorer les directives des wilayas qui condamnent les harkis ; ces directives ne sont pas rassurantes comme il le prétend.

- François Xavier Hautreux ignore les tableaux d'effectifs du 1er Bureau EMI, qui indiquent mois par mois les effectifs des supplétifs de chaque catégorie (réf.1H 1375 à 1377. et 1R 326).

Les harkis ont été créés par le général Lorillot en février 1956 et non en 1957. Ils n'ont jamais dépendu de la police; quant aux GMPR-GMS et Maghzen ils étaient rattachés à l'Intérieur et non à la police.

- Todd Shepard reconnaît que la nationalité française a été retirée aux rapatriés musulmans, contrairement aux accords d'Évian. Il aurait dû rappeler que le Comité des Affaires algériennes a pris cette décision le 21 juin 1962, confirmée par une ordonnance du gouvernement.

- Abderahmane Moumen fait un exposé objectif sur le séjour des harkis dans les camps d'accueil. Il surestime cependant le nombre des supplétifs rapatriés : 66.000 avec familles, et non 80.000.

La diversité des situations ne signifie pas l'inexistence d'une communauté des harkis en métropole; c'est l'histoire qui crée leur unité : ennemis du FLN, ils ont été accusés de trahison, et leur rapatriement n'a pas été favorisé par le gouvernement.

- je ne conteste pas le témoignage du retour en Algérie en avril 1962 de 80 harkis du camp de Mailly ; ce témoignage requiert cependant une vérification en archives, en particulier sur les 4 à 500 qui auraient rejoint en route.

- un philosophe et trois juristes ont débattu de l'accusation de crime contre l'humanité concernant le traitement des harkis. Ils ont conclu qu'un procès avait peu de chances d'aboutir.

L'abandon par le gouvernement a en effet été réel, mais ce n'est pas la France qui est responsable des massacres.

La bonne foi de Louis Joxe, confiant dans les promesses des négociateurs, a évidemment été démentie par le comportement des nationalistes algériens.

Maurice Faivre
le 10 février 2012.

 

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l’histoire des harkis

Maurice Faivre

La recherche historique est une longue patience, elle exige du temps et de la rigueur.

C’est dans les années 2000 que certains ont découvert cette histoire, qu’ils n’ont pas vécue, en se référant aux souvenirs de femmes ayant raté leur intégration. C’est plus complexe, comme le montre mon parcours.

J’ai eu sous mes ordres 80 harkis et trois autodéfenses de 1960 à 1961. Après le massacre de la moitié d’entre eux en août 1962, les survivants m'ont retrouvé en 1963 et m’ont raconté leurs malheurs. C’est alors que commencent mes rercherches historiques, que je n’ai cessé de complèter et de réviser.

- 1964. Je rédige une note sur les harkas et l’islam, et recueille les témoignages de mes harkis avec l’aide de Paule Lévêque, qui publie dans L’Aurore de 1965 à 1967 : les harkis de Kabylie dans leur colonie de Dreux.

- 1985. Participation aux 3 DVD de A. de Sédouy : Histoires oubliées des harkis.

- 1989. J’obtiens de consulter les archives du Centre de documentation du Service historique (SHAT). Je publie une fiche dans Sirpa-actualité n°43 : La communauté des harkis.

Je rédige une étude sur la participation des militaires musulmans à la guerre d’Algérie.

Le 9 décembre 1989, j’assiste au premier hommage rendu aux harkis par le Secrétaire d’État socialiste Gérard Renon et à l’inauguration du timbre «Harkis soldats de France»par Claude Évin.

- sept.1990. Je publie "Les harkis, une histoire douloureuse et contreversée" dans Hommes et Migrations.

- 1992. À l’ouverture des archives, je fréquente le SHAT et obtient des dérogations.

- oct. 1992. Je publie "Les violations des accords d’Evian" dans le Casoar.

- 1994. Fiche sur les combattants musulmans au service de la France.

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combattants harkis

- déc.1994. Un village des harkis, L’Harmattan, 259 pages.

- oct. 1995. "Les combattants musulmans de la guerre d’Algérie", in Guerres mondiales et conflits contemporains n° 177 et 180.

- 11 novembre 1996. Assistance à l’inauguration par M. Chirac du monument de Chapeau Rouge.

- 1995 à 1997. Conférences aux éducateurs du contingent sur Armée d’Afrique et harkis.

Contacts avec André Wormser, B.Tricot, AG Slama, A.Heinis, F.Dessaigne, R.Mayer, M.Hamoumou, K.Bouneb, W.Albes, A.de Sédouy, E.Deroo, Cdt François, P.Messmer

- oct. 1995. Les combattants musulmans de la guerre d’Algérie, des soldats sacrifiés,L’Harmattan, 269 pages. Critique de Buis et d’Ageron, p. 132 et 144.

- janv. 1998. "Le sort des combattants musulmans", l’Algérianiste.

- juill.1998. "L’armée française et les musulmans, de Bonaparte à Challe", IHCC.

- 14 déc.1998. Lettre à Messmer pour consultation des archives 1R336 et 1K744

Chronologie des archives Messmer sur les harkis.

- 14 janv 1999. Les responsables du sort des harkis, la Croix

- 30 mars 1999. "Harkis, un devoir de mémoire", avec F.Meyer, in Le Figaro.

- août 2000. "La fin des harkis", in Archives inédites de la politique algérienne, l’Harmattan.

-31 janv.2001. Lettre à Vingtième siècle, critique de CR Ageron

- sept.2001. L’histoire des harkis, in Guerres mondiales et conflits contemporains, n°202.

"Les unités nord-africaines avant la guerre d’Algérie", Valeurs actuelles.

"Des Français musulmans loyaux", in La Croix

- 25 septembre 2001. Hommage aux harkis décidé par M.Chirac. 

Assistance régulière aux cérémonies à Dreux et aux Invalides.

- oct.2001. Mémoire et Vérité des combattants d’AFN, L’Harmattan, chap.Harki p.59 et 71

- mars 2002. "Crimes contre l’humanité du FLN", in Livre blanc de l’armée française, Contrepoint.

- juill. 2002. "Les supplétifs dans la guerre d’Algérie", in la Cohorte et Voix du combattant.

- sept. 2003. "Le massacre des harkis", in Nouvelle revue d’Histoire.

- 5 déc 2003. "Comment nous avons sauvé les harkis", in France-Soir.

- janv. 2004. "Polémiques historiques, réponse à GM Benhamou", in Le Casoar.

- mars 2004. "Les supplétifs de la guerre d’Algérie", conférence Écoles de Coetquidan

- oct. 2004. "Le combat des harkis" in Debout les paras.

Schoen, Buis, Parlange, Servier, Weygand, Leguay, Villard in Conflits d’autorités en guerre d’Algérie, L’Harmattan

- mai 2005. "À la mémoire des combattants musulmans morts pour la France", in Voix du combattant.

- 15 mars 2005. "Lettre ouverte à G. Meynier", critique du terme mercenaire.

- oct. 2006. Le renseignement dans la guerre d’Algérie, Lavauzelle, Harkis spécialisés,

- 26 août 2006 ; Lettre à FX Hautreux , recension de son livre.

- 4 oct. 2006. L’histoire des harkis, exposé au Conseil économique et social.

- 24 janv. 2007. Lettre à Hafida Chabi au sujet de son étude au CES.

- 2008. Le drame des harkis, bonus du DVD de A.de Sédouy.

- 2007 à 2010. Recensions critiques de quatre ouvrages de Manceron, Fatima Besnaci et la LDH.

- janv. 2008. L’action sociale de l’armée en faveur des musulmans, L’Harmattan, 260 pages

- 8 octobre 2008. Demande de débat proposé à G. Manceron. Pas de réponse.

- 11 sept. 2009. Critique de La blessure, film de Is.Clarke et D. Costelle

- 2011. Harkis, histoire d’un abandon, interview dans DVD de Marcela Feraru

- oct. 2011. Les harkis, soldats abandonnés, ouvrage des éd. XO, Introduction et témoignage, à paraître en mars 2012.

- 14 janv. 2012. Critique de "Les harkis, les mythes et les faits", revue des Temps modernes.

- 10 février 2012. Critique sommaire du colloque de la LICRA- AHDH du 4 février.

 

 Faivre conférence

 

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11 février 2012

Algérie coloniale : jugé et/ou exclu en fonction de sa naissance

9782296555358FS

 

scènes de la violence ordinaire en Algérie

un témoignage de Mohamed LAHCENE

 

En attendant une recension après lecture, nous tenons à mentionner le livre de Mohamed Lahcene, né à Alger en 1928. Il a servi un temps l'armée française comme technicien puis a rejoint le maquis où il a subi des tortures qui l'ont mené au bord de la folie. Partagé entre deux mondes.

présentation par l'éditeur

L'auteur revient sur les années qui ont vu l'Algérie sombrer dans la violence et l'absurdité de la guerre. Dans ce pays où les repères n'ont cessé d'être bousculés depuis la colonisation française, il apporte le témoignage d'un homme tiraillé entre deux communautés, confronté au déchirement de son identité et qui choisira le parti du maquis. Prisonnier, il subira des séances de torture qui le mèneront au seuil de la folie et au coeur du sentiment d'absurde et d'étrangeté dont parlait Camus.

quatrième de couverture

Dans un pays, l'Algérie, où les repères n'ont pas cessé d'être bousculés depuis la colonisation française, il fallait le témoignage d'un homme qui a éprouvé, dans sa chair, la peine d'appartenir à deux communautés qui se faisaient face et refusaient de se comprendre. Ce livre témoigne ainsi du drame que peuvent vivre les hommes lorsqu'ils sont confrontés au déchirement de leur identité, à la crise de leurs valeurs.

Il exprime une indignation, voire une révolte, contre l'emprise d'un système de castes, la société coloniale de l'Algérie française, dans lequel chacun était jugé, jaugé et exclu en fonction de sa naissance.

Avec L'Indigène étranger, Mohamed Lahcene revient sur les années de sa jeunesse politiquement consciente, années qui ont vu l'Algérie sombrer dans la violence et l'absurdité de la guerre. Déchiré entre les deux communautés auxquelles il appartenait, il était à la fois étranger et partie intégrante, tiraillé entre son statut de technicien au sercice de l'armée française et son souhait de rejoindre ses "frères", il choisit alors le parti du maquis.

Prisonnier, il subira des séances de tortures qui le mèneront au bord de la folie, et au cieur du sentiment d'absurde et d'étrangeté dont parlais Camus, sentiment qu'une guerre qui ne portait pas de nom ne pouvait que renforcer.

Mohamed Lahcene Mohamed Lahcene est né à Alger en 1928. Il a grandi dans la société coloniale de l'Algérie française dans un quartier "européen" d'Alger, a servi un temps l'armée coloniale françaie, puis a pris le maquis durant la guerre d'indépendance. Il dut quitter l'Algérie pour rejoindre la France où il s'établit définitivement en 1967. C'est là qu'il put mener une existence plus sereine poursuivant sa carrière dans l'aviation civile.

9782296555358FS

 

- acheter le livre de Mohamed Lahcene sur le site des éditions L'Harmattan

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