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études-coloniales
23 janvier 2008

esprit économique impérial

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publication des actes du colloque

L'esprit économique impérial



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Hubert Bonin, Catherine Hodeir & Jean-François Klin (dir.), L’esprit économique impérial (1830-1970). Groupes de pression & réseaux du patronat colonial en France & dans l’empire, Paris, Publications de la SFHOM, janvier 2008 (850 pages).


Pour la première fois, un ouvrage à la fois analytique et synthétique confronte les acquis de l’histoire des réseaux et des groupes de représentation d’intérêts – issus de la sociologie historique, de l’histoire de l’État et de l’histoire d’entreprise – et l’histoire ultramarine coloniale.

Un lobby a-t-il véritablement structuré le «parti colonial» tel que l’ont isolé plusieurs collègues réputés il y a un quart de siècle pour l’orée de la IIIe République et articulé la politique impériale tout au long des régimes et des majorités ?

Cet ouvrage réunit des historiens chevronnés héritiers de l’école française d’histoire des colonies des années 1960-1970 et surtout toute une génération de «juniors» qui constitue un courant de chercheurs dynamique et prometteur, à la base d’une nouvelle école française d’histoire des outre-mers. Ce livre pionnier doit servir de levier à des débats mêlant histoire économique, histoire politique et histoire ultramarine.

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Douala (Cameroun), BNCI [Banque Nationale pour le Commerce et l'Industrie], 1952

 

 

Table des matières

Introduction, par Hubert Bonin

I. PISTES BIBLIOGRAPHIQUES
1. «Impérial», «impérialisme» : quelques jalons de réflexion
2. Patronats, élites, chambres de commerce & d’industrie, places marchandes : les enjeux socio-institutionnels et culturels de l’outre-mer impérial
3. Bourgeoisies, élites, développement capitaliste : cultures, valeurs institutionnelles, réseaux, représentation
4. Groupes de pression et réseaux d’influence patronaux

II. LES RÉSEAUX D’INFLUENCE AU COEUR DU SYSTÈME POLITIQUE

•    Francis Démier, professeur à l’Université de Paris 10-Nanterre, “L’esprit impérial” français confronté à la première industrialisation
•    Éric Anceau, maître de conférences à l’Université de Paris 4-Sorbonne, Deux façons de concevoir et d’appliquer la politique coloniale ? Le Prince Napoléon et Prosper de Chasseloup-Laubat, ministre de l’Algérie et des Colonies (juin 1858-novembre 1860)
•    Nicole Tixier, docteur en histoire contemporaine de l’Université de Nantes, La Chine dans la stratégie impériale : le rôle du Quai d’Orsay et de ses agents
•    Julie d’Andurain, doctorante en histoire contemporaine et chercheur-associé au Centre Roland Mousnier, Université de Paris 4-Sorbonne, Réseaux politiques et réseaux d’affaires : le cas d’Eugène Étienne et d’Auguste d’Arenberg
•    Xavier Daumalin, maître de conférenees à l’Université d’Aix-en-Provence, Le pouvoir d’influence de Paul Leroy-Beaulieu sur la politique africaine
•    Jean Vavasseur-Despérier, professeur à l’Université Charles-de-Gaulle-Lille 3, Charles Jonnart et le «parti colonial» : économie et politique
•    Claude Prudhomme, professeur à l’Université Lumière-Lyon 2, Le missionnaire et l’entrepreneur colonial
•    Daniel Leplat, doctorant d’histoire contemporaine à l’Université Paris 1-Sorbonne, Groupes de pression coloniaux et réseaux administratifs face aux usages et à la valeur de la piastre indochinoise (1945-1960)
•    Hugues Tertrais, maître de conférences à l’Université Paris 1-Sorbonne, Le patronat français et la Guerre d’Indochine

III. LES RéSEAUX D’INFLUENCE SUR LES PLACES RÉGIONALES EN FRANCE METROPOLITAINE

•    Laurent Morando, docteur en histoire contemporaine, Université de Provence, Les Instituts coloniaux de province (1893-1940) : une action efficace ?
•    Yves Péhaut, professeur honoraire de l’Université Michel de Montaigne-Bordeaux 3, Le réseau d’influence bordelais : la "doyenne" Maurel & Prom jusqu’en 1914
•    Hubert Bonin, professeur à l’Institut d’études politiques de Bordeaux et au GRETHA-Université de Bordeaux 4, La construction d’un système socio-mental impérial par le monde des affaires ultramarin girondin (des années 1890 aux années 1950)
•    Xavier Daumalin, maître de conférences à l’Université de Provence, Le patronat marseillais face à la politique de la préférence impériale (1931-1939)
•    Guy Durand, doctorant en histoire contemporaine, Université Paris 1-Sorbonne, archiviste, Marseille colonial : quels choix ? quels mythes ? quelles réalités ?
•    Yvan Kharaba, docteur en histoire contemporaine de l’Université de Provence, directeur de l’Académie François Bourdon (Le Creusot), La Chambre de commerce de Toulon et l’Algérie. Histoire d’un projet colonial avorté
•    Jean-François Eck, professeur à l’Université Charles-de-Gaulle-Lille 3, Le patronat du Nord et la question coloniale
•    Jean-François Klein, maître de conférences à l’INALCO, chercheur au Centre Roland Mousnier Paris IV-Sorbonne, Une culture impériale consulaire ? L’exemple de la Chambre de commerce de Lyon (1830-1920)
•    Claude Malon, docteur en histoire contemporaine de l’Université de Paris 4-Sorbonne, chercheur associé au Centre Roland Mousnier Paris IV-Sorbonne, Doctrines et pratiques du patronat colonial havrais (1880-1960)
•    Nicolas Stoskopf, professeur à l’Université de Haute-Alsace (UHA-CRESAT), La culture impériale du patronat textile mulhousien (1830-1962)

IV. LES RÉSEAUX D’INFLUENCE AU COEUR DE LA PLACE MARCHANDE ET FINANCIÈRE PARISIENNE

•    Philippe Lacombrade, docteur en histoire contemporaine de l’Université Paris 10-Nanterre, Un esprit colonial parisien ? La Chambre de commerce de Paris et la formation de l’empire français (1880-1914)
•    Yann Bencivengo, doctorant en histoire contemporaine à l’Université Paris 1-Sorbonne,  Les réseaux d'influence de la banque Rothschild : l'exemple de la société Le Nickel en Nouvelle-Calédonie (1880-1914)
•    Hubert Bonin, professeur à Sciences Po Bordeaux, Les réseaux bancaires impériaux parisiens
•    Jean-Marie Moine, maître de conférences d’histoire contemporaine à l’Université de Tours, La sidérurgie, le Comité des forges et l’empire colonial. Mythes et réalités
•    Annie Lacroix-Riz, professeur à l’Université de Paris 7-Denis Diderot, Les réseaux patronaux franco-allemands dans l’empire au XXe siècle
•    André Nouschi, ancien professeur à l’Université de Nice, Les réseaux d’influence des groupes pétroliers parapublics français en Afrique subsaharienne

V. LES RÉSEAUX D’INFLUENCE SUR LES PLACES D’OUTRE-MER

•    Colette Dubois, professeur à l’Université de Provence, Institut d’études africaines, Charles Michel-Côte et la construction de l’espace économique de Djibouti-ville durant la première moitié du XXe siècle
•    Mohamed-Lazhar Gharbi, maître de conférences à l’Université La Manouba (Tunis), Groupes de pression et déploiement économique en Tunisie
•    Catherine Hodeir, enseignante d’histoire contemporaine à l’Université d’Amiens, chercheuse à l’IDHE-Paris 1-Sorbonne, Jouer Maroc, jouer Tunisie ? Le grand patronat colonial français tente le pari et le réalisme entre 1945 et 1956.
•    Patrice Morlat, docteur en histoire contemporaine de l’Université Diderot-Paris 7, éditeur, Les réseaux patronaux français en Indochine (1918-1928)
•    Caroline Piquet, maître de conférences à l’Université Paris 4-Sorbonne, chercheur au Centre Roland Mousnier (Paris 4-Sorbonne), Les réseaux d’affaires en Égypte : patronat européen, minorités locales et notables égyptiens dans la réforme et l’industrialisation du pays durant l’entre-deux-guerres.
•    Rang-Ri Park-Barjot, docteur en histoire contemporaine de l’Université de Paris 4-Sorbonne, chercheuse au CREOPS, L’influence du patronat des travaux publics dans le développement des
•    Pierre Singaravelou, doctorant en histoire contemporaine à Paris-1-Sorbonne, ATER à la MSHA-Bordeaux, L’empire des économistes. L’enseignement de ’’l’économie coloniale’’ sous la IIIe République
•    Félix Torres, docteur en anthropologie (EHESS), directeur de la société d’histoire conseil Public Histoire et historien, L’obstacle et le paradoxe : le destin contrarié de l’industrie sucrière de La Réunion aux XIXe et XXe siècles
•    Claire Villemagne, doctorante en histoire contemporaine à l’EHESS, Les Chambres de commerce du Tonkin, 1884-1894. Sociabilité culturelle ou mission économique ?
•    Marianne Boucheret, doctorante en histoire contemporaine à l’Université Paris 1-Sorbonne, Les organisations de planteurs de caoutchouc indochinois et l’Etat du début du XXe siècle à la veille de la Seconde Guerre mondiale
•    Gilles de Gantès, docteur en histoire contemporaine de l’Université Paris 7-Denis Diderot (LCAO) et chercheur associé à l’IRSEA, Le particularisme des milieux d’affaires cochinchinois (1860-1910) : comment intégrer un comptoir asiatique à un empire colonial protégé

VI. CONCLUSIONS GÉNÉRALES

•    Catherine Coquery-Vidrovitch : «Impérialisme», «impérial», «mise en valeur», «colonialistes», «parti colonial», etc.
•    Jacques Marseille : contribution au débat
•    Catherine Hodeir, En quête d’un lobby patronal, entre mythe et réalité
•    Jean-François Klein, Histoire ultramarine, histoire des représentations et histoire des réseaux d’influence et d’action

 

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Préfecture d'Oran, élections pour le renouvellement
en 1919 des membres de la chambre de commerce d'Oran
source : Caom

 

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20 décembre 2011

festival films guerre d'Algérie à Paris

Festival film Algérie Paris
cliquer sur l'image pour l'agrandir

 

parti-pris cinématographique sur

la guerre d'Algérie ?

général Maurcie FAIVRE

 

Je vous invite à lire les documents ci-joints concernant la commémoration par la Mairie de Paris du 50e anniversaire du cessez-le-feu en Algérie.
N'étant pas un expert en cinéma, j'aurais besoin des avis des cinéastes compétents. Je constate que la plupart des films programmés par l'Espace parisien sont des films pro-FLN, anticolonialistes, antimilitaristes, écrits par des déserteurs ou des porteurs de valises, interdits de diffusion.
Schöndorfer et Les centurions sont ignorés, ainsi que les DVD de Marcela Feraru, Alain de Sédouy, Hélie de St Marc et Charly Cassan.
Quant aux conférenciers, ils se signalent pas leur parti-pris.
Je suis surpris que l'UNC et le Conseil scientifique aient cautionné ce programme.
J'attends vos avis. 
Maurice Faivre
090617012657237736

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ESPACE PARISIEN HISTOIRE MEMOIRE GUERRE D’ALGERIE

Le Comité parisien de la FNACA formule en novembre 2004 le souhait de créer à Paris cet Espace. Soumis aux groupes politiques de l’Hotel de ville, ce projet est approuvé  en 2006 et présenté par madame Christienne, ajointe au Maire, aux cinq associations d’anciens combattants (ACPG-CATM, ARAC, FNACA, UDAC Paris, UNC) qui s’engagent à collaborer. Les statuts sont adoptés en 2008. Madame Christienne est remplacée par madame Vieu-Charier, ajointe PC chargée de la Mémoire. Un comité scientifique est constitué avec MM Frémeaux, Jauffret, Lefeuvre, Meynier, Pervillé et Vaïsse.

Un premier colloque est organisé le 19 mai 2009 et ses Actes publiés en 2010.

Le Président d’honneur est de l’ARAC, le Président Laurans et le Secrétaire général Louvel sont de la FNACA. M.Bayle de l’UNC est vice-président.

Le 20 décembre 2011, une conférence de presse a présenté le programme de commémoration du 50e anniversaire du Cessez-le-feu, comprenant :

- le 19 janvier, une avant-première du Festival des images,

- du 24 janvier au 2 février, un Festival des images organisé par Jean-Yves de Lépinay au Forum des images (Forum des Halles),

- le 20 mars une pièce de théâtre Bab’El Porte présentée par la compagnie Métis d’Angers,

- du 19 au 21 octobre un Festival des Ecrivains organisé par Denys Pryen de l’Harmattan,

- du 1er décembre au 8 janvier, une exposition sur «Paris et la guerre d’Algérie», organisé par Daniel Lefeuvre.

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FORUM DES IMAGES

Le but est de présenter «des films significatifs d’une diversité d’origine et de points de vues». Les films documentaires ou de fiction ont été privilégiés (à l’exception des documentaires historiques), visant à «construire une mémoire partagée». Le Festival comprendra également des conférences d’historiens, des rencontres avec les cinéastes et des journées d’études sur les médias et la guerre. Le programme est joint ci-dessous..

 

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4 août 2011

massacre des Européens le 20 août 1955 à El-Halia

 El-Halia

 

Autour du livre de Claire Mauss-Copeaus,

ALGÉRIE, 20 août 1955

Michel MATHIOT

 

Claire MAUSS-COPEAUX, Algérie 20 août 1955, Insurrection, répression, massacres, éd. Payot, 2011. Fiche de lecture.

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La thèse défendue par Claire MAUSS-COPEAUX pour expliquer les «événements du 20 août 1955 dans le Nord-Constantinos» est celle de l’insurrection, primant sur «les massacres» d’Européens. Car c’est bien cela le travail de l’historien : établir les faits mais aussi les expliquer. Pour asseoir sa démonstration, elle "décortique’" ce qu’ont vécu les villages martyrs d’El-Alia et Aïn-Aibid

Les deux événements, si connus parmi les anciens Français d’Algérie que les toponymes et les faits s’y étant déroulés ne font plus qu’un, sont présentés sous un jour inattendu. S’appuyant sur le témoignage d’acteurs toujours en vie, Claire Mauss‑Copeaux explique le massacre d’El-Alia par des alea de l’insurrection indigène ayant entraîné une émeute mal maîtrisée, et celui d’Aïn‑Abid par de la rancune entre rivaux dans le milieu des gros possédants – européens et musulmans - de la contrée, ayant impliqué une vengeance à l’occasion de cette insurrection. Des massacres "à chaud". Elle avance ce qu’El‑Alia et Aïn-Abid ne seraient pas : une élimination, sur ordre de l‘Armée de Libération Nationale (A.L.N.), de civils européens (hommes, femmes, enfants).

Mme Mauss-Copeaux accorde une place importante au travail de la mémoire collective à l’œuvre depuis cinquante-cinq ans. Certains auteurs, comme des historiens militaires par exemple, sont pour le moins égratignés, ainsi que ceux qu’elle appelle «mémorialistes» pieds‑noirs.

Par ses sources, tant orales qu’archivistiques dans la mesure où elles existent, on peut dire que le livre est aussi un ouvrage d’histoire sur la mémoire. Le texte renouvelle la vision du 20 août 1955. À défaut de preuves qu’elle ne peut toujours avancer faute d’archives disponibles françaises comme algériennes, certaines des hypothèses qu’elle pose sont autant de présomptions convergentes, d’intimes convictions à même d’être approfondies par d’autres.

Nous voulons parler de l’origine des massacres d’Européens. Tout en critiquant ceux qui restent campés sur des positions que l’on peut comprendre (celles des Français exilés), mais qu’en historienne elle ne peut faire siennes, Claire Mauss‑Copeaux élargit le champ des sources et donne dans un même récit la parole à une histoire bipartite : celle des anciens Français d’Algérie et celle des Algériens.

Le lecteur averti regrette que les témoignages soient moins nombreux qu’espérés. Pour autant, le chef de groupe du commando d’El‑Alia, critiqué par les siens et les mémorialistes, et questionné par Claire Mauss‑Copeaux, figure dans l’organigramme A.L.N. local établi par le 2ème Bureau. Au multipartisme des sources correspond un exposé multilatéral et c’est l’originalité de l’ouvrage, annoncée dans le titre même : Insurrection, répression, massacres.

Pour l’auteur l’insurrection est première, et les chapitres de tête sont là pour l’annoncer, analysant les causes qui s’enracinent dans le mythe des «trois départements français». Le «massacre» perpétré par l’A.L.N. stigmatise la violence aveugle, toujours idiote et insupportable mais si humaine car, on l’a vu, la cause en serait du domaine du "fait divers sanglant" et non de la "Guerre Sainte’", même si le "jihadisme" a certainement joué un rôle.

Cette violence a frappé majoritairement une première communauté, la communauté européenne. Claire Mauss‑Coppeaux la décrit et l’assimile à un «crime de guerre». Enfin, la question des représailles, jusqu’alors restée dans le flou, si elle n’est pas chiffrée est démontrée dans son intention. Pas de preuve écrite émanant du pouvoir civil. En revanche, une panoplie d’ordres déclinés en langage codé par la hiérarchie militaire algéroise et constantinoise. Dans ce cas, les archives ont parlé, et Claire Mauss-Copeaux avait d’ailleurs levé le voile dans sa thèse de doctorat et son livre Appelés en Algérie, la parole confisquée.

Cette répression – ce deuxième massacre accompli "à froid" - a touché l’autre communauté, celle des Français musulmans d’Algérie. L’auteur rééquilibre le discours sur la violence, discours traditionnellement monopolisé par la mémoire des civils d’El-Alia et d’Aïn‑Abid, au détriment de ceux des autres banlieues martyres de Philipeville, eux aussi victimes – dit-elle en conclusion – de «crimes de guerre».

Les explications jusqu’à présent apportées sur les raisons de ce qui est considéré comme le véritable enracinement de la guerre ne seraient-elles donc que des rationalisations a posteriori, reconstruites en fonction de ce que l’on sait depuis ? C’est ce que l’on peut déduire du récit de Claire Mauss-Copeaux. L’historienne met à mal la principale des théories reprises jusqu’alors par les auteurs pour expliquer la sauvagerie des massacres de civils européens : Il ne s’agirait pas d’une préméditation stratégique devant entraîner, à coup sûr, des représailles gigantesques comme en 1945, pour servir à la survie de la "Révolution". Il n’en serait rien.

Remarquons que nul auteur Algérien n’avait d’ailleurs défendu cet argument, et on savait à partir des échos rapportés de la réunion F.L.N. du 20 août 1956, dite « Congrès de la SOUMMAM’’, que ces massacres de civils avaient été désavoués par d’autres chefs F.L.N. À ce titre d’ailleurs Ali Kafi, personnalité bien placée comme ancien bras droit de Zighout Youssef, n’en fait état dans la liste des objectifs livrée dans ses mémoires.

Sur la forme, l’appareil de notes juste dosé pour éviter d’alourdir davantage un ouvrage grand-public est relégué à la fin, le rendant peu commode. Les lecteurs curieux pardonneront à Claire Mauss‑Copeaux de ne pas trouver dans son texte des réponses systématiques à toutes leurs questions, ni une énumération exhaustive de tous les événements ni tous les lieux touchés par l’insurrection.

Un traité d’histoire est une démonstration, non pas une encyclopédie. Pour cela d’autres livres suivront sans doute, utilisant notamment d’autres sources disponibles. Comme tous les historiens du "Temps Présent", elle a été confrontée au verrouillage de certaines archives encore trop récentes d’une part et à l’existence de souvenirs oraux fort bienvenus d’autre part. Les uns compensent les autres, même si le caractère épars de ces témoignages laisse toujours planer un doute quant à leur représentativité. Mais ils permettent à l’auteur de formuler des hypothèses et de les argumenter.

Car ce livre devrait être l’instrument de discussions entre historiens, pour aider la connaissance historique de cette question emblématique de l’enracinement de la Guerre en Algérie. La discussion est utile, salutaire, non pas la polémique stérile. Il est important de regarder ce que ce livre apporte à l’Histoire, en dépit d’inexactitudes factuelles comme par exemple le nombre sous-estimé des civils tués depuis le 1er novembre, ou d’autres manques à relever, et à corriger éventuellement.

Cette question, il était temps d’enfin l’aborder avant que les derniers contemporains ne s’éteignent. Mais après avoir tourné la dernière page du dernier chapitre, on est frappé par la violence qui s’exprime en début de conclusion, de l’attaque à l’égard des «activistes de la mémoire». Il faut croire que dans l’esprit de Claire Mauss-Copeaux, nombreux ont dû pécher contre l’Histoire pour avoir rendu son propos à tel point incisif. Souhaitons que d’autres auteurs viennent nourrir cette discussion dans un esprit de construction historique. Ce texte parait humain. Est-ce le fait d’une femme ? Le fait divers y surpasse la politique, et les morts ‑ tous les morts – y redeviennent égaux entre eux. Dans un livre d’Histoire, regardons avant tout ce qu’il apporte à l’Histoire.

Michel MATHIOT
DEA d’histoire contemporaine
ancien doctorant, 13 mai 2011

- critique de ce livre par Maurice Faivre sur ce site (19 mai 2011)

 

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16 juin 2011

Paul Ramalalo, tiatilleur malgache

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Tirailleurs malgaches

J'ai connu un soldat malgache dans les circonstances suivantes : "Nous avions reçu, vers 1945-46, un Malgache que ma soeur avait adopté comme filleul de guerre, c'était alors la mode. Paul Ramalalo était un grand paysan du sud qui avait dû être robuste. Kidnappé par notre glorieuse armée afin de grossir ses rangs, il vint bravement en France défendre la Liberté et la Civilisation, fut fait prisonnier en 1940 et passa avec ses compatriotes cinq années épouvantables dans un stalag réservé aux troupes coloniales.

Obligés de les relâcher au moment de leur débâcle, les Allemands alignèrent ces sous-hommes et les mitraillèrent. Laissé pour mort, Paul eut pourtant la vie sauve : deux balles lui avaient traversé l'épaule.
Nous allions le dimanche, vers onze heures, le chercher à l'hôpital Saint-Joseph ; il enveloppait avec une lenteur infinie ses longues jambes dans les bandes molletières réglementaires et venait passer l'après-midi chez nous. Il nous parlait de ses buffles qu'il avait hâte de revoir, et des redoutables «Zoulas» ou «Djoulas» (Dioulas ?) les bandits cachés dans la forêt.
Après son départ, nous avons perdu tout contact : comme il n'avait pas répondu à une lettre, nos parents demandèrent à un jeune couple de nos clients, qui avaient des relations dans la Grande Île, de retrouver sa trace ; après enquête, ils leur expliquèrent qu'il était inutile de chercher à le joindre. En fait, il arriva dans l'Île Rouge pendant la sanglante répression coloniale qui fit 100.000 morts (on s'en prenait tout particulièrement aux anciens soldats, réputés dangereux) de mars 1947 à 1948." (Extrait du site temoingaulois.fr)
Pensez-vous que je pourrais retrouver sa trace ?
Merci pour votre blog.

René Collinot

 

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15 octobre 2011

17 octobre 1961, général Maurice Faivre

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La bataille de Paris du 17 octobre 1961

Maurice FAiVRE

 

Sous le titre : le massacre du 17 octobre 1961, un article de l’encyclopédie en ligne Wikipedia faisait en octobre 2007 le point de cette bataille qui a opposé 25.000 manifestants «algériens», fermement  encadrés par le FLN, à 1.658 policiers et gendarmes engagés par le préfet Maurice Papon.

Cet article notait que 32 à 325 manifestants ont été tués, des dizaines jetés à la Seine, en particulier au pont Saint-Michel, 11.700 interpellés et tabassés, dont un certain nombre dans la cour de la Préfecture de Police. L’auteur se réfèrait essentiellement aux ouvrages de Jean-Luc Einaudi (la bataille de Paris, le Seuil, 1999), de Jean-Paul Brunet (Police contre FLN, Flammarion, 1999), de Raymond Muelle (7 ans de guerre en France, Grancher, 2001) et à l’article de Paul Thibaud dans l’Express d’octobre 2001. Cinq autres auteurs étaient cités (Sylvie Thénault, Jim House et Neil Macmaster, Linda Amiri et Benjamin Stora) et 6 réalisateurs de films.

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D’emblée, on notera que le chiffre de 32 tués est celui de Brunet, et 325 celui d’Einaudi. En 2007, Wikipedia ignorait des sources importantes qu'il a découvertes depuis :

- un deuxième livre de J.-L. Einaudi : Octobre 1961, un massacre à Paris, Fayard, 2001,

- un deuxième livre de J.-P. Brunet : Charonne, lumières sur une tragédie, Flammarion, 2003,

- un article du colonel Raymond Montaner : la manifestation du FLN à Paris le 17 octobre 1961, dans la revue Guerres mondiales et conflits contemporains de 2002,

- le livre de Rémy Valat : Les calots bleus et la bataille de Paris, Michalon 2007.

Restent ignorés cependant les articles de Catherine Segurane : le 17 octobre 1961, Essai de dénombrement des morts, et La propagande à l'oeuvre, dans Agoravox d'octobre 2010.

Professeur émérite d’Histoire à Normale Sup, Jean-Paul Brunet est connu comme un auteur rigoureux. Il est le seul à avoir eu accès à toutes les archives, en particulier de la PJ, des hopitaux et de l’Institut médico-légal (IML), ce qui n’est pas le cas d’Einaudi, ni de Paul Thibaud, ni de Sylvie Thénault. Pris à parti de façon polémique par J.-L. Einaudi, Jean-Paul Brunet a consacré deux chapitres de son deuxième livre à la manifestation du 17 octobre.

 

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manquements à la déontologie historique

Dans un article de la revue Commentaires de l'été 2008, il souligne de façon argumentée les manquements à la déontologie historique des Britanniques Macmaster et House, considérés comme partiaux par leurs collègues. Il souligne à nouveau les violences inadmissibles imputables (1) aux policiers "activistes", mais estime que sur 75 morts conduits à l’IML, la majorité est imputable au FLN. Examinant cas par cas la liste des 325 noms, il confirme son évaluation de 32 tués : 14 certains (2) , 8 vraisemblables, 4 probables et 6 possibles.

Il avait précisé dans l’Histoire d’octobre 2001 : 30 morts en comptant large. Le Conseiller d'État Mandelkern, chargé d'inventaire par le ministre Chevènement, relève sept victimes avérées. Dans son Histoire de la guerre d'Algérie (1992), Stora corrige son évaluation de centaines de victimes et ne parle plus que de dizaines (3). Brunet estime que les 246 morts signalés par Geronimi correspondent aux 308 cadavres (dont 60 douteux) examinés à l’IML en 1961 : 141 sont enregistrés avant le 17 octobre, et 72 après le 19. Il en est de même des 109 décès du Service des successions musulmanes, dont 55 ont eu lieu avant le 17 octobre, et 22 dont la date de décès n’est pas déterminée.

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Dans son mémoire de maîtrise, Pierre Brichard, qui a étudié les listes de ce Service, en retient une trentaine imputables à la répression policière.  L’ancien séminariste Grange ne confirme pas la mort des neuf corps couchés à l’entrée du Palais des sports, et Linda Amiri, ayant eu accès aux archives de la Fédération de France du FLN, dément le massacre dénoncé dans la cour de la Préfecture de Police (ce que confirme Montaner). Il est prouvé également que Fatima Bedar, présentée comme une martyre de la répression policière, s'est suicidée.

Le problème des noyades dans la Seine est plus difficile à élucider. Une seule noyade a été observée, au pont Saint-Michel. Au total, 34 cadavres ont été retirés de la Seine et des canaux en octobre, qui dans leur grande majorité, selon J.-P. Brunet, ne paraissent pas imputables à la répression de la police ; retenus par les barrages de Suresnes et de Bezons, ils étaient tous conduits à l'IML. Selon les harkis de Paris, les noyades étaient une pratique courante du FLN.

Mandelkern observe que les nombreux cadavres relevés dans la Seine, la Marne et les canaux, ne sont pas tous des victimes des règlements de compte FLN/MNA, etque le contre-terrorisme s'insinue. Les responsabilités sont donc partagées entre des groupes de choc étoffés du FLN-MNA, et des équipes marginales de contre-terroristes. Le professeur Brunet dénonce dans l’exploitation de cette affaire un mythe forgé pour les besoins d’une cause militante. Admirateur de Mao et de Pol Pot, "l’historien du dimanche" Einaudi se révèle un hagiographe du FLN, mouvement à visées totalitaires.

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On pourrait en dire autant d’autres auteurs. La Fédération de France ordonnait une manifestation pacifique et obligatoire; l'obligation se traduisait, selon Mandelkern, par des menaces de mort adressées aux Français-musulmans qui n'obéiraient pas à cet ordre ; quant à la consigne de manifestation pacifique, elle n'a pas empêché la présence de commandos armés qui les premiers ont ouvert le feu. Quant aux manifestants, ils ont observé ensuite la loi du silence, sauf quand il s'agissait d'accuser les forces de l'ordre.

Historien de la guerre d’Algérie, vice-président de la Commission française d’histoire militaire, et membre de l'Académie des sciences d'outremer, il me semble qu’il faut replacer cette bataille dans la stratégie générale du FLN, qui après avoir perdu les batailles d’Alger et des frontières, et se sentant humilié par les fraternisations de mai 1958, a décidé le 28 août 1958 de transporter la guerre en territoire français, et ordonné à ses commandos de combattre l’ennemi avec violence. Cette décision faisait suite à la volonté, proclamée dès 1955, d’éliminer les messalistes en Algérie et en métropole (3).

Ces deux décisions se sont traduites par le massacre en métropole d’au moins 3.957 nord-africains, 150 Européens, 16 militaires, 53 policiers et 48 harkis (le Monde du 20 mars 1962). Ces actions terroristes expliquent, sans les excuser, l’exaspération des policiers et les excès auxquels ils se sont livrés. Quant à la décision de réagir, par une manifestation pacifique, au couvre-feu imposé par la Préfecture de Police, elle n’a pas été approuvée par toutes les instances du GPRA.

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Maurice Papon, préfet de police de Paris

 

Mohammed Harbi : "des enjeux internes... des luttes pour le pouvoir"

Mohammed Harbi écrit dans le Monde du 5 février 1999 : «ce qui a joué dans le déclenchement de la manifestation du 17 octobre, ce sont plutôt des enjeux internes, voire des ambitions personnelles… On était proche de la fin… Ce sont déjà des luttes pour le pouvoir dans l’Algérie indépendante». Cette lutte sera mise en évidence par les accusations de Ben Bella contre la Fédération de France.

La Commission de sauvegarde du droit et des libertés individuels estime que le gouvernement a voulu donner satisfaction à la police. Elle constate que de nombreux disparus ont été libérés ou se trouvent à Vincennes, où le Conseiller Viatte a constaté l'entassement de 2.200 suspects pour 400 places. Son président Maurice Patin a signalé au ministre de l'Intérieur le grave problème social créé par le transfert en Algérie de chefs de familles.

Le Conseiller Damour observe que le couvre-feu a contribué à supprimer les attentats. Les arrestations opérées le 17 octobre avaient été précédées d’opérations de démantèlement des groupes armés du FLN en région parisienne. Selon le Service de coordination des Affaires algériennes (rapports des 1er et 4 décembre) 205 armes à feu, 8 bombes, 26 plastics, 106 grenades et obus ont été saisis en deux mois ; 91 responsables de groupes armés ont été arrêtés, 2.545 militants politiques transférés en Algérie.Les liaisons internes ont été rompues. Pour le présent, conclut ce rapport, la bataille de Paris ne tourne pas à l’avantage du FLN.

Maurice Faivre
le 15  octobre 2011.

(1) "inadmissibles mais secondaires", déclare de Gaulle, qui selon Messmer partage avec le gouvernement la responsabilité de la répression. L'imputation, imaginée par un historien anticolonialiste connu, de l'initiative de Debré, qui aurait  provoqué la répression pour nuire aux négociations engagées par le général de Gaulle, traduit une méconnaissance profonde du fonds privé de Michel Debré.
(2) C’est le chiffre retenu par le colonel Montaner, ancien chef de la Force de police auxiliaire.
(3) Dans sa préface à la bande dessinée de Didier Deaminck et Mako, Stora revient à sa première évaluation (Mediapart du 23 septembre 2011).
(4) réf. Jacques Valette. La guerre d'Algérie des messalistes. L'Harmattan 2001.

 

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- critique du livre de Jean-Paul Brunet par Emmanuel Blanchard (2003)

- voir aussi : les victimes du 17 octobre 1961 ? selon Jean-Luc Einaudi (commentaire critique par Michel Renard)

 

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13 octobre 2011

l'identité pied-noir sur France Culture

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«La fabrique de l’Histoire» et

l’identité pieds-noirs

Michel LAGROT

 

La chaine FM France Culture, qui décidément s’intéresse beaucoup à l’Algérie française ces temps ci pour le pire plus que pour le meilleur, vient de commettre une émission de plus dans le cadre de la bien nommée série «La fabrique de l’Histoire» (22 septembre 2011).

Il s’agissait de rechercher et définir «l’identité pieds noirs»… ce qui a été déjà tenté : à cet égard on peut s’étonner de l’absence au débat de Mme Verdes-Leroux, qui fut la seule à sonder en profondeur notre communauté. Au lieu de quoi, d’autres auteurs au nombre de quatre menèrent la discussion, dont Savarese, historien mais surtout idéologue et agitateur, dont le fil conducteur intellectuel est une haine pathologique des Français d’Algérie.

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Le débat s’ouvre sur une effarante affirmation : les Pieds Noirs sont une «catégorie sociale», en somme comme les mineurs de fond, les retraités fonctionnaires ou les joueurs de pétanque… les Bretons ou les Alsaciens sont ils une catégorie sociale ? la question n’est pas posée…. puis, et là rendons grâce aux intervenants, on nous a épargné les habituelles sottises sur l’origine du mot, les bottes des soldats de la conquête etc. , relevant seulement l’origine marocaine du sobriquet et surtout son apparition tardive dans l’Histoire. Cela devait être dit.

Sur la définition du groupe appelé «Pieds noirs», confusion totale. Une définition juridique a été proférée, qui est une monstruosité : outre qu’un sobriquet ne définit pas une entité juridique, donner comme définition «population qui, en Algérie, jouissait de la citoyenneté française et avait le droit de vote» est malhonnête. Cela  part de l’éternel postulat suivant lequel les musulmans étaient interdits de vote, ce qui est ignorer la possibilité pour tous de renoncer au statut personnel en acquérant la citoyenneté par simple acte volontaire, l’existence du 2eme collège et la dévolution automatique de la citoyenneté à certaines catégories telles que les anciens combattants. Vieille antienne ! peu glorieuse pour des « historiens »…

De plus cette définition inclut les Juifs immémorialement installés en Algérie, citoyens français depuis le décret Crémieux, mais Pieds Noirs par communauté de destin seulement.

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Il serait tellement plus simple d’énoncer qu’est réputé Pieds Noirs celui qui, d’origine européenne, est immigré, né ou installé en Algérie de 1830 à 1962…  sans oublier que le terme s’applique à la Tunisie et au Maroc avec les correctifs de date appropriés. Le sens commun s’y retrouverait !

Les débateurs se sont évertués à prouver que ce groupe humain , qui à leurs yeux n’est pas une « communauté », ce que nous leur concédons aisément, n’a pris conscience de sa personnalité qu’après l’exode, sous la forme folklorique associative etc..

Observons d’abord que la conscience de son originalité, et surtout de son évolution spécifique, est apparue dès la fin du XIXe siècle et très explicitement formulée par les écrivains algérianistes , donc par des intellectuels lucides, à partir de 1910 ; mais dans la sensibilité populaire, si cette conscience n’était pas formulée, elle se manifestait avec force. À tout Européen d’Algérie qui visitait sa métropole pour la première fois, effaré par l’abyssale ignorance qu’on y manifestait sur notre province, le sentiment de sa «différence» était aveuglant ! Il l’est encore de nos jours, plus encore peut être…

Le débat a porté évidemment sur la cohésion de cette population sur le sol métropolitain après l’exode de 1962, non sans avoir escamoté la période si traumatisante des derniers mois sur le sol algérien.

Peu de mots sur le refus de nous accueillir, l’hostilité des politiques, l’arbitraire de l’administration… sans doute n’était ce pas le sujet, mais comment comprendre sans tenir compte de facteurs si importants ? Une fois de plus, on nous concède du bout des lèvres que nous sommes des victimes, mais … n’en abusons pas !

On relèvera au passage une phrase montrant la profondeur de l’incompréhension des intellectuels : il parait que nos concitoyens étaient bien aises d’avoir … «retrouvé la paix» en arrivant dans la métropole… sans doute faut il avoir vécu ces évènements pour sentir une vérité toute simple : il y a pire que de faire une guerre, c’est de la perdre….

Le procès nous est fait au passage de cultiver abusivement le mythe du pionnier défricheur. Faut il rappeler l’effroyable coût humain de la colonisation, les résultats spectaculaires obtenus, l’œuvre accomplie, pour justifier la fierté des «colons», au sens large ? Et pourquoi le mythe du pionnier américain, qui fait la fierté de l’Amérique et dont l’aventure est tellement semblable, serait il plus naturel que le notre ?

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Il est vrai que la composition sociologique de la population européenne d’Algérie semble ignorée de ces  «spécialistes» qui ont affirmé dans l’émission qu’elle comportait 30% de fonctionnaires, chiffre extravagant et sorti d’un chapeau pour l’occasion, sans doute pour «faire colonial».

Un des débateurs s’est appliqué à démontrer que la cohésion des Pieds Noirs aujourd’hui en France ne signifie plus grand chose, ce qui après un demi siècle serait bien naturel. C’est vouloir ignorer l’extraordinaire vitalité des rassemblements associatifs périodiques, malgré les effets ravageurs de l’âge et de la dispersion. Il est bon d’avoir noté, portons le au crédit des intervenants, que les revendications émises sont essentiellement et depuis longtemps d’ordre mémoriel et identitaire.

Mais ce qui aurait du être dit est que notre sentiment de solidarité vient aussi de la discrète persécution opérée à notre encontre depuis deux générations, le mensonge officiel sur notre histoire, la censure constante de nos communiqués, le boycott de nos cérémonies, les déclarations insultantes de nos ambassadeurs en Algérie, le truquage des statistiques, le sabotage de nos réalisations mémorielles, le mépris de nos morts, le déni de nos droits , la diffamation entretenue à notre encontre jusque sur les bancs de l’école oû les enfants doivent souffrir d’entendre insulter leurs pères, le barrage médiatique etc.. L’intégration matérielle réussie de ce peuple pieds noirs en France masque ce statut inexprimé de communauté opprimée. Et qui ne veut pas saisir cela n’a rien compris …

L’émission s’est voulu rassurante en abordant, vieux serpent de mer, la question du vote pieds noirs, en affirmant qu’il n’existe pas. Sans doute : cela veut il dire pour autant que ces Français votent comme les autres ? pas sur…. rappelons tout de même qu’à une certaine élection déjà lointaine, la commune la plus pieds noirs de France, Carnoux, avait affiché un résultat unique dans la métropole. Spécificité ?

En fin de débat on a eu droit à la cerise sur le gateau, lorsqu’un des débateurs a paru s’étonner que ces ingrats de Pieds noirs soient unanimes à ne pas reconnaître ce que l’Etat avait fait pour eux ! Avant de tirer le rideau sur ce morceau d’humour noir, rappelons nous que les promesses d’Evian étaient d’abord l’inscription dans la loi d’une juste indemnisation pour ceux qui seraient dépossédés.

Après quoi et quelques années écoulées le président Pompidou déclarait froidement que la loi n’était pas faite pour reconstituer les fortunes… puis, après des versements étalées sur trente ans, un bilan s’établissant à moins de 20% d’indemnisation des patrimoines spoliés. Et des saisies aujourd’hui encore, en violation de la loi, pour des débiteurs en faillite octogénaires …

C’est beau, c’est grand, c’est généreux, la France !

Michel Lagrot
Hyères le 23/09/2011

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- France Culture, émission du 22 septembre 2001

 

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12 octobre 2011

DVD Harkis, histoire d'un abandon

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Harkis, histoire d'un abandon

un DVD

général Maurice FAIVRE

 

Ce remarquable DVD vient de sortir à l’ECPAD, en collaboration avec Secours de France et la chaîne Histoire. Rappelons que Secours de France, créé par Clara Lanzi en 1961 pour venir en aide aux «victimes de leur foi en la Patrie», avait retiré son appui en 2010 au film de Costelle- Clarke  «La blessure, la tragédie des harkis», jugé tendancieux sur le fond.

Jean-Marie Schmitz, président actuel de Secours de France, officier de réserve et promoteur en 2002 du Livre blanc de l’armée française en Algérie, a donc fait appel à Marcela Feraru, une journaliste roumaine qui avait réalisé le DVD «Face à la mort» sur les prisonniers du Vietminh. Celle-ci a recueilli les témoignages de nombreux harkis dont les états de service sont manifestes, de fils et de filles de harkis, et de quelques officiers qui les ont commandés et accompagnés lors du rapatriement.

Des images d’archives rappellent l’histoire de l’Algérie depuis St Augustin, la piraterie barbaresque et la conquête de 1830. Tous les témoins évoquent ensuite les raisons de leur engagement et de leur combat aux côtés de l’armée française, et les conditions de leur abandon en 1962. L’étudiante Karima Chalaal assiste aux entretiens et exprime sa fierté d’être fille de harki.

Le film fait donc connaître aux Français d’aujourd’hui ce qu’ils doivent d’estime et de reconnaissance à ceux qui ont combattu pour un noble idéal : une Algérie nouvelle, fraternelle et en paix. Le film, dont le texte est lu par Jean Piat, dure 90 minutes.

Maurice Faivre
le 7 octobre 2011

 

P.S. Le DVD peut être commandé au prix de 14,90 euros, port inclus :

- soit à l’ECPAD, 2 à 8, route du Fort, 94205  Ivry-sur-Seine Cedex,

- soit à Valmonde-Diffusion, 5 rue St Georges, 75009.

 

- un remarquable documentaiee retrace la tragédie des harkis

 

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soldats harkis de l'armée française en Algérie

 

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11 octobre 2011

Histoire du Vietnam contemporain, Pierre Brocheux

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Histoire du Vietnam contemprain

la nation résiliente

Pierre BROCHEUX

 

Quatrième de couverture

L'histoire contemporaine du Vietnam est dominée par l'occupation du pays par les Français, par trente années de guerre et par la résilience d'un État national séculaire.

Grâce à sa connaissance des sources vietnamiennes, américaines et françaises, Pierre Brocheux propose un récit original - en même temps que l'analyse - de la gestation douloureuse d'un Vietnam moderne. Il souligne combien le moment colonial, pour avoir été un intermède court à vue historique, a transformé la société et la culture nationales.

Pour autant, le Vietnam n'est nullement «sorti d'Asie pour entrer dans l'Occident» : qu'il s'agisse de religion, de mode de vie et de pensée, de vision de l'avenir, le Vietnam contemporain offre le spectacle étonnant de sédimentations nettement repérables depuis le lointain héritage Viêt jusqu'à l'apport chinois ou américain. Cette synthèse pionnière permet de comprendre la place particulière du Vietnam dans l'Extrême-Orient d'aujourd'hui comme dans la mémoire française. [sortie le 5 octobre 2011]
 

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Pierre Brocheux

 

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 - acherez le livre de Pierre Brocheux (livraison gratuite)

 

Rappel

9782846541978FS

- acheter Une Histoire économique du Vietnam (livraison gratuite)

 

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- Cf. http://etudescoloniales.canalblog.com/archives/2010/04/12/17565239.html#trackbacks

 

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18 avril 2009

conférence de Benjamin Stora et Mohammed Harbi à Alger

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Écrire l'histoire de l'Algérie contemporaine

conférence au Centre culturel d'Alger

le mardi 28 avril 2009



La guerre d'indépendance algérienne : usages de ce passé en France,
entre histoire et mémoire

par Benjamin Stora

Depuis une quinzaine d'années, la connaissance de la séquence "guerre d'indépendance algérienne" s'est considérablement développée en France, notamment à la suite de travaux universitaires portant, par exemple, sur les images de cette guerre, les refus d'obéissance ou l'activité politique des immigrés algériens.

Mais ce qui frappe, provoque l'interrogation, c'est que cette histoire savante n'arrive pas à freiner les usages abusifs du passé s'exprimant par la puissance des revendications mémorielles, quelquefois portées par des nostalgiques du temps colonial.

Qu'il s'agisse du passé lointain ou du passé proche, une série de débats se sont organisés autour des lois mémorielles, des conflits entre groupes porteurs de la mémoire de l'Algérie. Vingt ans après la rédaction de mon ouvrage, La gangrène et l'oubli, la mémoire de la guerre d'Algérie, cette communication présente les divers aspects de ces conflits qui affectent le statut du travail historique.

 


Connaissance de l'Algérie à l'épreuve de l'histoire contemporaine,

par Mohammed Harbi

Où en sommes-nous dans l'écriture de l'histoire contemporaine de l'Algérie ? Comment a été élaborée son historiographie ?
Comment mettre de l'ordre dans le "commerce des idées usagées" ? Que faire du passé colonial ? Comment affirmer et consolider l'émergence du métier d'historien ?

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Benjamin Stora est né à Constantine. Il est professeur d'histoire du Maghreb à l'université de Villetaneuse (Paris XIII). Il a publié une vingtaine d'ouvrages portant principalement sur l'histoire de l'Algérie contemporaine. Le dernier a pour titre : Les guerres sans fin. Un historien, la France et l'Algérie.

Mohammed Harbi a été maître de conférence en sociologie à l'université Paris VIII (Saint-Denis). Il est l'auteur de nombreux ouvrages de références sur l'histoire de la révolution algérienne.

modérateurs : Ouanassa Siari Tengour, maître de conférence à l'université Mentouri de Constantine, et Abdelmajid Merdaci, maître de conférence à l'université Mentouri de Constantine.

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Illiten (El Haad), 1959, source

lien
Centre culturel français à Alger (accès internet difficile, voire impossible...) : ccf-dz.com/

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31 octobre 2007

Lyautey avait compris avant tout le monde... (Nicolas Sarkozy)

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Lyautey avait compris avant

tout le monde...

Nicolas SARKOZY

 
                                                     
Discours de Nicolas Sarkozy, président de la République
à Tanger le 23 octobre 2007

Mesdames et Messieurs les Ministres

Mesdames et Messieurs, 

D6BT8378netJe suis venu adresser au Maroc, le salut de la France et redire au peuple marocain l’indéfectible amitié du peuple français.

Ce matin j’ai parlé aux représentants du peuple marocain des relations entre nos deux nations.

 Ce sont deux vieilles nations qui ont toujours été jalouses de leur indépendance.

Ce sont deux vieilles nations qui ont subi toutes les invasions et qui à chaque fois sont ressorties des épreuves que le destin leur imposait plus libres, plus fières et plus grandes. 

Le Maroc et la France, ce sont deux vieilles nations qui ont brassé les peuples, les croyances, les langues et les cultures et qui ont su tirer leur unité de leur diversité, deux vieilles nations qui se sont toujours vécues comme des creusets, deux vieilles nations qui se sont forgées chacune au fil des siècles une identité forte et une identité singulière, deux vieilles nations qui, parmi d’autres, incarnent pour tous les hommes un idéal qui les dépasse, une cause plus grande qu’elles-mêmes, une valeur spirituelle et morale sans commune mesure avec les moyens matériels qui sont les leurs, avec leur taille, avec leur population, avec leur économie.

Ce qui fait que depuis toujours en vérité, par-delà les vicissitudes de l’histoire, le Maroc et la France, c’est ce qui fait que le Maroc et la France s’aiment et se comprennent.

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la grande figure de Lyautey

Comment venir au Maroc pour un chef de l’État français sans évoquer la grande figure de Lyautey, ce grand soldat placé par le hasard des circonstances à la tête d’un protectorat et qui n’eut jamais d’autre objectif, à rebours des préjugés et de l’idéologie qui dominaient alors les esprits, que de protéger le peuple marocain, parce qu’il aimait et parce ce qu’il respectait, de valoriser la richesse de votre patrimoine et la grandeur de votre civilisation et d’apprendre aux Marocains et aux Français à s’aimer et à se respecter.

Lyautey avait compris avant tout le monde que nul ne pourrait s’opposer à l’aspiration des peuples à disposer d’eux-mêmes et il s’était fait un devoir de les accompagner sur le chemin de cette liberté.

Il fut l’un de ceux qui ont préparé l’avènement du Maroc moderne.

Il fut l’un de ceux grâce auxquels un sentiment de fraternité a pu s’établir entre le Maroc et la France malgré les fautes et parfois les crimes que le protectorat avait engendrés.

Cette fraternité, elle sera scellée par le sang versé des vingt-cinq mille soldats marocains morts pour la France et pour sa liberté.

C’est sur cette fraternité que la France veut fonder sa relation avec le Maroc.

CPS

Cette fraternité, c’est celle qui unit deux peuples que leur histoire a portés à l’ouverture aux autres, à la tolérance, au respect de la dignité de la personne humaine, à des formes d’humanisme beaucoup plus proches l’une de l’autre que les apparences pourraient le laisser croire.

C’est ici, très exactement ici au point de rencontre de l’Europe et de l’Afrique, au point de rencontre de la chrétienté et de l’islam, sur cette terre qui fut le foyer de la grande civilisation arabo-hispanique, au milieu de ce peuple marocain qui n’a jamais haï personne, de ce peuple marocain qui n’a jamais persécuté personne, de ce peuple marocain qui s’est battu farouchement que pour être libre et de ce peuple marocain dont l’honneur est d’avoir protégé les Juifs quand, toute l’Europe ils étaient pourchassés pour être exterminés. Ici, on a protégé des juifs.

majorelle_tangerC’est ici donc, au milieu de ce peuple marocain si profondément civilisé, dépositaire de tant d’héritage.

C’est ici dans cette ville de Tanger qui fut tour à tour phénicienne, carthaginoise, romaine, byzantine, arabe, portugaise, anglaise, internationale, cette ville de Tanger, qui vit passer Espagnols, Allemands, Français et qui est redevenue pour toujours pleinement marocaine,

c’est ici dans ce grand port du Maroc sur la Méditerranée,

c’est ici où pour la première fois un souverain marocain osa parler à haute voix de l’indépendance du Maroc et de la fin des empires coloniaux,

c’est ici où le Maroc affiche sa volonté d’être d’abord une puissance méditerranéenne,

c’est ici, dans ce port, dont le Maroc veut faire l’un des plus grands et l’un des plus actifs de toute la Méditerranée,

c’est ici que j’ai souhaité lancer à tous les peuples de la Méditerranée l’appel pressant et solennel à s’unir autour du plus beau et du plus grand des idéaux humains.

 

ce qui sépare les Méditerranéens...

Ici, dans cette ville de Tanger qui a vécu toute son histoire à l’unisson de tous les drames de la Méditerranée et qui en a partagé aussi tous les succès, toutes les avancées, toutes les conquêtes intellectuelles et spirituelles, de cette ville de Tanger je veux dire à tous les Méditerranéens qu’ils ne seront réellement fidèles à l’héritage de culture, de civilisation, d’humanité, de foi dont ils sont les dépositaires que s’ils deviennent capables de comprendre que ce qui les sépare est infiniment moins important que ce qui les rapproche et s’ils ont la volonté de se parler et d’agir ensemble au nom de tout ce que nous avons en commun.

On n’a pas cessé depuis des décennies de parler de tout ce qui unit les hommes autour de la Méditerranée.

On n’a pas cessé de vanter les mérites du dialogue des cultures, des civilisations et des religions.

Au monde méditerranéen qui n’a pas cessé depuis des siècles d’être écartelé entre l’esprit des croisades [ci-contre] etCroisades l’esprit du dialogue, qui n’a pas cessé d’être tiraillé entre la haine et la fraternité, qui n’a pas cessé d’hésiter finalement entre la civilisation et la barbarie, je veux dire que le temps n’est plus au dialogue puisqu’il est à l’action, qu’il n’est plus temps de parler parce qu’il est venu le temps d’agir.

À tous les Méditerranéens qui n’arrivent pas à sortir des cycles infernaux de la vengeance et de la haine, à tous les Méditerranéens qui rêvent de paix et de fraternité et qui ne voient partout que la guerre de tous contre tous, à tous les Méditerranéens qui sont pétris de tolérance et d’humanisme et qui se désespèrent de ne rencontrer que l’intolérance et l’intégrisme, je veux dire que le moment est venu de passer du dialogue à la politique, que le moment est venu de cesser de discuter pour commencer à construire.

À tous les Méditerranéens, à tous les peuples qui vivent dans cette lumière miraculeuse qui a éclairé les plus beaux rêves de l’humanité,

à tous les hommes de bonne volonté qui se souviennent en regardant la mer qu’ils sont les fils de ceux qui par la foi et par la raison ont mis pour la première fois l’Homme au centre de l’univers et lui ont appris que son histoire était tragique,

à tous les hommes, à toutes les femmes qui se sentent les héritiers de ceux qui ont appris à l’humanité une autre façon de croire, une autre façon de penser.

 

Ici on gagnera tout ou on perdra tout.

Je veux dire que le moment est venu de mettre toutes leurs forces et tout leur cœur à bâtir l’Union de la Méditerranée, car ce qui se joue là est absolument décisif pour l’équilibre du monde. Pas seulement décisif pour l’avenir des peuples riverains, décisif pour l’avenir de l’humanité.

En Méditerranée, se décidera si oui ou non les civilisations et les religions se feront la plus terrible des guerres.

En Méditerranée se décidera de savoir si oui ou non le Nord et le Sud vont s’affronter, en Méditerranée se décidera de savoir si oui ou non le terrorisme, l’intégrisme, le fondamentalisme réussiront à imposer au monde leur registre de violence et d’intolérance. Ici on gagnera tout ou on perdra tout.

Là se décidera une forte décision de l’avenir de l’Europe et l’avenir de l’Afrique.

Car l’avenir de l’Europe, je n’hésite pas à le dire, il est au Sud. En tournant le dos à la Méditerranée, l’Europe se couperait non seulement de ses sources intellectuelles, morales, spirituelles, mais également de son futur.

Car c’est en Méditerranée que l’Europe gagnera sa prospérité, sa sécurité, qu’elle retrouvera l’élan que ses pères fondateurs lui avaient donné.

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C’est à travers la Méditerranée que l’Europe pourra de nouveau faire entendre son message à tous les hommes.

C’est par la Méditerranée, dans la prise de conscience de ce qu’elle lui doit, que l’Europe retrouvera son identité, que son projet retrouvera le sens qu’il n’aurait jamais dû perdre, qui est celui d’un projet de civilisation.

C’est à travers la Méditerranée que l’Europe et l’Afrique s’uniront.

C’est à travers la Méditerranée que l’Europe et l’Afrique se construiront une destinée commune.

C’est à travers la Méditerranée que l’Europe et l’Afrique pèseront ensemble sur le destin du monde et sur le cours de la mondialisation.

C’est à travers la Méditerranée que l’Europe et l’Afrique tendront la main à l’Orient.

Car si l’avenir de l’Europe est au Sud, celui de l’Afrique est au Nord.

J’appelle tous ceux qui le peuvent à s’engager dans l’Union méditerranéenne parce qu’elle sera le pivot de l’Eurafrique, ce grand rêve capable de soulever le monde.

L’Union méditerranéenne, c’est un défi, un défi pour chacun d’entre nous, peuples de la Méditerranée.

C’est un effort que chacun d’entre nous devra faire sur lui-même pour surmonter les haines et les rancoeurs que les enfants héritent de leurs pères depuis des générations à qui on apprend à détester l’autre, le voisin, le différent.

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C’est un effort pour que chacun cesse de transmettre la haine pour transmettre l’amour, cet amour qui est déjà dans le cri d’Antigone, il y a 2500 ans : «Je suis née pour partager l’amour, non pour partager la haine».

Cet amour qui est l’essence du judaïsme, cet amour qui est l’essence du christianisme, cet amour qui est l’essence de l’islam et que les fanatiques n’ont eu de cesse de vouloir étouffer, cet amour qui est dans notre culture, qui est dans notre pensée, qui est dans notre religion, dans notre art, dans notre poésie mais qui n’est pas assez dans les cœurs parce que ce sont des cœurs blessés que les cœurs des peuples de la Méditerranée, des cœurs déchirés par d’horribles souffrances et le souvenir d’atroces douleurs.

 

Nous ne bâtirons pas l’Union de la Méditerranée

sur la repentance

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe a vécu l’un de ces moments terribles où la souffrance et la douleur crient plus fort que l’amour. L’Europe, elle, a réussi à les surmonter. Après tant de meurtres, après tant de sang, après tant de violences et de barbaries depuis des siècles, l‘Europe s’est engagée sur le chemin de la paix et de la fraternité.

La France appelle tous les peuples de la Méditerranée à faire la même chose, avec le même objectif et avec la même méthode.Nous ne bâtirons pas l’Union de la Méditerranée sur l’expiation par les fils des fautes de leurs pères.

Nous ne bâtirons pas l’Union de la Méditerranée sur la repentance, pas plus que l’Europe ne s’est construite sur l’expiation et sur la repentance. Jean Monnet et Robert Schuman n’ont pas dit aux Allemands : «expiez d’abord, nous verrons après». Ils leur ont dit : «construisons ensemble un avenir commun».

Le Général de Gaulle n’a pas dit au Chancelier Adenauer : «expiez d’abord, nous nous serrerons la main ensuite». Il lui a dit : «maintenant, soyons amis pour toujours».

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La Méditerranée n’est pas une page blanche mais tout

son avenir n’est pas contenu dans son passé

Nous bâtirons l’Union de la Méditerranée comme l’Union de l’Europe sur une volonté politique plus forte que le souvenir de la souffrance, sur la conviction que l’avenir compte davantage que le passé.

Il ne s’agit pas d’oublier. Il ne s’agit pas de faire la politique de la table rase. Il ne s’agit pas de faire comme s’il n’y avait pas eu d’histoire.

Vouloir l’Union de la Méditerranée, ce n’est pas vouloir effacer l’histoire, ce n’est pas vouloir tout recommencer à zéro. Mais c’est vouloir prendre l’histoire où elle en est et la continuer au lieu de la ressasser. La Méditerranée n’est pas une page blanche mais tout son avenir n’est pas contenu dans son passé. Son avenir n’est pas condamné à être la répétition de son passé.

Faisons ce qu’ont fait les pères fondateurs de l’Europe. Tissons entre nous des solidarités concrètes, sans cesse plus étroites, autour de projets pragmatiques qui mettent en jeu les intérêts vitaux de tous nos peuples.

Faisons comme les pères fondateurs de l’Europe qui ont fait travailler ensemble des gens qui se haïssaient pour les habituer à ne plus se haïr.

Nous ne ferons pas d’emblée l’Union Méditerranéenne sur le modèle actuel de l’Union Européenne avec ses institutions, ses administrations, son degré élevé d’intégration politique, juridique, économique. Comme l’Union Européenne ne ressemble finalement à rien de ce qui a pu être tenté jusqu’à présent pour unir des peuples, il est probable que l’Union Méditerranéenne, à terme, ne ressemblera pas à l’Union européenne et à ce qu’elle est devenue mais qu’elle sera elle aussi, en fin de compte, une expérience originale et unique.

 

rendre irréversible

le projet d'Union de la Méditerranée

Cette expérience originale, unique, c’est à nous, c’est à notre génération de l’engager, c’est à notre génération de créer les conditions de sa réussite, c’est à notre génération de rendre irréversible le projet d’Union de la Méditerranée.

Car cette Union ne se fera pas en un jour, mais nous aurons rempli notre mission historique si, après nous, plus personne ne songe à revenir en arrière et si tout le monde au contraire veut aller à partir de ce que nous aurons fait, vers davantage d’entente, de coopération, de solidarité.

C’est notre responsabilité non seulement politique mais morale de faire ce pari que tant de gens, il y a peu de temps encore, jugeaient impossible, déraisonnable, et pour lesquels désormais tant de gens autour de la Méditerranée sont prêts à s’engager.

Comme au début de toute aventure inédite, le scepticisme, il y a quelques mois, lorsque j’en ai parlé, était grand. Mais les sceptiques sont de moins en moins nombreux parce que beaucoup d’entre eux ont compris que ce qui était déraisonnable, c’était de continuer comme si rien n’était. Parce qu’ils ont compris que ce qui était suicidaire, c’était de ne rien tenter, de ne rien essayer. Parce qu’ils ont compris que ce qui était dangereux, ce n’était pas l’audace mais l’absence d’audace.

Ils ont compris qu’à Barcelone en 1995, l’Europe avait pris conscience de ce qui se jouait pour elle et pour le monde en Méditerranée.

ccw_carte_mediterranee_800x600Ils ont compris qu’en s’engageant dans le dialogue entre l’Europe et la Méditerranée, l’Union Européenne avait fait un choix décisif.

Ils ont compris que le processus de Barcelone, la politique de voisinage de l’Union Européenne, les coopérations qui se sont tissées entre les pays de la Méditerranée occidentale, le Forum Méditerranéen, et toutes les initiatives qui, dans la recherche, dans l’université, dans l’économie, dans la culture, dans la santé, dans la lutte contre le terrorisme contribuent à réunir les deux rives de la Méditerranée sont les signes qu’une volonté existe.

 

Mais ils ont compris aussi que cela ne pouvait pas suffire, qu’il fallait que tout ce qui est bien engagé continue mais qu’il était nécessaire d’aller plus loin, plus vite, qu’il fallait franchir une étape, qu’il fallait oser imaginer autre chose qui pourrait tout changer, qu’il fallait cristalliser les initiatives en cours, passer à une autre échelle, à une autre vitesse, pour faire basculer le destin de la Méditerranée du bon côté.

C’est cela le projet de l’Union Méditerranéenne : une rupture. Une rupture avec des comportements, avec des modes de pensée, avec des précautions, avec un état d’esprit qui tourne le dos à l’audace et au courage.

On n’a aucune chance de changer le cours de l’histoire et de changer le monde si l’on ne prend pas de risque. Je n’ai pas été élu pour tourner le dos au risque. On ne fait rien, ou pas assez, quand on n’est pas prêt à prendre le risque d’échouer.

 

les pays riverains de la Méditerranée

ne forment pas deux blocs

La rupture courageuse, audacieuse, qui changerait tout, c’est que les peuples de la Méditerranée décident enfin de prendre en main leur destin, d’écrire eux-mêmes, ensemble, leur avenir, d’assumer collectivement une responsabilité, une solidarité que l’histoire de la longue durée et la géographie leur imposent et de ne plus jamais laisser personne décider à notre place.

Le pari audacieux et courageux qui, aujourd’hui, peut changer le destin de la Méditerranée et, à travers lui, celui de l’Europe, celui de l’Afrique et celui du monde car une partie du sort du monde se joue ici, ce pari, c’est qu’à l’appel lancé de tous les peuples de la Méditerranée - je dis bien à tous - à s’engager dans le processus historique qui les conduira vers leur unité, ce pari c’est que tous répondront présent.

L’audace et le courage, c’est d’oser appeler tous avec la même conviction et de penser que cet appel sera plus fort que la guerre.

L’audace et le courage, c’est d’oser dire aux pays riverains de la Méditerranée qu’ils ne forment pas deux blocs se faisant face de part et d’autre de la mer mais qu’ils forment, tous ensemble, une communauté de destin dans laquelle chacun à sa part et que tous les peuples de la Méditerranée sont égaux en dignité, en droits et en devoirs.

L’audace et le courage, c’est d’oser dire à des pays qui se combattent que faire de la Méditerranée la mer la plus propre du monde est pour chacun d’entre eux un enjeu vital et que tous n’auront d’autre choix qu’à travailler ensemble pour atteindre cet objectif.

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source

 

l’Union de la Méditerranée commencera

avec le développement durable, l’énergie,

les transports, l’eau

L’Union de la Méditerranée doit être pragmatique : elle sera à géométrie variable selon les projets.

Comme l’Europe avait commencé avec le charbon et l’acier et avec le nucléaire, l’Union de la Méditerranée commencera avec le développement durable, l’énergie, les transports, l’eau.

Mais au contraire de l’Europe qui les avait longtemps oubliés derrière l’économie, l’Union de la Méditerranée mettra d’emblée au rang de ses priorités la culture, l’éducation, la santé, le capital humain. Elle mettra au rang de ses priorités la lutte contre les inégalités et la justice sans lesquelles il n’y a pas de paix possible.

L’Union de la Méditerranée, ce sera d’abord une union de projets. Mais avec un but : faire de la Méditerranée le plus grand laboratoire au monde du co-développement, où le développement se décide ensemble et se maîtrise ensemble, où la liberté de circulation des hommes se construit ensemble et se maîtrise ensemble, où la sécurité s’organise ensemble et se garantit ensemble.

L’Union de la Méditerranée, dans l’esprit de la France, n’a pas vocation à se substituer à toutes les initiatives, à tous les projets qui existent déjà, mais elle a vocation à leur donner un élan nouveau, un nouveau souffle. Elle a vocation à faire converger vers un même but, à fédérer toutes les idées, toutes les énergies, tous les moyens.

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Méditerranée
, Christophe Cusson
(source)

 

L’Union de la Méditerranée, ce sera d’abord comme l’Europe à ses débuts, une volonté politique. Celle-ci doit se traduire dans des actions, dans des stratégies, dans des objectifs communs.

Elle doit s’exprimer dans un engagement des chefs d’Etat et de gouvernement.

Au nom de la France qui a décidé de s’engager de toutes ses forces dans ce projet, au nom de tous les peuples de la Méditerranée dont les destins sont liés les uns aux autres, au nom de nos enfants, qui, un jour, nous demanderons compte de ce que nous avons fait, j’invite tous les chefs d’Etat et de gouvernement des pays riverains de la Méditerranée à se réunir en France en juin 2008 pour jeter les bases d’une union politique, économique et culturelle fondée sur le principe d’égalité stricte entre les nations d’une même mer, l’Union de la Méditerranée.

J’invite tous les États qui ne sont pas riverains de la Méditerranée mais qui sont concernés par ce qui lui arrive à participer, en observateurs, à ce premier sommet et à contribuer à sa réussite.

Dans l’esprit de la France, l’Union de la Méditerranée ne se confond pas avec le processus euro-méditerranéen mais elle ne se construira ni contre l’Afrique ni contre l’Europe. Elle se construira avec elles, avec l’Europe, avec l’Afrique.

Je proposerai que la Commission européenne soit d’emblée pleinement associée à l’Union de lakpze6l98kyi83 Méditerranée, qu’elle participe à tous ses travaux, de façon à ce que les rapports entre les deux Unions soient des rapports de partenariat et de complémentarité, de façon à ce que les deux Unions s’épaulent et se renforcent l’une l’autre et que, progressivement, elles se forgent un seul et même destin.

Dans les mois qui viennent, je consulterai tous les pays riverains de la Méditerranée sur l’ordre du jour du sommet à venir. Je leur proposerai de travailler sur une dizaine de projets concrets autour desquels pourront se nouer les coopérations à venir

Ce projet de l’Union de la Méditerranée ne sera pas le projet de la France. Ce sera le projet de tous. Elaboré par tous. Il ne réussira que si chacun s’y engage et y met une part de lui-même. D’ores et déjà, nombreux sont ceux qui s’y engagent résolument.

Ce projet ne peut naître que de la volonté commune, de la réflexion partagée et c’est l’histoire à venir, celle que nous écrirons ensemble, nous, peuples de la Méditerranée, qui en définirons peu à peu, les contours et le visage.

À ceux qui voudraient que tout soit décidé par avance pour commencer à croire que cela peut réussir, je voudrais rappeler comment s’est faite l’Europe, qui est encore, aujourd’hui, inachevée. Je voudrais leur rappeler qu’elle fut d’abord un acte de foi, un rêve qui passait pour fou avant de devenir une réalité.

L’Union de la Méditerranée, nous la ferons si nous le voulons.

La France le veut. Le Maroc le veut.

Je sais qu’au fond d’eux-mêmes, tous les peuples de la Méditerranée le veulent et qu’ils ne se laisseront pas prendre en otage par la haine, par la violence et par la détestation de l’autre.

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"la Parisienne", palais de Cnossos (Crête), env. 1500 av. J.-C.

 

un grand rêve de civilisation

Je sais qu’au fond de chaque homme et de chaque femme qui vit sur les rives de la Méditerranée, gît le souvenir et le regret d’une unité perdue depuis 15 siècles. Je sens l’enthousiasme qui monte et l’envie d’y croire qui renaît.

Pendant 15 siècles, tous les projets pour ressusciter l’unité de la Méditerranée ont échoué, comme ont échoué jadis tous les rêves d’unité européenne, parce qu’ils étaient portés par des rêves de conquêtes qui se sont brisés sur le refus de peuples qui voulaient rester libres.

Le projet que la France propose aujourd’hui à tous les peuples de la Méditerranée de construire ensemble, ce n’est pas un rêve de conquête, c’est un projet porté par un rêve de paix, de liberté, de justice, un projet qui ne sera imposé à personne parce qu’il sera voulu par chacun.

Peuples de la Méditerranée, notre avenir est à nous, ne laissons personne nous le prendre, ne laissons personne nous voler nos rêves et nos espoirs.

Peuples de la Méditerranée, nous allons montrer à tous les hommes ce que peut accomplir encore un grand rêve de civilisation et nos enfants seront fiers de ce que nous aurons réalisé ensemble.

Je vous remercie.

 

 

Nicolas Sarkozy,
président de la République
source

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27 février 2009

corsaires du Maroc

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Salé et ses corsaires (1666-1727)

un port de course marocain au XVIIe siècle

un ouvrage de Leïla Maziane



présentation (4e de couverture)

«Chiens, rendez-vous à ceux de Salé», criaient les corsaires salétins en abordant leurs prises. Livre d’aventures maritimes et ouvrage érudit, la thèse d’histoire de Leïla Maziane retrace la vie des corsaires de Salé au cours de la seconde moitié du XVIIe siècle. Peuplée par des Morisques chassés d’Espagne, renégats, marins et marchands musulmans avides de revanche, cette cité du Maroc atlantique devient une république corsaire, un La Rochelle maghrébin, dont les navires et les équipages cosmopolites écument l’océan jusqu’en Islande et dans les parages de Terre-Neuve. À partir d’archives inédites, l’étude de Leïla Maziane nous restitue une grande page de l’histoire du Maroc au temps du sultan Mûlây Ismâ’îl.


sommaire du livre

LES CONDITIONS DE LA RÉUSSITE DE SALÉ

  • La part de l'histoire et de l'espace géographique
  • Aux origines de la fortune de Salé
  • La population urbaine

LES MOYENS MATÉRIELS ET HUMAINS DE LA COURSE

  • Les moyens matériels de la course
  • Les ports-refuges
  • Les moyens humains de la course : l'équipage des navires corsaires

OPÉRATIONS CORSAIRES ET RÉSULTATS éCONOMIQUES DE LA COURSE

  • Le déroulement des campagnes
  • Course et contre-course
  • Bilan économique de la course
  • Les captifs ou les "hommes marchandises"

          

l'auteur

Leïla Maziane est Docteur en histoire de l'Université de Caen Basse-Normandie.
Elle est professeur d'histoire moderne à l'Université Hassan II-Mohammedia et poursuit ses recherches sur l'histoire maritime du Maroc.

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Salé au XVIe siècle

 

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Salé eu XVIIe siècle


_____________________________________________________


 

liens

- Salé et ses corsaires, de Leïla Maziane, élu meilleur livre de mer de l'année

- Leïla Maziane : bio-bibliographie

- article en ligne : "Les captifs européens en terre marocaine aux XVIIe et XVIIIe siècles" (texte intégral), Cahiers de la Méditerranée, vol. 65–2002, L'esclavage en Méditerranée à l'époque moderne

 

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Salé (source)

 

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remparts de Salé

 

 

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19 mai 2008

la loi sur les archives votée

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La loi sur les archives votée :

un compromis lourd d'ambiguïtés

et de menaces

communiqué de l'AUSPAN, 15 mai 2008


Le 15 mai au soir, le Sénat a adopté en deuxième lecture le texte de loi sur les archives, reprenant à l'identique l'essentiel du texte voté par l'Assemblée le 29 avril dernier.

Le compromis entre le projet du gouvernement initial et les modifications introduites par le Sénat en première lecture a été entériné. La loi nouvelle affirme le principe du droit d'accès immédiat aux archives publiques de tous les citoyens, et réduit dans l'ensemble les délais de communicabilités pour les archives réservées. Nous pourrions donc nous féliciter de cette adoption. Mais le texte introduit de manière pernicieuse une notion anti-démocratique - l'archive incommunicable - et une Diapositive1définition nouvelle, approximative et dangereuse de la vie privée. En résulte une loi déséquilibrée et imparfaite, éloignée à la fois des ambitions progressistes affichées et de la volonté d'aligner le traitement des archives publiques françaises sur celui en vigueur dans les grandes démocraties.

L'Association des Usagers du Service Public des Archives Nationales (AUSPAN), auditionnée à toutes les étapes de l'adoption de la loi, a interpellé les parlementaires et fait signer une «Adresse» dénonçant les points les plus inacceptables de la future loi. Cette campagne d'information a abouti à une mobilisation exceptionnelle : plus de 1 300 citoyens, chercheurs et usagers, français et étrangers, ont signé cette Adresse et la presse a largement relayé notre action.

La notion d'archives incommunicables, présente dès le projet de loi, concernait notamment la «sûreté des personnes». Les discussions parlementaires nous ont appris qu'il s'agissait essentiellement de celle des agents secrets et indicateurs de police. Face aux réactions suscitées, l'Assemblée Nationale, en accord avec le gouvernement, a décidé le 29 avril que les dossiers en question ne seraient plus «incommunicables» mais soumis à un délai de cent ans. Le Sénat a validé cet amendement. L'AUSPAN prend acte de ces améliorations bien que ce délai reste excessif. Les chercheurs pourront quoi qu'il en soit continuer à travailler sur les services de renseignements.

Le champ des archives incommunicables se trouve ainsi réduit aux armes de destruction massives. La notion et le principe n'en demeurent pas moins inacceptables dans la mesure où l'accès aux archives publiques s'avère un droit des citoyens inaliénable, même si des considérations d'intérêts supérieurs peuvent le limiter dans le temps. Sous le prétexte de la sécurité nationale face à la menace terroriste, le législateur porte abusivement atteinte aux droits des citoyens, alors même que d'autres solutions étaient envisageables : à savoir l'introduction de longs délais de communicabilité révisables. Cette solution, proposée par les juristes du ministère de la Défense, a été ignorée par le législateur privilégiant l'effet d'annonce sécuritaire.

Le texte permettra, par exemple, d'interdire l'accès aux documents relatifs aux essais nucléaires françaisDiapositive1 dans le Sahara dans les années soixante. Est-ce à dire que les civils et militaires victimes de radiations, en Algérie ou dans le Pacifique, se verront interdire toute recherche permettant d'obtenir la réparation des maladies contractées ? Les historiens, épidémiologistes, environnementalistes, et autres se verront-ils fermer «pour l'éternité» comme l'a dit madame Albanel au Sénat le 15 mai, ce sujet de recherche ?

Les documents relatifs à la vie privée des personnes seront finalement accessibles à la suite d'un délai de cinquante ans et non soixante-quinze comme le voulaient les sénateurs. Le gouvernement est, sur ce point, parvenu à imposer ses volontés. Mais triomphe également une définition extensive de la vie privée qui, à terme, rendra plus difficile l'obtention, aujourd'hui très libérale, de dérogations.
 
L'AUSPAN a plaidé - en vain - pour que disparaisse du texte de la loi non pas la protection de  la vie privée, mais une nouvelle notion de la «vie privée» désormais étendue aux «appréciations» et aux «jugements de valeur». On retrouve des échos de cette prise de position dans le rapport de la commission des Lois du Sénat :

«Elle (la commission) recommande toutefois aux services publics d'archives la plus grande souplesse d'interprétation quant aux notions d'atteinte à la réputation et à la vie privée. A titre d'exemple, il apparaît pour le moins étonnant que certains archivistes considèrent comme relevant de la vie privée des documents comportant l'adresse personnelle de fonctionnaires même lorsque ces adresses figurent dans des documents facilement accessibles (bottins administratifs, Who's Who...).

De même, votre commission insiste sur la nécessité de disjoindre ou d'occulter les Diapositive1documents confidentiels afin de ne pas appliquer le délai de consultation à l'ensemble d'un dossier d'archives dont les autres documents ne comporteraient aucun secret protégé par la loi. Il semble en effet que, faute de temps, les archivistes acceptent parfois difficilement les «communications par extraits».

Un rapport ou un exposé des motifs n'a pas force de loi. De plus, dans le même temps, le rapporteur précise l'interprétation de la nouvelle notion de «vie privée» qui inclut désormais «l'honneur des personnes». La qualification est habile. Elle permet d'évincer ce que les mots « appréciation » ou «jugement de valeur» - conservés par ailleurs - avaient de trop moralisateur au profit d'un terme apparemment plus neutre «l'honneur». Cette conception extensive de la vie privée permettra à l'administration d'assurer la protection de «l'honneur» des personnes ayant accompli... des actes «déshonorants».

Or, «l'honneur des personne » relève non de la loi d'archives, mais du code pénal qui sanctionne la diffamation et la diffamation calomnieuse dont un individu peut faire l'objet. Pourquoi le législateur réintroduit-il la question de l'honneur des personnes dans le cadre de la loi d'archives ? Parce qu'il se donne, en réalité, pour mission de protéger non pas l'honneur, mais l'honorabilité des individus et des dirigeants, la «bonne réputation» d'hommes et de femmes qui ont pu se déshonorer dans le cadre de leur activité publique, et par rapport à la tradition républicaine.

Le rapporteur du Sénat peut, dès lors, déplorer que «certains archivistes considèrent comme relevant de la vie privée des documents comportant l'adresse personnelle des fonctionnaires» : l'atteinte à la vie privée et à l'honneur des personnes introduite par la nouvelle loi risque tout simplement d'amplifier cette tendance.


l'administration pourra donc revenir

sur le texte voté par le législateur

D'autre part, pour l'accès aux archives notariales, aux documents statistiques officiels, aux enquêtes de police judiciaires et aux dossiers personnels des fonctionnaires, le délai moyen de communicabilité de soixante quinze ans a finalement triomphé. Et cela, alors que le projet gouvernemental initial généralisait un délai moyen de cinquante ans. Le Sénat qui, sous la pression des notaires, a proposé cet allongement, reporte d'une génération la libre consultation de ces archives et fait adopter à la France l'une des lois d'archives les plus restrictives d'Europe sur ces questions.

Est-il normal de ne pas pouvoir consulter librement les dossiers de justice concernant l'association d'extrême-droite, La Cagoule, au temps du Front populaire ? De ne pas avoir accès aux minutes notariales concernant la spoliation des Juifs et l'aryanisation des biens sous Vichy (documents qui ayant dépassé les cinquante ans seraient devenus librement accessibles dès la promulgation du texte si le délai proposé par le gouvernement avait été respecté par les parlementaires de la majorité, et qui ne s'ouvriront qu'en 2019) ? Peut-on raisonnablement défendre le refus d'accès aux enquêtes de police ou judiciaires concernant le 8 mai 1945 en Algérie ?

Enfin, le Parlement a voté un amendement qui autorise le gouvernement à «harmoniser» par ordonnance le code du patrimoine de 1978 et la loi actuelle «qui se superposent mal» selon le rapporteur du Sénat Sous couvert des difficultés techniques à régler, l'administration pourra donc revenir complètement sur le texte voté. L'opposition, par la voix de Mme Josiane Mathon-Poinat et celle de Jean-Pierre Sueur a eu raison de noter que cela revient à nier le travail parlementaire conduit depuis plusieurs mois et que «l'ordonnance pourra porter sur des questions liées à la communicabilité, ce qui est loin d'être purement technique», mais bien l'essentiel pour les usagers. Rappelons que la loi de 1979 était d'esprit libéral et que ce sont les décrets d'application qui se sont révélés particulièrement restrictifs. Il y a donc là un nouveau danger potentiel.


la nouvelle loi handicapera

l'écriture de l'histoire contemporaine

Amendé par l'Assemblée Nationale le 29 avril 2008, adopté par le Sénat le 15 mai dans les mêmes termes, la loi demeure très en deçà des espérances des milieux universitaires, mais aussi de celles des usagers et des chercheurs étrangers. Elle pose de graves problèmes et est aussi lourde de menaces futures. Par exemple, un ancien collaborateur du régime de Vichy, un tortionnaire durant les guerres coloniales, ou son ayant droit, pourra, en excipant des «jugements de valeur» ou des «appréciations» rendues publiques, saisir la justice et obtenir raison puisque le législateur exige le respect de l'honorabilité des personnes. Et celaDiapositive1 alors que les mémoires des acteurs politiques fourmillent de longue date d'appréciations sur leurs contemporains, telles les Mémoires du général de Gaulle, du capitaine Guy ou de Michel Debré. Dans le cadre de la nouvelle loi, la publication du Journal de Vincent Auriol, document capital pour l'histoire de la IVe République, serait inenvisageable. Doit-on voir là un progrès ?

La nouvelle loi d'archives handicapera l'écriture de l'histoire contemporaine. Et puisque, malgré la force de notre mobilisation, nous ne sommes pas parvenus à modifier dans un sens réellement, et non faussement, libéral le texte de la loi, il reste à surveiller la jurisprudence que ce texte obscur et mal rédigé ne manquera pas de susciter. L'AUSPAN s'associera à tous les recours contestant des refus de dérogations fondés sur la notion extensive de la vie privée. Elle rendra publique toutes les dérives qui pourraient se produire. Elle exigera des études d'impact et des bilans réguliers de la part des autorités.

La démocratie française n'a rien à gagner à cette culture du secret d'État pensé sur le mode du secret de famille qu'incarne la nouvelle loi sur les archives.

Ce n'est pas en interdisant aux citoyens de connaître, comprendre, débattre voire contester ce qui a été fait en leur nom que l'on améliorera les rapports entre les gouvernants et les gouvernés, et que l'on contribuera à un exercice responsable des fonctions publiques sans lequel il n'y a pas de démocratie qui vaille, parce qu'il n'est pas de confiance possible.

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16 octobre 2007

La «guerre d’Algérie», histoire et historiographie (séminaire Omar Carlier)

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La «guerre d’Algérie», histoire

et historiographie

séminaire d'Omar CARLIER

 

Master 2.  Spécialité : Sociétés du Sud

M2   43 HI 5263    La «guerre d’Algérie», histoire et historiographie

Responsable Omar Carlier

Semestre 1, septembre-décembre 2007.
Tous les lundis de 9 h à 11h. Paris VII, Site de Tolbiac.
Métro Olympiades (ligne 14) Immeuble Montréal, R de C, salle 6

24 septembre
Approches, sources, méthodes, enjeux.  Omar Carlier  (Paris VII) 
Temps court et  événement : Le premier novembre 1954 à Alger (OC)

1er octobre 
Histoire et historiographie: nouvelles tendances historiographiques, Raphaëlle Branche (Paris I) 

8 octobre
Nouvelles sources, nouveaux objets,
Première partie : «Images et iconographie : la photographie»,  Marie Chominot, (Paris VIII). Claire Mauss-Copeaux (Reims)      

15 octobre
Les archives par les archivistes 
Les Archives Nationales : Christelle Noulet. Le ministère de la Justice : Louis Faivre d’Arcier

22 octobre
Histoire et sciences sociales : la démographie historique et la guerre d’indépendance algérienne, Kamel Kateb (INED) 

29 octobre
Nouvelles sources, nouveaux objets
Deuxième partie : « La littérature. »
a - Les sources : La BNF, France Frémeaux (BN) ;
b - La littérature : Beida Chikhi (Paris IV)

5 novembre
La guerre et les minorités
Première partie : «Minorités ethno-communautaires : les Juifs d’Algérie», Benjamin Stora (INALCO, anc. Langues O')

12 novembre
La guerre et les minorités
Deuxième parie : Minorités «politiques» : les «Libéraux», Fanny Colonna (CNRS).
NB En contrepoint, les communistes (OC).

19 novembre 
Les «groupes sociaux» dans la guerre
Le cas des instituteurs, Aïssa Kadri (Tours) 

26 novembre 
Violences de guerre
Camps de regroupement, camps d’internement,  Sylvie Thénault (Paris I /CNRS) 

3 décembre
Souffrances de guerre
a - Guerre et trauma, Dr Bernard Sigg
b - Les femmes algériennes dans la guerre, Souria Guiddir (Paris I)

10 décembre
Terrains. Acteurs. Échelles
a - Territoires, régions et Wilayas. Les Aurès et la Wilaya I, Warda Tengour (CRASC)
b - Les bases arrières de l’ALN : Maroc, Tunisie, Libye, Daho Djerbal (Alger) (sous réserve)

 

* Omar Carlier : bio-biblio

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Omar Carlier

 

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2 janvier 2009

Faut-il avoir honte de l’identité nationale ? (J.-P. Renaud)

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Faut-il avoir honte de l’identité nationale ?

"Historiquement raison et politiquement tort" ? (Le Point du 11/12/2008)

Ou la politique de l’autruche macrocosmique

Jean-Pierre RENAUD



Tel a été le jugement catégorique du journaliste et politologue Alain Duhamel dont on voit le visage et la signature, depuis plus de cinquante ans, aussi bien dans les journaux que sur les chaînes de télévision ! Plus intéressé par la philosophie politique que par notre problématique nationale !
N’aurait-il pas été plus juste d’écrire historiquement raison et politiquement raison ?

Il est vrai qu’on peut être surpris de voir deux historiens retracer l’histoire de notre identité nationale, mais au moins, comme le reconnaît le journaliste, ce livre vient à propos. Il  a le grand mérite de remettre les pendules à l’heure, avant qu’il ne soit trop tard pour la France. Car en qualité d’enseignants, ils sont sans doute bien placés pour apprécier l’évolution de cette question nationale sensible !

Un constat historique robuste, sans faille, fondé sur une très grande abondance de sources, toujours citées.
Au cœur du sujet se trouve le paradoxe, ou en tout cas, la dualité entre le message universel, messianique de la nation française, et la nécessité qui est la sienne, pour continuer à exister, de sauvegarder son enracinement territorial et identitaire.

Les auteurs citent à ce sujet deux historiens, Pierre Nora et Sophie Wahnich : Le premier écrit : «la France n’est pas universelle, comme Michelet lui a fait croire, au grand dérangement des autres nations. Mais elle est cette nation qui a eu l’universel dans son particulier.»
La deuxième incrimine «l’impraticable articulation entre un horizon idéologique universel et une identité souveraine empiriquement caractérisable ».
Un piège dans lequel cherchent à nous enfermer tous ceux qui prônent une mutation de notre identité nationale vers un méli-mélo national qui ferait litière des valeurs cardinales de la République, la séparation de l’Eglise et de l’État, la laïcité, l’égalité des hommes et des femmes, une langue nationale, notre belle langue française, ainsi que les trois devises inscrites au fronton de toutes nos mairies.

Est-ce que le pays va répéter, sur le plan intérieur, les erreurs de la politique coloniale du microcosme parisien de la Troisième République, en proclamant qu’il allait civiliser, apporter la République aux peuples d’outre mer, alors qu’il était bien incapable de tenir cette promesse, qu’on nous reproche aujourd’hui, à satiété ?
Alors on peut faire le pari de M. Duhamel, et sans doute de la majorité des responsables politiques qui, depuis plus de trente ans, haut conseil de l’intégration compris, ont feint de nous faire croire, que la nation française avait assez de vitalité pour assimiler ces nouvelles générations d’immigrés, mais a-t-on le droit de faire un tel pari ?

Alors qu’une partie de ces immigrés ne semblent pas disposés, comme le montrent maints exemples, à accepter ce fonds commun et imprescriptible de notre République !
Ce livre de lettrés vient donc effectivement à son heure pour éclairer l’opinion publique et éviter que la République ne vogue vers des lendemains incertains, et que la France que j’aime, avec beaucoup d’autres, ne perde son âme. Il suffit d’interroger les démographes sur l’évolution probable des populations de certains territoires urbains.

Alors, j’écris, oui, ces auteurs ont historiquement raison et politiquement raison, et au surplus, ce qui ne gâte rien, ils ont du courage !

Jean-Pierre Renaud
1er janvier 2009

 

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22 janvier 2008

les aventuriers modernes de Zoé

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Questions sur le naufrage «colonial» des aventuriers

modernes de Zoé, ou

la bonne conscience des 4x4

Jean-Pierre Renaud

 

Observons tout d’abord que le choix du nom d’Arche de Zoé était emblématique puisque cette association plaçait son aventure, au choix, sous le signe d’une martyre ou sous celui d’une impératrice byzantine corrompue.
Ce naufrage soulève plusieurs questions que nous allons examiner :

La première est celle du manque de culture générale africaine de ces aventuriers modernes de l’humanitaire et de leur absence complète de morale du respect des mœurs, des coutumes, et des traditions des civilisations africaines. Mépris et ignorance qu’ont renvoyés, en des termes inacceptables, et en miroirTCHAD_ANNIVERSAIRE grossissant, déformant, caricatural, la plupart des avocats en défense de ces aventuriers modernes. Avocats rémunérés par qui ? Je vous le demande.

Deuxième question : quel a été le rôle de l’État au niveau de ses représentants au Tchad et au niveau gouvernemental ? Il est tout à fait surprenant que l’action de cette ONG ait pu se déployer au Tchad sans que les représentants de l’État dans ce pays, civils et militaires, n’aient pas tout fait pour stopper leur action. Le même type de question est à poser aux autorités centrales qui ont donné ou se sont abstenues de donner des instructions d’interdiction d’accorder toute aide à l’ONG en question. Comment imaginer que dans le contexte de crise que connaît cette région, avec les initiatives qu’a prises le gouvernement pour contribuer à son dénouement, il n’ait pas été exactement informé du déroulement de cette grosse opération ?

Troisième question, peut être incidente de la deuxième, s’agit-il toujours, dans le cas d’espèce, du «pré carré» de la Françafrique ? Est-ce que dans cette affaire stupide, l’État n’a pas été conduit à agir, comme il l’a fait trop souvent depuis l’indépendance des colonies, comme si rien n’avait changé ? À N’Djamena, la plupart des avocats de la défense ont illustré cette étrange conception du droit international, arrogante et insolente, comme si notre droit national opulent, peut être trop, était un modèle de vertu dans l’application de la justice et de la lutte contre la corruption politique.

Quatrième question, celle de la liberté d’action dont jouissent à l’étranger, les ONG, sous le statut de la loi d’association 1901. On sait qu’en France, cette loi, véritable «mobilier» de la République, autorise presque n’importe quoi, à partir du moment où les associations ne mettent pas en cause l’ordre public ou n’obtiennent pas le concours de fonds publics. Les initiés savent que les contrôles sont faibles, sinon inexistants.

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Éric Breteau, président de l'association l'Arche de Zoé

À l’étranger, cette liberté soulève un problème national, à partir du moment où n’importe quelle ONG, de statut associatif, peut, comme sur le territoire national, prendre n’importe quelle initiative, même si elle met en cause la politique étrangère de la France et son image. Et l’affaire de l’arche de Zoé a parfaitement illustré l’absence complète de règles du jeu de ces associations à l’étranger. Il n’y a pas si longtemps on a vu une petite ONG du Jura mener une bonne action en Afghanistan et obliger l’État à tout faire pour libérer des otages inconscients, pour ne pas dire innocents.

Il appartient donc au Parlement de se saisir de ce dossier et de fixer  le cadre juridique de l’action des ONG à l’étranger : déclaration ou agrément, droit d’opposition aux initiatives avec, en cas d’infraction, l’abandon des intervenants en cause à leurs éventuelles infortunes. Car, il est tout à fait anormal qu’une association envoie ses ressortissants à l’étranger dans n’importe quelles conditions de sécurité, quitte, après, et en cas de problème, à se retourner contre l’État pour un sauve qui peut aux frais du contribuable.

Alors que beaucoup d’ONG françaises mènent des actions utiles à l’étranger, sans donner dans le tout 4X4, il serait dommage que ce genre d’affaire compromette le service humanitaire. Il est donc nécessaire que l’État réagisse.

Peut-être le nom du Noé, salvateur, aurait-il évité le naufrage !

Jean-Pierre Renaud
(1er janvier 2008)

 

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11 juin 2007

Plaidoyer pour le respect de Lyautey (colonel Pierre Geoffroy)

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Plaidoyer pour le respect de Lyautey

et de la mémoire coloniale

outragés grâce à des fonds publics

colonel Pierre GEOFFROY

 

Le 11 mai 2007

Chers ami(e)s,

Par lettre du 7 mai, j’ai demandé à M. le Président de la République Nicolas Sarkozy de bien vouloir abroger le décret du 16 novembre 2006 créant la “Cité nationale de l’histoire de l’immigration” au Palais dit de la Porte Dorée (12ème). Le Maréchal Lyautey l’avait fait construire au  moment de l’Exposition Coloniale de 1931 pour en demeurer le témoin et pour y abriter la mémoire coloniale.

J’ai le plaisir de vous adresser le texte servant d’argumentaire qui était joint à cette lettre sous le titre :

“Plaidoyer pour le respect de Lyautey et de la mémoire coloniale outragés grâce à des fonds public”

Chacun pourra, s’il le souhaite, s’en inspirer pour intervenir personnellement, par ses relations, ou par des associations pour donner plus de poids à cette démarche.

Bien cordialement

Colonel (er) Pierre GEOFFROY
Président de l’Association Nationale Maréchal Lyautey

 

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Plaidoyer pour le respect de Lyautey

et de la mémoire coloniale outragés grâce à des fonds publics

 

Sous nos yeux les détracteurs de l’épopée coloniale de la France continuent par tous les moyens leur ignoble Expositioncolniale1besogne au service de leur idéologie, avec des complicités connues, mais souvent aussi insoupçonnées sinon insoupçonnables. De nombreuses réactions indignées émanent des associations et des citoyens respectueux de la vérité historique qui composent la majorité dite silencieuse Elle est silencieuse, non pas parce qu’elle n’a rien à dire, mais parce que les médias les plus influents, rôdés à la désinformation, lui refusent la parole. Elle est silencieuse aussi parce qu’elle ne manifeste pas dans la rue pour se faire entendre. Elle se manifeste heureusement dans les urnes.

Nous pouvons désormais nous référer à l’esprit et à la lettre des déclarations et des discours du Président Nicolas Sarkozy pendant sa campagne et, en particulier, celui de Toulon le 7 février et celui de Metz le 17 avril 2007, dans lesquels il a cité le Maréchal Lyautey "ce grand soldat a-t-il dit à Metz, qui fut aussi un homme de cœur qui fit aimer la France partout où il la servit". En nous plaçant dans la perspective promise d'une "France fière de son histoire et d’une République fidèle à ses valeurs" nous attendons des signaux forts qui incitent au respect de la mémoire de tous ceux qui ont fait ce qu’on a appelé "la plus grande France" ainsi que de l’oeuvre humaine, sociale et économique qu”ils ont accomplie.

Le Maréchal Lyautey, compte tenu de sa personnalité marquante et de l’ampleur de son oeuvre, apparaît bien comme un des symboles forts de l’histoire coloniale. Et, à ce titre, l’abrogation du décret régalien du 16 novembre 2006 apparaîtrait comme un de ces signaux forts. Il y a urgence car, sur les 20 millions d’investissement accordés, des crédits importants ont déjà été engagés pour défigurer et détourner de sa vocation première le Palais, souvent appelé Palais Lyautey situé à la Porte Dorée, dans le 12ème arrondissement de Paris.

Ce décret créant l’Établissement public de la Porte Dorée - "Cité nationale de l'histoire de l'immigration”au Palais Lyautey, a pour conséquence d’outrager la mémoire de Lyautey, de contribuer de façon officielle à effacer tout rappel de notre passé colonial, d’institutionnaliser l’anticolonialisme et la repentance et d’offrir une plate-forme au terrorisme intellectuel.

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En effet, dans l'idée de Lyautey et selon ses écrits, à la Porte Dorée le seul bâtiment destiné à survivre à l’Exposition Coloniale de 1931 devait abriter un "Musée permanent des Colonies". Il en confia la réalisation à l’architecte Albert Laprade qui fut l’un de ses collaborateurs au Maroc.
Que l’on ait voulu créer une "Cité nationale de l'histoire de l'immigration" c’est une chose. Mais, vouloir le faire au Palais de la Porte Dorée c’est autre chose : c’est à la fois une profanation des lieux et une provocation.

Il est urgent de suspendre les travaux en cours, d’abroger le décret en cause et de remettre tout à plat pour que le Palais de la Porte Dorée soit rendu à sa vocation première, tout en l’adaptant sans parti pris aux exigences de notre époque. Et ceci devrait être fait en concertation avec des associations non sectaires ayant une approche objective de l’histoire coloniale et le souci d’en préserver la mémoire. Nous voulons participer à la "remise à l’heure des pendules".

En voici les raisons :

Après une carrière bien remplie, le Maréchal Lyautey, un des plus grands artisans de la grandeur de la France, avait accepté en 1927, à l’âge de 73 ans, la responsabilité de Commissaire Général de l’Exposition Coloniale que lui proposait le Président Raymond Poincaré. Le succès populaire fut au rendez-vous, puisque plus de 33 millions de visiteurs affluèrent entre les mois de mai et de novembre 1931 et que de nombreux Chefs d’État y furent reçus.

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11 mai 1931

Dès la pose de la première pierre en 1928, il affirmait avec force : "qu’il ne s’agissait pas seulement d’une exhibition foraine, mais que le caractère d’office de travail prédominerait hautement, laissant une grande leçon d'action réalisatrice".

Sous le titre "Le sens d’un grand effort", Lyautey nous livrait sa pensée : "Il reste encore sur la terre de vastes champs à défricher, de pacifiques batailles à livrer à la misère, à l'ignorance, à toutes les forcesfrontExpoColoniale31 mauvaises de la nature. En montrant l'immense labeur déjà accompli par les nations colonisatrices, l'exposition montrera, par surcroît, qu'il reste encore beaucoup à faire.
Puisse-t-elle être comprise ! Puisse-t-elle insuffler à tous les peuples, mais d'abord aux peuples aînés, un esprit nouveau, une conscience nouvelle ! Coloniser, ce n'est pas uniquement, en effet, construire des quais, des usines ou des voies ferrées; c'est aussi gagner à la douceur humaine les coeurs farouches de la savane ou du désert
.

Comme en écho, dans son discours, lors de sa réception par le Maréchal Lyautey à l’Exposition, le 7 août 1931, S.M. le Sultan Mohammed ben Youssef, futur Roi Mohammed V, devait déclarer : "En venant admirer l’Exposition Coloniale, cette belle réalisation de votre génie, il nous est particulièrement agréable de profiter de cette occasion solennelle pour apporter notre salut au grand Français qui a su conserver au Maroc ses traditions ancestrales, ses moeurs et ses coutumes, tout en y introduisant cet esprit d’organisation moderne sans lequel aucun pays ne saurait vivre désormais.
Pouvons-nous oublier, en effet, qu’à votre arrivée au Maroc, l’Empire chérifien menaçait ruine ? Ses institutions, ses arts, son administration branlante, tout appelait un organisateur, un rénovateur de votre trempe pour le remettre dans la voie propre à le diriger vers ses destinées.
En ménageant la susceptibilité de ses habitants, en respectant leur croyances et leurs coutumes vous les avez attirés vers la France protectrice par vos nobles qualités de coeur et la grandeur de votre âme
".

Aujourd’hui, on devrait encore entendre résonner comme un fait d’actualité cet appel à l’union de Lyautey lancé à l’occasion de l’Exposition Coloniale : "UNION entre les races, ces races qu'il ne convient vraiment pas de hiérarchiser entre races supérieures et races inférieures, mais de regarder comme "différentes" en apprenant à s'adapter à ce qui les différencie. UNION entre les peuples, issus de notre civilisation, qui, en venant à nos côtés, dans cette Exposition, nous donnent une saine leçon de solidarité au lendemain des déchirements les plus sanglants de l'histoire".

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Le Maréchal Lyautey avait donc voulu qu’un magnifique bâtiment, le "Palais permanent des colonies" dont il confia la réalisation à l’architecte Albert Laprade survive à l’Exposition Coloniale de 1931 pour abriter ce qu’il appellera un "Musée permanent des Colonies", puis une "Maison de la France d’outre-mer".

Après des travaux de réaménagement rendus nécessaires suite à la clôture de l’exposition, le Palais rouvrit d’abord partiellement, puis en totalité en 1935 sous le nom de "Musée de la France d’outre-mer". En guise de signal de la décolonisation, il fut dépossédé dans les années 60 de ses plus belles et plus évocatrices collections par André Malraux, ministre des Affaires culturelles. Il subsista un maigre musée des "Arts Océaniques et Africains" dépouillé dans les années 80 des souvenirs trop "coloniaux".

Par la suite, aucune des propositions faites pour valoriser le site en harmonie avec l’esprit de ses concepteurs n’a eu de suite jusqu’à ce que M. Jospin valide un projet rampant porté par Mme Guigou pour l’associaton "Génériques". Ce projet a été repris en 2002 par le Président de la République, Jacques Chirac et a fait son chemin avec suffisamment de discrétion pour échapper aux controverses. Vidé de son contenu en 2003, au profit du musée des Arts premiers, le Palais de la Porte Dorée, a été désigné, à la satisfaction du Maire de Paris, par le Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin (discours du 8 juillet 2003) pour abriter ce qu’il a baptisé une "Cité nationale de l’histoire de l’immigration".

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De ce fait, non seulement le Palais de la Porte Dorée se trouve détourné de sa vocation initiale mais, de surcroît, il va être occupé par un organisme dont les objectifs affichés, et, plus encore, ceux non avoués, sont incompatibles avec l’esprit des lieux. Une fois de plus, au fil du temps, Lyautey a été trahi, et avec lui tous ceux qui ont fait la grandeur de la France. Ils l’ont été par ceux-là mêmes qui avaient en charge le respect et la défense des valeurs que Lyautey a si souvent exaltées par ses écrits, ses paroles et son exemple.

Les adeptes de la pensée unique si néfaste ont comme les anarchistes des raisons d’en vouloir à Lyautey, demeuré jusqu’alors un symbole incontournable, lui qui écrivait : "j'ai horreur des idées toutes faites, des doctrines d'école, des théories de cabinet, de toute discipline "à priori" unique, uniforme, universelle. S'il n'est de philosophie que du général, pour moi, il n'est d'action que du particulier".

Déjà sur le site internet de la “Cité nationale de l’histoire de l’immigration” on peut lire ceci :
"Il s’agit donc avec ce projet et ce lieu, de déconstruire l’imagerie héritée de la colonisation, de retourner les symboles. De dire et de montrer que la page de la colonisation est définitivement tournée et détourner le bâtiment de sa vocation première"

On ne peut être plus clair. Et pour le prouver le nom de Lyautey ne figure dans aucun texte mis en ligne, même pas dans l’historique du Palais, ce qui est un comble ! Il s’agit bien d’un cadeau subtilement déguisé fait à tous ceux qui s’attaquent à l’oeuvre coloniale de la France et à ses acteurs à travers des associations militantes pour la régularisation des "sans-papiers", contre le racisme, contre l’esclavagisme, etc.... toutes visant à l’humiliation de la France et à l’affaiblissement du pouvoir.

Quel est donc le "réseau d’associations et organismes dédiés à l’histoire de l’immigration qui sont à l’origine et au coeur du projet" comme l’énonce le texte du décret ? Il n’y a pas de réponse : la discrétion est restée de rigueur pour faire avancer le projet sans effrayer. Mais aujourd’hui, nos suppositions et nos craintes se révèlent fondées, puisque la presse a annoncé la démission de leur poste d’une dizaine de fonctionnaires affectés à la mise en place de la "Cité nationale de l'histoire de l'immigration" pour protester contre la création du Ministère de de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Co-développement.

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Autre signe de la volonté d’occulter toute une période pour permettre à certains de réécrire l’histoire en la travestissant, nous avons observé que dans le même temps, le projet abouti de Mémorial de la France Outre-Mer  que devait construire l'État à Marseille a été gelé. Décidément, bien des réseaux sont infiltrés et manipulés par les "forces du mal" au point de devenir leurs complices quand l’occasion se présente.

Pourquoi tant d’acharnement, de compromissions pour contribuer à faire table rase de ce passé ? Tout simplement parce que l'oeuvre humaine, et généreuse de la France réalisée outre-mer et l’exemple de Lyautey, symbole de toute cette époque, vont à l’encontre des thèses anticolonialistes. Trois exemples :

1 - Comment pourrait-on accuser Lyautey de racisme quand il proclame : "Union entre les races - ces races qu'il ne convient vraiment pas de hiérarchiser en races supérieures, mais de regarder comme “différentes” en apprenant à s'adapter à ce qui les différencie" ?

2 - Comment pourrait-on l’accuser d’avoir fait tort à l’Islam quand on relit son discours du 19 octobre 1922 marquant le début de la construction du Mihrab de la Mosquée de Paris ?

3 - Comment pourrait-on l’accuser d’avoir humilié et pillé le Maroc alors que les Marocains de bonne foi associent son nom à leur histoire ?

Ajoutons que Lyautey chassé du Palais de la Porte Dorée, comme tout ce qui peut perpétuer le souvenir de l’Exposition Coloniale de 1931 a toujours porté haut les valeurs de l’effort, du travail, du devoir social, de l’esprit d’équipe et d’entreprise ce qui fournit aux idéologues de la "deconstruction" des raisons supplémentaires de "retourner les symboles", comme ils l’affirment.

Il est urgent de maintenir les symboles debout avant qu’ils ne soient "retournés" et ne disparaissent, victimes d’un oubli programmé.

Colonel (er) Pierre GEOFFROY
Président de l’Association Nationale Maréchal Lyautey

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colonel Pierre Geoffroy (à droite) en discussion avec Mostafa Basso,
ministre plénipotentiaire de l'ambassade du Maroc à Paris
photographie Jeune Pied-Noir ©

 

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- biographie Lyautey : cheminsdememoire.gouv.fr

- L'Exposition coloniale de 1931 : mythe républicain ou mythe impérial ? (Charles-Robert Ageron)

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12 janvier 2008

le passé colonial et ses séquelles

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La section de la Ligue des droits de l'Homme de l'EHESS organise

le mardi 15 janvier 2008

un

débat sur le passé colonial et ses séquelles

 

Dans l'amphithéâtre de l'École des Hautes Études
en Sciences Sociales (EHESS)
105, boulevard Raspail 75006 Paris
(Métro : Notre-Dame-des-Champs)

Plusieurs publications récentes permettent de mieux nous interroger sur la contradiction entre le fait colonial et les principes des droits de l'homme. Pourtant, le passé colonial semble faire retour, qu'il s'agisse du domaine de la politique africaine de la France ou de différentes tentatives de falsification ou d'instrumentalisation récentes de celui-ci. Ces questions, loin de concerner uniquement quelques spécialistes, ont des effets sur différents aspects de notre société d'aujourd'hui et concernent tous les citoyens.

de 17h à 18h15 : Le passé colonial. Nouveaux regards et résurgences actuelles.

Table ronde animée par Erwan Dianteill (anthropologue, EHESS), avec

René Gallissot, auteur de La République française et les indigènes. Algérie colonisée, Algérie algérienne (1870-1962), éditions de l'Atelier, 2006.

Jean-Pierre Dozon, auteur de Frères et sujets. La France et l'Afrique en perspective, Flammarion, 2003.

Catherine Coquio, auteur de L'histoire trouée. Négation et témoignage, L'Atalante, 2003.

 

 

de 18h30 à 20h : Le nécolonialisme  et la situation postcoloniale en débat

Table ronde animée par Gilles Manceron (historien), avec

Gabriel Périès, coauteur de Une guerre noire. Enquête sur les origines du génocide rwandais (1959-1994),  La Découverte, 2007.

Catherine Coquery-Vidrovitch, auteur de Des victimes oubliées du nazisme. Les Noirs et l'Allemagne dans la première moitié du XXe siècle, Le cherche midi, 2007.

Alain Ruscio, codirecteur de Histoire de la colonisation. Réhabilitations, Falsifications et Instrumentalisations, Indes savantes, 2007.

Marie-Claude Smouts, directeur de l'ouvrage La situation postcoloniale, préface de Georges Balandier, Presses de Sciences po, 2007.

 

 

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14 décembre 2007

Lettre ouverte à Monsieur Bouteflika (André Savelli)

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Lettre ouverte à Monsieur Bouteflika

Président de la République algérienne
une libre opinion d'André Savelli, professeur agrégé au Val de Grâce


Monsieur le Président,

En brandissant l’injure du génocide de l’identité algérienne par la France, vous saviez bien que cette identité n’a jamais existé avant 1830. Ferrat Abbas et les premiers nationalistes avouaient l’avoir cherchée en vain. Vous demandez maintenant repentance pour barbarie : vous inversez les rôles !

C’était le Maghreb ou l’Ifriqiya, de la Libye au Maroc. Les populations, d’origine phénicienne (punique), berbère (numide) et romaine, étaient, avant le VIIIe siècle, en grande partie chrétiennes (500 évêchés dont celui d’Hippone / Annaba, avec Saint Augustin). Ces régions agricoles étaient prospères.

Faut-il oublier que les Arabes, nomades venant du Moyen Orient, récemment islamisés, ont envahi le Maghreb et converti de force, «béçif» (par l’épée), toutes ces populations.

«Combattez vos ennemis dans la guerre entreprise pour la religion… Tuez vos ennemis partout où vous les trouverez» (Coran, sourate II, 186-7). Ce motif religieux était élargi par celui de faire du butin, argent, FRN096pierreries, trésor, bétail, et aussi bétail humain, ramenant par troupeaux des centaines de milliers d’esclaves berbères ; ceci légitimé par le Coran comme récompense aux combattants de la guerre sainte (XLVIII, 19, 20). Et après quelques siècles de domination arabe islamique, il ne restait plus rien de l’ère punico romano berbère si riche, que des ruines [ci-contre, Tipaza] (Abder-Rahman ibn Khaldoun el Hadrami, Histoire des Berbères,T I, p.36-37,40,45-46 ; 1382) .

Faut-il oublier aussi que les Turcs Ottomans ont envahi le Maghreb pendant trois siècles, maintenant les tribus arabes et berbères en semi esclavage, malgré la même religion, les laissant se battre entre elles. Faut-il oublier que ces Turcs ont développé la piraterie maritime, en utilisant leurs esclaves. Ces pirates barbaresques arraisonnaient tous les navires de commerce en Méditerranée, permettant, outre le butin, un trafic d’esclaves chrétiens, hommes, femmes et enfants. Dans l’Alger des corsaires du XVIe siècle, il y avait plus de 30.000 esclaves enchaînés. D’où les tentatives de destruction de ces bases depuis Charles Quint, puis les bombardements anglais, hollandais et même américain… Les beys d’Alger et des autres villes se maintenaient par la ruse et la force, ainsi celui de Constantine, destitué à notre venue, ayant avoué avoir fait trancher 12 000 têtes pendant son règne.
          
l’esclavage existait en Afrique depuis des lustres

Faut-il oublier que l’esclavage existait en Afrique depuis des lustres et existe toujours. Les familles aisées musulmanes avaient toutes leurs esclaves africains. Les premiers esclavagistes, Monsieur le Président, étaient les négriers noirs eux-mêmes qui vendaient leurs frères aux Musulmans du Moyen Orient, aux Indes et en Afrique (du Nord surtout), des siècles avant l’apparition de la triangulaire avec les Amériques et les Antilles, ce qui n’excuse en rien cette dernière, même si les esclaves domestiques étaient souvent bien traités.

Faut-il oublier qu’en 1830, les Français sont venus à Alger détruire les repaires barbaresques ottomans qui pillaient la Méditerranée, libérer les esclaves et, finalement, affranchir du joug turc les tribus arabes et berbères opprimées.

fort_turc_BiskraFaut-il oublier qu’en 1830, il y avait à peu près 5 000 Turcs [ci-contre, ancien fort turc à Biskra], 100 000 Koulouglis, 350 000 Arabes et 400 000 Berbères dans cette région du Maghreb où n’avait jamais existé de pays organisé depuis les Romains. Chaque tribu faisait sa loi et combattait les autres, ce que l’Empire Ottoman favorisait, divisant pour régner.

Faut-il oublier qu’en 1830 les populations étaient sous développées, soumises aux épidémies et au paludisme. Les talebs les plus évolués qui servaient de toubibs (les hakems), suivaient les recettes du grand savant «Bou Krat» (ou plutôt Hippocrate), vieilles de plus de 2 000 ans. La médecine avait quand même sérieusement évolué depuis !

la France a soigné toutes les populations du Maghreb

Faut-il oublier qu’à l’inverse du génocide, ou plutôt du massacre arménien par les Turcs, du massacre amérindien par les Américains, du massacre aborigène par les Anglais et du massacre romano-berbère par les Arabes entre l’an 700 et 1500, la France a soigné, grâce à ses médecins (militaires au début puis civils) toutes les populations du Maghreb les amenant de moins d’un million en 1830 en Algérie, à dix millions en 1962.

Faut-il oublier que la France a respecté la langue arabe, l’imposant même au détriment du berbère, du tamashek et des autres dialectes, et a respecté la religion (ce que n’avaient pas fait les Arabes, forçant les berbères chrétiens à s’islamiser pour ne pas être tués, d’où le nom de «kabyle» - j’accepte).

Faut-il oublier qu’en 1962 la France a laissé en Algérie, malgré des fautes graves et des injustices, une population à la démographie galopante, souvent encore trop pauvre, - il manquait du temps pour passer du moyen âge au XXe siècle - mais en bonne santé, une agriculture redevenue riche grâce aux travaux des Jardins d’Essais, des usines, des barrages, des mines, du pétrole, du gaz, des ports, des aéroports, un réseau routier et ferré, des écoles, un Institut Pasteur, des hôpitaux et une université, la poste… Il n’existait rien avant 1830. Cette mise en place d’une infrastructure durable, et le désarmement des tribus, a été capital pour l’État naissant de l’Algérie.

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Institut agricole d'Alger à l'époque coloniale

Faut-il oublier que les colons français ont asséché, entre autres, les marécages palustres de la Mitidja, y laissant de nombreux morts, pour en faire la plaine la plus fertile d’Algérie, un grenier à fruits et légumes, transformée, depuis leur départ, en zone de friche industrielle.

Faut-il oublier que la France a permis aux institutions de passer, progressivement, de l’état tribal à un État nation, et aux hommes de la sujétion à la citoyenneté en construction, de façon, il est vrai, insuffisamment rapide. Le colonialisme, ou plutôt la colonisation a projeté le Maghreb, à travers l’Algérie, dans l’ère de la mondialisation.

 

personne ne vous demande repentance pour avoir

laissé péricliter l'Algérie...

Faut-il oublier qu’en 1962, un million d’européens ont dû quitter l’Algérie, abandonnant leurs biens pour ne pas être assassinés ou, au mieux, de devenir des habitants de seconde zone, des dhimmis, méprisés et brimés, comme dans beaucoup de pays islamisés. Il en est de même de quelques cent mille israélites dont nombre d’ancêtres s’étaient pourtant installés, là, 1000 ans avant que le image_4039941_192_144premier arabe musulman ne s’y établisse. Était-ce une guerre d’indépendance ou encore de religion ?

Faut-il oublier qu’à notre départ en 1962, outre au moins 75.000 Harkis, sauvagement assassinés, véritable crime contre l’humanité, et des milliers d’européens tués ou disparus, après ou avant, il est vrai, les excès de l’O.A.S., il y a eu plus de 200 000 tués dans le peuple algérien qui refusait un parti unique, beaucoup plus que pendant la guerre d’Algérie. C’est cette guerre d’indépendance, avec ses cruautés et ses horreurs de part et d’autre, qui a fondé l’identité algérienne. Les hommes sont ainsi faits !

Monsieur le Président, vous savez que la France forme de bons médecins, comme de bons enseignants. Vous avez choisi, avec votre premier ministre, de vous faire soigner par mes confrères du Val de Grâce. L’un d’eux, Lucien Baudens, créa la première École de médecine d’Alger en 1832, insistant pour y recevoir des élèves autochtones. Ces rappels historiques vous inciteront, peut-être, Monsieur le Président, à reconnaître que la France vous a laissé un pays riche, qu’elle a su et pu forger, grâce au travail de toutes les populations, des plus pauvres aux plus aisées - ces dernières ayant souvent connu des débuts très précaires. La France a aussi créé son nom qui a remplacé celui de Barbarie. Personne ne vous demandera de faire acte de repentance pour l’avoir laissé péricliter, mais comment expliquer que tant de vos sujets, tous les jours, quittent l’Algérie pour la France ?

En fait, le passé, diabolisé, désinformé, n’est-il pas utilisé pour permettre la mainmise d’un groupe sur le territoire algérien ? Je présente mes respects au Président de la République, car j’honore cette fonction.

un citoyen français,
André Savelli
Professeur agrégé au Val de Grâce

 

savelliLe Professeur André Savelli est né en 1927 à Rabat de parents originaires de Blida et Oued El Aleug. C’est l’aîné de 7 garçons, il fait ses études secondaires à Rabat. Il entre à la Faculté de Médecine d’Alger en 1945 puis à l’Ecole du Service de Santé de Lyon. Il passe sa thèse à Alger sous la direction du Professeur Benhamou puis passera trois ans comme médecin militaire à In Salah avant de rejoindre le 1er RTA à Blida. En 1961 il sera chef du service psychiatrique de l’Hôpital Maillot puis sera nommé Professeur Agrégé au Val de Grâce. Par la suite il fut Chargé de Cours en psychopathologie à la Faculté des Lettres de Montpellier et Chargé de Criminologie Psychiatrique à la Faculté de Droit. Il est l’auteur d’une centaine de publications en psychpathologie. Il est Chevalier de la Légion d’Honneur, Officier de l’Ordre National du Mérite et membre de l’Académie des Sciences et des Lettres de Montpellier.

source de cette biographie - source de la photo

 

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17 juin 2007

les armes de la colonisation

canonnière Yatagan sur le fleuve Rouge
"la politique de la canonnière" : canonnière le Yatagan sur le fleuve Rouge (Tonkin), 1884-1885

 

les armes de la colonisation

Sven LINDQVIST (1998)

 

Au début du XIXe siècle, la plus grande partie du monde habité se trouvait encore hors de portée de l'artillerie navale.
Ce fut donc une découverte de grande importance militaire lorsque Robert Fulton fit remonter l'Hudson au premier bateau à vapeur. Bien vite, on trouva des centaines de vapeurs sur les fleuves d'Europe. Et, au milieu du XIXe siècle, les vapeurs commencèrent à porter les canons européens bien à l'intérieur de l'Asie et de l'Afrique. Cela marqua une ère nouvelle dans l'histoire de l'impérialisme.

Et, de même dans l'histoire du racisme. Beaucoup trop d'Européens interprétèrent cette supériorité militaire en termes de supériorité intellectuelle, voire biologique.

Némésis est la déesse grecque de la vengeance, celle qui punit la présomption et l'arrogance. C'est une profonde ironie de l'histoire si le premier vapeur à remorquer les navires britanniques sur le fleuve Jaune et la Grand Canal en direction de Pékin, en 1842, portait ce nom.

Bientôt, les vapeurs ne furent plus utilisés comme remorqueurs de la flotte mais équipés d'une artillerie propre. La "canonnière" devint un symbole de l'impérialisme sur tous les grands fleuves - Nil, Niger, Congo -, permettant aux Européens de contrôler par les armes d'énormes régions jusqu'alors inaccessibles.

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canonnière Lynx, construite à Cherbourg en 1878, armée
de 2 canons de 140 mm et 2 autres de 100 mm.
Elle fit campagne en Extrême-Orient, participant notamment aux
opérations de l'amiral Courbet qui anéantit la flotte chinoise
sur le fleuve Bleu
(source)

Le vapeur était représenté comme porteur de lumières et de justice. Si, du haut du Paradis, l'inventeur de la machine à vapeur peut observer les progrès de son invention ici-bas, sur terre, écrivit Macgregor Laird dans Narative of an Expedition into the Interior of Africa by the River Niger (1837), dans ce cas, aucune autre application ne pourrait le réjouir davantage que de voir des centaines de vapeurs "apporter la paix et la bonne volonté entre les hommes dans les lieux les plus sombres de la terre où règne la cruauté".

C'était là la rhétorique officielle. À Omdurman [au Soudan, le 2 septembre 1898, victoire des troupes britanniques commandées par Kitchener contre les Soudanais dirigés par le successeur du Mahdi], il fut démontré que la canonnière était également en mesure de tuer d'une manière commode et sûre, d'anéantir ses ennemis en étant aussi intouchables que les dieux.

Jusqu'au milieu du XIXe siècle, les armes à feu du tiers-monde pouvaient se mesurer à celles de l'Europe. L'arme standard était un fusil, chargé par le canon, à canon lisse, qui était également fabriqué par les forgerons de village en Afrique.

Le fusil était une arme terrifiante pour ceux qui l'entendaient pour la première fois. Mais sa portée ne dépassait guère la centaine de mètres. Il fallait au moins une minute pour le recharger. Même par temps sec, trois coups sur dix faisaient long feu, et sous la pluie, l'arme cessait tout simplement de fonctionner.

Un bon archer tirait encore plus vite, plus loin et avec une plus grande précision. Il était seulement inférieur dans sa capacité à tirer à travers un blindage.

C'est pour cela que les guerres coloniales de la première moitié du XIXe siècle furent longues et coûteuses. Même s'ils avaient une armée de cent mille hommes [1] en Algérie, les Français progressaient lentement, puisque les armes de l'infanterie des deux camps étaient comparables.

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Auguste Raffet, Retraite de Constantine, lithographie, novembre 1836,
BnF, département Estampes

 

Mais avec la capsule fulminante [qui remplace la pierre à fusil], on obtint un fusil dont seulement cinq coups sur mille faisaient long feu. Le canon rayé améliora grandement la précision.

En 1853, les Britanniques commencèrent à remplacer leurs vieilles armes par des fusils Enfield, qui étaient efficaces jusqu'à 500 m et qui tiraient plus vite parce que la balle était contenue dans une cartouche à papier. Les Français introduisirent un fusil similaire. Les deux armes furent tout d'abord utilisées dans les colonies.

Mais ces armes étaient toujours lentes et difficiles à manier. Elles émettaient des bouffées de fumée qui dévoilaient la position du tireur, et les cartouches en papier étaient sensibles à l'humidité. En outre, le soldat était obligé de se lever pour recharger.

La Prusse remplaça ses fusils à chargement par la culasse, inventée par Dreyse. L'arme fut testée pour la première fois en 1866 lors de la guerre austro-prussienne pour l'hégémonie de l'Allemagne. À la bataille de Sadowa, les Prussiens étaient allongés sur le sol et tiraient sept coups avec leurs fusils Dreyse tandis que, dans le même temps, les Autrichiens, debout, tiraient un coup. L'issue était évidente.

Dreyse_infanterie_1862
fusil Dreyse

Les États européens se lancèrent dans une course pour remplacer les fusils anciens par des fusils à chargement par la culasse. Les Britanniques transformèrent la cartouche en une cartouche en cuivre, qui protégeait la poudre durant le transport, éliminait la fumée et propulsait la balle trois fois plus loin que celle du fusil Dreyse.

En 1869, les Britanniques abandonnèrent l'Enfield pour le Martini-Henry, la première véritable arme de la nouvelle génération : rapide, précise, insensible à l'humidité et aux secousses. Les Français produisient alors le fusil Gras, les Allemands le Mauser.

MartiniHenryMarkI_1871_1876
fusil Martini-Henry

Ainsi, les Européens étaient supérieurs à tout opposant possible des autres continents. Les dieux des armes conquirent un autre tiers de la planète.

Sven Lindqvist, Exterminez toutes ces brutes,
éd. Le Serpent à plumes, 1998, p. 73-76.

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[1] L'armée de Bugeaud en Algérie comptait 75 000 hommes en 1841-1844 et finit par atteindre les 100 000 au début de 1847 ; cf. Jacques Frémeaux, La France et l'Algérie en guerre, 1830-1870, 1954-1962, éd. Economica, 2002, p. 102 (note Études Coloniales)



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canonnière le Yatagan sur le fleuve Rouge (Tonkin), 1884-1885

 

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5 décembre 2007

une certaine rhétorique algérienne "anticoloniale" (Michel Renard)

Diapositive1

 

les points aveugles d'une certaine

rhétorique algérienne "anticoloniale"

Michel RENARD

 

La logomachie des propos officiels ou semi-officiels en Algérie devient insupportable. De ce qui était un stock d'arguments que le F.L.N. a utilisé dès 1962 pour capitaliser à son profit le "prestige" politique de la victoire dans la "guerre d'indépendance", le régime algérien a fait une véritable démagogie historique par laquelle il manipule les ressentiments et frustrations de la population et escompte mettre en difficulté son partenaire français.

Cette démagogie repose sur la mise en ignorance du passé et la mise en slogans du revendicationnisme mémoriel.

Ignorance du passé ? Pour la vox dominationis en Algérie, l'histoire coloniale se réduit au face à face permanent d'un monstre exploiteur, oppresseur et aliénateur et d'un peuple, victime souffrante, résistante et glorieuse. Il n'en a pas été ainsi. L'ambivalence des interrelations coloniales est mise en évidence par l'investigation historique qu'elle soit française ou, souvent, algérienne. Quant à la guerre d'Algérie (1954-1962), elle fut autant une guerre civile qu'une guerre contre la puissance française.

Mise en slogans ? Le recours aux notions de "crimes contre l'humanité" et de "génocide" se veut une force de frappe visant à anéantir sans réplique l'adversaire. Mais ces formules ne correspondent pas à la réalité historique. La France coloniale n'a jamais cherché à exterminer les populations algériennes. Et les affrontements pour la conquête coloniale n'ont pas été menés au nom du racisme ni du mépris. Une réponse à ces allégations a été présentée par les historiens Gilbert Meynier et Pierre Vidal-Naquet - ce dernier aujourd'hui disparu - dans leur analyse du livre Coloniser, exterminer, qualifié par eux "d'entreprise idéologique frauduleuse" (lire leur texte ici).

L'article critiqué ci-dessous est un véritable condensé de cette démagogie historique et politique qui a cours à Alger sans guère rencontrer de répartie...

Michel Renard

 

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article paru le 5 décembre 2007 dans le journal algérien El Watan
et sa critique en paragraphes insérés, de cette couleur

 

Il a refusé de présenter les excuses officielles

de la France à l’Algérie

La dérobade de Sarkozy

 

«Oui, le système colonial a été profondément injuste, contraire aux trois mots fondateurs de notre République : liberté, égalité, fraternité.»

En prononçant solennellement cette petite phrase, tant attendue, à Alger comme à Paris, Nicolas Sarkozy, qui a dû manifestement consentir un trésor d’efforts sur lui-même, a, en fait, lu un verdict injuste devant de très larges secteurs de l’opinion algérienne. C’est une qualification des faits qui nous renvoie tout droit vers les atrocités des années 1950. Et là, il faut bien reconnaître qu’il n’y a vraiment pas photo entre ce que fut la longue nuit coloniale et l’expression discursive du président français. En cela, tous les Algériens ont dû être déçus, voire choqués par le propos douillettement sympathique et faussement indigné de Nicolas Sarkozy à l’égard de la colonisation.

- "Atrocités des années 1950", "longue nuit coloniale"... le vocabulaire de l'outrance et de l'unilatéralité. Si on appelle "atrocités" les souffrances barbares qui ont conduit à la mort de nombreuses personnes pendant la guerre d'Algérie, il faut évoquer la torture pratiquée par l'armée française mais aussi les mutilations pratiquées par le F.L.N. sur les prisonniers français (émasculations...) et sur des populations civiles algériennes résistantes à l'embrigadement du F.L.N. (massacre de Melouza...) ou encore lors des massacres massifs de harkis à l'été 1962 et après. On ne peut concentrer la critique sur la première et délaisser les secondes. Elles s'équivalent.
Pendre Larbi ben M'Hidi comme l'a fait le commandant Aussarresses en février 1957 ou étrangler Abbane Ramdane à l'aide d'une cordellette comme l'a fait le "colonel" Boussouf en décembre 1957..., je ne vois pas la différence. Ce sont les mêmes ignominies.

Et c’est très chèrement payé puisque le chef de l’Elysée repartira demain avec 5 milliards d’euros de contrats dans l’escarcelle en contrepartie d’une énième provocation !

- Les "5 milliards d'euros" ne sont pas un cadeau algérien sans contrepartie économique...! Il s'agit de contrats négociés. Et si les entreprises françaises font des affaires, les dirigeants algériens aussi (qui dira les "commissions" détournées qui permettent à la nomenklatura algérienne d'acheter de l'immobilier à Paris et d'inscrire ses enfants dans les lycées de la capitale française...?).

En matière d'économie, il faudrait poser la question du bilan de 45 années d'indépendance : une économie qui doit importer l'essentiel de ses biens de consommation alors que l'État algérien a placé depuis l'année 2000, 43 milliards de dollars, soit la moitié des réserves de change, dans le système bancaire américain (cf. Peterson Institute for International Economics). Un système scolaire déficient, un système de santé sinistré, une agriculture dévastée, une administration sclérosée et corrompue, un système bancaire asphyxié... Un Algérien sur cinq au-dessous du seuil de pauvreté selon les normes officielles à Alger...

L'ancien ministre du Commerce Smaïl Goumeziane expliquait en avril 2000 : «De l’aveu même du président de la République, le commerce extérieur du pays serait entre les mains de dix à quinze personnes. […] Par ce biais, on estime qu’un milliard et demi à deux milliards de dollars fuient le pays chaque année. En trente ans, ce sont ainsi quelque 30 à 40 milliards de dollars de richesse nationale qui s’en sont allés se loger offshore dans les comptes numérotés de quelques banques internationales vertueuses, ou s’investir hors du pays dans l’hôtellerie, dans l’immobilier ou dans le négoce international.»

Le nouveau locataire de l’Elysée nous apprend en 2007 – nous les indigènes –

- Il n'y a plus "d'indigènes" aujourd'hui. Sauf peut-être dans l'esprit de certains dirigeants algériens qui appauvrissent leur peuple depuis un demi-siècle.

que le système colonial a été profondément injuste ! Quelle belle trouvaille sémantique ! Et quel bel euphémisme… ! Le président français dont on attendait un peu de courage politique pour quelqu’un qui a promis la rupture a donc préféré surfer sur le changement dans la continuité. Incassable, Sarkozy s’est donc laissé enfermé dans cet ego patriotique, typique aux militants de l’extrême droite française qui rechignent de nos jours à regarder leur passé aussi terrifiant qu’abominable en Algérie. Un passé fait de sang et de larmes.

- Ce genre de propos n'aura, à mes yeux, de valeur morale et intellectuelle qu'après une reconnaissance des vérités de cet autre "passé terrifiant" :

atrocit_s_FLN
enfants "européens" victimes du F.L.N. à El-Halia/Philipeville le 20 août 1955

Il n'est pas possible d'exhiber les atrocités "du colonialisme" et d'en taire de semblables parce qu'elles ont eu pour auteurs des militants nationalistes algériens. Sauf à penser que la vertu ne doit pas être partagée, et qu'on peut condamner son absence chez son adversaire mais ignorer son défaut dans "son camp". On est alors privé de toute légitimité morale à exiger la moindre "excuse".

On attendait un peu cet épilogue provocateur aux entournures d’un homme qui a cru nécessaire de se faire accompagner par son secrétaire d’Etat aux anciens combattants, Alain Marleix, pendant que le ministre algérien des Moudjahidine a été sciemment «zappé» de la liste du comité algérien d’accueil.

- Le ministre algérien des Moudjahidines, Mohamed Cherif Abbès, "zappé", a tenu des propos antisémites.112924 Un ministre raciste est-il soutenu en Algérie... et par qui...? Il faut en finir avec la langue de bois sur ce point. L'antisémitisme, la haine des juifs (et pas seulement des sionistes) sont largement répandus dans les milieux officiels en Algérie. C'est une pathologie politique dans de nombreux pays arabes et musulmans. On ne peut, sans incohérence mentale, prétendre condamner le "racisme de l'État colonial français" et se complaire dans cet antisémitisme généralisé. Sauf à prouver que l'argument du "racisme français" est complètement instrumentalisé.

Deux mots pour 5 milliards d’euros...

«Voilà le travail de mémoire que je suis venu proposer au peuple algérien», a dit Sarkozy du haut de sa tribune devant les hommes d’affaires nationaux et, bien sûr, devant des millions d’Algériens «scotchés» devant le petit écran épiant la phrase – sentence –, qui allait sceller, croyaient-ils, définitivement les retrouvailles entre nos deux pays. Et, la déception fut à la mesure de l’attente. Pour la reconnaissance des crimes et la condamnation de la colonisation française, il va falloir repasser… Sarkozy ne sera pas – du moins pour l’instant –, l’homme qui allait réconcilier les deux peuples.

- On ne peut "réconcilier" les peuples sur la base de mensonges. En France, les approches du passé colonial en Algérie et de la guerre de 1954-1962 sont pluralistes. Il n'y a pas d'histoire officielle. Ce n'est pas le cas en Algérie. Les moyens de pression du pouvoir sur la production historienne sont ceux d'un État despotique qui enrégimente les intelligences et manipule les esprits.

La revendication d'excuses pour les "crimes de la colonisation" n'est qu'une pièce dans un dispositif maqam_ash_shahid_Alger_2_f_idéologique basé sur le mythe d'une nation et d'un État algérien déjà constitués en 1830, d'une résistance générale et héroïsée face à la conquête et à la domination coloniale, d'une "guerre d'indépendance" consensuelle et d'un peuple dressé dès novembre 1954... Un mythe qui développe une vision unanimiste du nationalisme alors que plusieurs courants l'ont traversé. Un mythe qui veut cacher les effets ambivalents du colonialsme et notamment les apports d'une modernité qui a interrogé les archaïsmes et les oppressions de la société traditionnelle...

Comme en juillet dernier, lorsqu’il avait abusé des usages diplomatiques en déclarant qu’il n’était pas «venu s’excuser», devant son homologue algérien, le patron de l’Elysée a encore enfoncé le clou et remué le couteau dans la plaie, ce lundi au Palais du peuple. A croire qu’il n’est capable que du pire… Et, suprême injure, le président français s’est permis l’incroyable cynisme de mettre le bourreau et la victime dans le même sac. «Oui, des crimes terribles ont été commis tout au long de la guerre d’indépendance, qui a fait d’innombrables victimes des deux côtés (…), ce sont toutes les victimes que je veux honorer.» Il faut reconnaître qu’avec une aussi grossière confusion des genres, Nicolas Sarkozy a dû faire baver de jalousie Le Pen et les tortionnaires de tout acabit qui reprennent du poil de la bête en France. Il est resté indéniablement en phase avec la scandaleuse rhétorique développée par son «UMP» en 2005. Pour un président qui veut «bâtir un partenariat d’exception» avec l’Algérie, il a fait preuve d’une maladresse verbale tout aussi exceptionnelle.

- Le "bourreau" et sa "victime"... Les rôles sont facilement distribués... Le dualisme de cette configuration ne permet pas d'appréhender la complexité des relations dans la société coloniale. Bien sûr, le militant F.L.N. torturé pendant la "bataille d'Alger" est une victime et son bourreau est facilement identifiable.

Mais qui osera qualifier de "bourreaux" les jeunes militaires du contingent, débarqués en Algérie depuis une semaine, qui tombent le 18 mai 1956 à Palestro dans une embuscade et dont les corps sont retrouvés atrocement torturés...? Témoignage du lieutenant Poinsignon : "On s'était acharné avec une incroyable sauvagerie. Ce que nous avons vu était tel que j'ai demandé par écrit un examen médico-légal pour déterminer les causes de la mort et si les mutilations avaient précédé ou suivi celle-ci. Je n'en ai jamais connu les résultats ; je n'ai même jamais su si cette autopsie avait bien été faite…. Torturés à mort, les jeunes soldats ont eu les yeux crevés… Les corps ont été vidés de leurs entrailles et bourrés de cailloux. Le FLN leur ont zébré les pieds à coups de couteau et leur ont coupé les testicules…."

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Maurice Feignon, jeune médecin auxiliaire, torturé au fer rouge et à
l'eau bouillante avant d'être égorgé par des maquisards du F.L.N.

Qui osera qualifier de "victimes" (et de héros...?) les 220 hommes de l'A.L.N. qui le matin du 27 mai 1957 encerclent le village de Melouza - dont le tort serait de soutenir les Algériens messalistes et non le F.L.N. - et qui assassinent 303 personnes parmi lesquelles des femmes et des enfants, tous mutilés...?

melouza
Melouza : des civils algériens massacrés par le F.L.N. en 1957

 

Et comme pour tirer une dernière salve avant son retour sans doute triomphant à Paris, l’invité du président Bouteflika fait un clin d’œil attendrissant à ses concitoyens qui ont quitté l’Algérie en 1962. Une façon bien subtile de tordre le cou aux autorités algériennes coupables, d’après lui, d’avoir renvoyé les colons chez eux et d’avoir fait preuve d’inhospitalité… «Mais il est aussi juste de dire qu’à l’intérieur de ce système, il y avait beaucoup d’hommes et de femmes qui ont aimé l’Algérie, avant de devoir la quitter.» Ainsi, aussi «profondément injuste» qu’il fut, le système colonial, suggère-t-il, était animé et encadré par des hommes et des femmes qui aimaient l’Algérie ! Et voilà qu’on est en plein dans l’article 04 de la scélérate loi du 23 février 2005 énonçant le rôle positif de la France coloniale !

Hassan Moali

- On peut considérer "juste" la lutte pour l'indépendance menée par une partie du peuple algérien. Mais on ne doit pas oublier que ce combat a aussi charrié des crimes et des abominations. Et que l'histoire ne s'écrit pas avec les catégories d'un simplisme opposant un bourreau et une victime.

Dans Apologie pour l'histoire, le grand médiéviste Marc Bloch écrivait en 1941 : "Longtemps, l'historien a passé pour une manière de juge des Enfers, chargé de distribuer aux héros morts l'éloge ou le blâme. Il faut croire que cette attitude répond à un instinct puissamment enraciné." Et en forme de rejet de cette histoire/juge, il exhortait à la production du seul savoir : "Robespierristes, antirobespierristes, nous vous crions grâce, par pitié, dites-nous simplement quel fut Robespierre".

Les faits rappelés ci-dessus - et les photos montrées - sont largement connus. Même si on hésite encore à les intégrer dans l'écriture universitaire de l'histoire. À Alger, on taxera peut-être ceux qui les mentionnent de "révisionnistes", d'extrême-droitisme ou de je ne sais quoi d'autre... On aura ainsi une preuve supplémentaire que l'exigence d'une condamnation et d'excuses pour la période coloniale relève d'une controverse politique et idéologique qui manipule l'histoire. Rien de plus.

Michel Renard

 

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Algérien assassiné par le F.L.N. :
où est le bourreau, où est la victime...?

 

 

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4 décembre 2007

le système colonial a été profondément injuste (Nicolas Sarkozy)

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le  système colonial

a  été  profondément injuste

Nicolas SARKOZY

 

(...) Je suis venu en Algérie pour bâtir entre nos deux peuples un avenir de solidarité partagée. Parler d‘avenir, ce n'est pas ignorer le passé. Je suis convaincu depuis toujours que pour bâtir un avenir meilleur on doit au contraire regarder le passé en face. C'est d‘ailleurs ce que nous avons fait en Europe.

à l'intérieur d'un système injuste, beaucoup

ont aimé l'Algérie

C‘est le travail de mémoire que je suis venu proposer au peuple algérien. Oui, le système colonial a été profondément injuste, contraire aux trois mots fondateurs de notre République : liberté, égalité, fraternité.

Mais il est aussi juste de dire qu'à l'intérieur de ce système profondément injuste, il y avait beaucoup d‘hommes et de femmes qui ont aimé l'Algérie, avant de devoir la quitter. Oui, des crimes terribles ont été commis tout au long d‘une guerre d‘indépendance qui a fait d‘innombrables victimes des deux côtés. Et aujourd'hui, moi qui avais sept ans en 1962, c'est toutes les victimes que je veux honorer.

Notre histoire est faite d'ombre et de lumière, de sang et de passion. Le moment est venu de confier à des historiens algériens et français la tâche d'écrire ensemble cette page d'histoire tourmentée pour que les générations à venir puissent, de chaque côté de la Méditerranée, jeter le même regard sur notre passé, et bâtir sur cette base un avenir d‘entente et de coopération.

Notre relation n'a pas d'équivalent. Ce n‘est pas qu'une question d‘histoire. C‘est d'abord une affaire de géographie : nous sommes voisins de part et d‘autre d‘une mer qui a toujours été un trait d'union et non une barrière. C‘est enfin et surtout l'intensité unique de la relation entre nos deux peuples. La communauté algérienne est la première communauté étrangère en France. Mais plus important encore, c'est aujourd'hui un français sur dix qui éprouve pour l'Algérie des sentiments très forts parce qu'il y est né, parce qu'il y a vécu, parce que ses parents ou ses grands-parents en sont venus et ont fait le choix de s'établir en France.


L'antisémitisme : le visage de la bêtise et de la haine

Faire le choix d'une pleine intégration dans notre République ne signifie pas renoncer à ses racines. Au contraire : les deux doivent aller ensemble, et c'est ainsi que nous pourrons bâtir dans l'ouverture, la tolérance, le respect de l‘autre, un avenir partagé. En France comme en Algérie, nous devons combattre avec une détermination sans faille toute expression de racisme, toute forme d'islamophobie, toute forme d'antisémitisme. Quand on menace un Arabe, un Musulman ou un Juif en France, on menace la République. Le racisme, l'islamophobie, l'antisémitisme ne s'expliquent pas, ils se combattent. Ce qui vaut pour la France vaut partout ailleurs dans le monde. Il n'y a rien de plus semblable à un antisémite qu'un islamophobe. Tous deux ont le même visage, celui de la bêtise et celui de la haine.

Le peuple algérien, au cours des années 90, a eu à livrer un terrible combat contre la barbarie terroriste. Les terroristes sont des barbares. Le peuple algérien a combattu, seul, au nom de valeurs qui nous sont communes : la tolérance, la liberté, le refus de la violence. Sa victoire sur le terrorisme est un succès majeur qui nous concerne tous, car l'installation à Alger d'un régime de type taliban n'aurait pas été seulement une tragédie pour l'Algérie : elle aurait été une catastrophe pour tous les pays riverains de la Méditerranée.

Je n'ai jamais été de ceux qui ont donné des leçons aux Algériens pendant ces années sombres. D'abord parce que l'Algérie n'a pas de leçons à recevoir. Et ensuite parce que ceux qui lui faisaient la leçon se plaçaient de facto du côté des ennemis de la démocratie. Je dirai demain au Président Bouteflika mon respect pour le courage et la détermination du peuple algérien tout au long de cette épreuve. Je lui dirai aussi la confiance de la France dans l‘avenir de l'Algérie.

Oui, j'ai confiance. Oui, je crois en l'avenir de l‘Algérie. Une Algérie stable et pluraliste, prospère et dynamique, capable de transformer sa richesse d'aujourd'hui en investissements pour demain. Une Algérie où tous les Algériens doivent pouvoir espérer un avenir meilleur. Participer à cette grande ambition est dans notre intérêt. Parce qu'un échec de l'Algérie serait aussi un échec pour la France et serait un échec pour toute l'Europe. Nous devons tous contribuer à l‘avenir de l'Algérie, dans le respect de ses choix et de ses souhaits, avec amitié. Mieux : dans un esprit de fraternité. C‘est pourquoi nous devrons aussi aller plus loin pour faciliter la circulation des personnes entre les deux rives de la Méditerranée.

Nicolas Zarkozy
3 décembre 2007, Alger

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Koléa, rue du Marché à l'époque coloniale

 

la perception politique

n'épuise pas la réalité historique

Michel RENARD

 

L'homme politique affronte le passé à travers les éléments historiques constitutifs des identités (nation ou autre...) mais aussi à travers les rapports de force créés à partir des mémoires.

Réclamer, comme les dirigeants algériens, la qualification du passé colonial par les titres de "crime contre l'humanité" ou de "génocide" n'a rien à voir avec l'intelligence historique. C'est un expédient permettant d'éviter le bilan de 45 ans d'indépendance et cultivant un sentiment anti-français comme un dérivatif utile face aux déboires quotidiens dans lesquels se débat la population algérienne.

De son côté, le président français refuse une repentance non seulement parce qu'il n'en accepte pas les présupposés (un bilan univoquement négatif de la période coloniale) mais parce que cela placerait la France en position de faiblesse dans les rapports diplomatiques avec l'Algérie. Il tient compte, en sus, des mémoires catégorielles s'exprimant dans la société française en cherchant à maintenir un équilibre entre elles.

Il en sort donc des formules comme celles du 3 décembre à Alger : reconnaître "l'injustice profonde" du "système colonial" et persister à dire qu'une partie de ses protagonistes "dominants" ont vécu une autre expérience, une relation d'amour avec leur pays de naissance. C'est "mieux" que les diatribes algériennes officielles, mais cela reste de la politique. Et ne saurait rendre compte - ce n'est d'ailleurs pas son objet - de la complexité des interrelations durant la période coloniale.

Affirmer que le "système" colonial (la colonisation ne fut jamais un "système"...) a été "profondément injuste" n'est ni vrai ni faux. À ce niveau de généralité, il s'agit d'une abstraction dont on peut se demander qui la vivait ainsi de 1830 à 1962. Certains ont indéniablement conçu leur destinée dans les termes de l'injustice et de l'oppression : les résistants à la domination coloniale, les militants nationalistes... mais cela n'a jamais fait "un" peuple. La plupart ont probablement vécu dans un autre horizon mental. Car la perception politique d'une situation n'épuise pas, loin s'en faut, la psychologie de la vie quotidienne. Ni les espérances de s'en arracher.

Michel Renard

 

en Algérie coloniale :

 

il y eut ceci...

insurrection_Margueritte
convoi de prisonniers algériens à la suite de
l'insurrection de Margueritte (1901)

 

mais aussi cela...

int_rieur_d_un_caf__maure
intérieur d'un café maure : un "Européen" et des "musulmans"
(carte datée 1902)

 

h_pital_Tlemcen
hôpital de Tlemcen : l'infirmière et les malades convalescents

 

Orl_ansville_march_
la "domination" coloniale ne se réduit pas à la conflictualité
ouverte et permanente

 

Blida_march__europ_en
"indigènes" et "Européens" dans ce "marché européen" à Blida

 

B_ne_march__arabe
"Européens" et "indigènes" dans ce "marché arabe" à Bône (Annaba)

 

Sidi_Bel_Abb_s_march_
modestie sociale ce ces "Européens dominateurs"

 

 

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3 décembre 2007

Algérie : reconduire les servitudes volontaires

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Reconduire les servitudes volontaires

Au moment même où s’élaborait un appel* initié par des historiens algériens et français qui «demande aux plus hautes autorités de la République française de reconnaître publiquement l’implication première et essentielle de la France dans les traumatismes engendrés par la colonisation en Algérie, une reconnaissance nécessaire pour faire advenir une ère d’échanges et de dialogue entre les deux rives, et, au-delà, entre la France et les nations indépendantes issues de son ancien empire colonial», le ministre algérien des anciens combattants, Mohammed Cherif Abbès, dans un entretien accordé lundi 26 novembre au quotidien algérien Al-Khabar, évoque l’origine juive du président ou de tel ou tel de ses ministres, et attribue l’élection présidentielle au «lobby juif qui a le monopole de l'industrie en France». Rappelons que c’était le même Mohammed Cherif Abbas qui avait lu, le 5 mai 2005, lors d’un colloque à Sétif, l’incroyable discours qui assimilait la colonisation au nazisme, et les fours à chaux d'Heliopolis (Guelma, 1945) aux fours à gaz d'Auschwitz, en présence d’historiens français dont un certain nombre avaient quitté la salle.

Indépendamment du caractère grotesque de cette déclaration – qui, apparemment, n’a guère soulevé de protestations en Algérie et qui a même été soutenue par le président de l’Organisation nationale des moudjahidin, Saïd Abadou –, indépendamment de «la résurgence qu’elle manifeste des préjugés antisémites les plus nauséabonds», pour reprendre les termes du communiqué de la Ligue des droits de l’homme, elle est révélatrice d’un certain état d’esprit, dont la conclusion de cet entretien donne quelques clés : «Aujourd’hui des rapports d’égal à égal ne sont pas envisageables, les Français ne sont pas prêts, en particulier durant le mandat de M. Sarkozy. Si je devais rencontrer le président français, je lui dirais : “Faute avouée est à demi pardonnée”

À quoi servent «les juifs» dans la rhétorique du pouvoir algérien actuel, au prix d’un déni de l’histoire de l’Algérie dans laquelle s’inscrit l’intime du rapport entre musulmans et juifs indigènes ? À nourrir indéfiniment le ressentiment pour se légitimer et refaire du consensus – et quel consensus ! –, à faire fond de commerce d’un antisémitisme latent très sensible dans les cercles du pouvoir et dans les mouvances islamistes ; à rejouer la colonisation, et la fierté nationale sur un théâtre désert auquel personne ne croit plus ; à «reconduire les servitudes séculaires propres à un passé révolu» (Mohammed Harbi, «Une presse sans déontologie», juin 2005).

Ce sont précisément ces servitudes séculaires que l’appel «France-Algérie : dépassons le contentieux historique» (http://www.ldh-toulon.org) se propose d’ébranler, c’est cette parole d’égal à égal à laquelle il donne réalité, sans qu’il soit question de repentance, de faute ou de pardon : il est question de la reconnaissance par la République française d’un fait historique donné. C’est le déni des faits qui ouvre la porte au racisme, qu’il soit contre les Arabes ou contre les juifs : aux citoyens algériens de découvrir ce que l’antisémitisme officiel veut dénier.
 

Paris, le 2 décembre 2007
Association du Manifeste des libertés

* Appel rendu public le 1er décembre 2007, dans Le Monde :
(http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0,36-984515,0.html),
l’Humanité, et dans les quotidiens algériens El Watan, le Quotidien d’Oran  et Al-Khabar (en arabe, et que nous soutenons (il est affiché pour signatures sur le site de la LDH-Toulon : http://www.ldh-toulon.org).

 


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Mohamed Cherif Abbès : "(les) véritables architectes de l’arrivée
de Sarkozy au pouvoir, le lobby juif qui a le monopole de l’industrie en France
".


- interview du ministre algérien des Moudjahiddines (Anciens combattants), Mohamed Cherif Abbès : texte sur le site voltairenet.org

- Mohamed Cherif Abbas : bio

- Algérie : message d'accueil antisémite pour Sarkozy: lefigaro.fr

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la synagogue d'Alger, place Randon, à l'époque coloniale


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24 novembre 2007

Décès de Pierre Lamant

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Kampot (Cambodge) (source)


Décès de Pierre Lamant


L'Institut National des Langues & Civilisations Orientales et le département d'Asie du Sud-Est ont la tristesse de faire part du décès de Pierre-Lucient Lamant, professeur émérite des Universités, spécialiste de l'histoire moderne et contemporaine de l'Asie du Sud-Est et, plus particulièrement, du Cambodge, membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer et vice-président de l'Association Française d'Histoire d'Outre-Mer, décès survenu le mardi 22 novembre.

Les obsèques de Pierre-Lucien Lamant auront lieu le mercredi 28 novembre, à 15 heures, au cimetière du Père-Lachaise (rendez-vous est fixé à 15 h  devant l'entrée principale).

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- bio-biblio, sur le site de la SFHOM

- au sujet de l'affaire Yukanthor

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Exposition coloniale de Marseille, 1906 : visite du roi du Cambodge


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22 octobre 2007

"Terre des oublis", un roman de Duong Thu Huong (Claire Villemagne)

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Terre des oublis, un roman vietnamien

de Duong Thu Huong

Claire VILLEMAGNE

 

Terre_des_oublis_couvAvec Terre des oublis, Duong Thu Huong nous ouvre une fenêtre sur le Vietnam actuel. Lesthuhuong séquelles de la guerre sont toujours visibles et actives, dans la vie sociale et dans la sphère privée. Miên est l’heureuse épouse d’Hoan. Veuve de guerre, des régions montagneuses, elle a refait sa vie avec ce bel homme venu de l’Est, d'une ville côtière. Leur couple incarne la modernité vietnamienne : la réussite sociale grâce aux exploitations de poivriers et de caféiers dans les montagnes du centre, et au développement du commerce dans une ville du littoral. Tous deux sont beaux, leur peau est claire, Hoan ressemble à un acteur de cinéma, grand et fort.

Pour autant, leur itinéraire s’inscrit dans la tradition vietnamienne : si Hoan n’est pas allé aux combats, c’est pour cause médicale. Ils ont acquis leur niveau social suite à un travail acharné et à un sens aigu pour les affaires. Leur mode de vie est à la fois moderne et traditionnel : la maison dispose de tout le confort possible, de l’électroménager aux installations sanitaires. Mais le jardin, l’architecture, les meubles traduisent un ancrage fort dans la tradition.  Hoan néglige les savons et produits de toilette occidentaux, il utilise toujours des décoctions à base de feuilles de basilic, de citronnier et de pamplemoussier comme sa mère le faisait. Le respect des ancêtres et des morts est essentiel : le visage tutélaire de l’instituteur Huy ne le quitte pas, ce père disparu reste un appui majeur et un guide respectueux.

Le respect des morts et de la tradition, c’est ce qui guide Miên lorsque son premier mari, mort aux combats, surgit soudain bien vivant. Le poids social, le regard et les commentaires des villageois du Hameau de la Montagne et surtout son sens du devoir la poussent à quitter Hoan pour reprendre une vie commune avec Bôn. Elle n’abandonne pas seulement un second mari aimant, mais aussi un enfant de cinq ans désiré et choyé, un statut social des plus enviables et un bonheur sans faille.

Bôn est bien l’inverse d’Hoan : plus petit, sa peau sombre et ses yeux lui donnent un air de cham. Il a subi toutes les violences de la guerre : combats acharnés, bombardements sauvages, survie dans la jungle, crise de paludisme… Il a connu la peur, la souffrance, la faim et la soif. Il incarne le Vietnam de l’après Libération nationale : courageux mais sacrifié pour la cause commune, ballotté au gré des batailles. Lui aussi est ancré dans la tradition vietnamienne, hanté par les fantômes laissés derrière lui, respectueux de ses morts (parents, compagnons d’armes et sergent) et de sa responsabilité familiale envers sa sœur Ta, mère célibataire débauchée et sans fierté.

voa_duong_thu_huong_ny_27406_210Ce triangle amoureux est éclairé par l’auteur. Elle nous donne les clefs nécessaires : le passé de chacun qui pèse dans leurs choix, leur mode de vie, leurs goûts et leurs espoirs… Au-delà de Miên, Hoan et Bôn, le lecteur découvre le Vietnam. Sa cuisine savoureuse et parfumée s’impose comme un art de vivre. Sa sensualité, même la plus crue, est longuement décrite. Les liens familiaux et sociaux sont finement analysés. Terre des oublis offre un aller sans retour pour le Vietnam, un aller dont on ne se remet pas tant les destins décrits sont forts et ambivalents, servis par une écriture séduisante et un récit remarquable.

Claire Villemagne

liens

- une biographie de Duong Thu Huong

- une autre biographie de Duong Thu Huong

- le livre sur decitre.fr

- le livre sur Amazon.fr

 

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14 novembre 2007

Savants, artistes, médiateurs : approches et connaissances du Maghreb (Claire Fredj, Alain Messaoudi)

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Savants, artistes, médiateurs :

approches et connaissances du Maghreb


Claire FREDJ, Alain MESSAOUDI

 

Que sait-on du Maghreb en Europe aujourd’hui ? À partir d’une question très générale sur la connaissance empirique, lettrée et sensible qu’ont les Européens du Maghreb, sur sa place dans les imaginaires contemporains et sur la situation de la recherche savante qui le prend comme objet – ou comme cadre d’étude, on cherchera à comprendre les modes et les processus de constitution de ces savoirs et les œuvres qui les ont fixés.

Pour mieux cerner l’élaboration d’un corpus savant et la diffusion de représentations, on sera attentif à la variété des approches qui se renforcent mutuellement ou s’opposent, en fonction du statut de leurs auteurs, qu'il s'agisse de leur situation institutionnelle (amateurs ou professionnels, militaires ou administrateurs, universitaires et journalistes), de leur appartenance nationale (Français intégrés dans l’appareil colonial, étrangers collaborateurs ou subversifs, «indigènes» à la parole à la fois reconnue et délégitimée, plus ou moins insérés dans le dispositif savant) ou de leurs engagements politiques.

Nous nous intéresserons aussi aux relations qu'entretiennent entre eux savants, artistes et médiateurs, selon des clivages politiques et idéologiques, ou sans les recouper.

1er, 3e et 5e mercredis du mois de 17 h à 19 h
(IISMM, salle de réunion, 1er étage,
96 bd Raspail 75006 Paris)

messaoud@ehess.fr ; claire.fredj@wanadoo.fr

 

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Programme

1e séance (7 novembre) : Approches historiques coloniales et post-coloniales du Maghreb.

2e séance (21 novembre) : Savoirs coloniaux, médiateurs indigènes et constructions d’histoires nationales (1). La constitution d’une histoire de l’Algérie : Ernest Mercier, William Marçais, Émile-Félix Gautier et les siècles obscurs du Maghreb.

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William Marçais (1872-1956)

3e séance (5 décembre) : Savoirs coloniaux, médiateurs indigènes et constructions d’histoires nationales (2) : Postérité, réappropriations et rejets des approches ethnographiques et anthropologiques (Michèle Sellès-Lefranc).

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4e séance (19 décembre) : Le Maghreb, terrain d’investigations archéologiques (Clémentine Gutron)

5e séance (16 janvier) : Le Maghreb des militaires. Les topographes militaires dans les premières années de la conquête en Algérie (Hélène Blais)

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Géographie de l'Algérie, Achille Fillias

6e séance (30 janvier) : Le Maghreb des géographes de l’école d’Alger. L’œuvre d’Augustin Bernard (Florence Deprest)

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7e séance (6 février) : Réorganisation des archives et processus colonial. Sources ottomanes et colonisation : histoire d'un fonds archivistique algérien (Isabelle Grangaud).

8e séance (20 février) : Le Maghreb en musées. Présentation des collections maghrébines du musée du Quai Branly

9e séance (5 mars) : Regards d’hommes de lettres. Hugo et l’Algérie (Frank Laurent)

10e séance (19 mars) : Structures scolaires et modalités de l’instruction

11e séance (2 avril) : Les langues : enjeux politiques et outils de connaissance

12e séance (16 avril) : Le Maghreb des médecins

 

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