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études-coloniales
11 février 2007

Souvenirs d’un colonel Viet Minh. 1945-2005, de Dang Van Viet (commentaire de Pierre Brocheux)

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à propos des souvenirs de Dang Van Viet,

colonel Viet Minh

Pierre BROCHEUX

 

13g_1Commentaire sur le livre de Dang Van Viet, Souvenirs d’un colonel Viet-Minh. 1945-2005, Paris, Indo-Éditions, 2006.

Dang Van Viet, issu d’une lignée mandarinale prestigieuse, a dirigé le régiment de l’Armée populaire vietnamienne qui a infligé au Corps expéditionnaire français sa première grande défaite en 1950 (selon le gal Yves Gras, Histoire de la guerre d’Indochine, Denoël 1992) sur la Route coloniale n°4 reliant Cao Bang à Langson. L’ouvrage est très intéressant au triple point de vue militaire, sociologique et politique mais mon commentaire se réfère au seul chapitre XXIX intitulé «Héritage de la culture française au Viet Nam», p. 208-218, qui relève des préoccupations d’Études coloniales.

L’auteur exprime l’opinion de quelqu’un qui s’est entièrement consacré à la lutte pour l’indépendance puis à la construction économique de son pays. Son rôle dans la lutte contre la domination coloniale française mérite que nous nous arrêtions sur son opinion. Si Dang Van Viet affirme le caractère fondamentalement oppressif du régime colonial, il remarque, cependant, l’ambiguïté qui a marqué les 80 années de cette domination. Il n’hésite pas à écrire que la colonisation française eut «un côté positif et une part utile» (expression qui ne manquera pas de scandaliser les «anticolonialistes à quatre sous» comme disait l’historien Jean Chesneaux).

L’auteur admet que les Français ont initié la modernisation de son pays, recomposé la société et surtout, introduit une réforme «révolutionnaire» (pour oser un paradoxe) de la culture. Les porteurs de cette nouvelle culture ont pris la tête de la lutte pour affranchir leur pays du joug français. En d’autres termes, les Français ont engendré les fossoyeurs du régime qu’ils avaient instauré : une intelligentsia dont Dang Van Viet fait partie et dont les aspirations, les revendications et les actions avaient suscité, dès 1926, la mise en garde d’un gouverneur général, le socialiste Alexandre Varennes (encore une ambiguïté).

Selon celui-ci, il fallait accorder des droits «au Tiers-état annamite» sinon il les réclamerait de lui même. Une minorité agissante de cette intelligentsia dirigea le mouvement de libération nationale tandis que la majorité rallia le soulèvement d’août 1945 qui aboutit à la proclamation du premier État indépendant vietnamien du XXe siècle.

Ce livre exprime une vision du colonialisme proche de celle que Karl Marx exposa sur l’intervention britannique en «Indoustan». Une approche dialectique de l’Histoire a du bon.

Pierre Brocheux

8799695_p

 

 

 

13g

- commander ce livre

- photos du colonel Dang Van Viet, de son éditeur et de son préfacier

- photos du colonel Dang Van Viet à Hanoï

- les ouvrages de l'éditeur Indo éditions

 

 

DangVanViet200
le colonel Dang Van Viet (source)

 

Dang_Van_Viet_portrait
le colonel Dang Van Viet à Paris (source)

 

 

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15 janvier 2007

Appel et souscription pour la reconstruction de la kouba de Nogent

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seule trace iconographique de la kouba de Nogent
© Michel Renard




Appel et souscription pour

la reconstruction

de la kouba de Nogent-sur-Marne

association Études Coloniales



En 1919, dans le cimetière de Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne), fut élevée une kouba. Dans les pays de tradition islamique, la kouba est un petit édifice qui vient signaler la tombe d'un pieux personnage. Ce monument, aujourd'hui disparu, honorait le dévouement et la mort, au cours de la Première Guerre mondiale, de soldats musulmans provenant de l'espace colonial français.

C'est principalement à Émile Piat que l'on doit la construction de la kouba de Nogent. Consul général, attaché au cabinet du ministre des Affaires étrangères et chargé de la surveillance des militaires musulmans dans les formations sanitaires de la région parisienne (Nogent, Carrières, Moisselles), il opta pour ce type de mausolée afin d'honorer le souvenir collectif de soldats musulmans décédés. Dans une lettre du 14 juin 1918, il explique à son ami, le capitaine Jean Mirante, officier traducteur au Gouvernement général en Algérie, les origines de son projet :

«Ayant eu l’impression que l’érection d’un monument à la mémoire des tirailleurs morts des suites de leurs blessures aurait une répercussion heureuse parmi les populations indigènes de notre Afrique, j’ai trouvé à Nogent-sur-Marne, grâce à l’assistance de M. Brisson, maire de cette ville, un donateur généreux, M. Héricourt, entrepreneur de monuments funéraires qui veut bien faire construire un édifice à ses frais dans le cimetière de Nogent-sur-Marne

L'édifice fut inauguré le 16 juillet 1919 mais peu entretenu dans les années qui suivirent. Ses vestiges furent finalement détruits en 1982.

La kouba de Nogent fut édifiée à la fin de la Première Guerre mondiale grâce à une conjonction d'initiatives : la politique de gratitude et de reconnaissance de l'institution militaire à l'endroit des soldats venus du domaine colonial, l'empathie d'un consul entreprenant et l'entremise d'un officier des affaires indigènes en poste à Alger, le soutien d'un édile communal et la générosité d'un marbrier. Cette osmose dépasse toute politique d'intérêts au sens étroit.

C'est ce surplus de signification qui en fait un symbole d'une mutuelle reconnaissance qui a toutes raisons d'être rappelée aujourd'hui.

C'est pourquoi, nous appelons à la reconstruction de la kouba du cimetière de Nogent. Elle marquerait comment la République assume, par-delà le temps, son devoir de mémoire à l'égard de tous ceux qui ont laissé leur vie pour défendre ses idéaux. Et constituerait, à quelques encablures de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration, un excellent lieu de mémoire et d'histoire.

pour l'association Études Coloniales
Daniel Lefeuvre, Michel Renard

contact : Études Coloniales - reconstruction kouba de Nogent


- Voir le dossier des premières démarches entreprises auprès des autorités administratives et religieuses en 2005 : lettres à M. Hamlaoui Mekachera, ministre des Anciens Combattants et à Dalil Boubakeur, recteur de l'Institut Musulman de la Mosquée de Paris, réponse de celui-ci.


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malades et imams de l'hôpital militaire du Jardin Colonial à Nogent (Caom)



L'association "Études Coloniales"


lance un appel à la reconstruction de la


kouba de Nogent-sur-Marne,


et une souscription destinée à son financement

 

un Comité de soutien

à cette initiative est en cours de constitution


pour apporter votre accord : envoyez vos nom, prénom, profession,

commune de résidence et adresse e-mail à

Études Coloniales - reconstruction kouba de Nogent

 


Diapositive1

Les coordonnées bancaires d'Etudes Coloniales

Banque Populaire Rives de Paris
Code banque : 1020
Code guichet : 00135

n° compte : 20193166569

clé RIB : 12

Adressez vos courriers à : Études Coloniales, 38 rue du Ruisseau - 75018 Paris

Études Coloniales - reconstruction kouba de Nogent

_______________________________________________________________________


seule_photo_kouba
inaugurée en 1919, elle fut finalement détruite en 1982 © Michel Renard


parmi les sépultures musulmanes, l'emplacement est conservé

pour l'érection de la kouba au cimetière de Nogent


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un espace modeste, d'environ 2 m sur 2 m


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tombes musulmanes à Nogent-sur-Marne


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Klienze Dembele, tirailleur sénégalais, tué le 13 (?) août 1918


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Mohammed Ben Ali, travailleur auxiliaire kabyle, tué le 8 mars 1917


IMG_7573
rendre hommage à ceux qui, venus de l'espace colonial, sont morts pour la France


IMG_7574
juste à côté des tombes musulmanes, les soldats indochinois ont leur monument


- photographies : 31 août 2004, Michel Renard

- voir le site : islam en France, 1830-1962 et le dossier consacré à la kouba de Nogent

_______________________________________________________________________


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Études Coloniales - reconstruction kouba de Nogent

Adressez vos courriers à : Études Coloniales, 38 rue du Ruisseau - 75018 Paris



- Répertoire des historien(ne)s du temps colonial

- retour à l'accueil

11 janvier 2007

Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier - Maghreb (avec liste des entrées)

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Dictionnaire biographique

du mouvement ouvrier - série Maghreb

Algérie : Engagements sociaux et question nationale

De la colonisation à l’indépendance



Présentation de l'éditeur

L’histoire de l’Algérie durant sa colonisation par la France fait l’objet de controverses passionnées où la question sociale redevient centrale. Appartenant à la série Maghreb du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, cet ouvrage présente les figures politiques, syndicales, intellectuelles qui ont marqué l’Algérie du milieu du XIXe siècle jusqu’à 1962 ; de grands témoins politiques comme Messali Hadj, Mohamed Marouf, Maurice Viollette, Charles-André Julien, Idir Aïssat ou Amar Ouzegane, Henri Alleg, Henri Curiel, Abderrahmane Bouchama, M’Hamed Yazid, des dockers, des traminots, des enseignants, de rares femmes dont Nassima Hablal, des sacrifiés… Maurice Laban ou Laïd Lamrani.

Fruit de vingt ans de recherche, ce dictionnaire biographique ouvre un champ d’études original car l’Algérie, comme tout le Maghreb, est le lieu d’interférence de trois types de militants : les Européens d’Afrique du Nord en majorité français qui introduisent le syndicalisme et le socialisme sans toujours remettre en cause le régime colonial ; les nationaux qui deviennent majoritaires et s’engagent progressivement dans la lutte pour l’indépendance ; les émigrés qui, travaillant en métropole, sont au croisement de ces deux inspirations.

Le mouvement ouvrier algérien est d’autant plus intéressant qu’il précède la constitution des classes ouvrières. C’est ainsi que les partis nationalistes reprennent le modèle organique du centralisme communiste qui entend commander les organisations dites de masses, à commencer par l’action syndicale.

L’ouverture d’archives sur la guerre d’indépendance depuis les années 1980 et la production de travaux récents consacrés au FLN, aux militants nationalistes et aux Algériens de France élargissent le champ d’études et font de ce livre une référence indispensable pour penser l’histoire contemporaine de l’Algérie.

 

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René Gallissot est professeur émérite à l’université de Paris VIII. Il a dirigé l’ouvrage Mouvement ouvrier, communisme et nationalismes dans le monde arabe (Éditions de l’Atelier, 1978) ; il est aujourd’hui le directeur de la série Maghreb du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier (Le Maitron). Il a publié Maghreb-Algérie : classes et nation (L’Arcantère, 1987) et Le Maghreb de traverse (Bouchène, 2000).

- Algérie : Engagements sociaux et question nationale
De la colonisation à l’indépendance, 1830-1962

Sous la direction de René Gallissot

Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier Maghreb

608 pages – 49.90 euros - En librairie le 20 janvier
Code Sofedis/Sodis : S349384 - ISBN : 2-7082-3865-5

contact@editionsatelier.com

www.editionsatelier.com

______________________________________________________________________

Collection Jean Maitron dirigée par Claude PENNETIER6234
DICTIONNAIRE BIOGRAPHIQUE
DU MOUVEMENT OUVRIER : MAGHREB
sous la direction de René GALLISSOT

ALGERIE
Engagements sociaux et question nationale
De la colonisation à l’indépendance
de 1830 à 1962

par René GALLISSOT

Assisté de Abderrahim TALEB-BENDIAB et Amar BENAMROUCHE

Avec la collaboration de
Anissa BOUAYED, Jacqueline DELORME, Louis-Pierre MONTOY,
Jean-Louis PLANCHE, Laure PITTI, Fouad SOUFI,

et les auteurs d’ouvrages de référence
Boualem BOUROUIBA, Mohamed FARES, Houari TOUATI, Benjamin STORA

Publié avec le concours du Fonds d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte
contre les discriminations (FASILD) et de la Mission interministérielle
Recherche-Expérimentation (MIRE).

 

Diapositive1

 

 

Liste des entrées du volume "Algérie"

 

A
______________________

ABANE Ramdane
ABBAD Ahmed
ABBAS Alloua
ABDALLAH
ABDELLI MAMIA,
Mme CHENTOUF
ABIB Mohammed
ABOULKER José
ABSSI Saad
ACAMPORA Georges
ACHIARY André
ACHIARY Léon
AÏSSAT Idir
AÏT AHMED Hocine
AÏT KACIMI Alibert appelé ALIBERT
AKKACHE Ahmed
AKKACHE Mourad
AKOUN André
ALI-BEY Rachid, voir DALIBEY Rachid
ALI-KHODJA Mohammed
ALI YAHIA Abdelmadjid
ALI YAHIA Abdenour
ALLAOUCHICHE Baya, voir BOUHOUNE Baya
ALLEG Aïcha
ALLEG Henri
AMARDEILH Édouard
AMOUYAL Alexandre
ANGELETTI Marcel
ANGELETTI Yves
ANGONIN Élie, Paul
APROSIO Célestin
AROUA Ali
ARRIGHI Victor Noël
ARRUS René
ARTERO Alonso
ASCENSI Roger
AUDIN Maurice
AUDOUARD Pierre
AUZAS Edmond
AZUELOS Mardochée

B
______________________

BABOU Abdelkader BACHTERZI Hadj Hacène Benaouda
BADSI Mohamed
BADSI Sid Ahmed
BAHLOUL Ahmed
BANOUNE Akli
BARBÉ Raymond,
BARRUCAND Victor
BARTHEL Jean, pseudonyme de Jean CHAINTRON
BATAILLON Marcel
BEDEK Mohammed
BEGARRA Joseph
BEKKAT Ahmed
BELARBI Sid Ahmed dit BOUALEM
BELGHOUL Rabah Ahmed
BELGACEM ou BELKACEM Hannoune voir HANNOUNE
BELHOCINE Mabrouk
BELKAÏD Aboubeker
BELKAÏM Kaddour
BELKHODJA Jeanine
BELKHODJA Kaddour
BELLISSANT Roger
BELMIHOUB Rouzik
BELOUACHRANI Omar, Saïd
BEN Myriam voir BENHAÏM Marlyne
BENAICH Maurice
BENAÏSSA Attalah
BENALI Boukort voir BOUKORT Benali
BENAMAR Salomon
BENAMARA Abdelkader
BENAMIRA Taïeb
BENBAHMED Mostefa
BENDAOUD Larbi
BENGHAZI Cheikh
BENHADJ Ouelhadj
BENHAMOU Rabah
BENHAMZA Ali
BENICHOU Roger
BEN ISMAÏL Ali
BENKALFAT Djelloul
BENKHEDDA Benyoucef
BENKHEDDA Braham
BEN LEKHAL Mahmoud
BEN MEHIDI Larbi
BEN MILOUD Abdelaziz
BEN MOHAMMED Mustapha dit Mustapha Negro
BEN NACEF Abdelghani
BENOITS Clara née HESSER
BENOITS Henri
BEN RAHOU  Slimane
BENSAN voir BENSOUSSAN Gaston
BENSID Abderrahmane
BENSMAÏL Ali voir BEN ISMAÏL
BENSOUSSAN Gaston dit BENSAN
BENTOLILA Jacques
BENTOUMI Amar
BENYELLES Mustapha
BENZINE Abdelhamid
BENZINE Abderrahmane
BERENGUER Frédéric
BERRAHOU Mejdoub
BERTHON André
BERTRAND Henri
BIBOULET Pierre
BIDI Mohamed
BLANC Raymond
BONIFACCE
BONNAUD Robert
BORRA Raoul
BOUALEM voir BELARBI Sid-Ahmed
BOUALEM Mohamed
BOUALI Taleb
BOUAYAD Hamida
BOUAZIZ Paul
BOUBAKEUR Hamza
BOUCHAMA Abderrahmane
BOUCHAMA Ali
BOUDIA Mohamed
BOUDIAF Abdelhamid
BOUDIAF Mohammed
BOUDISSA Safi voir SAFI Boudissa
BOUGUERRA Ahmed dit Si M'HAMED
BOUHALI Larbi
BOUHOUNE Baya plus connue en Algérie sous le nom ALLAOUCHICHE Baya
BOUKORT Ben Ali BOUKOURT Benali
BOUMALI Mohammed
BOUMENDJEL Ali
BOUNAAMA Djilali dit Si MOHAMED
BOURAS Mohamed Tahar
BOURBOUNE Mourad
BOURNANE Achour
BOUROUIBA Boualem
BOUROUIBA Hassen
BOUROUIBA Mahieddine
BOUSSAHBA Kaddour voir BELKAÏM Kaddour
BOUZERAR Saïd
BOUZERINA ou BOUZRINA Arezki dit H'DIDOUCHE
BOVO Flavien
BREMOND Robert ou René
BRIKI Yahia
BROUSSOULOUX dit Pintelon, dit Rouard, dit Viochot, dit Louis l'Algérien
BRUN Marcelle
BUONO Christian, Jean
BUSQUANT Émilie dite Mme Messali

C
______________________

CABALLÉRO Paul
CAMIZON Édouard
CAMPIGLIA François,
CAMPOS
CAMUS Albert
CARACÉNA
CARMONA Joséphine
CASANOVA Antoine
CASANOVA Laurent
CASTEL André
CASTELLS ou CASTELLO ou CASTEL Émile, René
CATOGNI Georges
CATTOIR Eugène, Louis ou Jean
CAYRON Adolphe
CAZALA Félicité
CAZALA René, Marcel
CHABILA Djilali
CHAINTRON Jean voir BARTHEL
CHARBIT Fraïm CHARBIT Jacques ou Jacques CHARBY,
CHARIKHI Abdelhamid
CHATAIGNEAU Yves
CHATAIN Auguste
CHATAIN Jocelyne
CHATAIN René
CHATELET François
CHAULET Alexandre
CHAULET Pierre
CHAZE Lucien
CHEBBAH Mekki
CHEBCHOUB Sadek
CHEIKH Mustapha
CHEMOUILLI Gilberte
CHENAF Mohamed
CHEYLAN G
CHEYLAN Victorin
CHIKH Mustapha voir CHEIKH Mustapha
CHOUADRIA Mohammed
CIANFARANI Dominique
CIANFARANI Paul
CLAUSTRE François
COLLET Maurice
COLLOSI
COMOLLI César
CONSTANT
CORMON Édouard, dit Jacques Péraud
COUNILLON Georges
COUSSAUD Paul
COVES André
CURIEL Henri

D
______________________

DAHMENE Abdallah voir DEMENE DEBBIH Abdallah
DALIBEY Rachid
DAMERDJI-OUJDEDI Djillali
DEBABÈCHE Alidin DEBABÈCHE Rachid
DECHÉZELLES Yves
DEGIOANNI Paul
DEKKAR Rahmoun
DELEUZE Camille
DELOCHE Robert
DEMENE DEBBIH Abdellah
DENIER Albert
DIB Mohammed
DJEMAD Chérif Abderrahmane
DJERMANE Arezki
DJERMANE Rabah
DJLANI Embarek
DJILANI Mohamed appelé SI DJILANI Mohammed
DOMENECH Henri
DONNAT Gaston
DORIOT Jacques
DOUAR Mohamed
DOUMENC Henri
DRESCH Jean DROUILLARD Guy
DUBOIS Marius
DUCHEMIN Léonce

E
______________________

EGRETAUD Marcel
ESCARNOT Justin
ESCURE Karl
ESPERET Gérard
ESTORGES Paul
EUTROPE Julien

F
______________________

FACI Saïd
FANON Frantz
FARÈS Abderrahmane
FARÈS Mohamed Tayeb
FARES Mohand Saïd dit Tahar
FARRUGIA Jean
FAURE Jean-Pierre
FAWZY Didar née Diane ROSSANO
FAYET Pierre
AYET Sophie
FEIX Léon
FERCHIOUKH Amara ou Hadj Amara
FERRAT André, de son vrai nom André MOREL
FERTCHOUK voir FERCHIOUKH Amara
FILALI Embarek
FODHIL ou FODIL Abassia
FODHIL ou FODIL Mustapha
FOUCHET Max-Pol
FRAUDEAU François
FRÉMINVILLE Claude de, Claude de La Poix de FRÉMINVILLE connu sous son nom de journaliste Claude TERRIEN

G
______________________

GABERT
GABIER
GAÏD Mouloud
GAÏD Tahar
GARAU ou GARAUD
GARAUDY Roger
GAS Ahmed
GAS Mohamed dit Hanachi
GAUTIER René
GERSON Alfred dit Fredo, de son vrai nom SEPCELEVITIUS
GHERAB Abdelhamid écrit aussi GHERRAB GUERRAB Lucien
GHERMOUL Ahmed écrit aussi GUERMOUL
GHOMRI Tahar
GIMENEZ Gabrielle écrit aussi JIMENEZ
GIOVACCHINI Dominique
GONZALES Gabriel
GRÉGOIRE Colette voir GREKI Anna
GRÉGOIRE Fernand
GREKI Anna pseudonyme littéraire de GRÉGOIRE Colette
GRINBLAT Jacques GUEDJ Isaac
GUEDDOUAR Senoussi voir
SENOUSSI Guedouar
GUEMICHE voir BENAMAR Mohamed
GUÉNATRI Abdelkader
GUÉRIN Daniel
GUERROUDJ Abdelkader dit Djilali
GUERROUDJ Jacqueline
GUERROUF Mohammed
GUILLON Maxime

H
______________________

HABLAL Nassima
HACHELAF M'Hamed
HADDAD Malek
HADJADJ Georges
HADJ ALI Abdelkader
HADJ-ALI Bachir
HADJ AMARA voir FERCHIOUKH Amara
HADJERÈS Sadek
HAGELSTEEN ou HAGELSTEIN ou HAGELSTREEN Charles, romancier sous le nom de Charles HAGEL
HALIMI Viviane
HAMERLAIN
HANACHI voir GAS Mohamed
HANNACHI Mayouf
HANNOUN Belkacem
HANNOUZ Lounas
HANOUN Lucien
HARAIGUE Omar
HARBI Mohammed
H'DIDOUCHE voir BOUZERINA Arezki
HENINE Yahia
IBANEZ Thomas

I
______________________

IDIR Aïssat voir AÏSSAT Idir
IMACHE Amar
INAL Ahmed
ISSAAD Ahsène
IVETON Fernand

J
______________________

JAFFRÉ Aline née BERKOWICZ
JAFFRÉ Jean
JEAN Émile
JEANSON Francis
JIMENEZ Gaby voir GIMENEZ Gabrielle
JOUBERT Marcel, Ernest
JULIEN Charles-André
JURQUET Jacques
JUSTRABO René
JUSTRABO Renée née CLERC

K
______________________

KADDOUR Belkaim voir BELKAIM Kaddour
KAÏDI Lakhdar
KALIFA Simon
KATEB Mohamed Tahar
KATEB Yacine
KEDDAR Ahmed
KEHAL Arezki
KESSOUS Mohammed Aziz
KHALED ibn El-Hachemi ibn el-hadj Abdelkader dit l'Émir Khaled
KHALFA Boualem
KHEFFACHE Laïd
KHELLEF Ahmed
KHIDER Amar
KHOBZI Ahmed
KHOBZI Kaddour
KIMOUN Marcel ou Maurice
KOUCHI Mohamed Salah dit KOUCH Younès

L
______________________

LABAN Maurice
LABAN Odette née Rossignol
LABELLA Ignace
LACOSTE Yves
LAMOUDI Lamine
LAMRANI Laïd
LARBI voir BOUHALI Larbi
LARRIBÈRE Camille LARRIBÈRE Jean-Marie
LARRIBÈRE Lucie et ses sœurs Aline, Paulette et Suzanne
LARRIBÈRE Pierre
LASSEL Mustapha
LATHRACHE Mahmoud
LAURENS Louis
LEBJAOUI Mohamed.
LECHANI Mohand
LEDUC Victor (Nechtstein Vladimir dit)
LEMÉDIONI Édouard
LENOIR Paulette
LENOIR Roland
LENTIN Albert-Paul
LEUTARD Émile
LIECHTI Alban
LOUP Elyette
LOUP Jeanne
LOZERAY Henri
LUSSY Charles (pseudonyme de Paul, Charles RUFF)

M
______________________

MAACHOU Abdelkader
MAHMOUDI Ahmed
MAHROUZ Benamar
MAILLOT André
MAILLOT Henri
MANARANCHE Robert
MANDOUZE André
MANSOUR Boualem
MARCHAND Maxime, appelé Max
MAROC Hocine
MAROC Mohammed
MAROUF Mohamed MARTY André
MASIA ou MASSIA
MASSEBOEUF Jean
MASSON Blanche
MATTEI Georges dit JO
MAUBLANC G
MAZOYER Étienne.
MECHOUCH Brahim
MEJDOUB Berrahou voir BERRAHOU Mejdoub
MEKKI Chebbah voir CHEBBAH Mekki
MENOUER Abdelaziz
MERAD-BOUDIA Bachir écrit aussi BENDIMERED Bachir
MERBAH Moulay
MESSALI Hadj, de son vrai nom MESLI Ahmed
MESTOUL Mohammed
MEZERNA Ahmed
M'HAMED Si voir BOUGUERRA Ahmed
MIGNOT Élie
MIRA Ali
MOHAMMED Si voir BOUNAAMA Djilali
MOINE André
MOINE Blanche voir MASSON Blanche
MOKARNIA Abdallah
MONTAGNÉ Marcel
MOULESSEHOUL Abbès
MOUSSAOUI Djilani
MOUTET Marius
MSELATI Jules

N
______________________

NADJI Mohammed
NAMIA Robert
NAVARRO Raymond
NETTER ou NETTER-MINNE voir GUERROUDJ Jacqueline
NEVEU Henriette
NEVEU Raymond
NEZZAR-KEBAILI Abdelkrim

O
______________________

OCULI Clément
OCULI Lise
ODIEVRE Jean
OUDJINA Driss
OUMEZIANE Mouloud
OUSSEDIK Omar
OUSSIDHOUM Rabah
OUZEGANE Amar

P
______________________

PABLO voir RAPTIS Michel
PADULA Émile
PAILLER-CASTEL Annick
PALOMBA Gabriel
PARRÈS Joseph
PASTOR Baptiste
PESCHARD Raymonde
PELOZUELOS Louis
PLACETTE Henriette
POQUET J
POUGET Émile
PRENANT André

R
______________________

RABIER Maurice
RADIGUET Paul
RADJEF Belkacem
RAFFINI Georges
RAMDANI Mohamed
RAPELLIN (ou RAPPELIN ou RAPPELLIN)
RAPTIS Mikhalis dit PABLO Michel et autres pseudonymes
REBAH Nourreddine
RECLUS Élisée
RÉGIS Marcel
RÉGNIER Jacques
RÉGNIER Paul
REITH ou RIETH André
REMLI Ali
RENARD Daniel
REY Roger
REY-GOLDZEIGUER Annie
RHAÏS Roland
RIETH voir REITH
ROBLÈS Emmanuel
ROSSIGNOL Odette voir LABAN Odette
ROULA Mohamed Larbi
ROUZÉ Michel pseudonyme de KOKOZCYNSKI Michieslazc
ROUZEAU Roger
RUFF Paul et RUFF Pierre voir LUSSY Charles
RUIZ André
RYNSKOWSKI A

S
______________________

SAADOUN Allal
SAADOUN Mustapha
SAFER Mohamed
SAFI Boudissa
SAIDOUN ou SAIDOUNI Yahia ou SAADOUN, dit GUSTAVE
SAÏL Mohamed
SAILLEN Yvonne
SALORT Jacques, Joseph
SANCHEZ Pierre
SASTRE Marcel ou Paul
SAURIN Daniel
SCHIAVO Henri
SCHMITT Paul
SEISS Fernand
SEKFALI Abdelkader
SEKFALI Messaoud
SEMSADJI Braham
SERFATY Gilberte épouse SALEM (Henri Alleg). SERRANO François
SERRANO Rose
SKANDER Nourredine
SLYÉMI Saïd
SMAILI Ahmed
SOLER René
SOULERY Charles
SPIELMANN Victor
SPITZER Gérard
SPORTISSE Alice née CREMADES
SPORTISSE Bernard et William
SPORTISSE Lucien

T
______________________

TABAROT Adrien et Antoine
TABAROT Pierre
TAHRAT Larbi
TALEB Bouali
TEFAHA Abdelkader
TERRIEN Claude voir FREMINVILLE (de)
TIMSIT Moïse, Daniel
TORRECILLAS Jean (Juan)
TRUILLOT Alexis
TRUPHEMUS Albert
TRUPHEMUS Jeanne
TUBERT Paul

U
______________________

URIOS Alexandre
URIOS Amédée

V
______________________

VAUTIER René
VIGNAUX
VINCENT Lisette
VIOLLETTE Maurice
VIVIANI René

Y
______________________

YACINE KATEB voir KATEB Yacine
YAZID M'hammed YBANEZ Thomas voir IBANEZ Thomas
YOUKANA Mohammed

Z
______________________

ZAHIRI Saïd
ZAHOUANE Hocine
ZANNETTACCI Henri
ZANNETTACCI Nicolas
ZAOUÏ Jacques
ZAZAR Mohamed
ZEFOUNI Mahfoud
ZENATI Rabah
ZERDANI Brahim
ZIANI Arezki
ZITOUNI Ahmed

 

Diapositive1

 

 

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- retour à l'accueil

9 janvier 2007

Les habous en Algérie, le cas de Constantine au XVIIIe siècle

Diapositive1
Constantine, quartier arabe, début des années 1900


Institut d'études de l'Islam et des Sociétés du Monde Musulman

Fatima Guechi,
 professeur à l'Université Mentouri, Constantine


Dans le cadre de la chaire sécable de l'IISMM
et de l'axe  "Transformation du droit dans le monde musulman"


Les habous en Algérie :

pratiques juridiques et pratiques

de gestion.

Le cas de Constantine au XVIIIe siècle


Diapositive2
Constantine, rue arabe


 Mercredi 17 janvier de 17h à 19h,

salle de réunion de l'IISMM, 96 bd Raspail


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Constantine, petite mosquée - photo prise à deux dates (?) différentes

___________________________________________________________________


tlemcen


document sur un habous à Tlemcen (XVIIIe siècle)


BEL Alfred, "Note sur une inscription de habous du musée de Tlemcen", Paris, 1911 ; extrait du Bulletin archéologique, 1910 (11 pages).

(...) Voici donc la traduction de l'inscription :
"Au nom d'Allâh, clément et miséricordieux ! qu'Allâh répande ses grâces (sur Mahomet) ! L'éminent, le très cher, l'excellent, l'heureux Commandeur des Croyants, notre maître Hasan Bey a acheté cette maison - qui avoisine le four de la Zmâla et la maison de Ben Wârits, et qui est connue sous le nom de maison d'Ibn el-Hadjj ‘Achoûr - à El-Mokhtâr el-Tchenâr, pour (la somme de) soixante mitsqâl d'or, de la frappe d'Alger, y compris les dépendances du premier étage ; (cette maison se trouve) à l'entrée de la rue.
(Le bey Hasan) l'a constituée en habous en faveur de l'ami de Dieu, le saint Moulaye Et-Taïyeb demeurant à Wâzzân, fils du Cheikh, el-Baraka, Moulaye Mohammed ben Abdallâh ech-cherîf.
(Ces actes ont eu lieu) en présence de Yahîa ben Hadji es-Salmâni et du sieur Mohammed Es-Seqqâl, qui a donné l'ordre de tracer l'inscription sur cette pierre, l'an 1173 (1759-1760 de J.-C.)."

(p. 6-7)

(...)

L'inscription qui nous occupe est à la fois un acte d'achat d'une maison sise à Tlemcen et de donation de cette maison en habous, au profit de Moulaye Et-Taïyeb (mort en 1767 ; a donné son nom à la confrérie actuelle de Taïyebïya dérivée de la grande confrérie des Chadouliya), fondateur de l'ordre des Taïyebïya. Or l'inscription a été retrouvée précisément dans la zaouïa de cette confrérie à Tlemcen. Cette maison répondait au signalement sommaire qui en a été donné ici ; elle avait un étage composé de logements pour les étrangers ; elle était sur l'entrée d'une rue ancienne. Jusqu'au jour où cette demeure fut démolie, elle avait conservé sa destination première, puisqu'elle appartenait aux adeptes de l'ordre religieux fondé par le réel bénéficiaire du don, Moulaye Et-Taïyeb.
C'est la seule inscription commémorative d'une donation pieuse, datant de l'époque turque, que renferme le Musée archéologique de Tlemcen, et c'est aussi la seule qui ait pour bénéficiaire un personnage religieux. (cf. W. Marçais, Catalogue du Musée de Tlemcen, Paris, Leroux, 1906, p. 1 et 2, où sont indiquées les autres inscriptions de habous du Musée de Tlemcen).

(p. 8-9)

note de lecture, Michel Renard


tlemcen


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5 février 2007

"une histoire idyllique du colonialisme"... selon Jack Lang

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"une histoire idyllique du colonialisme" : le n'importe-quoi jacklanguien

 

"une histoire idyllique du colonialisme"

la repentance comme monnaie d'échange

diplomatique avec Alger

Michel RENARD



Longtemps, l'historien a passé pour une manière de juge des Enfers,
chargé de distribuer aux héros morts l'éloge ou le blâme.
Il faut croire que cette attitude répond à un instinct puissamment enraciné.

Marc Bloch, Apologie pour l'histoire (1941)

 

"Il faut réformer les manuels scolaires français (...) qui présentent une histoire idyllique du colonialisme", Jack Lang, conseiller spécial de Ségolène Royal, en voyage en Algérie le 4 février 2007. (lemonde.fr, 4 février 2007).

Disons tranquillement que le discours historique, classiquement lié à la recherche de la vérité et à la construction d'une conscience critique, républicaine et démocratique, vient d'en prendre un coup. Face à la surenchère victimaire des prises de position répétées du président Bouteflika, des dirigeants politiques français instrumentalisent l'histoire en escomptant le bénéfice d'une mansuétude officielle du pouvoir algérien. Pour faire plaisir à leurs interlocuteurs, ils inventent une "histoire idyllique du colonialisme" que colporteraient les manuels scolaires français. Ridicule. Et irresponsable.

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Si cela était, quand Jack Lang était ministre, que n'a-t-il "réformé" ces manuels prétendument mensongers...? En réalité, Jack Lang ne connaît rien à ces questions. Son ignorance et ses préjugés ont été mis en évidence lors d'une émisison télévisée il y a peu (2 octobre 2006) :

http://www.wideo.fr/video/iLyROoaftsTH.html

François Bayrou, a qualifié le 5 février sur LCI de "grave imprudence" les déclarations du conseiller spécial de Ségolène Royal en faveur d'une reconnaissance par la France "des crimes commis par la colonisation" en Algérie : "Chaque fois qu'on essaie d'instruire le procès, en injuriant ou en insultant ceux qui ont donné leur vie", qui ont participé à "un effort dont je rappelle qu'il était l'effort de la République et spécialement de la gauche, on creuse à nouveau les blessures du pays", a estimé François Bayrou.

 

il faut résister à toutes les histoires instrumentalisées


On ne peut à la fois récuser la loi de février 2005 au nom du refus d'une histoire officielle (française) et acquiescer aux formulations surpolitisées d'une autre histoire officielle (algérienne). On attend avec curiosité le dossier de preuves de Jack Lang pour illustrer cette "histoire idyllique du colonialisme" diffusée par nos manuels scolaires... Il y a fort à parier que le "conseiller spécial" de Ségolène Royal n'a jamais ouvert un manuel scolaire d'Histoire.

Pour l'aider à constituer son dossier, voici quelques développements tirés des ouvrages de la classe de 4e. Il n'a pas été tenu compte des documents qui sont, plus encore que les résumés, une contre-preuve. On verra qu'on est loin d'une histoire idyllique.

ce que disent les manuels scolaires,

du colonialisme

270114276- "L'exploitation économique
les colons s'approprient de meilleures terres agricoles sur lesquelles ils développent des cultures d'exportation tandis que des entreprises européennes exploitent les richesses minières. Les colonies reçoivent les produits manufacturés de la métropole, ce qui ruine l'artisanat local. Les colons construisent des routes, des ports et des voies de chemin de fer, nécessaires au commerce. Ils ont recours au travail forcé des autochtones.
La domination culturelle
Les pays européens imposent souvent leurs langues, leurs religions [ce qui est faux...] et leurs modes de vie. Cette domination, qui s'ajoute à l'exploitation, suscite des révoltes qui sont impitoyablement réprimées. En Europe, quelques voix s'élèvent pour dénoncer la colonisation."

éd. Belin, 2006, dir. Éric Chaudron, Rémy Knafou, p. 163

 

 

167000g- "L'exploitation économique
Les colonies sont considérées comme des terres vierges où tout est à faire. La plupart des hommes politiques et la majorité des milieux d'affaires pensent qu'elles doivent offrir des débouchés à l'industrie et aux capitaux de la métropole. Les richesses minières sont rapidement exploitées. Les plantations fournissent du caoutchouc ou de l'huile de palme pour la fabrication du savon. Ces matières premières alimentent les industries de la métropole.
En échange, les colonies reçoivent des produits manufacturés et, par conséquent, restent largement sous-industrialisés. L'aménagement de ports et la construction de lignes ferroviaires entre les côtes et l'intérieur des continents favorisent des échanges inégaux.
La domination coloniale
Dans les colonies de peuplement, la population européenne pratique une agriculture commerciale basée sur des productions exportées vers la métropole (culture de la vigne en Algérie). Dans ce but, de vastes domaines se sont constitués par la confiscation des meilleures terres aux indigènes qui deviennent alors de simples ouvriers agricoles.
Pour l'exploitation de ces grands domaines, celle des mines ou la réalisation des grandes lignes de chemins de fer, les grandes entreprises ont largement recours à la main d'oeuvre indigène. Elles n'hésitent pas à procéder à des déplacements massifs de population. Les conditions de travail sont épouvantables et le nombre de victimes se chiffre parfois par milliers."

éd. Magnard 2002, dir. Michel Casta et Philippe Guizard, p. 149

 

9782011253927_G- "Les raisons de la colonisation
Pour les États européens, les colonies représentent un débouché à leurs produits industriels et à leurs capitaux, ainsi qu'une zone d'exploitation des matières premières. Politiquement, la possession de colonies est l'expression de la puissance d'un État. Les pays européens justifient aussi leurs conquêtes par la nécessité de "civiliser" des peuples présentés comme inférieurs.
L'idée de la supériorité de "l'homme blanc" s'appuie sur la théorie de la "hiérarchie des races" largement diffusée par la presse, les manuels scolaires, les expositions avec leurs spectacles "indigènes" et les zoos humains. Le colonisé est représenté comme un sauvage à peine humain qu'il faut éduquer. Les voix qui s'élèvent contre la colonisation et le racisme qui la justifie sont très peu nombreuses en Europe."

Une domination par la force
(...) La conquête a été très violente. Les résistances des populations locales ont été réelles mais la supériorité de l'armement des Européens leur a permis d'en venir à bout au prix de nombreux massacres, comme celui des Hereros du Sud-Ouest africain par les Allemands.
La gestion des colonies
(...) Les colonies de peuplement sont moins nombreuses que les colonies d'exploitation mais, quel que soit le statut, la population locale est toujours encadrée par l'administration coloniale. Leurs productions (thé, cacao, huile de palme, bois, richesses minières), souvent aux mains des colons, sont destinées à l'exportation vers l'Europe.
Les colonies reçoivent les produits manufacturés des métropoles, ce qui ruine l'artisanat local et empêche la naissance d'une industrie. Les Européens réalisent les infrastructures nécessaires à ce commerce (chemins de fer, routes, ports). Ces chantiers, financés par les impôts des populations colonisées, utilisent la main d'oeuvre locale dans le cadre du travail forcé."

éd. Hachette, 2006, dir. Vincent Adoumié, p. 174

Où donc Jack Lang a-t-il trouvé une "histoire idyllique du colonialisme" ?

Michel Renard

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sans doute une image idyllique...?
manuel Hachette, 2006, p. 176



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25 février 2007

Les massacres de Sétif (1945)

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Massacres à Sétif et Guelma

Jean-Louis PLANCHE

 

"On ne massacre jamais que par peur, la haine n'est qu'un alibi",
Georges Bernanos (1937).

 

Comment peut-on faire, en à peine plus de huit semaines, le plus grand massacre d'innocents que la France ait connu dans son histoire contemporaine, 20 000 à 30 000 morts algériens, composés à plus de moitié de femmes, d'enfants et de vieillards ?

Pour qu'un massacre aussi peu glorieux soit devenu possible, dans un département alors français d'Algérie, le jour du 8 mai 1945, il fallait d'abord s'être persuadé qu'ils allaient renverser sur vous le monde, nommer leurs chefs, planter partout leurs drapeaux, et vous réduire en une sorte d'esclavage. Il fallait surtout, au-delà de la déraison politique, au-delà du racisme qui n'est qu'un mot, au-delà de l'envie, de la jalousie, se laisser submerger, puis emporter par la peur.

Mais une grande panique ne s'improvise pas. Elle se prépare des années durant, non par un complot, par une machination, ou par toute autre construction dérisoire de l'esprit, mais au contraire en s'abandonnant aux rumeurs, au travail de la frustration, au besoin de désordre, dans un monde que l'on ne comprend plus, où le familier se colore aux teintes de l'étrange, où plus rien ne paraît à sa place, où le silence d'un coup inquiète, et le calme sonne faux. Sétif, une ville où il ne s'est jamais passé grand-chose, et surtout Guelma, une ville où il ne s'est jamais rien passé, convenaient.

Policiers, militaires et gendarmes, administrateurs, sous-préfets, corrodés par l'ennui et l'indigence de l'événement, avaient perdu leurs réflexes et ne se souciaient plus de démêler le vrai du faux. Les plus ambitieux rêvent ou cauchemardent. Il suffit dès lors que, un matin, un emblème étrange, ce que l'historien Paul Veyne appelle "un objet biscornu", un drapeau vert et blanc, frappé d'une étoile rouge, apparaisse à Sétif dans une manifestation comme il s'en était formé ce matin partout dans le monde pour fêter la victoire des Alliés. Tout bascule.

On discute encore aujourd'hui pour savoir qui, d'un policier ou d'un manifestant, a lâché le premier coup de feu. Dans le pandémonium qui suivit, dans le massacre qui courut la ville, les manifestants tirés comme des bêtes qui s'enfuient, les Européens rencontrés dans leur fuite lynchés, puis la honte et la peur mêlées, tout le monde a oublié les quelques coups de feu tirés des balcons.

Qui va se soucier que deux ou trois fusils aient été placés là pour régler son compte au maire, ou à quelques adjoints, ou à Ferhat Abbas aussi, s'il passait par là ? Qui va se souvenir qu'au bruit des détonations d'autres ont couru décrocher leur fusil de chasse et se sont portés à la fenêtre, pour contenir, le temps qu'arrivent de leurs casernes soldats et gendarmes, l'insurrection depuis si longtemps annoncée ?

À 200 kilomètres de là, par-delà les montagnes, le sous-préfet de Guelma a été prévenu très vite. Il ne veut pas y croire. Ancien commissaire de la défense du territoire, mêlé à dix complots au temps de la résistance d'Alger, dont il a été un héros, retors, pervers, il perd soudain ses moyens et ne prend aucune disposition pour interdire la manifestation de la victoire qui se tiendra dans l'après-midi. Il glisse simplement dans sa poche une arme. Ce sera vraisemblablement lui qui, dans la cohue provoquée par l'apparition à nouveau de l'"objet biscornu" , abattra le porte-drapeau, un riche commerçant algérien des faubourgs.

Longtemps, dans les semaines qui viennent, les officiers de l'armée lancés dans la répression chercheront la logique entre les deux anecdotes pour comprendre comment l'"insurrection" a pu franchir en quelques heures les montagnes. Des officiers généraux envisageront un complot international, juif pour certains ! Le directeur de la Sécurité générale, à Alger, est persuadé quant à lui qu'il s'agit d'une révolution. Le gouverneur, Yves Chataigneau, agrégé d'histoire, arabisant, socialiste, est convaincu qu'il affronte une guerre sainte. Il est trop tard pour réfléchir.

Mais il faut prévenir Paris. Dans la journée du 9 mai, le gouverneur est averti par les renseignements généraux qu'un "véritable affolement ne tardera pas à se faire jour". On envoie coup sur coup deux télégrammes cryptés au ministre de l'intérieur. Ils décrivent une situation qui "paraît devenir alarmante" . Le ministre croit comprendre qu'il s'agit d'une "espèce d'insurrection" et propose des renforts.

Sommée d'intervenir, l'armée engage toute la puissance de feu disponible. Des colonnes de petits blindés très maniables, suivis de camions tout-terrain emplis de légionnaires et de tirailleurs sénégalais, appuyées par l'artillerie tractée, par l'aviation d'assaut, pendant dix jours écrasent sous les obus, déchirent sous les rafales, anéantissent sous les bombes antipersonnel des foules affolées, à l'armement dérisoire, rejetées par le feu d'une vallée à l'autre, persuadées que les Français sont devenus fous et veulent massacrer tous les musulmans.

La pression sur elle ne faiblira pas. Le 12 mai, le Parti communiste distribue dans les villes d'Algérie un tract comminatoire. Signé par cinq représentants du comité central, il exige de "passer par les armes les instigateurs de la révolte et les hommes de main qui ont dirigé l'émeute. Il ne s'agit pas de vengeance ni de représailles. Il s'agit de mesures de justice. Il s'agit de mesures de sécurité pour le pays". L'armée, qui a perdu son sang-froid, ne le retrouvera pas.

Chez les civils, c'est bien pire. Des milices patriotiques sillonnent les rues des villes. Des escouades de coureurs des bois terrorisent les campagnes, multiplient les exécutions sommaires et les pillages. Autour de Guelma, au lever du jour puis au crépuscule, les salves des pelotons d'exécution ponctuent le fil des heures. Mais le sens de la mise en scène sanglante qu'a le sous-préfet de la ville ne doit pas faire illusion. Ailleurs, on massacre plus discrètement. À la fin de l'été encore, à Constantine, la fosse commune ouverte au cimetière se remplit.

Il est trop tard pour arrêter. Si le ministre de l'intérieur a dès le départ émis des doutes sur la réalité d'une insurrection, de même que certains officiers après quelques jours de ce qu'ils refusent d'appeler des combats, si le Parti communiste comprend vite la situation, et en informe le gouverneur, il leur est impossible d'interrompre la tragédie. Elle suivra son cours pendant plus de huit semaines, jusqu'à épuiser ses forces.

Parmi les acteurs des massacres, certains en seront atterrés. La première proposition de libérer tous les "insurgés" arrêtés, au motif que leur internement n'a aucun sens, émanera du préfet de Constantine qui a dirigé la répression. De grands colons sont désespérés, certains que la colonisation n'y survivra pas. L'opinion française, plus ou moins informée, enfouit, sous les terribles difficultés de l'année 1945 et le retour des prisonniers et des déportés, un événement dont la mémoire est impossible à gérer

Mais de pareils massacres ne s'oublient pas. Ils sont non pas le premier acte de la guerre d'Algérie, mais son prologue, et ont continué de peser sur les consciences, sur l'histoire, de générer des comportements de fuite, comme on le verra en 1962. Aujourd'hui, alors que deux peuples adultes envisagent de regarder ensemble vers l'avenir, en négociant un traité d'amitié, le moment est sans doute venu d'en alléger le poids.

par Jean-Louis Planche, historien
Le Monde, 8 mai 2005

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- comptes rendus du livre de Jean-Louis Planche sur dzlit

- sur Études Coloniales :
    - présentation éditoriale du livre et de l'auteur
    - venue de l'auteur à l'université Paris VIII

- sur Sétif-info : Poignant de bout en bout. Tel a été le témoignage de Jean-Louis Planche hier à notre rédaction. Accompagné de Yasmina Belkacem, directrice de la communication aux Editions Chihab, l’historien français nous a tout dit ou presque sur l’un des épisodes les plus tragiques de la colonisation française en Algérie. (lire la suite)

- dans le journal algérien : El Watan (8 mai 2005)

- dans le journal Le Soir d'Algérie, par Hakim C.

- un article de Lucien-Samir Oulahbib sur le site Kabyle.com

- dans le journal algérien El Moudjahid, 8 mai 2006

- un message sur africatime.com, 5 juillet 2006

- l'article de Chaffik Benhacene (La Tribune d'Alger, 8 mai 2006) sur le site tetedeturc.com

 

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22 décembre 2006

liste des correspondants d'Études Coloniales

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correspondants d'Études Coloniales





en cours de constitution


Tunisie

- Ahmed JDEY (Tunis)                                                 ahmedjdey@gmail.com


Algérie

-


Maroc


Sénégal

-


_______________________________________________________


- la télégraphie aérienne des frères Chappe, en Algérie

La conquête de l'Algérie commence en 1830 et pour appuyer les opérations militaires, on décide de construire une ligne télégraphique partant d'Alger à partir de 1838. Les lignes se développent au fur et à mesure des besoins le long de la côte méditerranéenne avec, de place en place, des ramifications vers le sud.
À l'origine, le système est militaire, mais ne donne pas les résultats escomptés. On fait donc appel à l'administration télégraphique civile, à partir de 1840, parce qu'elle possède l'expérience nécessaire. lire la suite


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poste de télégraphe en Algérie




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10 décembre 2006

Soldats indigènes : prenons garde à la mythification (Pierre Brocheux)

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soldats coloniaux sur les champs de bataille d'Indochine

 

Soldats indigènes :

prenons garde à la mythification

Pierre Brocheux

Les questions et commentaires adressés à Daniel Lefeuvre au sujet du film INDIGÈNES me font réagir. Ce film est bon et il mérite le succès qu'il a remporté auprès du public. Il est un rappel de la réalité (mais n'oublions pas la guerre 1914-1918 et les maquis de la résistance de la seconde guerre mondiale, n'oublions pas les tirailleurs sénégalais ni ...les tirailleurs et travailleurs indochinois. L'Indochine est d'ailleurs la grande absente du tumulte mémoriel français) jusqu'ici ignoré ou oublié et c'est justice que ce film glorifie les soldats coloniaux qui se sont sacrifiés pour la puissance qui avait conquis et dominé leur pays. Mais, il ne faut pas l'oublier non plus, un certain nombre d'entre eux ont été sacrifiés sur les champs de bataille d'Indochine pour "restaurer la souveraineté de la France" sur ces terres lointaines. Donc, en même temps que ce film nous restitue un pan de réalité, il construit un mythe comme en témoigne le commentaire caricatural, injurieux et faux signé Juba. J'approuve entièrement la réponse de DL.

posté par Pierre Brocheux,
dimanche 10 décembre 2006 à 11:08

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23 janvier 2007

La controverse autour du «fait colonial» (note de lecture, par Claude Liauzu)

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Mémoires d'empire, un livre de Romain Bertrand

 

La controverse autour du «fait colonial»

Claude LIAUZU, note sur le livre de Romain Bertrand



BERTRAND Romain, Mémoires d’Empire. La controverse autour du «fait colonial», aux Éditions du Croquant, Broissieux, Bellecombe-en-Bauges, 2006, 221 p.

9851786Ce livre de Romain Bertrand est à lire par tous ceux qui se préoccupent des enjeux publics du passé colonial. Il traite des guerres de mémoires, liées notamment à la loi du 23 février 2005 sur le «rôle positif» de la colonisation...

Il présente une analyse intéressante des conditions dans lesquelles cette loi a pu passer : lobbying des associations de rapatriés, certes, mais aussi rôle d’élus de la majorité cherchant à s’affirmer sans appartenir aux cercles du pouvoir. La fronde de l’UMP contre le président de la République, quand elle a refusé de voter l’abrogation de l’article 4 imposant un enseignement officiel, le montre ; cela malgré la campagne des historiens contre la loi, les pépins dans les relations franco-algériennes, les pressions de l’Elysée. Il faudrait aussi souligner les problèmes du gaullisme lors de la guerre d’Algérie : ses divisions et hésitations (Massu, Debré, Papon, Soustelle, …), les variations de de Gaulle lui même…. Il faudrait ajouter aussi les contradictions de la culture républicaine : l’assimilation entre colonisation et civilisation et les affres des décolonisations (mort de la IVe, de la SFIO, amnisties-amnésies répétées, marchandages sur les suffrages des nostalgiques de l’Algérie française en 1981 et autres exemples que Romain Bertrand relève avec humour dans les textes récents du parti socialiste…).

Au delà, c’est  toute la société française qui n’a pas pu ni voulu se décoloniser, qui a traité par un silence honteux ce qui avait appartenu à la mémoire nationale, qui n’a pas su dépasser les visions manichéennes d’une colonisation ambiguë. En réaction contre ce trop de vide, on multiplie à l’initiative de l’Etat, de municipalités, d’associations, depuis une décennie surtout, les commémorations particularistes, les lieux de mémoires, en sollicitant les historiens comme experts - ou plutôt comme cautions ès-vérité -, sans qu’ils aient les moyens le plus souvent de contrôler ce type d’opérations.

Dans un pays où les rapports des historiens avec les fastes de la chronique officielle, comme disait Althusser, ont toujours été extrêmement complexes, cette situation fait problème. La quasi disparition du passé colonial dans les programmes scolaires, dans la formation des enseignants, la marginalité de ce domaine dans les recherches dans le dernier demi-siècle ont pesé lourd. Si les études scientifiques n'ont jamais cessé, si une relève de génération s’est manifestée récemment, si une accumulation de connaissances importante a été réalisée, bien peu de tout cela est passé dans le «grand public». Il faudrait s’interroger de plus sur l’oubli des débats et combats de la période des décolonisations (où Charles-André Julien, Vidal-Naquet, Mandouze, Nouschi, Chesneaux, etc. ont impulsé un mouvement d’histoire critique). Cet oubli et le refoulement d’un tiersmondisme intellectuel, qui n’a pas fait l’objet d’une autocritique au bon sens du terme par les intéressés, ont laissé s’installer l’illusion du caractère nouveau et novateur de la critique anticolonialiste post-coloniale.

arton46Cela permet d’instrumentaliser le passé dans des manipulations telles que celles des Indigènes de la République, réduisant la colonisation à un crime, réduisant les problèmes actuels à la reproduction du racisme colonial, réduisant l’étude de ce passé à une repentance.  Romain Bertrand démonte avec clarté cette opération, et l’attitude complaisante d’intellectuels ayant signé l’appel des Indigènes.

Il montre la place laissée ainsi libre aux entrepreneurs de mémoires, et il signale au passage les liens très étroits de l’Achac (inventrice des «zoos humains» et de la «fracture coloniale», attachée à fustiger le péché originel colonialiste de la République, son «anneau dans le nez»), avec l’agence les Bâtisseurs de mémoire.

Cette dernière est «une agence de communication historique qui propose aux marques différents supports de communication utilisant l’histoire, le patrimoine et la mémoire au service d’une entreprise, d’un produit ou d’une marque»… «il s’agit rarement d’un acte gratuit… de fait, le client est roi…. reste de décideur final de ce qui doit être fait pas, de ce qui doit être dit ou pas». L’agence a travaillé pour l’Oréal.

C’est dans cette situation que les réactions des historiens, l’appel contre la loi du 23 février, paru dans le Monde du 25 mars 2005, la création du CVUH, l’appel des 19 pour la liberté de l’histoire contre toutes les lois mémorielles s’expliquent. Les juristes s’inquiètent également : la Semaine juridique de novembre 2006 publie un appel de 60 universitaires demandant l’abrogation de toutes les lois mémorielles. Quant aux historiens, une de leurs responsabilités est de fournir, contre l’instrumentalisation du passé, l’histoire spectacle, la marchandisation, des œuvres rigoureuses,  des synthèses, une vulgarisation de qualité. Affaire à suivre !

Claude Liauzu

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_____________________

 

de Romain Bertrand

 

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- État colonial, noblesse et nationalisme à Java. La Tradition parfaite, Paris, Karthala, 2005.

présentation de l'éditeur

La   formation de l'Etat à Java, du XVIIe au XXe siècle, est inséparable de celle de la noblesse de robe des priyayi. L'exercice de l'autorité en est venu à se dire et à se vivre dans les termes propres à la façon priyayi de se penser et de penser le monde social. La relation de domination s'est énoncée selon un langage mystique. Celui-ci pose l'existence d'un envers invisible du réel, et donc d'une manière spécifique d'acquérir et de mettre en œuvre, par la pratique de l'ascèse, un pouvoir sur soi et sur autrui. Les scribes des palais ont élaboré une "vision" de Java comme ordre social idéal, comme domaine moral inaltérable. Ils ont ilustrasi95affirmé l'existence d'une "façon javanaise" de (bien) faire les choses : une "tradition parfaite" enserrant la vie sociale dans une litanie de règles de conduite, porteuses d'un rapport particulier de soi à soi.

C'est sur cette "vision" de Java que les premiers hérauts du nationalisme anticolonial, en majorité issus du milieu priyayi, ont pris appui pour doter la nation à naître d'une théorie antidémocratique de l'État. Mais pour que le Java éternel des poètes de cour devienne la condition du discours nationaliste, il fallait que le langage de la "tradition parfaite" cesse d'être une illusion collective et soit passible d'usages proprement instrumentaux. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l'Etat colonial néerlandais en Insulinde était devenu producteur et certificateur d'un "savoir sur Java". Concurrençant l'imaginaire de la "tradition parfaite", ce dernier avait permis aux priyayi de développer un rapport réflexif et stratégique à leur propre trajectoire identitaire. Cherchant à lutter contre cette représentation coloniale de Java, mais aussi à se la réapproprier, les priyayi se sont alors assujettis à leur règle morale sur un mode inédit. Auparavant, il n'était possible que d'être priyayi. Il était maintenant possible de le paraître, de jouer à l'être. À travers l'histoire de la constitution morale de la noblesse de robe des priyayi, et bien au-delà du seul cas javanais, cette somme magistrale renouvelle la recherche sur la situation coloniale, l'historicité de l'Etat, la contingence du nationalisme et la subjectivité politique.

Romain Bertrand est chargé de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques (CERI). Après avoir consacré ses premières recherches à l'historicité de l'Etat colonial à Java et à la société politique indonésienne, il a étendu ses travaux à la Malaisie. Il a publié Indonésie : la démocratie invisible (Karthala, 2002) et co-dirigé (avec Emmanuelle Saada) un numéro spécial de la revue Politix sur "L'Etat colonial" (2004). Il prépare actuellement un ouvrage sur Islam et politique en Indonésie (à paraître chez Perrin) et co-dirige, en collaboration avec Christian Lechervy, une Histoire politique de l'Asie du Sud-Est (à paraître chez Fayard). Membre du comité de rédaction de Politix, il est co-responsable du Groupe d'analyse des trajectoires du politique au CERI.

 

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présentation de l'éditeur

Cet essai retrace l'histoire des débats et des mobilisations autour de la loi du 23 février 2005 sur le "rôle positif" de la colonisation française, qui a pavé la voie à la montée en puissance du thème des "guerres de mémoire". Il s'interroge à cette fin aussi bien   sur les stratégies des députés de la majorité, qui ont voté et défendu ce texte, que sur le discours et les tactiques des organisations militantes qui ont réclamé son abrogation. Revenant en détail sur les relations clientélaires entre les élus et les associations de "rapatriés" d'Algérie, il s'efforce de mettre au jour les processus politiques - non pas exceptionnels mais terriblement ordinaires qui ont concouru à la "mise en controverse" du "fait colonial".

Chemin faisant, il montre de quelle façon l'argument de la "République coloniale" brandi par les Indigènes de la République et les associations du mouvement autonome de l'immigration a été dévoyé pour imposer une grille de lecture spécifique des "émeutes urbaines" d'octobre-novembre 2005 référées non plus à des problèmes concrets d'exclusion et de discrimination appelant une action (et une auto-critique) des pouvoirs publics, mais à d'élusifs ressentiments mémoriels. Il dresse de la sorte l'inventaire des mécanismes, et surtout des conséquences, de l'émergence d'un nouvel espace de débat où la "question (post) coloniale" en vient à éluder la "question sociale".

 

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"gestion coloniale des quartiers"...!
le ressentiment mémoriel éludant la question sociale

 

 

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28 novembre 2006

Auteurs publiés sur le blog "Études Coloniales"

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Auteurs publiés

sur le blog "Études Coloniales"

année 2006

 

 

(en cours d'édition)

 

- Jacques Berque (L'intérieur du Maghreb)

- Pierre Brocheux

 

- Condorcet, (Esquisse d'un tableau des progrès de l'esprit humain)

 

 

- Jean Fremigacci

- Jean de la Guérivière

- Hông Nga et Sébastien (Le Courrier du Vietnam)

- juristes (appel contre les lois mémorielles)

 

- Yves Lacoste (revue Hérodote)

 

- Claude Malon

- Jean-Louis Marçot

- Gilbert Meynier : 1 - 2 - 3

- Mélica Ouennoughi

- Jean-Louis Planche

 

- Michel Renard : 1 - 2 - 3

- Jacqueline Sorel (Rfi)

- Pierre Vidal-Naquet

 

- Michel Wieviorka (Libération)



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- Répertoire des historien(ne)s du temps colonial

20 janvier 2007

Réponse d'un «repentant» à un «non-repentant» (Pascal Blanchard)

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Réponse d'un «repentant» à un

«non-repentant»

interview de Pascal Blanchard par Olivier Menouna

 

Dans Pour en finir avec la repentance coloniale (éd. Flammarion), Daniel Lefeuvre entend rétablir la vérité sur la colonisation. De «mensonges» en «lamentos compassionnels», les «Repentants» auraient falsifié la mémoire coloniale. L'historien Pascal Blanchard, spécialiste de la question, lui répond.

 

Africa International. - M. Lefeuvre vous fait «l’honneur» de vous classer en compagnies d’autres historiens dans le camps des «Repentants». Que cela vous inspire-t-il ?
pascal_blanchardPascal Blanchard. Quand on veut se fabriquer des ennemis, on leur attribue des qualificatifs qui renvoient à des choses qui n’existent pas. Cette méthode et [sic] bien connue des penseurs d’extrême-gauche et d’extrême-droite. C’est trop facile de citer quelques auteurs, pour englober ensuite sous le même qualificatif les centaines de chercheurs sur la mémoire collective. En fait, la notion de «repentance» est plutôt anglosaxonne. Il n’y a pas d’héritage de dette entre les colons et un blanc d’aujourd’hui. Je réprouve cela autant que le raisonnement d’un Africain qui exigerait des papiers français au nom d’un lien entre lui, l’histoire de son grand père colonisé et celle de la France. Je ne réponds donc pas aux critères de M. Lefeuvre qui construit, a posteriori, la vision d’une école de pensée pour arriver ainsi à construire une opposition de discours. C’est une manière de décrédibiliser les travaux. C’est ce qu’on fait quant on n’arrive pas à les contester sur le plan scientifique.

A. I. - Mais M. Lefeuvre prétend justement se baser sur des faits et des chiffres historiques précis et non sur des extrapolations ou des partis pris comme le feraient les «Repentants»…
P.B. 99 % de ses chiffres ne concernent que l’Algérie. C’est une manière assez curieuse de lire l’histoire que de prendre le cas extrêmement particulier qu’est l’Algérie qui était un département français, pour l’étendre à tout l’empire et prétendre ainsi qu’il y a eu des bienfaits. Car M. Leufeuvre [sic !] est bien plus explicite dans son ouvrage précédent, où il explique qu’il est un auteur «révisionniste», et que si la France n’était pas allée en Algérie, les «pauvres Algériens» seraient morts de faim. Par ailleurs, les chiffres, vous pouvez en faire ce que vous voulez à partir du moment où vous n’en prenez qu’une partie. C’est ce que fait Lefeuvre, avec peu de qualité d’ailleurs. Ses chiffres ont une valeur intrinsèque mais pas une valeur analytique. Dire qu’au moment des Trente Glorieuses l’immigration algérienne représentait moins de 1 % de la main-d’œuvre française, pour en conclure que la jeunesse française d’origine algérienne n’aurait pas de mémoire coloniale légitime, c’est aberrant ! Ce n’est pas parce que le pourcentage des Français morts dans les camps de la Shoah est faible que la célébration de la mémoire de la Shoah n’est pas légitime en France.

A.I. - Un tel livre ou du moins, avec un tel titre, aurait-il pu être publié par Flammarion il y a dix ans ?
P.B. Lefeuvre s’inscrit dans la mouvance du marketing du moment. C’est un mauvais livre avant tout, mais il tombait à un moment où les médias en avaient besoin, un an après les événements des banlieues, six mois après la loi du 23 février 2005. Il n’y a qu’à voir Le Figaro, qui a titré «On peut enfin être fier de la colonisation», sans même s’attarder sur le fond du livre.

A.I. - M. Lefeuvre critique le concept de «fracture coloniale» qui lie la situation actuelle des Français issus de l’immigration à celle de leurs ancêtres. Faut-il, comme il le préconise, tourner la page, afin qu’ils trouvent leur place dans la société au lieu de s’enfermer dans le sentiment d’être un «indigénat [sic !] de la République» ?
P.B. A-t-on tourné la page sur Napoléon ? Sur Jeanne d’Arc ? Les quatre siècles et demi de présence française en Afrique ont été rejetés à la périphérie de notre histoire. Le débat sur la colonisation émerge à peine en France ! Tourner la page, bien sûr, mais avant il faut faire acte de connaissance. La jeunesse française originaire des anciennes colonies doit avoir une identité commune avec la Nation et pour cela on doit laisser l’histoire s’écrire. Sinon ces jeunes vont s’inventer une identité mythologique et dans dix ans ce sera bien plus violent qu’aujourd’hui. C’est la connaissance de l’histoire qui fonde les valeurs de la République.

Africa international, n° 346, novembre-décembre 2006

 

Pascal_Blanchard
© La Découverte

 

- sur les "entrepreneurs d'idéologie fonctionnant à la médiatisation..." : voir, sur ce site, la lettre de Gilbert Meynier (5 février 2006) à Arte après la diffusion du documentaire Les trois couleurs de l'empire.

 

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20 novembre 2006

Présences et réactualisations du passé colonial (8 décembre)

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Postcolonie : travail de mémoire, témoignage et impératif de reconnaissance 


Centre d'études européennes des Sciences-po, EHESS,

CRC Histoire comparée de la mémoire Université Laval, Québec

Mémoires historiques d'ici et d'ailleurs : regards croisés, 2006-2007

 


CEVIPOF, 98 rue de l'Université, 75007 Paris, salle Georges Lavau

Journée du 8 décembre 2006


Présences et réactualisations

du passé colonial

en France, en Afrique et ailleurs


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10h00 - 11h30

Catherine Coquery-Vidrovitch
Le passé colonial (français) entre histoire, mémoire et politique.

Donatien Dibwe dia Mwembu et Bogumil Jewsiewicki
Le passé colonial belgo-congolais, patrimoine commun mais difficile à partager.

11h30-12h00
Discussion

13h30 - 15h00

Françoise Raison
Intégrer mémoire et modes d'action anticoloniaux dans le présent : len 1971 le rejet dans le Sud malgache révolté de la mémoire de 1947.

Janine Ramamonjisoa
Mémoires de la colonisation dans un jeu de passages entre un présent mal maîtrisé et un passé ignoré dont la lecture est instrumentalisée.

15h30 - 16h30
Discussion

16h30 - 17h30
Marie-Claire Lavabre et Philippe JoutardPhilippe_Joutard
Commentaire de la journée

Discussion générale


Contact séminaire - Postcolonie : travail de mémoire, témoignage et impératif de reconnaissance

Philippe Joutard

Contact courriels

pjoutar@hotmail.comphoto_koss

Bogumil.Koss@hst.ulaval.ca

mariec.lavabre@sciences-po.fr



Bogumil Jewsiewicki


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- Répertoire des historien(ne)s du temps colonial

12 janvier 2007

History and the Culture of Nationalism in Algeria, un livre de James Mac Dougall (Gilbert Meynier)

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L’Algérie : nation, culture et idéologie

Gilbert MEYNIER

 

 

JamesMcDougallAu sujet d’un livre excitant : James MAC DOUGALL, History and the Culture of Nationalism in Algeria, Cambridge University Press, Cambridge, 2006, XIV-266 p. (ISBN: 0521843731 hardback, prix: 48,00£) - autre lien vers l'auteur

Ce livre a pour auteur un historien, qui est aussi un érudit arabisant, d’une variété encore assez rare à trouver parmi tant de maghrébologues français, qui n’ont souvent guère été à même de réaliser en eux-mêmes la décolonisation de l’Algérie en se mettant résolument à l’arabe. Je le dis avec d’autant plus de vergogneuse sérénité que, personnellement, l’auteur de ces lignes ne lit l’arabe que lentement, et toujours un dictionnaire à portée de main.

James Mac Dougall a, lui, mis sa profonde connaissance de l’arabe pour lire, à profusion, et se pénétrer des textes fondateurs de la salafiyya version algérienne – entendons les productions des ‘ulamâ’, qu’il dénomme tout uniment les «salafî(s)» (1). Avec une étourdissante maîtrise de la plupart de ces textes, il nous livre une thèse excitante : il montre avec de solides preuves que la résistance algérienne à la domination coloniale a d’autant plus été exprimée – duzaytuna_mosque_minaret moins proclamée –  qu’elle émanait de milieux exclus du centre de cette domination ; notamment de ces cultivés de culture arabe, expulsés ou exilés, que l’on retrouve, aux XIXe et XXe siècles, au Caire, et surtout à Tunis [ci-contre, université-mosquée al-Zaytûna, Tunis], en commerce avec les plus prestigieux foyers de la civilisation islamo-arabe, les université Al-Azhar et Al-Zaytûna. On sait aussi que le passage formateur par la Tunisie ou/et par l’Égypte fut essentiel pour la formation, au XXe siècle, de nombre d’Algériens de culture arabe.

Dans une analyse circulaire impressionniste – l’impressionnisme ayant souvent mieux laissé voir le réel que l’académisme épris de réalisme formel –, de celles dont les savants anglo-saxons nous ont rendues familiers, J. Mac Dougall étudie le milieu de la khâssa (élite) de culture arabe émigrée. Il montre ses propensions au discours résistant anticolonial à ancrages islamo-arabes, à distance de ces «évolués» de formation scolaire française, qui fluctuèrent longtemps dans le registre de l’entre-deux, voire de la schizophrénie, entre leurs ancrages culturels originels et leurs enthousiasmes francophiles sans lendemain : c’est ce qu’on a pu dénommer le complexe haine/fascination ou, sur un plan plus politique, la «résistance-dialogue» (Abdelkader Djeghloul).

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source

Même dans un mouvement indépendantiste, et dans une génération acquise à la rupture d’avec le dominateur colonial – celle du PPA-MTLD –, la résistance put toutefois ne pas exclure les ancrages berbères de la définition de la nation algérienne. D’où la «crise berbériste» du MTLD, qui fut jugulée autoritairement sous l’égide de Messali en 1949, sous l’oriflamme de l’islamo-arabisme.  Dès lors, et pendant des décennies, la référence à un fait berbère, valorisé par calcul par le colonisateur, fut par les nationalistes certifiés vouée aux gémonies de la traîtrise. Ce fait berbère, le fabricant d’histoire nationaliste Ahmed «Tawfiq» al-Madanî – qui fut une manière de Lavisse algérien – en fut quelque peu embarrassé : il hésita entre la résolution de le voir comme originellement sémite et frère en arabité des protagonistes échafaudés par les artisans des mythes islamo-arabes, d’une part, et la crainte que ces Berbères des origines n’aient été des ancêtres quelque peu indignes : que faire de leurs croyances et de leur polythéisme initiaux ; et aussi, que faire d’une religion carthaginoise qui s’adonnait aux «sacrifices molek» des enfants ? On y reviendra.

Étant entendu que, dans le même temps, A. T. al-Madanî imaginait les Phéniciens et les Carthaginois en proto-Arabes dispensateurs de civilisation et annonciateurs d’Islam et que les «Romains» avaient une fois pour toutes été déclarés colonisateurs oppressifs. Le discours colonialiste simplificateur manichéen avait bien énoncé que toute civilisation provenait d’Europe. Le contre-pied –c’était de bonne guerre–, était d’affirmer que toute civilisation venait d’Orient. Cela correspondait d’ailleurs à nombre de légendes sui generis, qui évoquaient l’origine cananéenne – palestinienne, dirait-on aujourd’hui– des Afro-Numides. A. T. al-Madanî identifiait pratiquement ces Kan‘anî aux Phéniciens, d’où Carthage était issue.

Ce qui ressort du livre de J. Mac Dougall est que les résistants de l’extérieur (A. T. al-Madanî était né à Tunis en 1898 ; il fut emprisonné, adolescent, pendant la guerre, à Tunis, et il ne «revint» en Algérie qu’en 1925) formaient un peu une catégorie à part, loin des soubresauts immédiats de leur patrie d’origine ; et que, dans l’exil, ils auraient incarné la permanence d’une résistance, à l’abri des contaminations coloniales. En vérité, même une incarnation de la culture arabe classique comme A. T. al-Madanî était loin d’ignorer le français, ce que le livre ne mentionne pas : des témoins qui conversèrent avec lui – Jean-Paul Chagnollaud ou Omar Carlier, pour ne citer qu’eux – peuvent l’attester. Cela même si telles biographies pieuses ne veulent pas le savoir.

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Et on a pu alléguer que, même le parangon de la khâssa arabe cultivée, construit comme un emblème de l’islam réformé et de l’arabe, Abdelhamid Ben Bâdis [photo ci-dessus], ne l’ignorait pas non plus totalement : même l’élite de la cléricature vivait dans un milieu citadin colonisé. Au-delà des prises de position principielles que mentionne justement J. Mac Dougall, il y avait la vie au jour le jour de ces notables, et, entre eux, même à Constantine, qu’on a pourtant dit moins ouverte que Tlemcen, pas vraiment de muraille de Chine séparant «arabisants» et «francisants». Un Mouloud Ben Bâdis fut avocat, donc évidemment francophone, et nombre de membres de la famille furent des élus et/ou des personnages officiels au sens colonial du terme.

Pour nous en tenir au milieu notable constantinois, on peut rappeler la figure de «El Hadj Abdallah». Les cultivés en arabe évoqués par J. Mac Dougall, qui se rangèrent contre la France pendant la première guerre, sous l’oriflamme du pouvoir jeune-turc et de Hadj Guillaume réunis (2), ne furent pas à coup sûr, pour les Allemands, les recrues les plus importantes, en tout cas ceux qui aient été forcément les plus considérés : le «lieutenant indigène» (comprenons lieutenant de seconde zone, en français colonial) Rabah Boukabouya, issu de la notabilité constantinoise, qui déserta de l’armée française sur le front au printemps 1915, se retrouva à Berlin sous le nom de «El Hadj Abdallah». Il avait été avant la guerre instituteur dans le systèmedd_1 d’enseignement colonial : il était donc, évidemment, francophone. Il fut notamment  l’auteur d’un fascicule très diffusé par les Turco-Allemands sur l’Islam dans l’armée française, dont, avec honnêteté, James Mac Dougall m’a dit avoir retrouvé la trace jusqu’à… Singapour. Et il fut, entre autres choses, chargé d’abondance de haranguer les prisonniers musulmans issus des armées anglaise ou russe, mais principalement française, internés dans le Halbmondlager (le camp du croissant), sis à Zossen, à 40 km au sud de Berlin (3). Boukabouya, qui était à même de haranguer des Maghrébins dans son dialecte constantinois par eux compréhensible, fut sans doute, à ce titre, bien aussi considérable que le lettré de culture arabe Salah Cherif sur lequel insiste J. Mac Dougall.

S’il a raison de souligner, de manière exemplairement neuve, le rôle de ces exilés, il ne faut sans doute pas plus les imaginer coupés de leur patrie d’origine qu’il ne faut opposer essentiellement les «salafî(s)» du cru aux «évolués» de l’intérieur restés en terrain algérien. Et, pour parfaire le tableau, il faut dire le poids de la socialisation chez les élites citadines, soudées, notamment, pas l’intrication des liens matrimoniaux. L’auteur dit clairement que jamais aucun «salafî» ne fut un thâ’ir (révolutionnaire) (4) ; en cela, un «salafî» ne se distinguait guère de l’ensemble des a‘iyân (notables), fussent-ils des «Jeunes Algériens» à la Ferhat Abbas. Et rappelons que ce dernier, qui figura tant la francisation, avait commencé à écrire en signant «Kemal Abencérage», un nom (Ibn Sarrâj) qui évoquait bien la nostalgie de l’Andalousie perdue. Et que le dirigeant des «Élus», le docteur Mohammed Salah Bendjelloul, ait pu organiser, par souci de di‘âiya (propagande politique) des zarda(s) festives en l’honneur de tel saint populaire, honnies par les «salafî(s) », ne l’arrime pas pour autant au peuple : quoi qu’il pût faire, un médecin appartenait d’emblée à la khâssa. Et même, dans les rangs des «salafî(s)», James Mac Dougall montre que ces derniers ne formèrent pas un bloc monolithique, même si c’est là plus une idée que le lecteur retire de son texte qu’une démonstration systématique qui en est faite. Il mentionne en tout cas, sous la dénomination générique de «salafî(s)», des personnalités fort différentes.

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Oulémas réformateurs algériens dans les années 1930 (source : CAOM) :
marqué d'une croix, le cheikh Ben Badis ; à sa droite Fodil Ouartilani

Le titre même du livre, où figure le terme de «culture» rend en effet bien compte de l’univers de la salafiyya algérienne (en Algérie, on préférait le terme de islâh), incarnée par un Ben Bâdis. Chez ce dernier, dans le triptyque célèbre énonçant l’islamité, l’arabité et la patrie algérienne, on en reste principalement à un ancrage culturaliste islamo-arabe, qui se suffit à lui-même pour aboutir à une définition identitaire, dont la problématique nationale proprement dite ne me paraît qu’à peine amorcée. Avec l’historien «salafî» Mubarak al-Milî, il en va déjà un peu différemment. Mais avec A. T. al-Madanî, on est indiscutablement déjà dans le national, ainsi que l’indique sa fameuse géographie énonçant, et cartographiant l’Algérie en centre du monde ; ou encore sa «guerre de 300 ans entre l’Algérie et l’Espagne 1492-1792» (5). Son homologue français Ernest Lavisse n’avait, lui, osé n’en bâtir une que de cent ans pour la France. Toute la fantasmatique origine orientale des Algériens porte, là aussi, bien l’estampille du national, de même que l’édification de la galerie nationale algérienne de portraits, de Jugurtha à l’émir Abd El Kader, qui constitua le symétrique de la galerie nationale française de portraits, de Vercingétorix à Napoléon. Et, ressemblance supplémentaire, un semblable traumatisme originel : une fin cruelle dans une prison de Rome, cela à seulement 58 ans de distance.

Avec A. T. al-Madanî, on est indiscutablement dans ce que Eric Hobsbawm et Terence Ranger dénomment «invention of tradition» (6). Certes, dans toute «invention of authenticity»  (J. Mac Dougall), il y a un fort tissu mythique qui ne peut pas ne pas comporter de contradictions. L’auteur montre remarquablement que, chez A. T. al-Madanî, le statut du substrat berbère est assez flottant : tantôt les Berbères sont dits d’origine sémito-orientale, linguistiquement et même ethniquement, tantôt ils sont campés en vrais Algériens originels. Et, on l’a dit, il fut quelque peu embarrassé par Carthage, à la fois hautement célébrée comme annonciatrice du télos –qui fut le vrai commencement : l’aube islamo-arabe – et infestée des condamnables sacrifices d’enfants. A. T. al-Madanî s’en tire par une pirouette, qui ne peut pas quelque peu entacher sa mythification : la destruction de Carthage, en 146 av. J. C. , est évoquée comme une punition divine émanant du vrai Dieu de la vraie foi en devenir. Pour résumer, tout ne se passa-t-il pas comme si, avec Ben Bâdis, on était bien encore dans la culture, quand, avec A. T. al-Madanî, on est bien davantage dans l’idéologie nationaliste ? Mais c’est là un point de vue que Mac Dougall ne formule pas vraiment, ou seulement par prétérition.

Et toute résistance s’inscrit-elle dans le national ? Tout résistantialisme peut-il être uniment dénommé nationalisme ? L’auteur, nous semble-t-il, utilise «nationalism» et «nation» sans que ces termes recouvrent une réalité vraiment élucidée et stable. On le suivra bien sûr dans son «invention of authenticity» ; mais à quel corpus et à quel espace – spatial, mythique – se rapporte ladite «invented authenticity» ? Il note bien incidemment que les références «nationales» flottent, de l’algéro-algérien au monde arabe, via le Maghreb. À notre sens, un critère opératoire pour authentifier le national, dans la lignée des travaux de l’historien spécialiste de l’Asie du Sud-Est Benedict Anderson (7), est le degré de sécularisation du sacré. Et, en ce sens, A. T. al-Madanî est bien un ‘âlim (8) moderne, qui bricole et manipule le culturalisme islamo-arabe pour édifier une nouvelle sacralité, celle précisément du national. Les historiens officiels de l’Algérie indépendante, les auteurs des manuels scolaires notamment, n’ont pas en tout retenu ses apports, et ils ne l’ont sans doute guère recherché : il ne s’inscrivait pas, lui, dans la médiocrité culturelle qui fut officiellement et délibérément mise en place. James Mac Dougall note bien au passage l’isolement de A. T. al-Madanî après 1962.

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Mémoires de A. Tawfiq al-Madanî (3e vol.)

 

Ceci dit, la résistance, énoncée par des élites exilées, n’empêcha pas bien sûr la permanence des résistances de terrain de 1830 à 1962, certes selon des intensités et des modalités différentes selon les périodes. Et on aimerait mieux comprendre, après avoir lu le livre de J. Mac Dougall, ce que furent les corrélations entre les exhortations extérieures et le terrain, les allers-retours entre intérieur et extérieur. Le discours de l’islâh se met en place en Algérie autour de la première guerre mondiale, puis dans le contexte des luttes politiques des années 20, marquées par le combat politique de l’émir Khaled et l’action du Mouvement des Élus des Musulmans. Est-il indifférent que A. T. Al-Madanî soit en prison (de 1915 à 1918) au moment où se déclenche l’insurrection de l’Aurès-Belezma (1916-1917), qui fut impitoyablement réprimée ? Étant entendu que cette insurrection porta plus la marque d’un patriotisme résistant que d’un nationalisme encore dans les limbes ; et que les bourgeois de village et les jeunes notables ruraux qui l’encadrèrent annoncent l’encadrement du FLN du 1er novembre 1954 : pour nombre d’entre eux, la nation n’était guère dans leur problématique : ils étaient des patriotes, voire des étatistes brûlant de se construire une machinerie de pouvoir – un État – pour satisfaire des ambitions de pouvoir (9). Ceci dit, il y eut par ailleurs, entre autres au Congrès de la Soummam, puis dans les ministères du GPRA ou à la rédaction du Moudjahid/Mujâhid, des dirigeants et des militants du FLN pour réfléchir à la formation de la nation.

Les historiens savent aujourd’hui que ce sont les nationalistes qui forgent la nation, et non l’inverse. Et on sait, dans les constructions nationales, le rôle souvent joué par les marginaux et les expatriés : comme dans le célèbre Va pensiero ! du chœur des Hébreux, dans le Nabucco de Verdi, l’identité s’exprime dans et par l’exil : c’est bien là la thèse, féconde et stimulante de J. Mac Dougall. Or, jusqu’alors, les historiens de l’Algérie ont principalement étudié l’émigration de travail, la ghurba (l’exil, l’expatriation) en France, sans laquelle il est impossible de comprendre la création de l’Étoile Nord-Africaine, d’où est issu le PPA, apatrié en Algérie à partir de 1937. Le fait de montrer l’importance de la ghurba des élites de culture arabe n’empêche pas que la ghurba de travail a bien été d’une importance historique décisive ; et la place des Kabyles, berbérophones,  y est longtemps restée majeure… même si ce fut un Tlemcénien – donc un arabophone – qui en prit très tôt la direction, le za‘îm Messali Hadj. Il fut bien un expatrié, peu profondément cultivé en arabe, certes, mais cela ne l’empêcha pas de devenir aux yeux du peuple algérien l’incarnation de la résistance à la domination coloniale. Il y aurait d’ailleurs à méditer sur le fait qu’une communauté ouvrière très majoritairement berbérophone ait porté à sa tête un compatriote arabophone, qui ne fit, au surplus, que demeurer passagèrement dans la condition ouvrière.

James Mac Dougall  étudie, dans un long chapitre, les ancrages identitaires berbères, allégués ou historiquement attestés, la crise berbériste, le refoulement du fait berbère dans le mouvement indépendantiste/national : il y eut durablement, en Algérie, non-débat sur la nation. Ce non-débat aboutit in fine à un discours officiel exclusif magnifiant l’origine islamo-arabe des Algériens. Mais ce discours même eut besoin d’être martelé, précisément en raison probable des non dits et du refoulement des autres possibles d’une identité historiquement plurielle. Avec une prudence qu’il faut saluer, J. Mac Dougall ne se prononce évidemment pas sur une véritable identité algérienne, ne serait-ce que parce que, nonobstant l’existence de constantes, les véritables identités n’existent pas en histoire, si ce n’est selon un processus dynamique, sous la forme d’identifications, sans cesse fluctuantes et modifiées : avec lui, nous avons affaire à un vrai historien, non à un idéologue.

On s’interrogera pour finir sur la signification d’un autre thème abordé dans son livre : celle du culte rendu en Algérie aux saints du terroir, comme le si célèbre Sidi ‘Abd al-Rahmân al-Tha‘âlibî à Alger ; ou encore du statut de charîf de l’émir Abd El Kader. On aimerait élucider si la révérence qui les entoura fut, à sa place, une expression de la résistance aux Français. Certes, le pouvoir colonial s’était employé à instrumentaliser et à clientéliser à son profit les marabouts ; et de son côté le chaykh Ben Bâdis dénonça sans relâche les cultes à eux rendus comme impieusement entachés de chirk (10), tout comme son quasi-compatriote Saint Augustin (11) avait pareillement pourfendu avec âpreté ces purgamenta (déchets) du monothéisme chrétien un millénaire et demi plus tôt. Et pourtant, les saints locaux participèrent de ce nafs évoqué par James Mac Dougall, et que l’arabisant Joseph Desparmet (13) a évoqué comme l’incarnation de l’Algérie des profondeurs. L’historien de l’Antiquité africano-romaine Mercel Benabou (14), de son côté, a vu dans le maintien tenace des cultes locaux sui generis, face au panthéon gréco-romain, la preuve d’une résistance à la romanisation ; cela alors même que les Romains tâchèrent eux aussi de manipuler les Dii mauri (dieux maures) dans leurs stratégies politico/religieuses. Alors, vérité antique ne serait pas (ou serait) vérité contemporaine ? Ou bien y aurait-il eu des ruptures radicales dans le sacré populaire, de l’Antiquité à la période coloniale récente ? Ou à l’inverse une longue continuité ?

Toutes ces questions, le lecteur passionné ne se les pose que parce que le livre excitant de James Mac Dougall ne peut que susciter la réflexion et le débat. Et il est bien vrai, pour conclure, que l’ «invention of authenticity» de facture islamo-arabe a bien abouti à la variante terminale récente, celle de l’idéologie officielle algérienne. Sauf que, par rapport à un grand comme A. T. al-Madanî, elle n’a retenu qu’un corpus vaguement émané de ses assertions, sous l’impulsion de tant de sous-produits d’Al Azhar, importés pour réaliser de manière irréversible l’ «arabisation», ou sous l’égide de la platitude ampoulée de leurs émules du cru. Sauf à considérer par exemple l’un des plus illustres d’entre eux, feu Mouloud Kacem Naït Belkacem, comme un digne descendant du fabricant majeur d’histoire nationale (15) que fut l’auteur du Kitâb al-Jazâ’ir et de Haiyyât kifâh. Ce que, par respect pour Ahmed «Tawfiq» al-Madanî, l’historien clairvoyant se gardera bien d’alléguer.

Gilbert Meynier

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(1) Terme issu originellement de la salafiyya, mouvement d’aggiornamento de l’islam, centré principalement dans les foyers égyptiens, et remontant à la fin du XIXe siècle. Le terme de salafî a pris aujourd’hui un sens bien différent, qui en fait, dans les acceptions actuelles, un quasi-synonyme d’islamiste.
(2) Les Algériens pensaient alors couramment que, ennemi de la France, l’empereur d’Allemagne Guillaume II était musulman ; ce pour quoi il fut révéré dans des chansons populaires sous le nom de «Hadj Guillaume».
(3) Et non à 80 km, ainsi que l’écrit Mac Dougall. Les Allemands y avaient construit une grande mosquée en bois, qui fut détruite en 1927 par un incendie. Il y subsiste un vaste cimetière, parsemé encore aujourd’hui d’un grand nombre de tombes musulmanes, souvent en mauvais état depuis les dégâts causés par les bombardements de l’aviation américaine en 1945.
(4) On sait que les ‘ulamâ’ ne rejoignirent pas spontanément le FLN, et qu’il ne le firent pas toujours avec un enthousiasme exagéré, et en tout cas pas avant 1956.
(5) Harb al-thalâthimi’at sana bayna l-Jazâ’ir wa Isbâniya 1492-1792, SNED, sd (sans doute 1967, plutôt que 1972 comme l’indique avec un point d’interrogation l’auteur : je crois avoir acheté le livre à Alger en 1968).
(6) The Invention of Tradition, Cambridge University Press, 1983.
(7) Imagined communities. Reflections on the Origin and Spread of Nationalism, Londres-New York, Verso, 1995.
(8) Littéralement un savant (plur. ‘ulamâ’).
(9) Cf. à ce sujet l’excellent livre de John Breuilly, Nationalism and the state, The University of Chicago Press, Chicago-Manchester, 1994
(10) Le fait de donner à Dieu unique des associés.
(11) Né à Thagaste (Souk Ahras).
(12) Esprit, génie du Peuple.
(13) Qui ne fut sans doute pas seulement un «dialectisant», ainsi que  l’écrit J. Mac Dougall.
(14) La Résistance africaine à la romanisation, Maspero, Paris, 1975, rééd. La Découverte, Paris, 2005
(15) Y eut-il jamais, en Algérie, quelqu’un pour vraiment prendre au sérieux, par exemple, l’assertion qui était chère à Mouloud Kacem, selon laquelle l’Algérie d’avant 1830 était une «superpuissance» ?

 

liens

- "S'écrire un destin : l'Association des ‘ulama dans la révolution algérienne", James Mac Gougall (juin 2004), Ihtp-Cnrs

- "Soi-même comme un autre. Les histoires coloniales d'Ahmed Tawfiq al-Madanî (1899-1983)", Revue des Mondes musulmans et de la Méditerranée (article seulement référencé)

- Nation, Society and Culture in North Africa,  Routledge, mai 2003.
 

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10 janvier 2007

Disparition (Ben Barka). 41 oeuvres

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41ème anniversaire de

l'enlèvement et de l'assassinat de

Mehdi Ben Barka

41 artistes s'engagent en présentant une œuvre lors de

L' EXPOSITION-MANIFESTE

Disparition (Ben Barka). 41 oeuvres

 

Si le thème de la disparition hante la création contemporaine, les 41 artistes  participant à ce manifeste, en affrontent la radicalité.

Quoi de plus radical que la disparition de Mehdi Ben Barka ?

Disparition physique, jusqu'à toute trace de sépulture connue. Disparition, dénégation, dissimulation, mensonge institué pour ne pas reconnaître les responsabilités. Œuvre concertée d'engloutissement, d'abolition. Disparition aussi, d'un projet, d'une espérance qu'incarnait le leader assassiné.

Ces artistes reconnus, pour la plupart de renommée internationale, qu'ils soient sculpteurs ou peintres ou encore photographes, aux langages et aux techniques si diverses, qu'ils soient figuratifs ou abstraits, qu'ils aient vécu dans leur chair la volonté d'abolir l'humain qu'est la torture - c'est le cas de plusieurs d'entre eux - ces artistes s'engagent.

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Face à la disparition, cet impensable, ils opposent une œuvre libre, une exigence, une existence.

EXPOSITION-MANIFESTE
Disparition (Ben Barka): 41 oeuvres

du 7 Février au 4 Mars 2007

à la Galerie de l'Entrepôt,
7-9 rue Francis de Pressensé, Paris 14 ème. Métro Pernety.

Elle sera accompagnée de plusieurs manifestations engageant d'autres artistes.
Aux côtés de l'Institut Mehdi Ben Barka-mémoire vivante, de La Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme, de La Ligue Française des Droits de l'Homme et de  Mémoire-Vérité-Justice sur les assassinats politiques en France,


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14 novembre 2006

Colonisation : Sarkozy rejette la faute

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Jacques Ferrandez (source)

 

Colonisation : Sarkozy rejette la faute

"On ne peut pas demander aux fils de s'excuser des fautes

de leurs pères" a affirmé, à Alger, le ministre

 

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Nicolas Sarkozy et son homologue algérien
Noureddine Yazid Zerhouni

Le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, en visite en Algérie, a qualifié de système colonial français d'"injuste" tout en excluant de présenter des excuses.

Le ministre de l'Intérieur avait entamé sa visite par un lieu hautement symbolique, le Monument des Martyrs, dédié aux victimes de la guerre d'Algérie, sur les hauteurs d'Alger : "C'est une façon d'exprimer mon amitié aux Algériens que de me recueillir devant un monument qui relate beaucoup de souffrances".

"Le système colonial est injuste. Des femmes et des hommes des deux côtés de la Méditerranée ont eu des souffrances", a-t-il répondu, interrogé sur cette repentance exigée. Avant de souligner que "la France se veut tournée vers l'avenir commun" et d'appeler au nécessaire "effort de compréhension réciproque".

Pas d'excuses
Toutefois, dans la soirée, alors qu'il s'exprimait lors d'un cocktail donné à l'ambassade de France devant un parterre de ressortissants français, Nicolas Sarkozy s'est montré réticent à l'idée d'excuses officielles réclamées par Alger.
"J'ai dit au Premier ministre Abdelaziz Belkhadem qu'on ne peut pas demander aux fils de s'excuser des fautes de leurs pères"
, a révélé le ministre devant les Français d'Algérie qu'il a rencontrés lundi soir à la résidence de France d'Alger.
Un an après le vote d'une loi, en 2005, dont l'article 4, abrogé depuis, célébrait les "aspects positifs" de la colonisation française, "le contexte est extrêmement difficile, entre l'Algérie et la France", a relevé Nicolas Sarkozy en s'exprimant devant des journalistes français. "C'est même ce qui justifie ce voyage", a-t-il estimé, voyage "qui a été préparé en plein accord avec le président de la République", a-t-il réitéré pour la cinquième fois de la journée.

 

"C'est lui qui m'a demandé de venir, le président essaye qu'on apaise les choses entre les deux pays, cette première journée a permis de le faire", a jugé Nicolas Sarkozy, y voyant la preuve dans le fait qu'il avait, l'après-midi même, déposé des gerbes au cimetière chrétien et au carré juif "avec le ministre (algérien) délégué aux Collectivités locales", Dahou Ould Kablia. Dans ce contexte "extrêmement difficile", il "faut du temps (et) il y a eu assez d'humiliations pour chacun des deux pays", a estimé le numéro 2 du gouvernement français.

Pas de traité d'amitié
Si Nicolas Sarkozy est venu "pour apaiser", il ne l'a pas fait "pour signer un traité d'amitié". Un tel acte, a-t-il poursuivi, "c'est une histoire entre le président de la République et M. Bouteflika, c'est entre les deux chefs d'Etat, je ne suis pas là pour signer un traité d'amitié", a-t-il répété.

Le ministre algérien de l'Intérieur Noureddine Yazid Zerhouni a affirmé de son côté lundi à Alger que le moment n'était pas favorable pour signer le traité d'amitié entre l'Algérie et la France.

"Je crois, et c'est mon avis personnel, que, compte tenu des contingences actuelles, le moment n'est pas favorable pour signer le traité d'amitié entre l'Algérie et la France", a-t-il déclaré à la presse à l'issue de ses entretiens avec Nicolas Sarkozy.

"Il y a encore des efforts à faire pour créer un consensus le plus large possible", a souligné le ministre algérien, en ajoutant qu'il partageait l'avis de Nicolas Sarkozy "lorsqu'il dit qu'il vaut mieux encore construire parce que l'amitié ne se décrète pas".

"Il vaut mieux encore construire cette amitié et la construire par la réalité quotidienne", a insisté Noureddine Yazid Zerhouni en soulignant que "le traité d'amitié pourrait venir à ce moment-là pour couronner et confirmer une situation".

(avec AP)
source : Nouvelobs.com
14 novembre 2006 - 12 h 20



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3 novembre 2006

Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique n° 99

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photo de droite, le port de Dzaoudzi à l'époque coloniale, Mayotte.
© Archives La Documentation française. Photo Gouverneur Coudert/ R. Legrand.

 

Cahiers d'histoire.

Revue d'histoire critique n° 99

Relectures de l'histoire coloniale




JAHAN

Sommaire

 

* Le mot de la rédaction

 

* Dossier

Introduction

 

Trous de mémoire, silences et relectures apologétiques :
un négationnisme en histoire coloniale ?

Sébastien Jahan (photo ci-contre)

Autour d'un anniversaire : Dien Bien Phu en 2004,
Alain Ruscio

Le rétablissement de l'esclavage en Guadeloupe :
mémoire, histoire et "révisionnisme" 1802-2002,

Frédéric Régent

Le négationnisme colonial, de l'Université à la
littérature de gare,

Francis Arzalier

Guerre coloniale française et génocide rwandais : la
responsabilité, l'implication de l'État français et sa négation,

Catherine Coquio

Colonisation et décolonisation dans les manuels
scolaires de collège en France,

Raphaël Granvaud

* Chantiers

"Années de plomb" : bataille des mémoires sur la
dictature civile-militaire au Brésil (1964-1984),
Benito Bisso Schmidt

Usages coloniaux des représentations raciales, 1880-1930,
Carole Reynaud-Paligot

* Débats

Enjeux actuels et temps coloniaux,
Daniel Hémery

* Livres lus

Pour achat :

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Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique  au prix
de 12 euros l'exemplaire

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Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique
8, avenue Mathurin Moreau
75167 Paris Cedex 19

 




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29 décembre 2006

le "parti colonial" - Réseaux politiques et milieux d’affaires : les cas d’Eugène Étienne et d’Auguste d’Arenberg

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le "parti colonial"

Réseaux politiques et milieux d’affaires :

les cas d’Eugène Étienne et

d’Auguste d’Arenberg

Julie d’ANDURAIN

 

Lors de sa naissance, le «parti colonial» est essentiellement incarné par deux personnages : Eugène Étienne (1844-1921) et Auguste d’Arenberg (1837-1924). Ils ont été deux des membres fondateurs du Comité de l’Afrique française en 1890, qui trouve deux ans plus tard une expression politique à l’Assemblée nationale sous la forme d’un groupe appelé abusivement «le parti colonial». Au-delà de ces deux personnages finalement peu connus (1), la fondation de ce groupe colonial et de ses multiples extensions pose encore problème. Ce groupe poursuivait-il un but nationaliste ou économique ? Les liens entre le monde politique et les milieux économiques étaient-ils réels ou fantasmés ?

La première question, posée il y a près de quarante ans, avait trouvé une réponse jusqu’à ce que des ouvrages plus récents la remettent au moins partiellement en cause. Deux thèses se distinguent : celle défendue par Henri Brunschwig (2), Charles-Robert Ageron (3) et les historiens anglo-américains, A.S. Kanya-Forstner et Christopher Andrew (4), qui insiste sur un projet strictement impérialiste mu par un souci de prestige national, et la thèse plus récente de L. Abrams et D.J. Miller (5), reprise en partie par Marc Lagana (6), qui placent les questions économiques au cœur du projet du «parti colonial». Mais les dernières thèses confondent trop souvent le groupe colonial avec un ensemble des structures apolitiques dont les visées sont essentiellement économiques.

Il est donc nécessaire de faire la différence entre le réseau strictement politique (le «parti colonial» de l’Assemblée nationale et du Sénat) et ceux, multiples, qui ont une vocation économique. Il est nécessaire également de rappeler que le «parti» colonial ne fut pas un parti au sens strict du terme, mais une association de députés puis de sénateurs de groupes divers ayant pour but de développer l’expansion coloniale. Le terme parti colonial étant impropre, l’expression groupe de pression ou lobby colonial serait plus appropriée. Quant aux comités coloniaux, leur but est à la fois de servir d’instruments d’information et de propagande.

Notre chapitre est donc moins une histoire du «parti colonial» ou de ses fondateurs qu’une tentative pour comprendre la genèse du groupe colonial à travers deux de ses personnages emblématiques. On se concentrera ici sur la période 1890-1902 au cours de laquelle se met en place ce qu’il conviendrait d’appeler le «premier parti colonial». 1890 est le point de départ de leur association à travers le Comité de l’Afrique française ; 1902 est la date où le prince d’Arenberg quitte l’Assemblée nationale. On verra que, si tout oppose Eugène Étienne et Auguste d’Arenberg à l’origine, ils se rejoignent pourtant en 1890 afin d’accomplir un grand dessein. Il s’agit de tourner le dos à la période de recueillement qui avait suivi la défaite de 1870 et de conquérir l’Afrique. Leur projet, très nettement impérialiste, se concrétise d’abord dans le Comité de l’Afrique française puis dans le groupe colonial de la Chambre des députés. Au tournant du siècle cependant, l’argumentation politique cède le pas. Le raisonnement économique apparaît plus souvent dans les discours. Il s’agit pourtant de comprendre s’il résulte une réelle volonté de développement ou s’il est utilisé comme un argument de propagande.

 

 

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Couverture du cahier scolaire par G. Daschner, vers 1900

 

1. Le poids des héritages

Le prince Auguste d’Arenberg est un héritier tandis qu’Eugène Étienne est un «homme nouveau» ; l’un est royaliste et fervent catholique, l’autre républicain. Ils vont cependant devenir des alliés et créer ainsi l’un des groupes les plus originaux et les plus puissants à la Chambre des députés sous la Troisième République.

A. Deux hommes, deux parcours : un fort contraste social

Né le 15 septembre 1837, le prince Auguste Louis Albéric d’Arenberg (7)  [photo : le prince d'Arenberg en 1858 - source] appartient  à la branche française 018_2de la famille ducale de ce nom. Il est le fils de Pierre d’Arenberg (1790-1877) qui était devenu duc et pair de France après s’être rallié à Charles X (1827). Par sa mère, Alix-Marie Charlotte de Talleyrand-Périgord, la filiation est tout aussi prestigieuse. Auguste d’Arenberg est donc un héritier ; une vie oisive et sportive l’attend.

Eugène Napoléon Étienne naît quant à lui le 15 décembre 1844 dans un milieu militaire. Fils d’un officier sorti du rang et d’une mère originaire de Corse, son univers d’enfant est celui des garnisons d’Afrique du Nord, en particulier celle de Tlemcen au sud-ouest d’Oran. «C’est au milieu de ce cliquetis d’armes, dans ce bruit de fanfare et de cuivres, devant ce déploiement de fanions, d’étendards et de drapeaux, dans cette atmosphère permanente de parades militaires qu’Eugène Étienne fixa ses premières impressions» (8). Ses parents ne sont pas riches, mais dans les dernières années de sa vie, le père d’Eugène Étienne opère de très bons placements. Il acquiert des immeubles à Tlemcen à un moment où la pression immobilière n’estetienne pas forte. Rapidement, il fait figure de grand propriétaire foncier. C’est ensuite le développement économique, de l’Algérie en général et de Tlemcen en particulier, qui assure à sa veuve l’assurance d’une rente intéressante. Avec une aisance financière nouvelle, les ambitions familiales se développent aussi. Mme Étienne décide d’envoyer ses deux fils, Eugène et Théodore, d’abord au lycée Napoléon d’Alger (de 1856 à 1858) puis à Marseille pour y entrer dans les classes préparatoires aux grandes écoles de l’État. Étienne rêve de Saint-Cyr, un rêve partagé sans doute par sa famille. Cependant, en 1863, à Marseille, sa vie prend une autre tournure. S’éprenant d’une jeune fille, il accepte de renoncer à Saint-Cyr (son futur beau-père ne veut pas d’un second gendre militaire (9)) pour épouser sa belle. Le jeune Étienne est alors introduit dans les milieux économiques marseillais.

B. Enracinement paysan et enracinement méditerranéen

Pour Auguste d’Arenberg, le parcours est nécessairement différent. Issu d’une famille de grands notables, l’affirmation de la République ne peut pas lui faciliter l’entrée en politique. Faute de pouvoir choisir un appui politique établi à l’Assemblée, le prince d’Arenberg s’assure avant tout d’une base locale. En possession d’une grande propriété dans le Cher – le château de Menetou-Salon –, d’Arenberg est un jeune homme sportif, ancien officier des mobilisés du Cher en 1870.  Comme les autres grandes familles du Cher, les Vogüé ou les Greffulhes, d’Arenberg utilise son ancrage dans un terroir régional pour asseoir sa popularité. Après la guerre franco-prussienne, il se tourne vers la représentation politique en commençant par se faire élire dans son fief, conseiller général du canton de Saint-Martin d’Auxigny. Mais c’est un canton rural, loin de tous les circuits économiques du pays. Cela ne peut pas le satisfaire très longtemps.

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château de Menetou-Salon (Berry, France)

Il a quarante ans lorsqu’il devient député. Candidat conservateur du maréchal de Mac-Mahon, il est élu le 14 octobre 1877 dans la 1re circonscription face au député sortant, M. Dévoucoux, président de la gauche républicaine. Pour obtenir l’élection, il a abandonné l’étiquette monarchiste qui l’aurait sans aucun doute empêché d’être élu, mais siégeant à droite, le prince d’Arenberg vota constamment avec les monarchistes. Au renouvellement de 1881, d’Arenberg est candidat dans la même circonscription, mais échoue devant M. Chéneau, conseiller général, maire de Brécy (Cher) candidat républicain opportuniste et patronné par Henri Brisson. Il reste alors conseiller général de Saint-Martin d’Auxigny et attend les élections d’octobre 1885 pour pouvoir se représenter comme candidat des conservateurs du Cher. C’est encore la liste opportuniste restée seule face à la liste monarchiste qui passe finalement au second tour. La carrière parlementaire de D’Arenberg ne se présente pas sous les meilleurs auspices. Son élection n’est pas assurée autant qu’il le souhaiterait. Il est donc difficile dans ces conditions de considérer le Prince d’Arenberg comme un homme politique de premier plan. Il conserve cependant une fortune, un nom prestigieux et une signature qu’il sait faire fructifier plus tard.

Son séjour à Marseille fait d’Eugène Étienne un spécialiste des questions maritimes. Durant sa jeunesse, la relation qu’il entretient avec Oran reste ténue. En 1864, il fait ses armes dans le commerce maritime avec 200px_Rouvierplus ou moins de succès après y avoir rencontré Maurice Rouvier (10) [photo]. Après avoir travaillé deux ans dans la firme Zafiropoulo & Zarifi, Étienne décide de la quitter afin de créer sa propre société. Mais celle-ci ne semble pas apporter les dividendes escomptés. À partir de là, les renseignements sur ses occupations professionnelles ou commerciales restent assez flous. En revanche, sa proximité avec Maurice Rouvier lui permet d’approcher Gambetta en 1868. C’est le début d’une longue et profonde collaboration qui amènera Gambetta à prendre Étienne sous son aile et à le propulser député d’Oran, utilisant ainsi le lieu de naissance de son collaborateur comme un argument de campagne dans la plus pure tradition opportuniste.

 

C. L’insertion dans le gambettisme

C’est Gambetta (11) [photo] qui a initié le projet d’expansion coloniale : il s’agissait pour lui  «de ne pas tourner enLeon_Gambetta_ rond» et de ne plus parler des provinces perdues après 1871. Conçu, à partir de 1878, comme un projet global de politique européenne, l’expansion coloniale est avant tout un dérivatif. Gambetta y voit un moyen de regagner en prestige ce que la France a perdu avec l’Alsace et la Lorraine. Pendant son «grand ministère» (novembre 1881-janvier 1882), il prend d’importantes mesures concernant l’outre-mer. Le service des Colonies est dissocié de la Marine pour être rattaché au ministère du Commerce, détenu alors par Rouvier (12).

Étienne s’initie à la politique à partir de 1867 quand il fait le choix de soutenir la candidature de Gambetta à Marseille ; il a Rouvier pour parrain. Lors de sa  première rencontre avec Gambetta en 1868, Étienne tombe sous le charme de celui qui «n’était pas comme tant d’autres que la politique attire, dominé par des impatiences personnelles» (13). Il se propose l’année suivante de l’aider à faire sa campagne à Marseille. Rouvier et Étienne, désormais propagandistes attitrés de Gambetta, s’appuient sur le journal Le Peuple dirigé par Gustave Naquet. La campagne du journal est énergique et assure à Étienne l’amitié de Gambetta (14). Le 6 juin 1869, Gambetta remporte une victoire écrasante pour le parti républicain face au candidat officiel, Ferdinand de Lesseps. Après le 4 septembre 1870, Gambetta rallie à lui des jeunes talents et les aide à entrer à la Chambre des députés. Lors des législatives de juillet 1871, Gambetta est réélu triomphalement tandis que Rouvier entre pour la première fois au Palais-Bourbon. Étienne reste à Marseille en tant que «correspondant permanent» du parti républicain.

Durant les dix années suivantes, Étienne toujours dans le sillage de Rouvier et Gambetta attend son heure, apprenant à poser des jalons pour se faire élire à l’Assemblée nationale. À partir de 1875, il devient successivement le secrétaire personnel de Gambetta, puis intègre la franc-maçonnerie en 1876 et enfin est nommé en 1878 agent commercial du réseau  de chemin de fer national par l’entremise de Gambetta. En janvier 1881, il est appelé au conseil d’administration du réseau ferré de l’État.

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Enfin sur les conseils de Gambetta toujours, il se présente à l’élection d’un des deux sièges parlementaires d’Oran sous l’étiquette Union républicaine. Candidat officiel de Gambetta, il est soutenu localement par le républicain Jean Bézy, directeur du Petit Fanal et le président du Consistoire israélite Kanoui. Son manifeste électoral est publié dans le journal algérien L’Écho d’Oran le 11 août 1881 :   
    - «De nombreux amis m’ont fait l’honneur de m’encourager à poser ma candidature dans ce pays où je suis né et dont  j’ai toujours pris la défense, chaque fois que l’occasion s’en est présentée […]. Si mon dévouement au parti républicain et mon désir d’être utile à notre belle colonie vous paraissent constituer des titres suffisants à votre confiance, je serais heureux et fier de défendre, comme député, nos intérêts politiques et commerciaux» (15). Le choix d’Oran est lui-même un choix opportuniste. Certes, Étienne n’y est pas retourné depuis sa naissance bien qu’il conserve des attaches familiales avec l’Algérie ; mais la décision de Gambetta de demander à Étienne de se présenter dans sa province natale est judicieuse. Il est élu député de la 1ère circonscription d’Oran le 21 août 1881. Il a trente-sept ans. Son mandat législatif lui sera renouvelé pendant plus de quarante ans, le plus souvent sans que personne ne lui soit opposé. Le début du parcours politique d’Étienne, parcours rapide s’il en est, tient pour beaucoup aux profonds changements que la France connaît entre 1870 et 1880. Les Français deviennent républicains. Ce sont donc des «hommes nouveaux», et souvent assez jeunes, qui arrivent au pouvoir. Rouvier et Étienne en sont quelques exemples.

 

C. Les effets du Ralliement

Battu avec la liste monarchiste du Cher aux élections du 4 octobre 1885 dans une très forte proportion (la liste n’avait réuni que 37 778 voix sur 82 639 votants), le prince d’Arenberg ne peut guère compter être réélu à moins de changer lui-même de camp politique. S’il admire Gambetta pour son projet colonial, il ne peut pas moralement accepter un homme et un gouvernement qui combat les catholiques. C’est finalement l’évolution du pape Léon XIII (1878-1903) [illustration] qui va permettre à d’Arenberg de se reconnaître complètementleon_xiii comme gambettiste. Dès le début de son pontificat, Léon XIII, conscient que la France a besoin d’un «gouvernement solide quel qu’il fût» décide de donner une nouvelle orientation à la politique vaticane. Il multiplie donc les efforts pour amener une détente avec le gouvernement républicain, teste habilement les réactions des uns et des autres lors du toast d’Alger en novembre 1890 (16), échange une correspondance avec le président Jules Grévy en 1883. En 1884, l’encyclique Nobilissima Gallorum Gens recommande au clergé et aux fidèles français d’éviter toute attitude d’opposition systématique à l’égard de la République tout en maintenant avec énergie les droits de l’Église. Pour les royalistes, la cause est entendue. Paraphrasant le pape, Lyautey écrit à son ami Antoine de Margerie : «Puisque la cause royaliste paraît perdue en France pour longtemps, il faut que les hommes vraiment religieux ne s’y attachent pas et cherchent le bien en dehors» (17). La politique de ralliement donne une nouvelle chance en politique au prince d’Arenberg. Toujours monarchiste mais «rallié», il se fait élire au premier tour de scrutin le 22 septembre 1889 par 9 790 voix contre 8 439 à Eugène Buisson candidat républicain.

 

2. La rencontre des fondateurs du parti colonial

Les parcours des deux hommes finissent par converger au tournant des années 1890.

A. «L’opportuniste et le rallié»
   
«Plus soucieux de résultats pratiques qu’esclave d’une doctrine, il s’appliquait pour chaque nouveau problème à séparer ce qui pouvait être accompli de l’irréalisable. Ce programme, raillé volontiers, quitte à s’en inspirer, était désigné sous le vocable ’’d’opportunisme’’» (18) : pragmatique en toute chose, convaincu que l’action permet de tout envisager, Étienne s’arrête devant peu d’obstacles. Sa principale qualité  est d’avoir de l’entregent. Mais il est également capable et très actif. À l’Assemblée, il se spécialise sur les questions des chemins de fer, puis sur celle du budget. On lui confie le rapport général du budget de l’Algérie. Il en retire un crédit tel qu’il est d’abord nommé secrétaire de la Chambre puis élu. Étienne aborde les questions coloniales mais aussi vers les questions de développement lorsqu’elles touchent celle du chemin de fer. En témoignent ses rapports à l’Assemblée nationale dans les années 1880 (rapport sur le chemin de fer en 1882, rapport général du budget de l’Algérie en 1883 puis en 1885, rapport sur le barrage de l’oued Fergoug en 1884, rapport sur le remboursement de l’exercice 1884). L’échec de Ferry interfère peu dans la réélection d’Étienne à Oran. On a beau lui reprocher publiquement son adhésion à l’expansion coloniale, il est triomphalement réélu aux législatives de décembre 1885 par 10 566 voix sur 11 915 votants (19). Il est alors difficile alors de ne pas percevoir cette réélection comme un encouragement. Étienne ne cesse dès lors d’élargir le prisme, s’intéressant à la colonisation de l’Afrique, puis à celle de l’Indochine.

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(source)

 

En juin 1887, il entre au gouvernement de son ami Rouvier comme sous-secrétaire d’État à la Marine et aux Colonies. Il ne conserve pas ce poste longtemps, le gouvernement étant renversé en décembre. Ce premier poste est déterminant. Il y élabore en effet une pensée cohérente établissant un lien entre sa vision gambettiste, son mandat de député oranais et son passé d’inspecteur des chemins de fer : celle d’un ensemble géographique reliant le Soudan français et l’Afrique du Nord (20). Il ne lui reste qu’à la mettre en œuvre. Il y consacre le reste de sa vie avec une fougue et une passion sans faille. Il inaugure également une tactique : véritable intercesseur entre les explorateurs et la Chambre, il devient le protecteur discret mais fidèle, de très nombreux officiers coloniaux. Après avoir contribué au développement de la carrière de certains «soudanais» (21), Étienne se tourne vers une fraction plus progressiste d’officiers, ceux qui «montrent leur force pour ne pas avoir à s’en servir» (22). Opportuniste jusqu’au bout, il veut surtout réaliser son rêve d’empire africain et le projet des «Soudanais» reste trop incertain tant ils ont pris l’habitude de ne pas tenir compte de Paris. Étienne veut des officiers obéissants, respectueux des règles dictées par Paris, même si à certaines occasions, il prend lui-même des libertés avec les règlements parlementaires.

La politique de ralliement donne une nouvelle chance en politique au prince d’Arenberg. Il adopte une vision gambettiste en prônant la fin de la période de recueillement et l’ouverture vers la colonisation. Ses interventions à la Chambre indiquent clairement son attirance pour les questions coloniales, l’Afrique en particulier. En 1891, il y intervient sur des questions diverses : l’Afrique, la liberté de navigation sur le Niger ou sur l’arrangement conclu avec le roi du Dahomey, Glé-Glé. En 1892, il s’insurge contre l’agression de missionnaires en Ouganda, puis en 1893 il s’exprime sur la question des indemnités dues par le gouvernement anglais à des Français établis en Ouganda. En tant que député, d’Arenberg peut ainsi exprimer ce qui caractérise bon nombre des fondateurs du parti colonial : à la fois un souci du prestige de la France, le refus de la politique du recueillement qui avait suivi la défaite de 1871 et enfin une profonde anglophobie qui prend corps au moment de la «course au clocher».

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Le Petit Journal Illustré, 3 septembre 1905

Cependant, la politique de prestige n’est pas tout ; en fait, au-delà d’Étienne et d’Arenberg eux-mêmes, il existe au cours de la seconde moitié du XIXe siècle tout un ensemble d’idées ou de réseaux que l’on retrouve ensuite au sein du lobby colonial. Le poids de ces précédents est important à noter car il infirme l’idée que le groupe colonial ne soit qu’un instrument économique. Outre les préoccupations gambettistes, d’autres motivations existaient.

B. Utopies et réseaux

Les innovations et les utopies du XIXe siècle forment un ensemble de lignes de forces qui structurent la pensée de bon nombre de membres du lobby colonial. Certaines sont fondamentales, au sens premier du terme. Les sociétés de géographie ont été déterminantes dans la découverte des territoires africains et asiatiques. On ne saurait comprendre la passion d’Arenberg pour l’Afrique sans tenir compte de la société de géographie du Cher ; née en 1875, cette société de géographie provinciale est la troisième créée en France (23). Comme la plupart des sociétés de géographie de province, elle est constituée par des passionnés (24). Il n’y a guère l’idée de créer un groupe de pression. Ces «cercles d’affinité» permettent néanmoins de créer des lieux de sociabilité.

Le réseau constitué par d’Arenberg est tout naturellement structuré autour d’un groupe familial. Par son mariage, Auguste d’Arenberg est associé aux Greffulhe, mais il est également proche des Vogüé (25). Ces derniers sont en effet installés depuis 1842 au château de la Verrerie à quelques kilomètres de Menetou-Salon et deviennent d’ailleurs des intimes (26). Ces familles ont toutes en commun des origines nobles et un souci de continuer à exister dans un monde nouveau. Ils investissent le monde de la diplomatie, de l’écriture et les couloirs de l’Assemblée nationale. Au sein de la Société de géographie du Cher, ils rêvent ensemble à un autre monde, l’Afrique, au point de devenir les fondateurs du Comité de l’Afrique française.

La franc-maçonnerie conserve à la fin du XIXe un rôle politique, sinon intellectuel, important. Autant on ne peut soupçonner d’Arenberg, récemment «rallié» d’être un franc-maçon, autant cela ne fait pas de doutes pour Étienne ; il entre en franc-maçonnerie comme on entre en religion, mais aussi sans doute par pur pragmatisme et opportunisme politique en 1876 c’est-à-dire juste après avoir été le secrétaire particulier de Gambetta. Le 7 novembre 1876, il se trouve dans la loge «Le Phare de la Renaissance» ; le 28 mars 1881, il devient «compagnon» et «maître» et intègre la loge parisienne «Union et Persévérance». En 1899, il change encore tout en restant parisien. Enfin, en 1902, Étienne s’introduit dans la loge «Union de Tlemcen» en Algérie où il reste jusqu’à sa mort (27). Que lui apporte la franc-maçonnerie alors ? C’est avant tout un lieu de réflexion mais aussi un réseau d’influence puissant dans lequel d’autres questionnements peuvent surgir. Parmi celles-ci : le saint-simonisme.

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Née vers 1825, cette utopie prophétisait la venue d’un âge d’or grâce à la technique industrielle. Opérant une synthèse des deux idéologies du XIXe siècle – libéralisme et socialisme - le saint-simonisme pensait pouvoir améliorer la condition ouvrière. Rien ne permet d’assurer que les deux fondateurs du groupe colonial aient partagé ce rêve. Mais le monde du rail  était imprégné de l’esprit saint-simonien. Le premier chemin de fer français avait été construit et financé par des disciples de Saint-Simon. Le réseau Paris-Lyon-Méditerranée en portait l’empreinte. Étienne, en tant qu’administrateur des chemins de fer, n’y fut probablement pas insensible. Il fut émerveillé surtout des possibilités de développement qu’on lui prêtait alors. Quant à d’Arenberg, depuis son voyage en Égypte en 1863, il est fasciné par l’exploit de Lesseps (28) ; outre l’intérêt des Vogüé pour l’Orient, le prince d’Arenberg avait lui aussi une raison de s’y intéresser, durablement (29)

Enfin, la découverte de territoires nouveaux porte indéniablement au rêve et à l’aventure, fut-elle réalisée par d’autres. D’Arenberg, fils d’un pair de France, a reçu en héritage la conviction qu’il fallait être patriote ; donner son sang ou son argent pour la gloire de la France allait de soi. Quant à Étienne, il conserve le souvenir d’un rêve inassouvi : celui d’entrer à Saint-Cyr, et il compense, sa vie durant, par des relations suivies et régulières avec les officiers supérieurs (30).

La reconnaissance d’Etienne comme le «chef des coloniaux» tient pour une grande part à la sollicitude dont il entoura les officiers (31) ; le général Gouraud par exemple écrit le 5 mai 1911 : «Monsieur Terrier m’écrit que c’est vous qui avez fait décider la nomination du général Lyautey. J’en étais sûr mais cela m’a fait plaisir de  le lire !» Puis, à nouveau, le 9 novembre 1911 : «Comment vous remercier de votre bienveillante intervention auprès du ministre de la Guerre. Jusqu’au bout vous aurez donc conduit ma carrière» (32). Étienne ne s’intéresse pas seulement à quelques individus jugés prometteurs. Il adopte très vite une réelle attitude de soutien aux militaires comme le montre, entre autres, ce projet de création d’une loterie en faveur de la Société de secours aux militaires coloniaux en mars 1902. La genèse du parti colonial s’inscrit donc au cœur d’un faisceau d’arguments qui ne mettent pas nécessairement en avant les questions économiques. C’est une question de géographie africaine, celle de la «perpendiculaire», qui est déterminante dans l’évolution des deux hommes.

C. La naissance du Comité de l’Afrique française

À l’origine, c’est l’Afrique qui intéressa les milieux coloniaux car politiquement elle représentait un enjeu entre les nations européennes. Le «scramble for Africa» (33) consista en une course géographique de reconnaissance de frontières. Le Comité de l’Afrique française naît le 24 novembre 1890 à Paris sous les auspices discrets d’Étienne avec les «subsides de quelques grands seigneurs, comme le prince d’Arenberg ou le vicomte Melchior de Vogüé» (34). Il compte alors 29 membres dont 10 parlementaires, 7 officiers, 5 professeurs, écrivains ou savants (35). Le président est le prince d’Arenberg jusqu’en 1912, Eugène Melchior de Vogüé le vice-président.

La fondation de ce Comité est une réponse au partage de l’Afrique orientale entre les Anglais et les Allemands (accord du 1er juillet 1890). Dans l’esprit de ses fondateurs, il s’agit de ne pas se laisser distancer par les autres Européens et de se créer un empire colonial susceptible de rivaliser avec les conquêtes allemandes et britanniques. Mais il est aussi une réaction, voire une protestation des milieux coloniaux français au traité franco-britannique du 4 août 1890 qui avait réglé le différend franco-anglais sur le Niger (36). Pour bon nombre de coloniaux, le lac Tchad devait être un lac français, et cet avis était partagé par des explorateurs et le sous-secrétaire d’État aux colonies, Étienne (37). «Eugène Étienne parla à la Chambre le 10 mai 1890, pour définir la frontière de l’Afrique française. Il proposa d’abaisser une perpendiculaire qui, partant de la limite de la Tunisie, passant par le Tchad, vienne aboutir au Congo» (38).

Ses préoccupations trouvent écho dans la société civile avec Hyppolite Percher et Paul Crampel [photo ci-dessous]. Percher (1857-1895) était journaliste au Journal des Débats et publiciste pour l’agence Dalziel. Sa rencontre avec Crampel, dont il devient l’ami, le transforme en ardent défenseur du mouvement colonial ; celui-ci (1864-1891) avait été le secrétaire puis l’élève de Savorgnan de Brazza ; il s’était fait connaître par des crampelexplorations chez les Pahouins ou les Mfangs du Nord-Congo. Vers 1890, il se prend à rêver d’une Afrique française, allant de la Méditerranée au Golfe de Guinée en passant par le lac Tchad, la difficulté étant de rallier le lac encore mystérieux : le «plan Crampel» enthousiasme Étienne car il rejoint ses propres rêves, et la mission est mise sur pied sous l’égide de ce dernier.

«Lorsque Percher apprit l’existence du traité anglo-allemand du 1er juillet 1890, il redouta que Crampel ne fût devancé pas des missions anglaises ou allemandes. Il proposa à Étienne le 10 juillet, d’envoyer une deuxième mission au Tchad et ajouta : "Ne pourrait-on créer en France un comité absolument désintéressé qui, par souscription, organiserait des expéditions semblables dont la France bénéficierait ?" Étienne l’encouragea dans cette voie. D’Arenberg, sollicité par Percher, accepta "dans la limite de ses forces" de se consacrer à cette tâche et de présider un "comité d’études" des questions africaines. Percher avait réussi : il venait d’inventer ce qui devient quelques mois plus tard le Comité de l’Afrique française, dont d’Arenberg assura que Percher fut aussi en tant que secrétaire général "le véritable organisateur"» (39).

En attendant, pour soutenir le plan Crampel, Étienne envoie en Afrique l’explorateur Louis-Parfait Monteilmarche1_illustprincipale (1855-1925) qui avait dressé auparavant la carte des possessions françaises et du Soudan ; il lui demande de remonter le cours du Niger, d’atteindre le lac Tchad, de reconnaître le tracé de la ligne Say-Barraoua en essayant aussi de faire signer des traités de protectorat aux souverains qu’il rencontrerait.

Une alliance entre les milieux politiques et la presse s’organise alors en France, dont le but est de promouvoir la colonisation ; le moyen choisi est celui de la propagande (40). Percher devient l’âme du Comité de l’Afrique française, le principal rédacteur des articles jusqu’à sa mort en 1895. Le décès tragique de Crampel (41) avive le désir de le venger et renforce les membres du Comité de l’Afrique française dans leur volonté de promouvoir les expéditions. Les missions Dybowski, Maistre et Gentil s’inscrivent dans la continuité de celle de Crampel. Percher publie en 1891 le récit de l’expédition Crampel dans À la conquête du Tchad et sous le pseudonyme d’Harry Alis multiplie les publications à destination des plus jeunes. Entre 1890 et 1892, une évolution sémantique a vu le jour : il n’est plus guère question d’explorations ; comme l’indique le titre du livre de Percher, il s’agit désormais de «conquête». Le travail de propagande de Percher a achevé une évolution amorcée quelques années plus tôt. Quant à l’Asie, les membres du Comité de l’Afrique française y pensent peu, sauf peut-être Étienne qui a une vision plus globale du fait colonial. Mais elle est, en réalité, très peu évoquée dans les débats en comparaison de l’Afrique. Le groupe colonial de la Chambre est le prolongement politique du Comité de l’Afrique française.

 

3. La genèse du parti colonial

Puisque le Comité de l’Afrique française remplit le rôle d’organe de propagande des tenants du développement colonial, pourquoi est-il apparu nécessaire de passer du Comité de l’Afrique française au «parti» colonial ? Étienne perçoit nettement tout l’avantage politique qu’il pourrait obtenir d’un discours de propagande axé sur l’économie, mais il a aussi besoin d’un instrument de pouvoir.

A. À la croisée des chemins : les sociétés concessionnaires, entre la politique et l’économie.

Des deux fondateurs du Comité de l’Afrique française, Eugène Étienne est sans doute le plus sensible aux questions économiques. Au croisement des positions de Gambetta et de Ferry, Étienne utilise l’économie164px_Julesferry certes comme un argument (42), mais surtout comme un moyen. La fin restant toujours la colonisation. Pour Étienne, l’économie est le second volet de la conquête. Ce schéma est au cœur de tous ses discours, de toute sa pensée coloniale.  Son expérience des compagnies à charte illustre ce propos.

Les sociétés concessionnaires furent conçues comme une imitation du modèle anglais des chartered companies qui avaient connu le succès (43) en Afrique (44). À partir de 1890, Étienne se convainc que seules de grandes sociétés coloniales à charte sont en mesure de réunir suffisamment de capitaux pour se développer dans les colonies d’Afrique. Les compagnies à charte ont pour but de pallier la déficience de l’État français qui refuse d’investir dans les colonies (45). Après avoir formé en juillet 1890, une commission de quatorze membres sous la direction de Jules Roche (46), Étienne soumet un projet de loi pour la création des sociétés coloniales à charte. Mais lors de la séance du 20 mai 1891 à l’Assemblée, Ferry souligna que les sociétés coloniales par charte étaient pourvues de droit régalien. Ainsi, elles n’étaient en rien comparables avec des concessions territoriales accordées par décret. Pour créer ces  «compagnies de colonisation», il était nécessaire d’obtenir l’aval du Parlement. Or, Eugène Étienne voulait aboutir rapidement, apparemment pressé par les groupes de commerce. La création de société coloniale par décret lui était nécessaire. Une intense propagande fut mise en place par le biais du Bulletin du Comité de l’Afrique française, mais les délibérations traînèrent. Elles n’avaient toujours pas abouti quand Étienne dû quitter le sous-secrétariat d’État en mars 1892. Son successeur, Émile Jamais, enterra le projet (47).

En quoi ce projet des compagnies de colonisation à charte modifient celui d’Étienne ? Il vient de comprendre qu’il trouverait des alliés dans le monde des affaires. Quant aux principales maisons de commerce, elles découvrent qu’elles disposent d’un «homme d’action […], méridional, cordial et  persuasif, mais volontaire, orateur direct, il ne cesse de mener l’action coloniale sur le plan du Parlement et de l’opinion, intervenant sans cesse par la parole et par la plume» (48).

Le développement des questions économiques au moment de la création du parti colonial ne relève pas du hasard. L’association des hommes politiques et des hommes d’affaires va dès lors devenir une caractéristique du «parti colonial», mais cette évolution sera lente, jamais totalement aboutie et sans douteCanale_Panama_1880 ralentie à l’origine par les scandales qui secouent la France en 1892. L’opinion publique, en effet, découvre à quel point la France parlementaire pratique l’amalgame entre politique et économie. Les scandales (affaire Wilson, affaire de Panama) montrent l’ampleur des pratiques de concussion au sein de l’Assemblée nationale ou autour d’elle. Or, comme le fait remarquer Jean Bouvier à propos de Panama, «ce magnifique scandale était un signe de vitalité, non de décomposition […]. [C’est] la belle époque de l’industrialisme, du suffrage universel et de la promotion des ’’couches nouvelles’’. Le scandale n’a été qu’un accident bénin» (49). L’histoire de Panama ou celle des sociétés concessionnaires défendues par Étienne, révèlent aussi que le Parlement est devenu le vrai lieu du pouvoir. Dès lors, constituer un groupe de pression au Parlement est plus utile qu’un poste de sous-secrétaire d’État.

B. Le «parti colonial» comme substitut du sous-secrétariat d’État aux Colonies ?

Étienne crée le Groupe colonial après avoir perdu le sous-secrétariat d’État aux Colonies au début de l’année 1892 (50). En fait, il s’agit pour lui de reconstituer un instrument de pouvoir au Parlement. Depuis longtemps, il souhaitait la création d’un ministère des Colonies car, à son avis, le sous-secrétariat d’État aux Colonies restait bien trop dans la dépendance de ses ministères de tutelle. Or le conseil des ministres du 12 mars 1889 avait renoncé, pour des raisons budgétaires, à la transformation du corps colonial en ministère indépendant. Le sous-secrétariat d’État dépendait du ministère du Commerce, ce qui déplaisait à Étienne ; il avait donc pris l’habitude d’agir comme un ministre et cela finit par déranger son ministre de tutelle Roche. Sollicité pour renouveler son portefeuille à la chute du ministère Freycinet, ce dernier déclara ne plus vouloir «assumer la responsabilité nominale des actes d’un sous-secrétaire d’État trop indépendant» (51). Étienne fut donc obligé de se retirer.

Dans les couloirs du Palais-Bourbon, la rumeur sur son manque de respect de la légalité républicaine s’amplifie également. La critique devient officielle lors des sessions sénatoriales de mai et juin 1892, quand le sénateur Ludovic Trarieux (52) se fait le porte-parole du procès contre les méthodes d’Étienne. On lui reproche d’avoir fait du sous-secrétariat d’État «un ministère de fait sans être un Ministère de droit» (53). Sa contestation porte sur la constitutionnalité des décrets qui avaient conduit à l’autonomie de l’administration coloniale (54) car il ne tient pas le sous-secrétaire d’État pour responsable devant le Parlement. La réponse Loubetdu président du Conseil, Émile Loubet [photo], ne laisse planer aucun doute, en définitive : «Eh bien ! En fait, les sous-secrétaires d’État aux Colonies ont eu une situation particulière à laquelle correspondait une responsabilité parlementaire, une responsabilité de fait, je le répète, et j’ajoute, pour un moment, illégale, si vous le voulez» (55).  Avec de telles suspicions, il était difficile pour Loubet de renouveler Étienne à son poste.

La création du «parti colonial» est donc une mesure d’Étienne pour récupérer le pouvoir sur les questions coloniales, avec la prise de conscience du déplacement des décisions des cabinets vers le Parlement. En député roué, rompu aux us et coutumes parlementaires, il y consacre toute son année 1892. Outre le «parti colonial» créé le 9 juin 1892 (56), il se fait élire vice-président de la Chambre en octobre, reprend  sa place à la commission du budget et entre à la commission de l’armée durant cette même année, tous postes indispensables pour avoir une vision d’ensemble sur les questions coloniales.

À sa naissance, le «parti colonial» se compose du président Étienne  (député d’Oran), des vice-présidents d’Arenberg (député du Cher) et de l’amiral Vallon (député du Sénégal) ; les secrétaires sont Alfred Martineau (député de la Seine) et Marcel Saint-Germain (57) (député d’Oran) ; le questeur est Le Roy (député de la Réunion). En intégrant au bureau des personnes attachées au développement outre-mer autre que l’Afrique, la «Réunion parlementaire de politique extérieure et parlementaire» (58) montre sa volonté d’ouverture et d’élargissement. Parmi les décisions prises, il est décidé de «s’occuper des questions de politique étrangère et des questions coloniales, prises tant isolément que dans les rapports qu’elles peuvent voir entre elles» (59). En juin 1892, le «parti colonial» compte quarante-deux députés. Le groupe se développe immédiatement de manière exponentielle. En juillet 1892, ils sont déjà 91 députés, 120 en 1893, 200 en 1902 (60). Symbole d’une oeuvre incontestable, celui qu’on appelle bientôt le «pape des coloniaux» ou «Notre-Dame-des-Coloniaux» (61), le «fondateur respecté, le chef aimé du parti colonial» (62), entreprend alors d’élargir le spectre de la colonisation. La création du lobby colonial implique naturellement un changement d’échelle et d’objectifs : il s’agit d’envisager le fait colonial dans sa globalité mais aussi de renforcer le «parti colonial» en tant que groupe de pression. À ce moment-là seulement, les questions économiques apparaissent avec, clairement, une finalité mercantile.
   
C. Les liens avec les milieux d’affaires (63)

Étienne et d’Arenberg sont-ils eux-mêmes les hommes d’affaires qu’on s’est plu à dépeindre ? Il est, en réalité, difficile de répondre clairement à ces questions tant on aborde, en particulier en France, un sujet tabou. Définir la qualité d’homme d’affaire passerait, dans un pays anglo-saxon, par la recherche de son «poids» financier. Mais en France, ceci reste toujours de l’ordre du secret. On a voulu voir dans Eugène Étienne ou Auguste d’Arenberg des «hommes d’affaires» au motif qu’ils détenaient des jetons de présence de grandes sociétés. Mais en fait, on ne sait pas de combien ils en disposaient ni ce qu’ils reçurent exactement desdites sociétés. Étienne, en homme politique de son temps, côtoie d’authentiques hommes d’affaires et, à l’occasion, prend des participations à leurs affaires. Cela n’en fait pas un «homme d’affaire». Son passé dans une société d’import-export à Marseille, ses relations étroites avec Rouvier ou d’autres hommes d’affaires marseillais, pas davantage. D’Arenberg, de son côté, ne manque pas d’argent. Il exploite de vastes terres agricoles en un temps où l’agriculture rapporte encore. Il est qualifié à juste titre par l’un de ses biographes de «député-châtelain». Ce sont surtout des hommes politiques qui saisissent les occasions que leur offre leur position.

L’image du politicien corrompu vient de la réalité d’une époque «d’affairisme» où de nombreux députés furent impliqués dans des scandales financiers. Mais elle provient aussi et surtout des attaques des adversaires du fait colonial ou du militarisme grandissant de la France d’avant guerre. En tant que ministre de la Guerre en 1913, Étienne eut à soutenir une attaque contre le projet de loi dit des trois ans. Celle-ci se transforme en diatribe sur sa supposée fortune ; l’un de ses biographes précise que «c’est un fait qu’Étienne fréquentait le monde des affaires, mais la légende tenace qui fit de lui l’un des valets de la haute finance ne repose sur aucun élément positif» et de conclure qu’il laissa au moment de sa succession «aucun immeuble, nul territoire dans les colonies proches ou lointaines, nul arpent de terre dans la métropole, seulement quelques actions d’une exploitation parisienne et quelque argent en banque» (64).

Au sein de la Chambre, la collusion entre les personnalités du monde des affaires et celles du monde politique est réelle. Elle en est même une des caractéristiques. Étienne et Arenberg sont, en réalité, de parfaites incarnations de «l’homo politicus» du début du XXe siècle. C’est  seulement après la création du parti colonial par Étienne et d’Arenberg que certains hommes d’affaires rejoignent le «parti colonial» comme en témoignent les listes des différents bureaux du Groupe colonial ; mais ce ralliement est loin d’être aussi évident que ce qui a été affirmé. Le rapprochement est progressif, lent comme en témoigne l’analyse des bureaux du groupe colonial.

5Lors de l’élection du bureau de 1893, Jules Charles-Roux (65) [photo], député républicain des Bouches-du-Rhône est élu vice-président (66) ; en tant que député, il se fait le porte-parole des intérêts commerciaux des ports méditerranéens essentiellement. Parmi les secrétaires, on trouve l’inamovible Saint-Germain, député d’Oran, le député conservateur Robert de Tréveneuc (1860-1940) issu du milieu militaire ; le député républicain Albin Rozet (1852-1915), diplomate de formation qui se montre particulièrement protectionniste et favorable à la politique de Méline ; le républicain Georges Chaudey (né en 1857) arrive en 1893 en remplacement du ministre Baïhaut, impliqué dans le scandale de Panama. Il prend part à des commissions mais ne participe pas encore aux débats. Le questeur est Paul Rameau, dit Chevrey-Rameau (1836-1914), ancien diplomate, député radical de Seine-et-Oise élu en 1893. Excepté Charles-Roux (qui ne se maintient pas en 1898) le bureau de 1893 ne reflète pas encore une alliance forte entre milieux économiques et milieux politiques. Ce qui domine dans ce bureau sont les membres issus de la diplomatie.
Le bureau de 1898 est composé d’Étienne, de D’Arenberg, d’Albin Rozet et de Jean-Louis de Lanessan (67) comme vice-présidents. Les secrétaires sont Gustave Dutailly, Louis Henrique-Duluc, Maurice Ordinaire et Joseph Thierry. Si Dutailly est effacé, en revanche Duluc (1846-1906) est très présent à la Chambre sur les questions coloniales comme l’est le député marseillais Thierry (1857-1918) sur les questions économiques. Ordinaire (1862-1934), discret à la Chambre, n’en est pas moins un gambettiste convaincu et un homme de cabinet favorable à la colonisation.

Le bureau de 1902 est présidé par Étienne. D’Arenberg n’ayant pas été réélu à l’Assemblée, n’y figure plus. Les vice-présidents sont Antoine Guillain (68), député du nord, Gaston Gerville-Réache (69), «radical par principe mais opportuniste par circonstance» (70) député de la Guadeloupe,Jules_Siegfried_1919 Jules Siegfried (71) [photo], député de la Seine-Inférieure et Étienne Flandin (1853-1920), député de l’Yonne, qui s’intéresse à tout ce qui touche le bassin méditerranéen et les affaires musulmanes. Les secrétaires sont Charles Chaumet (72), Louis Vigouroux, Albert Lebrun, François Carnot (73). Louis Vigouroux (né en 1866) est un libéral, professeur d’économie politique et industrielle. Albert Lebrun, futur ministre des colonies de 1911 à 1914, est élu député de Meurthe-et-Moselle en 1900. Enfin, François Carnot (1872-1960) est un jeune député prometteur (74) lorsqu’il arrive en 1902 à l’Assemblée.

 

 

Conclusion

C’est en 1902, qu’on assiste à la structuration du «parti colonial» autour de quelques très fortes personnalités qui lui donnent une autre orientation. Il est alors un groupe de pression puissant comme en témoigne le choix des vice-présidents et des secrétaires. Mais les questions économiques ne remplacent pas pour autant les questions politiques (75). Il ne faut pas surestimer le poids du fait économique. En dehors de la politique extérieure, ce qui a changé en réalité, c’est le «parti colonial» lui-même. À l’appel d’Étienne, il a été investi par les milieux économiques qui ont vu en lui le «parti» susceptible de faire la synthèse entre tous les comités et réseaux éparpillés aux colonies ou en métropole.

Une analyse fine de la chronologie du «parti colonial»  montre que la question financière devient certes de plus en plus importante (76), mais c’est aussi parce que, faute de pouvoir utiliser d’autres arguments, la recherche du profit est de plus en plus souvent invoquée comme la justification de l’expansion coloniale. Car, en dehors d’un milieu très restreint, l’impérialisme d’Étienne ou d’Arenberg ne trouve pas d’écho au sein d’une population française ne souhaitant pas détourner les yeux de la «ligne bleue des Vosges». L’investissement en outre-mer attire moins qu’en Europe.

Globalement, avant 1914, la population française ne s’intéresse pas aux colonies. Il y a peu de candidats au départ, peu d’intérêt pour l’investissement colonial. Invoquer la recherche du profit, tel que le fait Étienne (77), est donc un argument pour susciter l’adhésion des masses. Mais ce ne sont pas les masses qui rejoignent le parti colonial, ce sont quelques hommes d’affaires qui prennent le parti colonial pour ce qu’il est : un groupe de pression motivé et dynamique. Ces hommes d’affaires ne sont d’ailleurs pas ceux de la grande banque. Ce sont des maisons de commerce relativement peu importantes qui espèrent ponctuellement obtenir un marché intéressant. En définitive, l’union des réseaux d’affaires et des réseaux politiques est un mariage fortuit qui paradoxalement est le fruit du désintérêt des Français pour le monde colonial.julie_d_andurain_portrait

Julie d’Andurain, doctorante à Paris IV-Sorbonne
julie.andurain@wanadoo.fr

 

 

 

 

notes

(1) Herward Sieberg, Eugène Étienne und die französische kolonialpolitik, 1887-1904, Köln, Westdeutscher Verlag, 1968, traduit par Nathalie Bourgeois-Fend en 2006, traduction non publiée et non paginée. À notre connaissance, il n’existe pas d’ouvrage biographique sur le prince d’Arenberg.
(2) Henri Brunschwig, Mythes et réalités de l’impérialisme colonial, Paris, Armand Colin, 1960.
(3) Charles-Robert Ageron, France coloniale ou parti colonial ?, Paris, Armand Colin, 1970.
(4) Christopher Andrew  et Alexander Kanya-Forstner, «The French “colonial party”. Its composition, aims and influences, 1885-1914», The Historical Journal, 1971, XIV (1), p. 99-128.
(5) L. Abrams et D .J. Miller, «Who were the French colonialists ? A reassessment of the parti colonial, 1890-1914», The Historical Journal, 1976, vol. XIX,  3, p. 685-725. En réalité, il s’agit d’une étude des comités liés au  «parti colonial».
(6)Marc Lagana, Le parti colonial français, Québec, Presses de l’Université de Québec, 1990.
(7) Jean Jolly, Dictionnaire des Parlementaires 1889-1940.  Gustave Vapereau, Dictionnaire universel des contemporains, Paris,5e édition, 1880, p. 66. Louis Henrique, Nos contemporains, Galerie coloniale et diplomatique, Paris, Quantin, 1896.
(8) Roland Villot, Eugène Étienne (1844-1921), Oran, Fouque, 1951, p. 21.
(9) William Serman, Les officiers français dans la nation, 1848-1914, Paris, Aubier, 1982. Voir en particulier le chapitre 10 sur le revenu des officiers.
(10) Rouvier est né dans les Bouches-du-Rhône, à Aix-en-Provence, le 17 avril 1842. Après des études de droit à Marseille, il acquiert très vite une importante situation commerciale dans l’importation de blé et de graines oléagineuses avec la firme Zafiropoulo & Zarifi. Sa situation commerciale ne l’empêche pas d’organiser aussi la Ligue de l’enseignement et de développer l’instruction primaire dans la région, ni de collaborer à des journaux démocratiques comme le Peuple de Marseille et le Rappel de la Provence.
(11) Charles-Robert Ageron, «Gambetta et la reprise de l’expansion coloniale», Revue française d’histoire d’outre-mer, tome LIX, n°215, 2e trimestre 1972, pp. 165-204.
(12) François Berge, «Le sous-secrétariat et les sous-secrétaires d’État aux colonies, histoire de l’émancipation de l’administration coloniale», Revue française d’histoire d’Outre-mer, 1960, XLVII, n°166-169, pp. 301-386.
(13) Daniel Halévy, La fin des notables, tome II, Paris, Hachette pluriel, 1995, p.189.
(14) Roland Villot, op.cit., p.32. Cependant, Edward Sieberg note que dans les journaux Égalité et le Peuple des années 1868-1870, ne figure aucun indice quant à la contribution d’Étienne sous  forme d’articles signés.
(15) Herward Sieberg, op.cit. chap.I.
(16) Léon XIII appelle le cardinal Lavigerie, primat d’Afrique, à se prononcer pour le ralliement de la République.
(17) Robert Aron, Les grandes heures de la Troisième République, Paris, Librairie académique Perrin, 1967.
(18) Roland Villot, op.cit.,  p. 59.
(19) Chiffres fournis par Roland Villot, op. cit. p. 62-63.
(20) La barrière mentale qui jusque-là empêchait de faire le lien entre l’Afrique noire et l’Afrique blanche était en réalité une barrière géographique. Or, la fin du XIXe siècle multiplie les exploits techniques permettant de tout envisager : canal de Suez, canal de Panama, transsaharien…
(21) Archinard entre autres – Jacques Frémeaux, L’Afrique à l’ombre des épées, t.1 : Des établissements côtiers aux confins sahariens, Vincennes, Service historique de l’armée de terre, 1993, p. 64.
(22) L’expression – fameuse – est de Lyautey. En élaborant une vision coloniale plus progressiste que ses prédécesseurs, celui-ci se heurte cependant à bon nombre de ses collègues.
(23) Juste après celle de Lyon (1873), celle de Bordeaux (1874) et juste avant celle de Marseille (1876).
(24) Dominique Lejeune, Les sociétés de géographie en France et l’expansion coloniale au XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 1993.
(25) On confond  d’ailleurs souvent deux Melchior de Vogüé, tous deux cousins. Eugène-Melchior (1848-1910) appartenait à la branche ardéchoise de la famille ; diplomate, découvreur du roman russe, chroniqueur à la Revue des Deux Mondes, il fut aussi député de l’Ardèche de 1893 à 1898. C’est lui qui favorisa les initiatives françaises aux colonies. Jean Melchior (1829-1916) fut historien et archéologue en Orient, puis académicien, diplomate tout en étant conseiller général de Léré dans le Cher.
(26) La deuxième fille de D’Arenberg (Louise, Marie, Charlotte) devient la marquise Louise de Vogüé (1872-1958).
(27) Herward Sieberg, op.cit.
(28) L’inauguration du canal de Suez date du 17 novembre 1869.
(29) Auguste d’Arenberg devient le président de la Compagnie du canal de Suez, de 1896 à 1913. Cf. Hubert Bonin, Suez. Du canal à la finance, 1857-1987, Paris, Economica, 1987.
(30) Archinard, Dodds, Monteil, Gouraud, Lyautey par exemple eurent recours aux conseils et à l’aide d’Eugène Étienne. D’autres comme le colonel Péroz en 1901 lui font part de leur amertume et de leur déception de n’être point soutenus par Paris (ministère des Affaires étrangères, Fonds Gouraud, carton 13, dossier 5).
(31) Lettre du 7 octobre 1890, lettre du 20 octobre 1891. Service historique de la défense, dossier Dodds, 11 Yd 28.
(32) Ministère des Affaires étrangères, Fonds Gouraud, carton 20, dossier 1.
(33) «Curée» ou «course au clocher».
(34) Charles-Robert Ageron, «Le parti colonial», L’Histoire, "le temps des colonies", hors série n°11, avril 2001.
(35) Jean Martin, Lexique de la colonisation française, Paris, Dalloz, 1988.
(36) Traité établissant la frontière à Say sur le Niger et à Barraoua  (ou Barroua) sur le lac Tchad.
(37) Étienne conserve ce poste de 1889 à 1892, d’abord dans le gouvernement Tirard (du remaniement du 14 mars 1889 au 13 mars 1890) puis dans le gouvernement de Charles de Freycinet (du 17 mars 1890 au 18 février 1892).
(38) Charles-Robert Ageron, France coloniale ou parti colonial ?, Paris, Armand Colin, 1970, p. 135.
(39) Ibidem.
(40) Le mot «propagande» est très souvent utilisé par les colonialistes.
(41) Il est massacré en avril 1891 avec la plupart de ses compagnons alors qu’il faisait route vers le Ouadaï par Mohammed es Senoussi, sultan d’el Kouti et lieutenant de Rabah.
(42) Ce que faisait Ferry.
(43) Pour se convaincre de la relativité de la notion de succès, on pourra lire Arthur Conan Doyle et Félicien Challaye, Le crime du Congo belge, suivi de Au Congo français, Paris, Les Nuits rouges, 2005.
(44) La British North Borneo Company fut créée le 1er novembre 1881. Elle fut suivie par la Gesellschaft für Deutsche Kolonisation qui devint le 27 février 1885 la Deutsch-Ostafrikanische Gesslschaft ; la Compagnie de Nouvelle Guinée (17 mai 1885) ; La Royal Niger Company (10 juillet 1886) ; l’Imperial British East Africa Company (3 septembre 1888) ; la British South Africa Company (29 octobre 1889).
(45) Étienne n’est pas le premier à y penser. Voir Catherine Coquery-Vidrovitch, «Les idées économiques de Brazza et les premières tentatives de compagnies de colonisation au Congo français, 1885-1898» Cahiers d’études africaines, vol.5, n°17, 1965, pp. 57-82. Du projet à la réalisation cependant, il y a un pas que la plupart des sociétés de commerce ne franchissent pas. Avant 1900, l’impérialisme français est avant tout politique.
(46) Jules Roche (1841-1923), député de Savoie, est ministre du Commerce, de l’Industrie et des Colonies du 17 mars 1890 au 8 mars 1892, puis ministre du Commerce et de l’Industrie du 8 mars au 6 décembre 1892. Étienne agit, en principe, sous sa tutelle.
(47) Le projet apparaît à nouveau brièvement avec Delcassé en 1893, puis en 1895 avec la proposition de loi du sénateur Lavertujon et enfin en 1899 avec le ministre des Colonies Guillain.
(48) Hubert Deschamp, Méthodes et doctrines coloniales en France, Paris, Armand Colin, 1953, p. 151.
(49) Jean Bouvier, Les deux scandales de Panama, Paris, Julliard, 1964, p. 8.
(50) Le gouvernement Charles de Freycinet est renversé le 18 février 1892. Émile Loubet le remplace le 27 février (gouvernement du 27 février au 28 novembre 1892). Loubet est un intime d’Étienne.
(51) François Berge, op.cit.
(52) Ludovic Trarieux (1840-1904) fut député puis sénateur de la Gironde de 1879 à 1904. Le fondateur  de la Ligue des Droits de l'homme et du citoyen fut durablement l'adversaire de tout manquement à la légalité républicaine. Il fut en particulier un grand critique de l’administration coloniale d’Eugène Étienne.
(53) Discours du sénateur Trarieux devant le Sénat le 27 mai 1892, Annales du Sénat, Nouvelle Série, Débat parlementaire, t.34, 1892 (cité par Herward  Sieberg).
(54) Jacques Frémeaux, op.cit.
(55) Ibidem.
(56) L’annonce de la création du «parti colonial» a lieu le 9 juin 1892. L’élection du bureau a lieu quelques jours plus tard. Le 15 (pour Charles-Robert Ageron) et le 16 juin 1892 (pour Christopher Andrew et Alexander Kanya-Forstner).
(57) Le jovial et affable Marcel Saint-Germain (1853-1939) fut l’homme-lige d’Étienne à Oran. Il fut élu à la Chambre des députés grâce à lui en 1889. Dans sa biographie-hagiographie publiée dans le dictionnaire biographique de Jolly, Saint-Germain ne se prévaut pas du soutien d’Étienne, mais de celui d’Isambart, vieux compagnon de Gambetta.
(58) Nom officiel du «parti colonial».
(59) Minute du groupe colonial, 9 juin 1892, Archives nationales, section outre-mer, papiers d’agents, Martineau, 3, cité par Christopher Andrew et Alexander Kanya-Forstner, «The Groupe colonial in the French chamber of deputies, 1892-1932», The Historical Journal, volume 17, n°4, 1974, p. 837.
(60) Christopher Andrew et Alexander Kanya-Forstner, idem.
(61) Nadine Picaudou, La décennie qui ébranla le Moyen-Orient, Bruxelles, Complexe, 1992, p. 67.
(62) Dans la Quinzaine coloniale du 10 mars 1905, cité par Henri Brunschwig «Le parti colonial français», Revue française d’histoire d’outre-mer, 1959, p. 50.
(63) Christopher Andrew et Alexander Kanya-Forstner «French business and the French colonialists», The Historical Journal, tome XIX, 4e semestre 1976, pp. 981-1000. Les deux auteurs récusent la thèse de L. Abrams et D. Miller selon laquelle le «parti colonial» serait très lié aux milieux d’affaires.
(64) Roland Villot, op. cit., pp. 138 et 139.
(65) Christopher Andrew et Alexander Kanya-Forstner «The Group Colonial in the French Chamber of Deputies», The Historical Journal, tome XVII, 1974, pp. 837-866. Toutefois, les auteurs le confondent avec Jean Charles Roux, député du Loiret.
(66) Né à Marseille en 1841, Jules Roux (dit Charles-Roux) est étudiant en chimie. Il rejoint ensuite l’industrie familiale de savon, successeur de la société Canaple. Sa carrière mêle ensuite étroitement affaires et politique. Il est membre du tribunal de commerce de la chambre de commerce de Marseille dès 1863, administrateur de la Compagnie du canal de Suez, administrateur de la Banque de France, armateur, président de la Compagnie transatlantique ; conseiller municipal de Marseille en 1887, il est élu député en 1889, poste qu’il conserve jusqu’en 1898.
(67) Jean-Louis de Lanessan (1843-1919) a été médecin colonial, puis député siégeant à l’extrême gauche, sous-secrétaire d’État aux Colonies. Auteur de nombreux ouvrages sur la colonisation, il est un vrai spécialiste des questions coloniales ; il sera nommé ministre de la marine en 1899.
(68) Antoine Guillain (1844-1915) avait été ministre des Colonies de novembre 1898 à juin 1899 ; il  avait accordé 40 concessions au Congo français. C’est un personnage important du nord, très impliqué dans le monde des affaires et de la banque. En 1902, il est aussi élu vice-président de la Chambre. Il représente une forme d’alliance entre la politique et l’économie.
(69) Gaston Gerville-Réache (1854-1908), député de la Guadeloupe depuis 1881, est un homme de couleur, protégé de Victor Schoelcher. Il s’intéresse particulièrement aux questions portant sur la marine et les colonies depuis 1889. Candidat malheureux à la vice-présidence de la Chambre en 1893, il est finalement élu en 1904, réélu en 1905 et 1906.
(70) Adolphe Robert et Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires, tome III, p. 167.
(71) Jules Siegfried (1837-1922) est d’abord un homme d’affaire havrais ayant fait fortune grâce au coton. Il abandonne les affaires peu après son entrée à la Chambre (1886). Ministre du Commerce et des Colonies, c’est un personnage qui a de l’ascendant sur la Chambre des députés. Il devient sénateur (1897-1900) le temps d’y fonder le groupe colonial.
(72) Charles Chaumet (1866-1932) est, en 1902, tout jeune député de la Gironde en 1902. Dès le début il fait preuve d’une grande activité dans les commissions spécialisées du commerce et de l’industrie, celle des affaires extérieures, des colonies et des protectorats. Par-dessus tout, il s’intéresse à la Marine et au commerce des vins de Bordeaux.
(73) Christopher Andrew et Alexander Kanya-Forstner ne font plus référence à la présence de questeurs.
(74) Fils de Sadi Carnot.
(75) En 1902, la question religieuse divise le groupe. L’autorité d’Étienne est alors discutée.
(76) L’histoire du parti colonial (1892-1932) pourrait se diviser en trois grandes périodes : de 1892 à 1902, c’est la naissance d’un lobby colonial avec une visée politique, impérialiste. Le groupe est très dynamique et solidaire autour de ses chefs. La période 1902-1914 assiste à sa reconstitution autour d’hommes d’affaires. Le discours économique tend alors à remplacer le discours politique. De 1914 à 1932, le lobby colonial perd son unité et sa cohérence d’origine. Les questions économiques sont désormais au cœur des débats alors même que la rentabilité des colonies est de plus en plus questionnée.
(77) Étienne reste en effet fidèle à sa pensée originelle. L’économie reste un moyen et non une fin. Son discours économique est un discours de propagande en faveur de la colonisation.



 

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26 décembre 2006

Origines géographiques des visiteurs de ce blog (26 décembre 2006)

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Origines géographiques des visiteurs

du blog "Études Coloniales"


26 décembre 2006




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Noël 1952 à Djidjelli (Algérie)


Noel52
cliquer sur l'image pour l'agrandir


source : Suzanne Granger


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12 mai 2007

Une histoire de la colonisation, par Jean-Pierre Renaud

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Le vent des mots, le vent des maux,

le vent du large

un livre de Jean-Pierre RENAUD

                                 

Ancien élève de l'École nationale de la France d'Outre-Mer (ENFOM) et ancien haut fonctionnaire du ministère de l'Intérieur, Jean-Pierre Renaud publie Le vent des mots, le vent des maux, le vent du large. Dans cet ouvrage de 553 pages, l'auteur expose le rôle de la communication et des communications dans les conquêtes coloniales de la France entre 1870 et 1900 (Afrique, Tonkin, Madagascar en terminant par Fachoda). À chacune des étapes de la colonisation française, il souligne le rôle tantôt auxiliaire, tantôt prépondérant  des moyens de communications.

      - édité par  Éditions JPR (ISBN 2-9510651-2-4).
      - prix : 27 € (chèque à l'ordre de "JPR Éditions").       

Contact :
 J.-P. Renaud : 3, rue   Alfred-Bruneau - 75016 Paris 
        Tél. : 01 45 20 05 17
        Courriel des éditions JPR : jp.renaud@orange .fr

 

 

vent_des_mots_couv

 

 

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Lyautey à propos de la deuxième affaire de Lang Son (1885) : "La moralité, c'est que le télégraphe est un engin dangereux et que le premier acte de tout général en chef qui opère à 3 000 lieues devrait être de couper le fil, aussi bien pour se libérer des harcelantes instructions de la métropole que pour se garantir contre ses propres entraînements."

cité par Jean-Pierre Renaud, op. cit., p. 531

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halte française à Lang Son, rivière Claire, 1885 - photo du Dr Hocquard (source)

 

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télégraphie du temps colonial

 

Maroc_t_l_graphe__1_
Maroc, Tiflet, le poste de télégraphie sans fil

 

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Maroc, Taourirt, génie employé à construire le pylône de la télégraphie sans fil
au sommet du Djorf (carte postale ancienne, postée le 24 avril 1913)

 

Maroc_t_l_graphe__3_
Maroc, Oujda en avril 1907 : postes et télégraphes

 

Maroc_t_l_graphe__5_
Maroc, Beniouarin : poste de télégraphe sans fil

 

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Maroc, Taourirt : poste de télégraphe sans fil

 

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Dakar, poste et télégraphe

 

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Saïgon, les quais et le sémaphore


Indochine_1946
Cochinchine, 1946 (source : Caom, base Ulysse)

 

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19 décembre 2006

le bordj de Fedj-M'zala (Algérie)

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le bordj de la commune mixte

de Fedj-M'zala (Algérie)



"frai" a envoyé le message suivant :

Posté par fral, mardi 19 décembre 2006 à 19:23

recherche
je cherche la date excate de la construction de siege de la commune mixte de fedjmzala algerie
cad son bordj administratif merci
  fral - email : fral31@yahoo.fr    

 

- réponse
Il y deux solutions. Demander au chercheur algérien, Mokrani Mohammed Saddek, qui a travaillé sur l'histoire de Fedj-Mzala, il détient peut-être la réponse... Ou bien, se rendre au Centre des Archives d'outre-mer (Caom), à Aix-en-Provence, pour consulter les archives de l'ancien département de Constantine : apparemment, il n'y a pas de fond spécialement consacré à la commune mixte de Fedj-M'zala, mais les  dossiers se trouvent dans ceux de la sous-préfecture.

Michel Renard

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d'après le calendrier des PTT de 1953, documents édités par Suze Granger

 

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30 novembre 2006

Hommage à un résistant bordelais : Mohamed Taleb (Daniel Lefeuvre)

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une plaque de prisonnier au Frontsalag (en haut à gauche), Buchenwald (en bas)



Hommage à un résistant bordelais :

Mohamed Taleb

Daniel LEFEUVRE

 

En consultant des archives relatives à l’Algérie, au Centre des Archives d’Outre-Mer d’Aix-en-Provence, j’ai été attiré par une information concernant un Bordelais, M. Mohamed Taleb, dont une note émanant du ministre de l’Intérieur du 15 octobre 1945 (conservée au Caom) souligne en ces termes les mérites :

Ex maréchal des logis au 2e Spahis algérien, Mohamed Taleb qui habitait Bordeaux : "au cours des années 1941 et 1942, durant l’occupation, a créé dans cette ville une officine secrète grâce à laquelle les évadés nord-africains et français des fronstalags et du Sud-Ouest de la France purent trouver asile, nourriture et tous moyens de passer de zone occupée en zone libre. Ce ne fut qu’après avoir réussi à contribuer à la libération de plusieurs centaines de prisonniers que Taleb fut arrêté par la Gestapo allemande.

Torturé, menacé de mort dans le but de le faire parler et de dénoncer ceux qui l’avaient aidé dans la dangereuse mission qu’il s’était donnée, Taleb eut le courage et l’énergie de ne trahir aucun de ceux [qui] de près ou de loin secondaient son action.

Déporté en Allemagne en juin 1943, il séjourna [sic!] aux camps de Buchenwald et de Dora dont il vient de rentrer. Son état physique indique les souffrances cruelles qu’il eut à endurer. De plus, de son commerce à Bordeaux, de ses économies, il ne reste rien. Taleb est entièrement ruiné et démuni de tout. "

Le ministre de l’Intérieur invitait en conséquence, le Gouverneur général de l’Algérie à contribuer à la souscription ouverte par les Amitiés africaines pour venir en aide à ce héros.

Je ne sais rien de plus sur M. Mohamed Taleb. Mais, j’ai adressé un courrier dans ce sens à M. Juppé, redevenu, depuis, Maire de Bordeaux, afin de lui proposer de poursuivre l’enquête pour que la ville, en toute connaissance de cause, honore ce résistant exemplaire.

Daniel Lefeuvre, professeur
à l'université Paris VIII/Saint-Denis

 

319_1_musee_national_de_la_resistance_de_bordeaux
musée national de la Résistance à Bordeaux

 

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29 novembre 2006

la France face à ses ex-colonies (forum avec Daniel Lefeuvre)

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Après la sortie du film "Indigènes",

la France face à ses ex-colonies

un forum avec Daniel LEFEUVRE

 

NouvelObs.com - mercredi 25 octobre 2006
de 09h50 à 11h45
avec Daniel Lefeuvre, professeur d'histoire contemporaine à l'université Paris VIII - Saint-Denis, auteur de Pour en finir avec la repentance coloniale (Flammarion, sept. 2006)

Question de : qsfdqs
La guerre en Côte d'Ivoire est-elle plus ou moins pilotée par la France ? Quels sont les enjeux de cette guerre pour la France ?
Réponse : Je ne suis spécialiste ni des relations internationales, ni de la politique étrangère de la France, ni de la politique ivoirienne. Mais, ce qui m'apparaît dans cette crise, c'est qu'elle conduit à la liquidation des intérêts français - et même de la présence française - dans ce pays. Je ne vois donc pas ce que la France gagnerait à entretenir une crise qui dessert ses intérêts et nuit à ses ressortissants installés sur place.

Question de : juba
bonjour un simple merci de la nation pour les indigènes qui ont fait la guerre pendant que l'armée des Francaise était dans les camps de prisonniers (mon grand-père a fait la guerre de 39-40 et ensuite celle de 1942 à 1945). À propos avez-vous entendu parler de la bataille des ponts de la Loire de juin 1940 ? Mon aieul qui était spahi a combattu avec l'énergie du désespoir pendant que les bons soldats metropolitains fuyaient comme des lapins ; certains n'ont même pas tiré une cartouche ! Mon grand-père, de cavalier est devenu artilleur parce que les Francais qui devaient couvrir les indigènes en première ligne qui résistaient face aux Allemands avaient fuit. Résultat : de très grosses pertes pour les Algériens : vraiment l'armée francaise en 40, elle était belle !
Réponse : Vous avez raison de rappeler ce que la France doit à ses combattants venus des colonies, non seulement au cours des années 1943-1945, mais également lors de la première bataille de France, en 1940. Il n'est pas juste, cependant, d´opposer le courage des uns - les "indigènes" - à la lâcheté des autres - les "métropolitains". Contrairement à un état-major gagné par le défaitisme dès les premiers jours des combats, la plupart des soldats et des officiers subalternes ont fait face avec courage et détermination. Ils n'ont pas fuit comme des lapins, mais se sont battus, l'ampleur des pertes qu´ils ont subies comme les pertes qu´ils ont infligées aux troupes allemandes témoignent de ce comportement exemplaire.

Question de : paul
Bonjour, Pourquoi accuser les occidentaux d'être les principaux responsables de l'esclavage ? Les Arabes sont les principaux responsables de l'esclavage. 40% de l'esclavage concerne les pays arabes (17 millions d´esclaves) 30% les pays africains (traite interafricaine 14 millions) 26% pour les pays occidentaux (11 millions). (Olivier Pétré-Grenouilleau : "Quelques vérités gênantes sur la traite des Noirs"). Il faut ajouter la traite des blancs. Par exemple Cervantes est resté esclave 8 ans en Algérie et la Grande Mosquée de Cordoue (lorsque cette ville d'Espagne était occupée par les Arabes au Xe siècle) a été construite par des esclaves blancs. L'esclavage se poursuit aujourd'hui avec 800 000 esclaves au Niger (lexpress.fr)
Réponse : Je partage totalement l'analyse d'Olivier Pétré-Grenouilleau qui a rappelé que la traite négrière européenne s'était greffée sur des courants antérieurs (internes à l'Afrique noire et traite arabe) et qui se sont prolongés bien longtemps après l'interdiction de la traite puis de l'esclavage décidée par les puissances européennes. Et vous avez pleinement raison de rappeler qu'aujourd'hui encore cette pratique scandaleuse n'a pas disparu. On pourrait d'ailleurs ajouter que, dès le début des années 1840, dans les parties du territoire algérien qu'elle contrôle, la France s´est attachée à interdire l'acheminement et la vente publique d'esclaves ainsi que la possession et le commerce d'esclaves - du moins aux Européens et aux Juifs. Après 1848, la France s'est efforcée, avec plus ou moins de rigueur et de succès, compte tenu du poids des traditions locales, d'interdire l'esclavage dans ses colonies.

Autrement dit, à partir des années 1840, la colonisation a été l'une des voies qui a contribué à lutter contre l'esclavagisme. Pourquoi ne s'intéresser qu´à la traite européenne ? La réponse n'est pas d'ordre historique : depuis des décennies les historiens ont fait leur travail comme la somme publiée par O. Pétré-Grenouilleau l´atteste. La réponse est d'ordre politique. Il s´agit pour certains d'assigner les Noirs de France dans une identité de "descendants d'esclaves". On construit donc, de manière artificielle une "mémoire victimaire" : - se dire "descendants d'esclave, c'est-à-dire choisir dans son ascendance est un choix ; - tandis qu'il est par ailleurs évident que parmi les Africains de France, certains descendent de peuples qui ont pratiqué l'esclavagisme ou participé aux traites -négrières.

Au total, l'objectif de cette campagne est, en premier lieu, de justifier l'existence d'une créance - morale et matérielle - que la République aurait à l'égard de ces "descendants" d'esclaves. En second lieu, elle vise à expliquer que le racisme dont des Noirs - comme les Arabes - sont aujourd'hui souvent victimes - discrimination à l'embauche, au logement... - trouverait ses origines et son explication dans une pseudo "fracture coloniale" que la France serait incapable de réduire. Ainsi, on évacue la dimension sociale de ces manifestations : importance du chômage qui frappe toutes les couches populaires ; absence d'une politique ambitieuse du logement social ; relégation des couches populaires, etc.

Question de : paul
Bonjour, La Corée a été colonisée par le Japon : la colonisation la plus brutale de l'histoire. 2 millions de Coréens ont connu l'esclavage. Puis ce fut la guerre de Corée avec 2 millions de morts. En 1960 la Corée du Sud avait le même PNB par habitant que les pays d'Afrique. Pourquoi la Corée du Sud est-elle une grande puissance malgré l'état de guerre avec la Corée du Nord alors que les pays d'Afrique sont toujours aussi pauvres?
Réponse : De nombreux facteurs expliquent le destin divergent de la Corée et des pays africains. Au début des années 1960, les conjoncturistes pariaient plus volontiers sur l'Afrique que sur l'Asie. Le continent noir disposait d'importantes ressources naturelles, d'une faible densité de population, alors que la Corée, privée des premières était perçue comme surpeuplée. C'est cette dernière, pourtant, qui a réussi son décollage et son développement, alors que l'Afrique, dont il ne faut pas nier les dynamismes, est à la peine. Pourquoi ? Quelques pistes : - on pourra certes évoquer l'importance des investissements étrangers (japonais et américains) - mais il faut souligner aussi que la Corée du Sud est l'un des pays au monde qui a fourni le plus gros effort d'investissement dans le secteur de l'éducation et de la formation - le niveau très élevé de productivité de la main-d'oeuvre locale, reposant sur un haut niveau de formation et de compétence. - le choix de l'ouverture internationale et du développement à partir des industries légères (textiles) relayées, ensuite, par le développement des industries lourdes ou mécaniques.

Question de : sdfqs
Finir avec la repentance coloniale ? OUI mais d´abord faudrait qu'elle ait commencé ! La colonisation a été totalement passée sous silence et justice sera rendue qd elle prendra toute la place qu´elle doit occuper au même titre que les autres thèmes de l'histoire de France ! Qu'en pensez-vous ?
Réponse : Contrairement à ce que vous avancez, la colonisation n´a pas été "totalement passée sous silence". Cette histoire est étudiée depuis le XIXe siècle, y compris de manière critique (je vous renvoie au très beau livre d´un des plus grands historiens de l´Algérie coloniale, Charles-Robert AGERON : L'Anticolonisalisme en France de 1871 à 1914, PUF, dossier Clio, 1971). Même de manière insuffisante, elle a pris place dans les programmes scolaires au collège et au lycée. Elle est fortement présente à l'Université. Des revues "grand public" comme L'Histoire ou Historia lui ont consacré de très nombreux articles, voire des numéros spéciaux. De nombreuses oeuvres de fiction (romans, films,... en ont traité. Il n´y a donc eu ni silence ni, encore moins, complot du silence autour du passé colonial de la France. Quant à se "repentir", de ce passé, cela n'a aucun sens. L'histoire est faite pour connaître et comprendre, pas pour juger ni engager une démarche pénitentielle.

Question de : aezer
Finir la repentance ne veut pas dire ne pas reconnaitre ses torts et travers, mais surtout accorder à la colonisation toute la place qu'elle a dans notre histoire et laisser place à la justice. Et que proposez-vous à ce sujet
Réponse : Sur le premier volet de votre question, je redis à nouveau, que "reconnaître ses torts" n'a, historiquement, aucun sens. À quoi se réfère "ses" torts ? Les torts de qui ? On ne juge pas le passé, on s'attache à le connaître et à le comprendre. "Laisser place à la justice" ? Pour juger qui ? Selon quelle procédure ? Juger les esclavagistes du XVIIe ou du XVIIIe siècle ? Juger Pélissier ou Saint-Arnaud pour les enfumades qu'ils ont perpétrés lors de la conquête de l'Algérie ? Je pense que cela les indiffère.

Ce qui me semble grave, dans cette demande de justice c'est d'abord qu'elle tend à se substituer à la demande de connaissance, de savoir. C'est d'autre part qu'elle tend à substituer à la complexité des faits, à leur évolution, une vision manichéenne où s'opposeraient les bons et et les méchants, le bien et le mal, les victimes et les bourreaux. Dès lors, c'est qu'on puisse exiger des historiens qu'ils se conforment à cette façon d'appréhender le passé et que leurs travaux ne disent plus le "vrai", mais le bien, ou plus exactement ce que la société ou la justice considèrent, à un moment donné, comme ce qu'il convient de dire. Pour prolonger cette discussion, je vous renvoie aux articles que deux grands historiens - par ailleurs anticolonialistes de la première heure - Madeleine Rébérioux et Pierre Vidal-Naquet, ont publié à propos de la loi Gayssot et plus généralement des qualifications juridiques du passé.

Question de : Internaute
Le film fait l'impasse sur la présence de soldats noirs dans les troupes coloniales. On les plaçait sur l'avant du front moins pour leur valeur militaire que pour leur effet destabilisateur sur le moral d'en face, où leur réputation de pratiquer des mutilations cruelles sur les prisonniers répandait la terreur
Réponse : Je pense que vous faites allusion au film Indigènes. Une première remarque, les soldats noirs ne sont pas absents du film, on les voit participer à la campagne d'Italie puis à celle de France, jusqu'à l'arrivée dans les Vosges. S'ils disparaissent du film à ce moment, c'est que la campagne des Vosges commence à l'hiver 1944 et que, expérience de la Première Guerre mondiale aidant, l'état-major retire du front ces soldats mal préparés à affronter les hivers rigoureux (c´est ce qu'on appelait, lors de la Première Guerre, l'hivernage).

Il n'est pas exact d´affirmer que ces soldats ont été systématiquement placés aux premiers rangs lors des assauts. Là encore, l'expérience des premiers mois de la Grande Guerre a convaincu l'état-major que l'efficacité de ces combattants imposait d'intégrer leurs régiments dans des unités où ils côtoyaient des combattants métropolitains ou d'Afrique du Nord. On ne trouve pas, d'ailleurs, ni lors de la Première Guerre mondiale ni lors de la Seconde, de sur-mortalité parmi ses soldats. S'ils avaient été engagés les premiers, leurs pertes auraient été supérieures à celles des autres combattants, et, je le répète, ce n´est pas le cas. Enfin, concernant la réputation de cruauté ou de sauvagerie des soldats noirs, c'est une légende forgée lors de la Première Guerre par la propagande allemande (la Honte noire) et qui a justifié, lors de la Sesconde Guerre mondiale les crimes de guerre perpétrés par les armées allemandes contre nombre d'entre eux, après qu'ils se soient rendus, et le traitement souvent inhumain qui leur a été réservé dans les camps de prisonniers. Pour plus de détail sur les soldats africains pendant la Première Guerre mondiale : Marc Michel, L'Appel à l'Afrique (rééd. Karthala, 2005).

Question de : dfsdfsdf
Apres le vote sur le génocide arménien à quand le vote de la loi sur la pénalisation liée à la colonisation qui concerne énormément notre pays !
Réponse : J'espère que l'Assemblée nationale reviendra sur le vote de cette nouvelle loi mémorielle et, il est permis de rêver, qu'elle aura même le courage d´abroger TOUTES les lois de ce type : la loi Gayssot et la loi Taubira.

Question de : kiki
J'ai lu une excellente chronique sur les émeutes de l'année dernière, signée par le grand écrivain Gabriel Matzneff. Lui-même fils d'immigrés, Matzneff rappelle que le fait d'être d'origine étrangère ne l'a pas empêché d'aimer La Fontaine et Alexandre Dumas, Marcel Carné et de Jean Renoir, le Louvre et le Palais de la Découverte. Il se pose une question :

  • "pourquoi, contrairement aux adolescents d'origine italienne, ou russe, ou arménienne, ou grecque (pour ne rien dire des émigrations plus récentes, l'espagnole, la portugaise, l'asiatique), ces garçons d'origine africaine traînent-ils toute la journée, ne s'intéressent-ils à rien, s'ennuient-ils, semblent-ils n'avoir aucune curiosité intellectuelle, aucune soif d'apprendre, de s'instruire, de lire de beaux livres ?

    " (source : matzneff.com) Qu'avez-vous à lui répondre ?

Réponse : Les raccourcis sont toujours dangereux. L'intégration dans la société - et la culture - françaises des immigrés venus d'Europe s'est réalisée beaucoup plus difficilement et beaucoup plus lentement qu'on ne l'imagine aujourd´hui. Inversement, et enseignant à l'Université Paris VIII, à Saint-Denis (dans le 93), je constate que parmi les étudiants de cette université, beaucoup sont d'origine africaine et que, malgré des conditions sociales souvent défavorables - un très grand nombre travaille parallèlement à leurs études - ils manifestent une volonté de réussir tout à fait remarquable.

Ce qui m'inquiète beaucoup plus c'est qu'on a privé l'école d'une bonne partie des outils qui en faisait un formidable instrument d'intégration et de promotion culturelles et sociales. Ainsi, le nombre d'heures d'enseignement du français a-t-il été considérablement réduit au cours de ces trente dernières années. L'enseignement de l'histoire et de la géographie, des langues vivantes a été également réduit, tandis qu'on a pratiquement fait disparaître des établissement des quartiers populaires l'enseignement du latin et du grec. Bref, par mépris ou bêtise, on a estimé que les jeunes de ces quartiers, quelle que soit leur origine, étaient incapables d'accéder à la culture dite - non sans mépris - "classique". Bref, l'école a été transformée en bonne part, et malgré les enseignants, en lieu de vie ou en lieu d'occupation, mais, de moins en moins en lieu d'apprentissage. Tous les gouvernements qui se sont succédés au pouvoir depuis le début des années 1970 sont responsables de cette politique qu'il conviendrait d'inverser radicalement.

Je voudrais remercier toutes celles et tous ceux qui m'ont fait l'amitié de poser des questions. Le temps qui m'était imparti ne m'a permis de répondre à tous. Mais je propose de prolonger ce débat sur mon blog et sur celui de l'association Études Coloniales.

source
(orthographe des questionneurs corrigée)

 

 

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1 décembre 2006

"villages noirs" ou zoos humains ?

Diapositive1



Villages noirs

et autres visiteurs africains et malgaches

en France et en Europe (1870-1940)

un livre de Jean-Michel BERGOUGNIOU, Rémi CLIGNET et Philippe DAVID

aux éditions Karthala (2001)

 

présentation  de l'éditeur

Attestés par une riche iconographie, les "Villages noirs" présentés un peu partout en France entre 1870 et 1930 ont pris place dans le phénomène universel et permanent des exhibitions ethnographiques plus ou moins commercialisés, selon les époques et les endroits, du cirque aux spectables et aux expositions coloniales ou non. En majorité sénégalais pour ce qui des formules "à la française", ils ont à leur manière participé positivement à la lente et malhabile découverte réciproque des peuples périphériques, coloniaux ou non.

 

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"Village noir - Famille Wolof, bijoutiers", exposition d'Angers, 1906

 

________________________________________________________________________


"Villages noirs", Visiteurs africains et malgaches en France et en Europe (1870-1940),
Jean-Michel Bergougniou, Rémi Clignet, Philippe David, Karthala, 2001.


Depuis quelques années, on évoque abondamment les «zoos humains» où les Africains auraient été exhibés devant les badauds européens du XIXe siècle dans un esprit honteusement raciste. Saluons donc le travail déployé par trois chercheurs pour remettre les choses en place, dans cet ouvrage paru chez Karthala, éditeur spécialisé dans l’Afrique et ne passant pas pour être particulièrement réceptif aux thèses impérialistes et néo-colonialistes.

De quoi s’agit-il ?  De la vogue des «spectacles ethnographiques» et des «villages noirs» qui, pendant une trentaine d’années, de 1880 à 1910, se répandit en même temps que celle des expositions universelles, reflet d’un intérêt général pour les progrès de la science et des connaissances géographiques apportées par les grandes explorations.

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"Sortie des Noirs", exposition d'Angers, 1906

Ce n’est pas la République «coloniste» de Jules Ferry qui fut la première à avoir l’idée de tels spectacles, mais l’Allemagne, certes engagée dans l’exploration et la colonisation de l’Afrique noire, mais pas autant que la France et l’Angleterre de Fachoda. Fondateur d’un célèbre parc animalier près de Hambourg et grand pourvoyeur de zoos européens en faune africaine, Carl Hagenbeck ne heurta pas les sensibilités de l’époque en faisant accompagner certains de ses fauves par des indigènes «de même provenance».

Au contraire, il fut rapidement imité par des compatriotes, les frères Möller, organisateurs de «caravanes» africaines en Allemagne et dans les pays voisins. De Hambourg à Copenhague, leurs «spectacles» attirèrent des milliers de visiteurs. Ils recrutaient directement en Afrique des «troupes» auxquelles ils promettaient des «cachets» faramineux à l’aune locale.

Ce qui nous paraît choquant aujourd’hui, ne l’était pas à l’époque. Pourquoi pas des Africains, puisque les Gauchos argentins, les Lapons norvégiens et les Cosaques des bords du Kouban faisaient aussi partie des «curiosités» offertes à la contemplation des écoliers et de leurs parents ?

La France, en tout cas, emboîta le pas à l’Allemagne et à la Grande-Bretagne. Les Ashantis du Ghana furent «produits» à Paris après avoir «tenu l’affiche» à Londres. Le Makoko du Congo en personne, le roi qui avait signé un traité d’amitié avec Brazza, fut «emprunté» aux autorités pendant qu’il faisait une «visite officielle» à Paris, pour participer à un «spectacle congolais» organisé à Roubaix en 1887. Le zoologiste Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, président du conseil d’administration du Jardin d’Acclimatation de Paris, donna une caution scientifique à des activités mêlant spectacles animaliers et parades humaines.

En 1878, la revue La Nature le remercia vivement d’«offrir ainsi à ceux qui s’occupent spécialement des races humaines des moyens d’étude que nos mœurs casanières ne nous permettent que très rarement d’aller chercher sur place.» Du chirurgien Paul Broca au prince Roland Bonaparte, futur président de la Société de géographie, les sommités de diverses disciplines scientifiques ne jugèrent pas indigne de venir observer et mesurer les hôtes du Jardin d’Acclimatation.

 

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"Village noir - prière à la mosquée", exposition de Nantes, 1904

Le grand mérite des trois auteurs de Villages Noirs est de ne rien cacher du caractère aujourd’hui inacceptable de ces spectacles, sans en profiter pour faire le procès expéditif des générations précédentes. Les «vedettes» les plus applaudies des Français, y compris aux Folies-Bergère, furent les célèbres «Amazones» du Dahomey, celles-là même qui donnèrent le plus de fil à retordre à la Coloniale pendant la conquête de ce pays. Si c’était du racisme, il cachait bien son jeu.

Ce livre déborde la période faste des «villages noirs» pour aller brièvement jusqu’aux années 1950. «Réduire quatre-vingts ans de contacts au seul schéma ridicule et déformé du Blanc-qui-jette-des-cacahuètes-au-Nègre-par-dessus-un-grillage, en refusant de le cantonner aux seules occasions où cela s’est effectivement produit et, surtout, tenter d’en faire le jalon manquant entre l’esclavage et les camps de concentration, c’est mentir, au mieux par ignorance, au pire par omission», concluent les auteurs. L’un d’eux, Rémi Clignet, fut directeur de recherches à l’ex-Orstom1. Un autre, Philippe David, a derrière lui un long passé de magistrat breveté de l’Enfom2. Cette carte de visite vaut bien celle des thésards en mal de sujet «original» qui ont fait leur fonds de commerce de la dénonciation répétitive des «zoos humains».

Jean de la Guérivière

 

1 - Office de recherche scientifique et technique outre-mer, devenu l’Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération.
2 - École nationale de la France d’outre-mer.

- Jean de la Guérivière, ancien journaliste au Monde, correspondant à Alger et responsable de la rubrique Maghreb, auteur de Les fous d'Afrique (Seuil, 2001), L'exploration de l'Afrique noire (Le Chêne, 2002), Amère Méditerranée (Seuil, 2004) et Indochine, l'envoûtement (Seuil, 2006).

 

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"Au village noir : un groupe", exposition d'Orléans, 1905

 

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"Village noir : famille Mandingue, joueurs de Cora", exposition d'Angers, 1906

 

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"Au village noir - Famille Laobé", exposition d'Orléans, 1905


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"Village Noir : salle de danse", exposition du Mans, 1911



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17 novembre 2006

Analyse critique des deux pleines pages de Daniel Leconte (Gilbert Meynier)

Diapositive1
victimes "européennes" du FLN le 20 août 1955 à El-Alia
(Philippeville, aujourd'hui Skikda) (source)

Diapositive2
"charnier découvert à El-Alia juste après l'indépendance"
(source)

 

Analyse critique des deux pleines

pages de Daniel Leconte

Gilbert MEYNIER

 

daniel_leconte_photo

 

 

 

daniel_leconte_couv

 

 

Les «bonnes feuilles» du livre de Daniel Leconte ont été publiées dans le numéro 747, du 11 octobre 2006, de Charlie Hebdo. Gilbert Meynier y a répondu le 5 novembre 2006.

Des deux pleines pages que j’ai lues dans Charlie Hebdo de Daniel Leconte [1], je tire entre autres ce qui me paraît être inadmissible : ce qu’il dit sur les massacres de la région de Skikda le 20 août 1955 (El-Alia…) contre des Européens le jour du soulèvement du Constantinois impulsé par Youssef Zighout, à propos de quoi il ne dit pas un mot des milliers de victimes algériennes qui ont suivi le 20 août du fait d’une répression aveugle, qui, en certains point, a pu dépasser la sauvagerie de celle de mai 1945.

Et il faudrait dire quelles sont les raisons pour lesquelles des paysans deviennent violents, raisons qui ne se ramènent évidemment pas à une propension atavique à la violence, comme semble le laisser peut-être sous-entendre Leconte : quand, au début du XVIIIe siècle, des dragons de Villars ou des gens soupçonnés d’être des agents du roi, voire même simplement des catholiques ou des gens soupçonnés d’être catholiques, arrivaient dans le champ des Camisards, leur affaire était vite faite, et sans autre forme de procès.

Leconte expédie en quelques lignes les violences coloniales pour s’attarder pesamment sur les violences algériennes, ou algéro-algériennes, sans dire que les premières furent, pendant la guerre de reconquête coloniale de 1954-1962, des violences industrielles, bien différentes des violences artisanales algériennes. Si l’on prend en compte le bilan des victimes de la guerre de 1954-1962 établi plausiblement par le démographe Kamel Kateb (400 000 morts, et non pas bien sûr le chiffre de 1,5 millions ressassé et asséné par le pouvoir algérien dans la démagogie victimaire héroïsante), l’historien peut estimer que, plausiblement, environ 50 000 Algériens ont été tués par le FLN/ALN, soit, donc, 350 000 par les Français – et sans doute davantage de populations civiles que de maquisards. Les victimes françaises : autour de 5 000 pour les Pieds Noirs, environ 20 000 pour les soldats français du contingent. Désolé pour cette macabre comptabilité, mais elle était nécessaire pour situer les choses, pour ne pas voir le midi victimaire à une seule porte.

Chez Leconte, le «FLN» est présenté comme une entité en soi, quasiment monolithique, alors que le FLN fut divers. Bien sûr qu’il y eut triomphe d’une bureaucratie militarisée et, en grande partie, défaite desharbi_meynier_fln_docs politiques, je crois l’avoir montré dans mon Histoire intérieure du FLN 1954-1962 et dans Le FLN, documents et histoire 1954-1962, réalisé en collaboration avec Mohammed Harbi [2]. Mais cela n’enlève rien au fait qu’il y a chez Leconte, encore qu’il s’en défende, confusion à mon sens volontaire entre d’une part une lutte de libération hautement légitime – et inéluctable, vu les blocages coloniaux – et d’autre part les formes qu’elle a prises et les résultats auxquels elle a abouti.

De toute façon, et même si ce ne fut pas dans les objectifs premiers du FLN de bouleverser la société (il s’agissait au premier chef de se débarrasser de la domination étrangère), la nouveauté et la singularité de l’événement ont tout de même durablement bouleversé la société algérienne. Certes, il y a eu en Algérie indépendante propension à la régression obscurantiste et un bas niveau de l’enseignement, mais cela n’empêche pas que maintenant la quasi-totalité des enfants algériens sont scolarisés : fait décisif, notamment pour les femmes, par rapport à l’obscurantisme par défaut induit par le colonialisme : en 1914, seulement 5 % des enfants algériens étaient scolarisés ; en 1954, guère plus de 10 %.

Et il faut dire fermement que, dans un pays dans lequel la langue de haute culture a été pendant plus d’un millénaire l’arabe, il est pour moi évident qu’il fallait refaire de l’arabe la langue de l’enseignement. Ce n’est donc pas l’arabisation en soi qui a posé problème (j’affirme qu’elle était non seulement légitime, mais hautement souhaitable), mais son ennoiement dans les acceptions du sacré intangible, trop souvent porteur d’obscurantisme. Et si, au début des années 1990, le pouvoir algérien s’est si violemment confronté au FIS, ce n’était pas pour des raisons fondamentales de divergences idéologiques, mais pour des raisons de rivalité de pouvoir : le Code de la Famille algérien de 1984, un des plus réactionnaires du monde islamo-arabe, date de 1984. En d’autres termes, le pouvoir de l’Algérie indépendante a tellement joué avec des allumettes obscurantistes qu’il a fini par se brûler les doigts.

Ce que Daniel Leconte écrit sur Abbane [photo], le dirigeant du FLN cher à son cœur, et dont je crois assez bien7878_9651 connaître l’histoire, relève de l’ignorance manichéenne. Certes, il est vrai qu’Abbane fut un vrai politique – j’ai cru pouvoir le définir à la fois comme «le Lazare Carnot et le Jean Moulin» de la Résistance algérienne. Pour autant il eut aussi des responsabilités dans les violences algéro-algériennes, en particulier en ce qu’il a vigoureusement encouragé à l’éradication violente du messalisme (une de ses directives : «Tout messaliste conscient doit être abattu sans jugement».). Et Abbane n’a jamais été étranglé «lors d’une réunion au sommet des dirigeants de la Révolution» ainsi que le dit fautivement Leconte, mais, attiré par le directoire militaire des «3 B» (Belkacem Krim, Ben Tobbal, Boussouf, et sous la responsabilité assumée de ce dernier) dans un guet-apens, cela dans une ferme isolée dans le nord du Maroc, près de Tetouan, le 27 décembre 1957.

Par ailleurs, lorsque Leconte parle de «révolution», on aimerait savoir ce à quoi ce terme, chez lui, renvoie en ce qui concerne le FLN : en Algérie, on a traduit à mon avis fautivement par «révolution» le terme arabe de thawra, qui renvoie bien davantage à la révolte et à l’insurrection (le thâ’ir, c’est le révolté, l’insurgé, mais aussi le déchaîné, le furibond). Si «révolution» algérienne il y eut, elle fut une révolution anticoloniale, et uniquement anticoloniale, et en aucun cas ce retour sur soi et ce bouleversement de soi qu’implique le terme français de «révolution».

Et il y a d’autres erreurs dans les deux pleines pages de Leconte que Charlie Hebdo a citées comme des «bonnes pages», et l’historien se doit de relever ces erreurs. Il est, par exemple, erroné d’écrire que le FLN a connu de «grandes dérives» à partir du coup d’État de Boumédiène du 19 juin 1965 : la bureaucratie à fondements militarisés avait commencé à surplomber le pouvoir, au sein des organes dirigeants algériens, bien avant, cela au moins dès le CNRA (Conseil national de la révolution algérienne, le parlement de la résistance) du Caire d’août 1957, qui vit les civils marginalisés par les «3 B», un directoire militaire s’imposer de facto et les orientations politiques du congrès de la Soummam d’août 1956 mises de fait aumelouza rancart. Par ailleurs, à propos du massacre de Melouza [photo] (dont la grande citation qui se rapporte à cet événement est produite sans aucune référence, comme d’ailleurs aucune des autres citations produites dans le texte), il y a eu aussi sanglant, et sans doute plus, que Melouza : le massacre qui est passé dans la mémoire sous le nom de la «nuit rouge» du 11 avril 1956, qui a frappé la dechra Tifraten dans la basse Soummam, et qui paraît ignoré.

Ajoutons que c’est aussi une grave erreur historique que de mettre dans le même sac du «terrorisme aveugle» les attentats de la rue de Thèbes et du Milk Bar dans une phrase alambiquée qui les place de manière indifférenciée sous la responsabilité commune du FLN et de l’OAS: l’attentat de la rue de Thèbes (été 1956), qui a été le plus sanglant des attentats commis à Alger en 1956-1957 (plusieurs dizaines de morts), a bien été l’œuvre des seuls ultras de l’Algérie française, et celui du Milk Bar, de la Zone Autonome d’Alger du FLN. Jamais ce ne fut «avec l’OAS» que «certains révolutionnaires algériens» ont «inventé ensemble le terrorisme aveugle». Au surplus, parler de l’OAS, née en 1961, à propos d’événements remontant à 1956-1957, relève de l’erreur anachronique.

30_09_1956_echo_
L'Écho d'Alger, 30 septembre/1er octobre 1956
(source) cliquer pour agrandir

Même si l’erreur est de moindre portée, il est tout aussi absurde, sur un autre plan, d’affirmer que Bouteflika a désavoué Abbane, cela pour la bonne raison qu’il n’a pas eu à le désavouer (ou à le soutenir) : au moment où Abbane dirigea de fait le FLN de l’Intérieur (1956), Bouteflika était encore un tout jeune homme, frais émoulu du lycée d’Oujda, et un parfait inconnu, auquel, évidemment, personne, alors, n’a jamais demandé de se prononcer politiquement. Ce n’est que plus d’un an plus tard qu’il commencera à devenir l’enfant chéri de Boumédiène, au sein de son institution de pouvoir militarisée, l'«État-major général».

Encore une fois, je peux écrire ce que j’écris parce que je ne suis en aucun cas suspect d’être bienveillant à l’égard de la bureaucratie à fondements militarisés qui a décisivement pris barre sur le FLN depuis 1957, et qui a longtemps continué à régner sous le parapluie de fragiles fusibles civils. La régression obscurantiste a été, de fait, appelée par le pouvoir, et elle a donné forme aux cris des enfants du peuple paumés et matraqués à partir d’octobre 1988. Mais, là encore, il faut analyser dans la dialectique le phénomène islamiste, lequel n’est plus le même qu’en 1991…

Enfin, j’ai parlé, à plusieurs reprises, dans mes ouvrages, des permanences, entre avant et après l’épisode colonial, de l’autoritarisme qui a marqué la société d’allégeances qu’était – reste encore sous certains703 aspects – l’Algérie. Tout comme mon ami, l’historien algérien Mohammed Harbi, moi, dont la carte d’identité porte que je suis français, je ne crains pas d’écrire l’histoire de l’Algérie : c’est le droit de tout humain libre épris de libre histoire. Quel que soit le jugement politique que l’on puisse porter sur Boumediene ou Bouteflika, quelles que soient les réserves que l’on puisse émettre sur les conditions des deux élections de ce dernier à la présidence de la République ou sur ses conceptions politiques, ce dernier est bien Président de la République algérienne. Et si d’autres illustres personnalités algériennes – je pense par exemple au regretté président Boudiaf – auraient eu une plus consistante épaisseur historique pour demander des comptes à l’État français, de par les fonctions qu’il occupe, il est en droit de le faire [3].

Concernant Sartre [photo], attaqué par Daniel Leconte pour son soutien au FLN, on peut sartrebien sûr ne pas lui donner quitus pour tout ce qu’il a dit ou écrit. Mais, de 1954 à 1962, il s’agissait au premier chef de lutter pour la libération d’un peuple. Et, même si aucune violence ne peut être soutenue en soi, il est historiquement inexact d’affirmer que toutes les violences se valent : celle des dominés était en grande partie réponse à celle des dominants. Pour moi, il est évident que les colonisés ne peuvent être ramenés à leur seul état de victimes : les Algériens ont été colonisés, mais ils n’ont pas été que colonisés, et ils ont donc en partie été les responsables de l’histoire qui leur est advenue. Cela, il y a longtemps que, en historien, je pense l’avoir intégré et exprimé. Même s’il est parfois difficile, voire douloureux, d’écrire l’histoire, sur le plan des principes et de la déontologie, écrire l’histoire de l’Algérie ne me dérange pas, et j’y ai consacré une grande partie de ma vie.

Il faut enfin en finir aussi avec cette antienne qui voudrait que, soit d’un côté, soit de l’autre, il y ait eu des «aspects positifs» et des «aspects négatifs» à la colonisation – comme à tout objet d’histoire. Ce sont des questions que l’historien ne se pose jamais, même s’il est constitué de valeurs et qu’il peut avoir des appréciations sur tels faits au nom de ces valeurs. L’historien se propose d’expliquer, cela en rendant compte de toute l’épaisseur du divers historique, laquelle ne se ramène jamais à des binômesFrancoisFuret2 tranchés et manichéens. Et qu’on puisse porter au pinacle un historien comme François Furet [photo], célèbre pour ses assertions révisionnistes sur la Révolution française, est un choix, mais c’est un choix que l’on n’est pas obligé de partager. Furet n’est pas une bible absolue, et il existe bien des historiens qui le jugent sans concessions. Et, dans Furet, il y a eu aussi des zones d’ombre. Le fait que les condamnations sans appel soient souvent le fait de gens issus de la famille politique ou de l’école de pensée (en l’occurrence la mouvance communiste) contre laquelle on se retourne n’est pas anodin.

J’ai tenu à réagir, aussi, contre cette accusation visant les historiens algériens qui ne seraient pas capables de balayer devant leur porte et de faire une analyse critique de l’histoire de l’Algérie. Bien sûr, il n’est pas facile de faire de l’histoire sereine et distanciée dans le contexte politique algérien, mais, même s’ils écrivent souvent du dehors, ces historiens existent : outre Mohammed Harbi, qui est le plus libre et le plus indépendant des historiens algériens de l’époque contemporaine, Lemnouar Merouche, spécialiste de l’Algérie ottomane, qui n’a pas craint, tranquillement, par exemple, d’analyser dans son dernier livre, le grand pogrom antijuif d’Alger de 1805 ; et la jeune Ryme Sefedjerli, professeure à l’université d’Ottawa, qui a parlé des femmes dans l’ALN d’une manière scientifique dans sa thèse en anglais, bien loin de toute idée de propagande ; et Lahouari Addi a aussi fait œuvre d’historien dans son livre sur la démocratie, et aussi Madjid Bencheikh, qui a analysé «un système politique militarisé»… Et il faut dire toute la capacité du pouvoir à capter et recycler des talents : nombre de talents ont été récupérés par le pouvoir, et ainsi mis au silence.

Cette mise au point me paraissait nécessaire et, pour autant que l’historien ait un rôle social, il se doit de traquer les insuffisances, les erreurs et les dérives idéologiques, cela d’où qu’elles viennent.

Gilbert Meynier

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Notes
[1] J’avais lu en son temps la première édition de ses Pieds noirs, histoire et portrait d’une communauté, qui m’était apparu à l’époque comme un livre honnête. Les « bonnes pages » sont tirées due réédition du livre, précédée d’une première partie, et qui s’intitule Camus si tu savais, suivi de Les Pieds Noirs, Seuil, 2006.
[2] Respectivement Fayard, Paris, 2002, 812 p. et Fayard, Paris, 898 p.
[3] Ceci dit, même si Bouteflika ne fut pas un maquisard de terrain pendant la guerre de 1954, comme, par exemple, l’ancien président Ali Kafi ou le colonel Hassan, il fut chargé pendant quelques mois, en 1957 et 1958, d’une fonction de contrôleur en wilâya 5, ce qui signifie que, du Maroc, il a franchi le barrage électrifié à l’aller et au retour, ce qui n’avait rien d’une promenade et atteste d’un courage certain. Au surplus, la lutte de libération algérienne était multiforme : il y avait, à côté des maquisards, des militants qui, par la politique et l’investissement de la scène internationale, jouèrent un rôle déterminant pour aboutir à la victoire politique du FLN. Cette victoire fut bien politique, même si elle avait été préparée par la commotion des armes.

 

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24 septembre 2006

Les Nord-Africains n'étaient pas de la chair à canon (Daniel Lefeuvre)

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Les Nord-Africains

n'étaient pas de la chair à canon

Daniel LEFEUVRE

 

CINEMA

Le film vu par un historien, Daniel Lefeuvre : «Les Nord-Africains n'étaient pas de la chair à canon»
- Les Échos - 22 septembre 2006

Indigènes est «un bon film où l'on ne s'ennuie pas, et c'est un film utile, car ces combattants, qui ont été l'«épée de la France», selon l'expression de De Gaulle, méritent notre reconnaissance», estime l'historien Daniel Lefeuvre, qui vient de publier Pour en finir avec la repentance coloniale (Flammarion). Le traitement historique du film n'en suscite pas moins quelques questions.

Pourquoi voit-on aussi peu de combattants français ? Sur les cinq personnages principaux, un seul incarne un soldat pied-noir : le sous-officier Martinez (interprété par Bernard Blancan). Par ailleurs, ce sous-officier aurait une mère arabe. Peu plausible. Arabes et Européens n'avaient pas de relations intimes et, à supposer, qu'ils en aient eues, l'enfant n'aurait pas été reconnu par la famille du père. Plus discutable encore : les scènes des durs combats de la vallée du Rhône, qui ont entraîné de lourdes pertes, semblent vouloir accréditer l'idée que les «indigènes» étaient de la chair à canon.

Les statistiques de la mortalité des différentes composantes de l'armée d'Afrique, répertoriées par Daniel Lefeuvre à partir des archives, réfutent cette opinion. Le taux de mortalité des soldats nord-africains, les plus nombreux, est de 5 %, celui des soldats d'Afrique noire d'un peu moins 5 %, celui des Français «de souche», y compris des Corses, qui ont constitué un fort contingent, de 5,70 %, et celui des Français d'Algérie de 8 %. Autre indicateur pertinent, le pourcentage de mobilisés pour une classe d'âge : il est de 45 % pour les pieds-noirs, proche de 9 % pour les colonisés.

En revanche, Daniel Lefeuvre juge tout à fait «positives» certaines scènes : le respect des traditions musulmanes (notamment des sépultures) par l'armée ; l'accueil chaleureux de la population française, à Toulon, à Marseille, en Alsace. Dernier point, incontestable, souligné par le film : la carrière à deux vitesses des soldats. Les «indigènes» avaient des soldes inférieures du tiers, voire de moitié, à celles des Français, et leur progression en grade était plus lente et limitée.

Dès 1943, pourtant, les autorités coloniales avaient demandé l'égalité de traitement. L'administration des Finances s'y est opposée. Les difficultés financières de l'après-guerre, la «cristallisation» (le gel) des pensions en 1959 ont empêché ce geste minimum de reconnaissance pour le sang versé, réclamé un mois avant sa mort par le général Leclerc.

journal Les Échos, 22 septembre 2006




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