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études-coloniales
11 mars 2009

Léon Humblot à la Grande Comore (photos)

112275328



quelques photos de la Grande Comore,

sur plaques de verre,

provenant de Léon Humblot

 

Léon Humblot (1852-1914), le "grand sultan blanc" était un naturaliste que le Museum d'histoire naturelle de Paris envoya aux Comores en 1883. Par son initiative personnelle et l'accord avec le sultan Saïd Ali (1885), il permit finalement à la France de prendre le contrôle de cette île. Léon Humblot devint Résident de la Grande Comore de novembre 1889 à juin 1896.

 

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Léon Humblot


Humblot__2_
Léon Humblot, à droite ; au milieu, il s'agirait de Georges Laurent,
ingénieur agricole de la société la France coloniale à partir de fin mai 1899
(communication de son petit-fils Jean-Luc Laurent, mai 2009)

Georges_Laurent___Anjouan
Georges Laurent, à Anjouan (photo transmise par son petit-fils Jean-Luc Laurent,
mai 2009 ; les autres photos de cette page sont dues à M. Dulac)

 

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légende (à venir)


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dessin dû à Saïd Ali (?)

 

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à droite, Léon Humblot

 

Humblot__6_
légende (à venir)


Ces images inédites nous ont été fournies très aimablement  par M. Dulac, arrière-petit-fils de Léon Humblot qui vient de verser copie de sa collection aux Archives nationales d'outre-mer (Anom, anciennement Caom, à Aix-en-Provence).

Marie-Hélène Degroise, conservatrice aux Anom explique que les Archives nationales d'outre-mer "conservent déjà un très bel album (FR ANOM 8Fi15) de clichés réalisés par Léon Humblot, lorsqu'il était à la fois le directeur-fondateur de la compagnie de plantes à parfum et le résident de France à Anjouan, ainsi qu'un fonds de plaques de verre venant de la Société Comores-Bambao (FR ANOM 151AQ), qui a racheté la compagnie de [Léon Humblot] dans les années 1930".

Michel Renard

- lien vers la notice de ces archives : FR Caom 151 AQ 1 à 27


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Léon Humblot figure-t-il sur cette carte postale ancienne ?

mosqu_e_avec_L_on_Humblot__

Cette carte, légendée, "la mosquée dans un village", semble avoir saisi une scène sur laquelle figure Léon Humblot. Ne serait-ce pas lui, tout à fait à droite, vêtu de ses habituels chemise et pantalon blancs, la barbe fournie et le front dégarni, tenant de sa main droite un casque colonial ?

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photo_lg_comoros
source

 

la Grande Comore

Alfred MARTINEAU (1933)

La Grande Comore est un long fuseau de 70 kilomètres de long sur 15 de large en moyenne ; sa superficie est 90 000 hectares. En cet espace si resserré par la mer se dresse un massif montagneux, que domine, à 2 400 mètres, un volcan éteint. Sauf de rares parties, où la couche de terre est assez épaisse pour permettre des cultures, le reste de l'île n'est qu'un amas de laves, recouvertes de mousse et parfois d'un peu d'humus, dans les anfractuosités desquelles poussent cependant de fort beaux arbres, d'une très grande puissance.

Pas le moindre ruisseau ; deux sources seulement d'un très faible débit, l'une au nord, l'autre au sud ; des puits d'eau saumâtre en bordure du littoral, telle est l'île, l'une des plus pittoresques pourtant et l'une des plus attachantes qui soient au monde. La population y est assez dense, 50 à 60 000 habitants, répartie en un certain nombre d'agglomérations, toutes situées au bord de la mer. Pas une seule habitation dans l'intérieur, où il n'y a ni eau ni terres de culture. L'eau de pluie est partout recueillie dans des citernes.

de petits sultanats rivaux

On ignore tout des origines de cette île, qui, se trouvant sur la route de Zanzibar à Madagascar, aurait été sans doute la relâche obligatoire de tous les navires naviguant dans ces parages, si des rades avaient offert aux navires une sécurité suffisante : on lui préférait Anjouan, où la mer est moins agitée. Elle fut islamisée de très bonne heure et, selon les habitudes moyenâgeuses, était divisée en sept ou huit sultans indépendants, lorsqu'elle se trouva en contact avec les Européens.

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Fomboni en Grande Comore

Le plus important de ces États était celui de Bambao, au centre de l'île, avec Moroni pour capitale ; puis venaient ceux de Badjini, chef-lieu Foumboni, - Mitsamiouli, avec un chef-lieu du même nom ; - Hammamet ; - Boundé et Houachili. Or, vers l'année 1850, régnait à Moroni un souverain, du nom d'Hamet. [Ahmet] Ce sultan fut naturellement en guerre avec ses voisins et, après des alternatives de succès et de revers, finit par être vaincu et détrôné. Vainement il sollicita l'intervention de la France, qui venait de s'établir à Mayotte ; elle se désintéressait encore des autres îles de l'archipel. Ahmet se réfugia à Anjouan, où l'une de ses filles épousa Saïd Omar, le fils du sultan régnant Abdallah. De cette union naquit un fils, Saïd Ali, dont le nom devait être tant de fois prononcé.

Des années passèrent et Hamet [Ahmet] mourut. Mais il vint un jour où Saïd Ali, ayant grandi, songea à faire valoir les droits qu'il tenait de sa mère. Il vint à Moroni et fut proclamé sultan de Bambao. restaient les autres princes, ses rivaux. Il ne pouvait songer au succès définitif qu'avec l'appui d'une puissance étrangère et demanda celui de la France. Un de ses rivaux demanda celui de l'Angleterre. Pour compliquer la situation, les Allemands qui - nous sommes en 1884 - rêvaient de se constituer un empire dans l'Afrique orientale avaient débarqué des hommes à la Grande Comore et leur drapeau avait même été arboré sur les hauteurs qui dominent Foumboni.

le rôle joué par Léon Humblot

La situation fut sauvée d'une façon providentielle par un naturaliste français, qui se trouvait depuis dix-huit Humblot__11_mois dans l'île, à la recherche des orchidées les plus rares ; ce naturaliste ne craignit pas de sortir de son rôle d'explorateur pour faire remplacer le drapeau allemand par le drapeau français et pour traiter, au nom de la France, la reconnaissance de Saïd Ali comme souverain de la Grande Comore. Ce naturaliste était M. Humblot.

L'accord provisoire entre M. Humblot et Saïd Ali ne reçut pas l'agrément intégral de notre gouvernement qui n'osa pas accepter le protectorat qu'on lui offrait et laissa à M. Humblot le soin d'aller comme il l'entendrait et au mieux des intérêts de la France.

M. Humblot conclut avec Saïd Ali, le 5 octobre 1885, un traité régulier en vertu duquel Saïd Ali, sans reconnaître un protectorat qu'on négligeait, s'engageait à n'accepter celui d'aucune puissance étrangère dans le consentement de la France. En vertu du même traité, Saïd Ali donnait à M. Humblot en toute propriété, sans impôt ni location, toutes les terres dont il pourrait avoir besoin et s'engageait en outre à n'accorder aucune autre concession, qu'avec l'assentiment de M. Humblot.

C'était mettre l'île sous le protectorat effectif, non de la France, mais d'un Français. Il est vrai que Saïd Ali, simple sultan de Bambao, disposait en faveur de M. Humblot de terres qui ne lui appartenait pas, de même qu'il disposait aussi en faveur de la France d'un protectorat éventuel sur des sultanats indépendants. Comme toute question mal posée, cette convention allait peser lourdement sur les destinées de la Grande Comore. Illusoire en 1885, elle se posa avec toutes ses conséquences, le jour où Saïd Ali devint sultan de l'île entière et où le protectorat français fut officiellement établi.

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Ce jour n'allait pas tarder. Les Anglais acceptèrent sans récriminer la convention du 5-octobre, mais il n'en fut pas de même des Allemands qui, n'ayant pas qualité pour intervenir directement, poussèrent à la résistance le sultan de Badjini. La guerre tourna mal pour Saïd Ali, qui ne tarda pas à être assiégé dans sa capitale et réduit à la dernière extrémité. Dans cette occurrence, il ne fut pas malaisé à M. Humblot de faire valoir au gouvernement de Mayotte que le succès du sultan de Badjini équivaudrait à un succès de l'Allemagne et à l'établissement d'un protectorat étranger sur la Grande Comore.

Le gouverneur vint à Moroni avec le Labourdonnais, dont les feux mirent en fuite l'armée d'investissement. Saïd Ali, rétabli en ses États, reconnut aussitôt le protectorat de la France, qui le reconnut par contre comme sultan de la Grande Comore (1886).

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l'aviso Labourdonnais (1875-1893)

les conflits de pouvoir

Comme conséquence du traité de 1886, la France envoya à la Grande Comore un résident, M. Weber, pour assister Saïd Ali. Ce résident se heurta tout d'abord aux difficultés créées par le traité de 18856, partout où il rencontrait M. Humblot, ses privilèges et ses exemptions. Il en prit du dépit, de la mauvaise humeur et comme une colère secrète de sentir à tout moment ses efforts paralysés et sa volonté tenue en échec. Dès lors commença entre M. Humblot et l'administration une lutte qui n'a jamais cessé.

Dans les premiers conflits, M. Humblot fut soutenu par Saïd Ali, qui lui témoignait ainsi sa reconnaissance, et cette situation dura jusqu'en 1889, date où, pour détruire cet antagonisme naissant, le gouvernement confia à M. Humblot les fonctions de résident.

Cette abdication devait amener M. Humblot à encourager la conquête de l'île tout entière par Saïd Ali, pour qu'il put retirer lui-même tous les avantages contenus dans le traité de 1885. De là une série d'actes qui mécontentèrent les indigènes et provoquèrent en 1890 une révolte de Badjini et en 1891 une insurrection de l'île presque tout entière. Saïd Ali, traqué jusqu'en ses propres États, dut abandonner sa capitale et se réfugier à Mayotte. L'appui de la France l'y attendait ; le gouverneur détacha un navire de guerre et l'autorité de Saïd Ali fut rétablie. On en profita pour réaliser l'unité effective de la Grande Comore, en supprimant tous les sultans et en centralisant entre les mains d'un seul vizir toute l'action administrative. Les cadis et les chefs de village furent maintenus, mais placés entre les mains du sultan et du résident.

Comme le traité de 1885 avait amené les premiers conflits entre l'administration et M.-Humblot, le triomphe de Saïd Ali amena sa rupture avec le concessionnaire privilégié de la Grande Comore. Saïd Ali avait pris avec lui des engagements en 1885 ; il fallait les tenir ou entrer en lutte : Saïd Ali entra en lutte.

Malheureusement pour lui, le texte des conventions était formel et l'esprit n'en venait pas corriger la lettre. M. Humblot, agissant au nom d'une société, ne se croyait pas en droit de transiger sur les privilèges qui lui avaient été accordés et s'entêtait dans une opposition qui tenait autant à son caractère qu'à la validité de ses droits. L'opposition entre les deux hommes devint tellement vive que, quand M. Humblot fut victime d'une tentative d'assassinat en août 1893, tout le monde accusa Saïd Ali d'avoir été l'instigateur du crime. Cependant Saïd Ali était innocent, comme l'ont démontré les enquêtes administratives et judiciaires.

Les relations restèrent ainsi très mauvaises entre le sultan et le résident, jusqu'au jour où, par un attentat inexcusable, un navire de guerre français étant arrivé à Moroni, Saïd Ali fut invité à s'y rendre, sous prétexte d'une fête. Pendant la nuit, le navire leva l'ancre avec son hôte royal, qu'il conduisit à Mayotte, puis à Diego-Suarez et enfin à la Réunion.

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Saïd Ali, ex-sultan de la Grande Comore

Le contre-coup fut le retrait à M. Humblot de ses pouvoirs, titre et fonctions de résident, qui furent à nouveau confis à un administrateur de carrière. Et de nouveau ce fut la lutte avec M. Humblot, lutte d'amour-propre et d'autorité où il est parfois difficile de dégager exactement les responsabilités. Les accusations mutuelles des intéressés amenèrent à plusieurs reprises le département à envoyer des missions d'inspection, dont les conclusions ne furent jamais les mêmes.

Tandis que M. Humblot, le grand sultan blanc, professait comme opinion que les campagnes de presse coûtent trop cher et qu'il y a moins de désavantages pour un homme à se laisser attaquer qu'à se faire défendre, Saïd Ali était en rapport avec des publicistes qui essayaient de passionner l'opinion et agissaient sur le parlement lui-même. Ils obtinrent en effet que le sultan dépossédé revînt dans ses États, mais pour quelques semaines seulement et après un acte d'abdication régulière, qui sanctionnait en fait sa dépossession de 1893 (convention du 12 septembre 1909).

Un procès en reddition de compte, qui dura une vingtaine d'années, s'ouvrit en même temps devant les tribunaux pour apprécier si M. Humblot n'avait pas abusé des avantages que lui avait donnés l'acte de 1885 ; il portait sur plusieurs centaines de milliers de francs et aboutit à l'obligation pour la Société de la Grande Comore de payer à l'ancien souverain ou à ses ayant-cause une somme de 10 000 francs.

un grand seigneur

M. Humblot est mort en 1914 à Niombadjou, sa demeure préférée. On a jugé diversement son rôle : il est certain qu'il s'est établi et consolidé à Grande Comore par des procédés qui rappellent vaguement ceux de Pizarre et de Fernand Cortez : comme les deux grands conquérants espagnols, il a mis au service de sa propre fortune une volonté et une énergie qui firent l'admiration de tous ceux qui l'ont connu ; comme les deux grands Espagnols, il a estimé que la morale proprement dite ne relevait pas de la conquête ; mais il y avait, dans tous ses actes, des allures de grand seigneur qui plaisaient et dans ses relations personnelles des délicatesses de sentiment qui touchaient. C'était un homme et c'est un nom qui mérite de ne pas être oublié.

Alfred Martineau, tiré de Histoire des colonies françaises,
dir. Gabriel Hanotaux et Alfred Martineau (1929-1933), tome VI, 1933, p. 292-297
(les intertitres sont de nous)
notice biographique sur Alfred Martineau

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source

 

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Ville de M'Roni, panorama de la ville, partie du palais de Said'Ali et de la Résidence,
décembre 1897 ; photo: Henri Pobéguin 
(source)


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liens

- photos de Léon Humblot, déposées à la Société de Géographie, sur le site comores-online.com

- deux clichés dus à Léon Humblot, sur le site du vice-rectorat de Mayotte

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à droite, Léon Humblot, au centre Georges Laurent
(cliché fourni par M. Dulac)

 

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5 juillet 2008

Blancs de mémoire, un documentaire de la Cinq

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Notes rapides et à «la volée»

d’un téléspectateur

sur le documentaire «Blancs de mémoire»

Jean-Pierre RENAUD



evenement_i_2_1290Compte tenu du sujet d’histoire coloniale choisi, je m’attendais au pire, car en France, on a le plus souvent l’habitude de glorifier nos turpitudes que le contraire. Donc une agréable surprise relative, mais avec au moins deux questions.


Première question : le cadrage historique

Il est évident que l’épisode colonial commenté fait partie des abominations de la conquête coloniale, mais il parait difficile d’en conclure que cette conquête a été toujours et partout un tissu d’horreurs semblables. Le téléspectateur non averti pourrait donc en conclure que tel a été le cas.

L’historien interviewé déclare que la violence est au cœur du régime colonial, mais il convient de mettre en regard la violence qui existait dans beaucoup de régions d’Afrique de l’Ouest, du Centre, de l’Est, et du Sud, à l’époque considérée, un contexte de guerres permanentes entre villages et royaumes, entre entités musulmanes et animistes. À simple titre d’exemples, combien de villages qui résistaient à l’Almamy Samory, au demeurant un grand chef d’empire, ont été entièrement brûlés, détruits, et leurs habitants tués ou réduits à l’esclavage ? Keniera, Samarula, Sétigia, Numadagha… pour ne citer que quelques uns de ceux tirés de la somme que l’historien Person a consacrée à l’Almamy, en exploitant tout à la fois la tradition orale et les comptes rendus militaires. Et je précise que cet historien portait  un regard plutôt favorable sur le chef d’empire.

Il ne s’agit pas d’excuser, de minimiser l’ignominie, mais d’éclairer historiquement l’époque, et de savoir qu’en ce qui concerne la paix civile, l’Afrique, immense continent, ne ressemblait pas toujours au  décor idyllique de Paul et Virginie, si bien décrit par Bernardin de Saint Pierre. Généralisation, simplification, et anachronisme minent trop souvent le travail de reconstitution historique.

Cadrage militaire historique et local aussi : la colonne Voulet Chanoine était effectivement nombreuse, mais il en était ainsi de la plupart des colonnes militaires, avec leur caractère antique, leurs tirailleurs, leurs femmes, leurs porteurs, et leur bétail. Et cette colonne pourvue de moyens insuffisants par le gouvernement français allait se déplacer dans une zone désertique, dénuée de points d’eau et de ravitaillement, dans l’entre deux de la guerre permanente que se livraient les touaregs et les villages animistes, entre nomades et sédentaires. Un ensemble de facteurs qui n’excusent pas la folie des deux officiers, mais qui renseignent sur l’épisode.

Car derrière la colonne infernale, il faut mettre en cause la responsabilité des gouvernements de la Troisième République qui ont pris la décision de lancer ces colonnes en Afrique, et dans le cas présent dans la course vers le lac Tchad, des gouvernements de gauche animés par une franc maçonnerie des «lumières» omniprésente.3818_img_3749

Dans le même genre, et à la même époque, les mêmes gouvernements ont lancé la folle expédition de Fachoda, avec des moyens encore plus dérisoires, et donc avec son cortège de razzias de porteurs et de ravitaillement, et de morts.

Alors, folie ? Oui, mais d’abord celle des gouvernements de la République !


Une deuxième question relative à la mémoire locale

de ces événements tragiques

Le commentaire met en évidence, sauf vision trop rapide de ma part, la grande pauvreté des mémoires de ces événements dans les villages et cités razziées et incendiées, et il serait intéressant de savoir pourquoi. L’avis de l’anthropologue interviewé aurait pu être plus précis à ce sujet.

On peut d’ailleurs se demander, au sujet de ce documentaire historique, animé par des acteurs connus, sur quel terrain de compétence se situait l’avis du spécialiste.   

Pourrait-il s’agir de blancs de mémoire qui seraient à raccorder avec la mémoire d’autres événements tragiques qui ont touché gravement la vie passée de ces villages ?

De façon très étrange, le documentaire fait alors surgir la mémoire magique de certains de ces villages, celle des génies. Nous sommes alors loin de ce que nous appelons chez nous la mémoire, historique ou non. Donc de bien étranges blancs de mémoire chez les noirs de ces villages !

Jean Pierre Renaud
le 5 juillet 2008


- le documentaire Blancs de mémoire de Manuel Gasquet, en vidéo (54 mn)

- acheter le documentaire Blancs de mémoireWesseling

- Capitaine des ténèbres, un film de Serge Moati : sur le blog imagescoloniales

- un livret pédagogique contestable

- biblio : Henri Wesseling, Le partage de l'Afrique, 1880-1914, Denoël, coll. "L'aventure coloniale de la France", 1996, p. 289-294.


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cliquer sur l'image pour l'agrandir


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les sépultures des capitaines Voulet et Chanoine


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le capitaine Voulet dans le film de Serge Moati


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le colonel Klobb dans le film Capitaine des ténèbres


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21 juin 2008

séminaire Jacques Frémeaux et Daniel Lefeuvre

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les guerres d’Algérie,

1830-1857 ~ 1954-1962

Séminaire Jacques Frémeaux et Daniel Lefeuvre


Séminaire  de master d’histoire, sous la direction de Jacques Frémeaux (Université Paris-Sorbonne/Paris-IV) et Daniel Lefeuvre (Université Paris VIII)

Dans quelles mesures la mise en perspective des années de la conquête de l’Algérie à celles qui conduisirent à l’indépendance Smala_a0109de celle-ci permet-elle d’éclairer des continuités et des discordances dans les méthodes des guerres coloniales, dans leurs enjeux, aussi bien militaires que politiques ou économiques ;  dans le poids du religieux lors des  périodes de résistance, de révolte ou d’insurrection ? Dans les pratiques de la domination et de l’administration des populations colonisées.

Dans quelle mesure, également, les réflexions sur l’histoire de la conquête ont-elles été mobilisées lors de la guerre d’Algérie ? Quels ont été les représentations et les usages de ces représentations, construites pendant les années de conquêtes et durant la guerre d’Algérie ?

Autant de thèmes qui seront abordés au cours de ce séminaire à partir d’exposés présentés par différents historiens spécialistes de ces questions.

Les séances auront lieu un mardi sur deux, de 14 h à 16 h soit à Paris IV (salle E 658) soit à Paris 8 (salle D ??? ou B ???).

Un calendrier précis et un programme détaillé des séances seront donnés à la rentrée universitaire.


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le passage des Portes de Fer, 28 octobre 1839
aquarelle de Gaspard Gobaut


Bibliographie

- Jacques Frémeaux, La France et l’Algérie en guerre, 1830-1870 ~ 1954-1962, Economica, 2002.

- Jean-Charles Jauffret (dir.), Des Hommes et des femmes en guerre d’Algérie, Autrement, 2003.

- Jean-Charles Jauffret & Maurice Vaïsse (dir.) Militaires et guérilla dans la guerre d’Algérie, Complexe, 2001.

- Charles-André Julien, Histoire de l’Algérie contemporaine, tome 1, 1827-1871, PUF, 1979.

- Daniel Lefeuvre, Chère Algérie, la France et sa colonie, Flammarion, 2005.


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soldats français


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éléments féminins du FLN



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2 décembre 2008

Vietnam : Une histoire coloniale effacée ? (Jean-Pierre Renaud)

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Impressions et images fugitives

du nord Vietnam (octobre 2008)

Une histoire coloniale effacée ?

Jean-Pierre RENAUD

 

Voyage de plaisir, de culture, et aussi de tourisme historique sur les lieux de la période de conquête, celle qui a fait l’objet de mes recherches sur les  retraites françaises de Bac Lé et de Lang Son, en 1884 et 1885, et sur le Yen Thé du Dé Tham  des années 1885-1913…

Des Vietnamiens accueillants mais réservés, une capitale, Hanoï, trépidante, une vraie fourmilière, et dès le lever du jour, et jusqu’au soir, des escadrons de cavalerie de motos en rang serrés dans toutes les rues, et à chaque carrefour, dans le plus grand désordre, mais avec peu d’accidents semble-t-il ! Moins de police visible qu’à Paris ! Et aussi des gerbes de fils électriques qui décorent rues et trottoirs.

Agitation, bruit, fébrilité, et en contraste, à l’aube ou au crépuscule, des centaines de vietnamiens font de la marche, de la gymnastique, ou du tai chi autour du lac romantique Hoan Kiem, celui de la tortue sacrée.

Après un détour par les merveilles de la baie d’Along, un peu de tourisme historique, direction Lang Son et la frontière de Chine, et retour par Bac Lé et le Yen Thé.

Lang Son n’a plus rien à voir avec les cartes postales de l’époque montrant un habitat dispersé autour d’éperons rocheux qui structurent encore la  cité devenue une ville de plus d’un million d’habitants. J’ai cherché en vain les fameux forts que décrivaient les chroniques militaires, et j’ai escaladé un de ces éperons, dont le sommet conservait encore quelques résidus de brique qui devaient appartenir à un des bastions ou  à un des forts de la cité.  Impossible donc de comprendre à partir du présent, pour un touriste curieux d’histoire, le passé militaire de la ville, sauf à noter que le relief est effectivement très enchevêtré.

Comme par le passé, la Chine est ici omniprésente, mais son influence est passée du stade politique et militaire au stade politico-économique. À noter qu’à Dong Dang, le temple taoïste semble avoir un grand succès auprès de la population. Il était bondé lors de notre passage.

Sur l’ancienne route mandarine, dont le tracé est, pour partie, encore celui de la route moderne actuelle, en suivant la fameuse rivière  Song Thuong, qui a vu passer successivement les colonnes militaires de Dugenne et de Négrier, en 1884 et 1885,  avec le soit disant guet-apen de Bac Lé et la folle retraite de Langson  on a l’impression de suivre une route française ou suisse de montagne, dans une vallée assez large, avec de temps en temps des étranglements, sauf à signaler, comme cela a été fait dans les chroniques de l’époque, la muraille de falaises, abruptes et très découpées, d’au moins cent mètres de haut, qui suit d’assez près le cours de la rivière. De jungle aujourd’hui, point !  Mais il ne fallait sans doute pas beaucoup de troupes chinoises pour arrêter la progression des colonnes françaises.

On a du mal à imaginer que des forts chinois  aient pu couronner ces falaises, mais peut être s’agissait-il de bastions !

Enfin une incursion dans le fameux Yen Thé, décrit  par les militaires, comme le territoire d’une jungle inextricable, contrôlée par son héros de la résistance vietnamienne, le Dé Tham. À Nha Nam, l’ancien chef lieu du cercle militaire français, aucune trace du chef rebelle. De nos jours, on traverse un paysage qui ressemble assez à un boccage de chez nous, sauf qu’il s’agit ici de rizières,  et non de champs ou de prairies.  Plus de jungle, s’il y en eut une, en tout cas dans la zone que nous avons traversée et qui entoure l’ancienne citadelle du Dé Tham, à Phuong -Suong.

Dans le bourg lui-même, une belle et grande statue du personnage, et en face un musée sans gardien et apparemment, sans public, dans lequel de jeunes descendants du personnage s’entraînaient au tir à l’arc  Musée au demeurant intéressant, mais dont la fréquentation pose la question de la place de ce grand et célèbre rebelle dans l’histoire et la mémoire du pays, mineure, semble-t-il, par rapport à la place écrasante qu’y occupe le président Hô Chi Minh. Car le héros moderne du Vietnam est incontestablement ce dernier, avec des monuments édifiés un peu partout, et l’épopée de ce peuple est beaucoup plus celle de la guerre américano-vietnamienne que franco-vietnamienne. Le peuple entretient la mémoire de sa longue guerre d’indépendance à la façon dont la France l’a fait pour la guerre 1914-1918.

Le livre de Nguyen Khac Vien, intitulé Vietnam une longue histoire, met en évidence qu’à son époque, le Dé Tham ne fut pas le seul à se rebeller contre la France. Son originalité fut sans doute celle d’avoir été le seul  grand rebelle d’extraction populaire, paysanne, et d’avoir combattu les armes à la main.


la colonisation française purement et simplement effacée ?

La colonisation française paraît purement et simplement effacée, alors que la France a été à l’origine de la création d’Hanoï, et qu’elle a entraîné, à son époque, le Tonkin dans la modernité. Dans la capitale, il faut être curieux pour retrouver des signes indubitables de l’ancienne présence française, le pont Doumer, toujours en service, et sous un autre nom, et l’ancien quartier colonial aux  constructions fastueuses, dont notamment celle de l’opéra qu’une chaîne hôtelière  américaine a réussi à border malencontreusement par un des ses bâtiments. La langue anglaise a balayé le français.

Mais il est vrai que le Vietnam avait déjà un long passé lorsque la France y a mis les pieds :  les temples et les pagodes qui parsèment le delta et la montagne, des ensembles architecturaux remarquables tels que l’immense citadelle de Hué ou les magnifiques tombeaux des empereurs, ainsi que les pagodes monumentales et colorées de l’ancienne capitale d’Annam, sont là pour en témoigner.

Alors, il est vrai qu’on peut s’interroger sur la colonisation française et sur le type d’institutions politiques qui auraient convenu à ce pays, plus qu’à ceux d’Afrique, plus celle d’une nouvelle république, associée, que celle du maintien d’une féodalité puissante de mandarins, soutenue par la coalition des puissants intérêts économiques d’Indochine. M. Phan Chu Trinh, grand lettré et opposant à la colonisation française, avait d’ailleurs proposé cette solution au début du vingtième siècle.

Nous avons été particulièrement frappés par la vitalité des cultes locaux, surtout le bouddhisme et le taoïsme, et la visite de la pagode de Bac Lé, à une faible distance du fief du Dé Tham, nous a révélé un lieu de culte et de superstition populaire, autrement animé que la pagode de Phuong-Suong, bien entretenue par une gardienne, mais qui était fermée. On viendrait en foule à Bac Lé, et de loin, pour se concilier les divinités de la fortune.

Le régime communiste semble fort bien s’accommoder de la vitalité  de ces cultes anciens et populaires, alors qu’à Hanoï, Lang Son, et Bac Giang, le parti diffuse chaque matin, aux aurores, et le soir, avant le crépuscule, ce qui semble bien ressembler à des sermons quotidiens. Dans les années 1980, le Vietnam a pratiqué la politique d’ouverture, et l’on voit bien dans la plaine du Tonkin les multiples signes d’une nouvelle et récente prospérité économique, usines déjà construites ou en construction, périmètres de lotissement  urbain ou industriel à venir, mais le régime pouvait-il faire autrement pour faire face à l’augmentation phénoménale de sa population après la guerre Vietnam-USA ?

Une Indochine française disparue, mais l’avenir dira si le régime communiste aura une durée plus longue que celle de la colonisation française, et si le véritable héritage de ce régime ne sera pas plus celui d’Hô Chi Minh et de sa lutte victorieuse contre les Américains, que celui d’un régime communiste.

Sic transit gloria mundi !

Jean-Pierre Renaud
1er décembre 2008

 

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14 novembre 2008

un livre de Melica Ouennoughi

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Algériens et Maghrébins

en Nouvelle-Calédonie, de 1864

à nos jours

un livre de Melica Ouennoughi

Melica Ouennoughi vient de publier un nouvel ouvrage relatif aux déportés maghrébins en Nouvelle-Calédonie (éd. Casbah, Alger).
Elle a donné des conférences dans les deux universités d'Alger : Université Ben Aknoun - droit avec la participation de Dr Ammar Belhimer, et Université en sciences humaines et Sociales Bouzéréah (4 novembre) avec la collaboration de Dr Mohamed El Korso.

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El Moudjahid, 6 novembre 2008
(cliquer sur l'image pour l'agrandir)



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Melica Ouennoughi, à droite, et le président algérien Bouteflika

 

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6 novembre 2008

rétablir les vérités historiques

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passé colonial français :

rétablir les vérités historiques

Daniel LEFEUVRE

Le samedi 11 octobre, 15 h, au logis de la Chabotterie, à Saint-Sulpice-le-Verdon, (Vendée) s'est tenue une conférence organisée par le Cercle algérianiste des Pays de Loire, en présence de Daniel Lefeuvre, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Paris VIII.

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interview

- Quelles accusations certains historiens portent-ils sur le passé colonial français ?
Daniel Lefeuvre - L'accusation est triple. La conquête coloniale a d'abord été une oeuvre d'extermination. La colonisation a ensuite été une oeuvre de pillage des richesses. Enfin, les colons ont profité de ces richesses en exploitant les colonisés.
- La France a-t-elle pillé et profité de la richesse des colonies ?
La métropole a été plus utile aux colonies que l'inverse, surtout pendant la crise économique de 1929. Les produits algériens coûtaient 12% plus cher que les mêmes produits issus du marché mondial. Certes, l'Algérie a été le meilleur client de la France, mais c'était un client bien particulier qui achetait les produits français avec l'argent de son fournisseur... qui n'était autre que la France.
- Les soldats coloniaux étaient-ils de la chair à canon ?
Bien sûr que non. Contrairement à ce qu'a essayé de faire croire le film Indigènes de Rachid Bouchereb sorti en 2006, les soldats coloniaux n'ont pas été envoyés en première ligne pour épargner la vie des soldats français. En tant qu'historien économiste, je m'appuie essentiellement sur les chiffres. Pendant la Première Guerre mondiale, la mortalité des soldats métropolitains s'est élevée à 16% contre 15% pour les soldats musulmans algériens et 15% pour les Français d'Algérie. Et ce sont les Français d'Algérie qu'ont le plus souffert de la Seconde Guerre mondiale. Cela n'enlève rien à l'horreur de ces deux guerres.
- Pourquoi vouloir à tout prix se repentir de l'oeuvre coloniale française ?
L'enjeu est avant tout politique. Des mouvements cherchent à stigmatiser la colonisation pour mieux faire entendre leurs revendications. Pour eux, la colonisation est le péché originel de la République, une tare qui a violé nos principes institutionnels et a conduit aux nombreux actes racistes du vingtième siècle. C'est aussi un problème de méthodologie historique. Certains historiens ne font pas la différence entre le discours d'intention et la pratique. Ils généralisent quelques cas particuliers. Beaucoup font de l'anachronisme et jugent le passé par rapport aux critères moraux d'aujourd'hui. D'emblée, leur but est de condamner la colonisation.

 

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9 avril 2008

La Sfhom va bien merci (Hubert Bonin)

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La Sfhom va bien merci

Hubert BONIN *


Chers lecteurs d'Etudes coloniales, la SFHOM n'est absolument pas en péril !

Sa revue Outre-mers. Revue d'histoire a été cotée "deux étoiles" par le classement de l'Union européenne, donc juste après la catégorie "une étoile" où figurent notamment les Annales et la RHMC. Son portefeuille d'abonnés - fidèles à la version imprimée - oscille autour de 500, dont les deux tiers hors de France. Le nombre d'articles proposés se renouvelle sans cesse. Les "thèmes" semestriels sont prévus jusqu'en 2010, et des propositions affluent. Enfin, le nombre d'adhérents individuels se renouvelle lui aussi chaque année, malgré les décès des adhérents "anciens".

Par ailleurs, un site internet (www.sfhom.com) permet un lien permanent et publie des informations chaque semaine, avec des lecteurs au nombre quotidien de 40 à 80. Les thèmes sont bien appréciés par les lecteurs et les collègues ; leur principe a d'ailleurs été introduit il y a quelques années par Marc Michel et Daniel Lefeuvre eux-mêmes...

Nombre de jeunes chercheurs nous font des propositions d'articles, sur des "champs" thématiques et géographiques variés. Bref, ni l'association, ni la revue ne sont devenues des pièces de musée depuis qu'une équipe a succédé sereinement à l'équipe Michel-Lefeuvre il y a quelques années !

La SFHOM ne sent pas le formol ni le renfermé ! Et si des "juniors" revendiquent sa diversité, qu'ils lui proposent des articles ou même des livres, puisque l'association publie Les Publications de la SFHOM ! Une association, quelle qu'elle soit, ne vit que de la sève qu'y font couler ses adhérents !

Il ne sert donc à rien de ratiociner des lieux communs ! Il faut agir et seule l'action quotidienne au sein de l'association contribue à son rayonnement. Enfin, précisons qu'une partie des tensions internes provoquées par un noyau de "dissidents" (une demi-douzaine) provient de la volonté d'inféoder la SFHOM à une université du centre de Paris, alors que cette association a toujours, au moins depuis les années 1960 - quand elle s'est éloignée des milieux d'influence impériaux -, préservé son indépendance vis-à-vis de toute université, de tout centre de recherche, de toute chapelle, de tout clan, au nom précisément du pluralisme ! Mais le dialogue et le débat sont ouverts !

Une assemblée générale extraordinaire aura lieu au début d'octobre pour une rénovation des statuts et pour préciser la stratégie des années à venir. Mais seuls les adhérents pour l'année 2008 (55 euros) y auront le droit de vote, bien entendu !

Bien dévoué, l'un des membres du Bureau de la SFHOM.

Hubert Bonin

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* réponse à l'article : "Sauver la SFHOM" de Marc Michel et Daniel Lefeuvre, publié ici-même le 23 mars 2008


 contact : h.bonin@sciencespobordeaux.fr

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Mise au point


Après avoir pris connaissance de ce texte, évoquant notamment la dernière réunion de la SFHOM (mercredi 26 mars), plusieurs participants à cette assemblée contestent formellement les propos tenus par Hubert Bonin. Les allusions à «un noyau de "dissidents" (une demi-douzaine)» et à leur prétendue «volonté d'inféoder la SFHOM à une université du centre de Paris» sont proprement attentatoires à l'honneur des personnes en cause et ne correspondent à rien de réel. Par ailleurs, prétendre envers et contre tout que la «Sfhom va bien» relève de l'auto-suggestion plus que d'un constat serein et responsable de la situation.

Études Coloniales
14 avril 2008


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2 avril 2008

les visiteurs de ce blog

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les visiteurs du blog Études Coloniales

le mercredi 2 avril 2008


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cette répartition géographique a été saisie à 7 heures du matin ;
elle montre bien l'audience internationale du blog "Études coloniales"
puisque plus de la moitié des visiteurs provient d'autres pays que la France
(NB - ces indications sont fournies par l'hébergeur)


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origine géographique des visiteurs vers 15 h 30 : la France est la provenance
majoritaire mais l'éventail des autres pays est diversifié


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vers 20 h 15, l'éventail des provenances étrangères est toujours diversifié...



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24 septembre 2008

un livre sur le 17 octobre 1961

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sur la méthodologie et la déontologie

de l'historien

retour sur le 17 octobre 1961

Jean-Paul BRUNET

Initialement paru dans la revue Commentaire (été 2008, vol. 31, n° 122), cet article est reproduit ici avec l'accord de cette publication et un titre rectifié. En effet, à la suite d'un dysfonctionnement, les titre et sous-titre originels de l'article avaient été malencontreusement modifiés. Il fallait lire : "Sur la méthodologie et la déontologie de l'historien. Retour sur le 17 octobre 1961". Il s'agit d'une lecture critique de l'ouvrage de Jim House et Neil MacMaster, Paris 1961. Les Algériens, la mémoire et la terreur d'État (Tallandier, 2008). Études Coloniales

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Depuis quelques années, la répression menée par la police parisienne, le 17 octobre 1961, contre la manifestation des Algériens du FLN, fait l’objet de controverses. Pourtant les auteurs qui ont écrit sur cette affaire s’accordent sur un point capital : l’ampleur et la violence de cette répression. Le livre que j’ai consacré à ce drame il y a plusieurs années atteste amplement cette sauvagerie (1).

J’ai insisté sur «l’engrenage infernal» qui s’était mis en place : victimes d’attentats quasi permanents de la part du FLN (47 tués, 140 blessés en total cumulé), les policiers parisiens, gangrenés par le racisme, ne faisaient plus de distinction entre Nord-Africains et FLN. Ils crurent tenir leur vengeance le 17 octobre 1961. Ce soir-là, la Fédération de France du FLN avait ordonné à tous les Algériens de la région parisienne de descendre dans la rue pour manifester de façon pacifique leur opposition au couvre-feu que le préfet de police Maurice Papon venait de décréter à l’égard des Nord-Africains. Inadmissible en droit, ce couvre-feu avait pour but de priver le FLN d’oxygène, ainsi que de mettre un terme aux assassinats répétés qu’il commettait à l’encontre des Algériens qui refusaient sa tutelle (2).



faire le point sur les controverses

Sur quoi portent les controverses ? Sur des points comme la valeur des sources policières, qui pour certains seraient de nature «douteuse», et sur le nombre de morts : on estime parfois que l’évaluation à laquelle je suis parvenu de plusieurs dizaines (de 30 à 50, en comptant large (3)), minimiserait la responsabilité de Maurice Papon… La parution d’une étude de deux auteurs britanniques fournit l’occasion de faire le point sur ce drame d’octobre 1961, en revenant sur la méthodologie et la déontologie dont l’historien ne saurait se départir (4).

9782847344912Tout au long de leur livre, J. House et N. Macmaster émettent les critiques les plus nettes à l’égard des archives policières, qui seraient «falsifiées» dans leur constitution même  et qui semblent rendre impossible à l’historien la tâche «de découvrir la vérité» (p. 143). Étonnante assertion, car y a-t-il des archives qui ne portent pas la marque du milieu qui les a produites, avec ses a priori voire ses «falsifications» ?

J’ai par exemple montré que les rapports de l’Inspection générale des Services (IGS) conservés aux Archives de la préfecture de police de Paris (APP) révèlent une partialité qui confine au cynisme et qu’en ce qui concerne les sévices à l’égard des Algériens, il existait une connivence générale du monde policier. Mais l’IGS avait aussi parfois beau jeu de démonter les dossiers de plainte déposés par les avocats du FLN : certaines de ces plaintes ont été «arrangées» et regroupent des griefs envers la police qui ont été avancés en diverses circonstances par des plaignants différents. Dans ce combat qui touchait aussi la propagande et la contre-propagande, tous les coups étaient permis. En tout cas, minimisés ou maximisés, ces dossiers doivent être utilisés après une critique adéquate.


Un autre exemple montre l’information dont peut être riche un document de police : Maurice Legay, directeur général de la police municipale, lance à ses services, dans la nuit du 17 au 18 octobre, à 1 h 50,  l’ordre de lui faire connaître pour 4 heures le nombre de Nord-Africains tués, blessés et arrêtés lors de la manifestation. Les chiffres détaillés qui arrivent sont les suivants : 2 morts [un 3e va s’y ajouter très vite], 1.200 blessés et 11.538 détenus. Des morts ont-ils été dissimulés par les services de district ?

Tout un faisceau d’arguments laisse à penser qu’il n’en a rien été : depuis longtemps la culture policière rejetait toute dissimulation de cadavre ; des responsables de police alors en poste et dont la parole n’est pas suspecte (tels les commissaires Jacques Delarue et Paul Roux (5)) affirment que jamais un officier de police n’aurait couvert de pareils agissements et que c’eût été d’ailleurs une faute extrême
et un motif de révocation. Ensuite, les policiers du rang étaient censés s’être fait attaquer par les manifestants, et tout l’appareil de l’État, depuis arton226le général de Gaulle jusqu’au préfet, considérait qu’il était du devoir de la police d’empêcher une manifestation susceptible de faire évoluer au détriment de la France le rapport de force qui l’opposait au FLN. Enfin aucun autre document ne laisse apparaître la moindre contradiction avec les réponses faites au directeur de la police municipale. Nous pouvons donc tenir les chiffres avancés pour authentiques. À une importante réserve près : les chiffres des morts, des blessés et des détenus reflètent la situation enregistrée à quatre heures du matin, ce qui n’exclut en rien que d’autres morts et surtout d’autres blessés ne viennent s’y ajouter.


au sujet de la disqualification des sources policières

J. House et N. Macmaster, qui ne pratiquent guère ce type de raisonnement méthodologique, préfèrent disqualifier les sources policières. Ils me reprochent en outre d’accorder plus de crédibilité aux archives officielles et à la parole d’anciens  commissaires de police qu’au témoignage d’Algériens et de militants anticolonialistes. Relevons au passage que ces deux auteurs ne recourent jamais aux sources orales et qu’ils procèdent souvent à des empilements de références non recoupées qui, pour un historien, n’ont  jamais fait des vérités.

Parfois même (cf. p. 170-171), ils considèrent des faits comme établis, alors qu’ils ne reposent que sur une référence unique et fort douteuse (6). Par ailleurs, sans en apporter la moindre preuve, J. House et N. Macmaster croient pouvoir affirmer que la police s’est livrée, durant quelque huit semaines, à partir du 29 août 1961, à des «assassinats de masse» sur la population algérienne, dont les 17 et 18 octobre auraient été «un pic plus visible» (p. 142) ; qu’il n’y avait pas alors d’ «assassinats fratricides» dans cette communauté et que «le chiffre de 108 à 121 morts reflète  quasi intégralement les violences policières» (p. 210-211) (7).


Tout cela est pur produit de l'imagination. Car nos auteurs gardent un silence total sur une source capitale, que j’ai abondamment utilisée et discutée, les dossiers de procédure de la police judiciaire. Sans doute est-ce à cette documentation énorme qu’ils font allusion en glissant, de façon bien légère, qu’il faudrait, pour exploiter les archives relatives au 17 octobre, «toute une équipe de chercheurs, plusieurs années de travail et une base de données informatique» (p. 205).

Rappelons ce que sont les procédures judiciaires. Ouvertes en principe après toute mort suspecte ou toute tentative d’homicide suivie du dépôt d’une plainte, elles sont instruites avec la méthode et la méticulosité de professionnels. Bien entendu, il ne convient pas d’en accepter les conclusions sans une critique méthodique, mais on ne saurait les écarter sans examen, car ce ne sont en rien des ragots de police. Elles contiennent les procès-verbaux d’audition des membres de la famille de chaque victime, de son entourage professionnel, de ses amis, de son voisinage. Ces procès-verbaux sont sans doute recueillis par des policiers et rédigés en langage policier, mais dans le cadre d’enquêtes qui restent sous la responsabilité d’un juge d’instruction, où le travail est codifié par une longue pratique administrative et encadré par une hiérarchie tout à fait différente de celle de la police municipale (8).



des victimes qui ne furent pas toujours

celles de la police parisienne

En faisant mon travail d’historien, c’est-à-dire en effectuant la critique méthodique de cette source (j’y ai trouvé et j’ai souligné dans mon livre des cas de partialité patente), il m’a semblé certain que de nombreux cadavres de Nord-Africains, parmi les 140 qui ont été enregistrés à l’Institut médico-légal en septembre et en octobre 1961, n’ont aucun rapport avec la police parisienne.

Certains sont ceux de harkis ou d’anciens harkis, de membres ou d’anciens membres du Mouvement national algérien, de «traîtres» divers refusant d’obéir aux directives du FLN-: anciens combattants de l’armée française, maris de métropolitaines refusant de le rejoindre ; Algériens n’acceptant pas de payer la capitation mensuelle exigée par le Front ; Algériens rétifs à la loi coranique, par exemple s’adonnant à la boisson et refusant de s’amender, ou faisant appel aux tribunaux français pour régler un litige, etc. Tout cela, je l’ai longuement écrit et argumenté. Or sur ce point J. House et N. Macmaster restent d’un mutisme absolu. Non seulement il ne glissent aucune allusion à ce que j’ai cru établir, mais ils font comme si la source n’existait pas ! Pourquoi donc – c’était le moins qu’on pouvait leur demander – n’ont-ils pas au moins cherché à consulter par sondage tel ou tel dossier de police judiciaire, afin de vérifier ce que j’avais avancé ?


on attend leurs preuves

Sur cette pente glissante, nos auteurs ne s’arrêtent pas en chemin. J’avais souligné l’importance de la «violence périphérique» en considérant comme vraisemblable qu’au cours des mois de septembre et surtout d’octobre 1961, nombre d’Algériens avaient été victimes d’équipes de policiers et parfois de civils, les premiers agissant soit en service, soit dans le cadre d’équipes de «parapoliciers» qui entendaient pratiquer elles-mêmes une manière de justice distributive. House et Macmaster (p. 217) me reprochent à cet égard d’avoir exonéré en partie «la préfecture de police de la responsabilité des meurtres», car pour eux, c’était la préfecture qui actionnait ces commandos… On attend leurs preuves.

En outre à leurs yeux, des Algériens tués par la police ont  probablement été «enterrés en secret par des amis et des proches» (p. 157) – hormis peut-être quelques cas extrêmes, on voit mal comment dans un pays démocratique cette éventualité aurait pu se produire et comment, après presque un demi-siècle, des restes humains n’aient pas été retrouvés. Des cadavres d’Algériens auraient aussi pu dériver sur la Seine et se perdre à jamais, hypothèse dont j’ai montré l’aspect invraisemblable… (9)


Dans ces conditions, après une «histoire» écrite de la sorte, les deux cents autres pages sur «Octobre et sa mémoire revisités», titre de la deuxième partie de l'ouvrage, ne reposent-elles pas sur une base fragile-? Une attitude de «politiquement correct» a pu naguère encourager des auteurs de divers horizons à pratiquer une telle dénaturation de l’histoire. Mais la réalité de la répression policière d’octobre 1961 a été assez terrible pour qu’on évite de tomber dans des exagérations outrancières. Sur ce sujet, les jeunes historiens ont encore devant eux de nombreux travaux à mener. Il est à souhaiter qu’ils le fassent avec la méthodologie et la déontologie spécifiques à notre science.

Jean-Paul Brunet, Professeur émérite à l’Université Paris-IV
ancien directeur du Département d’histoire de l’École normale supérieure

 

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_________________________

(1) Police contre FLN. Le drame d’octobre 1961, Flammarion, 1999. Dans Charonne. Lumières sur une tragédie, Flammarion, 2003, j’ai consacré les deux premiers chapitres à faire le point sur ce sujet.
(2) François Maspero écrit que la Fédération de France du FLN a manipulé la population algérienne que, pour des raisons purement politiques, elle a exposée sciemment à des risques tragiques (postface à Paulette Péju, Ratonnades à Paris, La Découverte, 2000, p. 199).
(3) À l’issue d’une analyse nominale, je distingue 13 cas «certains ou quasi-certains» de décès dus à la répression policière (dont plusieurs blessés décédés par la suite), 8 cas vraisemblables et 4 probables – d’autres décès sont à attribuer à la «violence périphérique», due à des policiers ou à des civils, et qui a largement débordé le «17 octobre».
(4) Jim House and Neil Macmaster, Paris 1961. Les Algériens, la terreur et la mémoire, Tallandier, 2008.
(5) Jacques Delarue est devenu l’historien et le témoin bien connu ; homme de gauche, Paul Roux  fut Directeur général des RG en 1981, puis préfet – il a ensuite exercé les fonctions bénévoles d’expert auprès de la Ligue des Droits de l’homme. D’autres témoignages vont dans le même sens.
(6) Parmi leurs erreurs «annexes», Debré, Frey et Papon sont d’emblée  qualifiés d’«ultras» (p. 20)... Un peu plus loin (p. 131), en affirmant qu’à partir du 5 septembre «plus de cinq cents hommes» allaient être «arrêtés chaque jour, contrôlés au CIV et, dans quelques cas, internés dans des camps ou déportés en Algérie», ils confondent contrôles d’identité et arrestations.
(7) Il s’agit des cadavres de Nord-Africains passés par l’Institut médico-légal – on s’interroge sur le sens de l’expression «quasi intégralement».
(8) Les originaux de cette source devraient se trouver aux Archives du ministère de la Justice. Ce sont les doubles qui avaient été conservés quai des Orfèvres, et qui ont été versés aux APP il y a quelque trois ans.
(9) Les auteurs connaissent l’existence du barrage de Suresnes, dont ils tiennent compte dans leur «argumentation», mais pas celle de celui de Bezons. Sur ce point, voir Charonne, p. 30-31.

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8 novembre 2007

Groupe de recherche sur l'histoire de l'Algérie coloniale et de la guerre d'indépendance algérienne (Sylvie Thénault)

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Groupe de recherche sur l'histoire

de l'Algérie coloniale et de la guerre

d'indépendance algérienne

Sylvie THÉNAULT


thenaultL’histoire de l’Algérie coloniale et de sa guerre d’indépendance se signale à la fois par sa présence dans le débat public et son dynamisme dans le champ de la recherche.

La dimension polémique de cette histoire, enjeu politique, si ce n’est électoraliste, en effet, a été très récemment réactivée par des initiatives des pouvoirs publics locaux et nationaux dans le domaine de la commémoration et de la recherche, avec notamment l’annonce de la création d’une Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie.

Un tel contexte d’instrumentation politique n’empêche cependant pas la recherche universitaire d’être féconde. Les travaux en cours, des thèses récemment soutenues et des livres parus témoignent de tendances dessinant ensemble un mouvement de renouvellement de cette histoire sous l’influence de divers facteurs.

En dehors du débat politique, en effet, le traitement de cette histoire tend à se banaliser et à s’inscrire dans un champ historique qui ne peut plus être défini comme étant simplement celui de l’histoire de l’Algérie : le temps de désenclavement et de la mise à distance serait-il venu ? La fin de la guerre civile sur place, par ailleurs, rend possible des recherches dans les archives conservées en Algérie, des visites sur les lieux de cette histoire, des rencontres avec ses témoins. Le post-colonialisme et ses approches, enfin, objet d’un vif engouement en France, viennent-il éclairer cette histoire d’un jour nouveau ?

Sylvie Thénault


programme de travail


23 janvier : Politique de la mémoire, politique de la recherche
Eric Savarèse [ci-contre] et Jacques Frémeaux 1164894570906
Quels liens entre des politiques de la mémoire comme l’inauguration d’un mur des disparus à Perpignan et des politiques de la recherche comme la création d’une Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie ? Comment des historiens et des chercheurs peuvent-ils intervenir dans ce contexte ? Quelles positions diverses, tant déontologiques qu’éthiques, peuvent-ils être amenés à adopter et à défendre ?
   
20 février : Désenclaver l’histoire de l’Algérie
Yann Scioldo-Zürcher2418322
Yann Scioldo-Zürcher a choisi d’inscrire sa thèse, consacrée à la politique d’intégration des Français d’Algérie rapatriés, dans la catégorie de l’histoire migratoire française, à laquelle il a emprunté méthodologie et approches pluridisciplinaires. Une telle démarche témoigne d’un refus de l’inscription dans un champ de l’historiographie qu’un découpage en aires culturelles conduirait à qualifier d’ «histoire de l’Algérie». Cette qualification tendrait-elle à être de moins en moins pertinente pour catégoriser les travaux ? Qu’apporte le parti pris d’aller chercher des ressources bibliographiques et méthodologiques ailleurs que dans le champ traditionnellement désigné comme étant celui de l’ «histoire de l’Algérie» ? En quoi ce parti pris contribue-t-il à désenclaver cette histoire, en la sortant des problématiques et des interprétations traditionnellement retenues et débattues par ses spécialistes ?

19 mars : Les sources en Algérie
Après une introduction par Sylvie Thénault, cette séance prendra la forme de plusieurs brèves interventionsthenault destinées à partager des expériences de recherche en Algérie, tant dans les centres d’archives publiques qu’auprès d’acteurs et de témoins. Le retour d’une relative sécurité en Algérie a en effet permis la multiplication de séjours sur place. Quelles premières conclusions en tirer sur les gisements de sources, leur accessibilité ? Quels enjeux ces séjours, porteurs d’échanges entre les deux pays, font-ils apparaître tant en France qu’en Algérie ?

9 avril : Mettre à distance
Jean-Pierre Peyroulout_images_1
Auteur d’une thèse sur les massacres de mai-juin 1945 à Guelma, Jean-Pierre Peyroulou expliquera les partis pris méthodologiques et les choix d’écriture auxquels il a recourus dans le but de mettre à distance des événements aussi dramatiques, traumatisants et chargés d’enjeux au présent, y compris dans les relations bilatérales franco-algériennes. Plus généralement, alors que l’espace public est saturé de polémiques entretenues par des usages politiques de vécus traumatisants – la remarque vaut aussi pour les harkis, par exemple – l’historien peut-il se doter de moyens spécifiques, dans ses protocoles de recherche et d’écriture, pour s’en extraire ?

14 mai : Qu’est-ce qu’une approche post-coloniale de la guerre d’Algérie ?Paris_1961
Jim House et Neil MacMaster (sous réserve)
Dans leur livre Algerians, State Terror and Memory (Oxford University Press, 2006), Jim House et Neil MacMaster ont proposé une relecture des événements d’octobre 1961 en région parisienne. Dans quelle mesure leur travail relève-t-il d’une approche post-coloniale ? Qu’ont-ils puisé dans les travaux antérieurs s’en réclamant ? Qu’apporte une telle approche au renouvellement de l’histoire de cette période ?


18 juin : De l’histoire des Algériens à celle de l’Empire
Emmanuel Blanchardbarrage_1
À partir de son travail sur le traitement des Algériens par la police en région parisienne de 1945 à la fin de la guerre d’Algérie, Emmanuel Blanchard se propose de réfléchir à l’articulation des espaces au sein de l’espace impérial français. Au-delà du seul lien entre Algérie et métropole, comment repenser la relation entre espace régional, espace métropolitain, espace algérien, espace maghrébin… alors même qu’à l’époque ces espaces n’étaient pas cloisonnés, séparés, ni dans la circulation des hommes, ni dans l’esprit des contemporains ?


- source de la photo de soldats utilisée pour l'image-titre : hemaridron.com


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Riad el-Fath, aux "martyrs de la guerre d'indépendance"
à Alger : commémoration monumentale unilatérale


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Belle initiative, mais s'ouvrir sur les archives arabes

Le projet d'un tel groupe de recherche est noble et prometteur ; il va sans dire qu'il pourra s'ouvrir sur des chercheurs non occidentaux et sur des archives arabes : algériennes, tunisiennes, marocaines, égyptiennes, etc... je dois signaler qu'un chercheur tunisien prépare à l'université d'Alger un doctorat en histoire contemporaine sur "LES TUNISIENS ET LA RÉVOLUTION ALGÉRIENNE, 1954-1962" ; elle sera soutenue dans les jours qui viennent et son corpus fondamental est constitué de sources tunisiennes arabophones.

   Ahmed JDEY, Historien, Tunisie

Posté par Ahmed JDEY, vendredi 9 novembre 2007 à 18:36


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"l'armée des frontières", l'ALN au camp de l'Oued Mellègue en Tunisie vers 1960
(source)


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28 mai 2008

Supercherie coloniale

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Supercherie coloniale

présentation du livre par l'auteur

Jean-Pierre RENAUD

 

Le livre compte 294 pages, 18 illustrations et 9 chapitres intitulés : les livres de la jeunesse, la presse, les expositions coloniales et les zoos humains, les cartes postales, le cinéma, les affiches, la propagande coloniale, et le ça colonial.

supercherie_coloniale_JP_RenaudL’ouvrage analyse en effet, vecteur par vecteur d’information et de culture, le discours que tient un collectif de chercheurs (1) sur une culture coloniale et impériale qui aurait existé sous la IIIe République, et plongé la France dans un bain colonial. Cette culture se serait prolongée sous les IVe et Ve République et, à travers la voie d’un inconscient collectif évoqué dans le chapitre Le ça colonial, serait aujourd’hui la cause d’une fracture coloniale et d’une crise des banlieues qui en résulterait.

En décortiquant page par page, et ouvrage par ouvrage, leur discours, comme cela a été fait à titre d’exemple, dans le chapitre "La propagande coloniale pour le décorticage du riz de Sandrine Lemaire", un riz destiné à plus de 95% à la volaille et au bétail, en contradiction complète avec son slogan "Du riz dans les assiettes", de l’Empire dans les esprits (CI/p.82), l’ouvrage a l’ambition d’examiner le bien fondé de ce discours eu égard aux sources historiques qu’il est possible d’avancer pour soutenir la thèse qu’ils défendent.

Le lecteur se rendra compte que la démonstration de ce discours est loin d’être faite. La conclusion de l’ouvrage en résume les faiblesses et les dangers, aussi bien pour les descendants français de peuples colonisés que pour la communauté nationale toute entière. L’analyse proposée par ce livre suggère une autre lecture de l’histoire coloniale, une autre hypothèse de travail, laquelle reste à démontrer tout autant que celle encore contestée de ce collectif de chercheurs. Celle d’un déchiffrage historique des rapports entre la France, les Français, et les colonies, fondés beaucoup plus sur le goût des Français pour l’exotisme et la gloire, plus que sur la supériorité raciale, la discrimination, la violence coloniale, ou La sueur du burnous de Vigné d’Octon.

Jean-Pierre Renaud

 

(1) Culture coloniale (CC) Culture impériale (CI) La République coloniale (RC) La Fracture coloniale (FC) L’Illusion coloniale (Ilc)

9782271066664FS 9782746702998FS9782746704855FS9782707149398FS

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Jean-Pierre Renaud, Supercherie coloniale,
éd. Mémoires d'hommes, février 2008

 

- pour commander ce livre : Mémoires d’Hommes, 9 rue Chabanais, 75002 Paris - France 20 euros par chèque, le port est compris.

- du même auteur, sur ce site : La parabole de la propagande coloniale et du grain de riz [y a-t-il vraiment eu propagande coloniale ?]

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23 mai 2008

L’esprit économique impérial (1830-1970)

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au sujet du livre

L’esprit économique impérial (1830-1970)

Groupes de pression et réseaux du patronat colonial

en France et dans l’empire

notes de lecture d’un amateur

Jean-Pierre RENAUD

 

Un gros pavé d’histoire ultramarine savante (plus de 800 pages). Je dirais esprit__co_imp_rial_couvvolontiers que cet ouvrage tient au corps, s’il ne s’agissait de décrire et d’apprécier l’esprit économique impérial.

Par la grande qualité de ce travail, son foisonnement d’informations historiques, comme le montre la récapitulation des titres et des dates qui suit, le livre s’inscrit dans l’histoire et échappe  heureusement aux deux travers de l’idéologie historique ou de l’anachronisme auxquels cèdent quelquefois certaines écoles modernes de pensée.

Avouons toutefois que cette somme historique ne se lit pas comme un roman d’aventures, même s’il m’est arrivé d’y trouver quelquefois l’écho de mes propres aventures intellectuelles, professionnelles ou historiques.

J’avais fréquenté le Michel de la mission Bonvalot de Bonchamps vers la mission du commandant Marchand à Fachoda, en 1898, mais j’ignorais tout du Michel-Côte de Djibouti. Professionnellement, j’ai longtemps pratiqué la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris, mais je ne connaissais rien de son passé colonial, notamment franco-allemand, avant la Deuxième Guerre mondiale.

J’ai été très intéressé par les développements relatifs au développement du capitalisme algérien en Tunisie, en relation avec les questions que pose le développement d’un impérialisme local, thème sur lequel nous reviendrons plus loin.

Également par la description de l’action des Instituts coloniaux de province, acteurs plutôt modestes de la propagande coloniale. Une sorte de clubs anglais ?

Enfin, en relation avec mes recherches personnelles sur la conquête du Haut Sénégal (devenu Soudan en 1886), le rôle de la maison coloniale Maurel Prom dans le départ (ou limogeage), en 1881, du gouverneur Brière de l’Isle. Je n’avais pas trouvé moi-même cette explication dans les archives consultées. Et plus généralement au cours de la période 1880-1914,  la période de conquête, la description des interférences de pouvoir entre l’administration coloniale du Sénégal et le capitalisme bordelais.

 

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Huile (coprah), Madagascar, 1947/1958 - source

L’ouvrage décrit les réseaux d’influence du patronat sur quatre plans.

- au cœur du système politique : L’esprit impérial français confronté à la première industrialisation (Restauration-1815-1830) – Deux façons de concevoir et d’appliquer la politique coloniale ? le Prince Napoléon et le ministre Chasseloup-Laubat (1858-1860) - La Chine dans la stratégie impériale : le rôle du Quai d’Orsay et de ses agents(1840-1914) – Réseaux politiques et réseaux d’affaires : le cas d’Étienne et d’Arenberg (1880-1914) – La doctrine africaine de Paul Leroy-Beaulieu : essai d’analyse thématique 1870-1916) – Jonnart et le parti colonial : économie et politique (1870-1914) - L’empire des économistes : l’enseignement de l’économie coloniale sous la 3ème République -  Le missionnaire et l’entrepreneur dans les colonies françaises (XIXe et XXe siècles) – Groupes de pression coloniaux et réseaux administratifs face aux usages et à la valeur de la piastre indochinoise (1945-1954) - Le patronat français et la guerre d’Indochine (1945-1954).

- sur les places régionales en France métropolitaine : Les Instituts coloniaux de province, une action efficace ? (1893-1940) - Maurel Prom à Bordeaux (jusqu’en 1914) - La construction d’un système socio-mental impérial à Bordeaux (1890-1950) - Le patronat marseillais (1931-1939) - Marseille colonial : quels choix, quels mythes ? quelles réalités ? - La Chambre de Commerce de Toulon et l’Algérie (1827-1848) - Le patronat du Nord et la question coloniale (XXe siècle) - Une culture impériale consulaire ? L’exemple de la Chambre de Commerce de Lyon ? (1830-1920) - Doctrines et pratiques du patronat colonial havrais (3ème et 4ème République) - La culture impériale du patronat textile mulhousien (1830-1961).

- au cœur de la place marchande et financière parisienne : Un esprit colonial parisien.? La Chambre de Commerce de Paris et la formation de l’empire français (1880-1914) – Les réseaux d’influence de la banque Rothschild : l’exemple de la société Le Nickel en Nouvelle Calédonie (1880-1914) - Les réseaux bancaires impériaux parisiens et l’empire : comment mesurer la capacité d’influence des «banquiers impériaux» (3ème et 4ème République) – La sidérurgie, le Comité des Forges et l’empire colonial, mythes et réalités (3ème République) - Les relations patronales franco-allemandes à propos de l’empire colonial dans les années 1930 – Les réseaux d’influence des groupes pétroliers français en Afrique subsaharienne (5ème République).

-  sur les places d’outre-mer : Charles Michel-Côte et la construction de l’espace économique de Djibouti-Ville durant la première moitié du XXe siècle – Groupes de pression et déploiement économique en Tunisie (1863-1914) - Jouer Maroc, jouer Tunisie ? Le grand patronat colonial entre pari et réalisme (1945-1956) - Les réseaux patronaux français en Indochine (1918-1928) - Les réseaux d’affaires en Egypte : patronat européen, minorités locales et notables égyptiens dans la réforme et l’industrialisation durant l’entre-deux guerres (1918-1939) - Le patronat français des travaux publics et les réseaux ferroviaires dans l’empire français : l’exemple du chemin de fer du Yunnan (1898-1913) – L’obstacle et le paradoxe : le destin contrarié de l’industrie sucrière de La Réunion au XIXe et XXe siècles - Les Chambres de Commerce du Tonkin (1884-1894). Sociabilité culturelle ou mission économique ? – Les organisations de planteurs de caoutchouc indochinois et l’État du début du XXe siècle à la veille de la Seconde Guerre mondiale - Le particularisme des milieux d’affaires cochinchinois (1860-1910) : comment intégrer un comptoir asiatique à un empire colonial protégé.esprit__co_imp_rial_couv

L’introduction marque l’ambition des recherches d’une école française d’histoire ultramarine ragaillardie… renouveler l’histoire de l’impérialisme ultramarin… faire l’histoire des réseaux d’influence et préciser la capacité d’influence de ces groupes de représentation d’intérêts au sein de l’appareil économique d’État, au sein de l’appareil politique et administratif… avec in fine une reconsidération de nombre d’idées reçues sur l’histoire de chaque place marchande et/ou portuaire et sur l’histoire de chaque profession - que l’on pense au chapitre sur les Maîtres de forge par exemple…

Est-ce que l’on n’a pas prêté aux milieux d’affaires trop d’influence sur la politique coloniale… Est-ce que la toute puissance des milieux d’affaires au cœur des enjeux de l’empire n’a pas été tout simplement un mythe ? Cela inciterait à revenir au vieux débat lancé dès 1961 par Henri Brunschwig ?

Impact réel de leur influence ? Reconsidération des idées reçues ? L’introduction met l’accent sur le rôle des Chambres de Commerce et marque une certaine hésitation quant à l’existence ou non d’un système socio-économique qui aurait existé.

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Usine de jute. Le jute est une plante herbacée originaire du Bengale, cultivée pour
ses fibres longues, soyeuses, et solides.
Chandernagor, établissements français dans l'Inde, 1930/1954 - source

Les enjeux historiques de ces recherches portant sur une période qui dépasse le siècle et sur un champ géographique d’au moins trois continents, sont donc considérables. Ils soulèvent aussitôt des questions importantes de méthode quant à la chronologie retenue et à la représentativité des objets de recherche. Citons un exemple de la méthodologie chronologique, celui de la piastre, traité avec la guerre d’Indochine dans la partie consacrée à l’examen des réseaux d’influence au cœur du système politique : trois contributions sur sept brossent des portraits excellents d’hommes qui ont écrit une partie de l’histoire coloniale des débuts de la Troisième République. Donc un trou béant entre 1914 et 1945 !

Mais il était sans doute difficile, sinon impossible, de faire autrement, compte tenu de la grande ambition de ce projet, et de trouver les chercheurs nécessaires pour le soutenir intégralement. D’autant plus que les chercheurs universitaires sont très attachés à leur liberté de recherche. 

Il n’est pas certain par ailleurs que ces lacunes inévitables modifient fondamentalement le sens des conclusions de ces recherches, tant leur convergence est grande.

Une impression donc de patchwork historique, mais dont la couleur dominante est incontestable, accréditée par les conclusions de l’ensemble de ces recherches, c'est-à-dire un grand doute sur l’existence même d’un esprit économique impérial, et sur l’efficacité des réseaux coloniaux du patronat, sur la traduction concrète de leur action.

Beaucoup de contributions marquent d’ailleurs une grande prudence méthodologique - mon impression… mon sentiment… Pour être franc, nous ne pourrons que lancer des pistes de réflexion… (Bonin), un premier jalon… un essai… une ouverture… ses balbutiements… (Klein), une invitation à poursuivre, à aller plus loin, à ouvrir de nouvelles pistes, telles qu’envisagées dans la conclusion de Jean-François Klein.

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Car comment définir le concept d’esprit économique impérial ?

Le concept d’esprit économique impérial : comment le décrire, le cerner, l’identifier, quelles structures retenir, et quels flux capitalistiques ?

Car l’ouvrage le définit avant tout par sa traduction en structures d’institutions économiques et d’entreprises. Comment répondre de façon transposée à la fameuse question relative à l’influence du pape : combien de divisions ?

Dans l’avant-propos de son livre L’idée coloniale en France, Raoul Girardet inscrivait sa réflexion dans l’histoire collective des idées, des sentiments et croyances, donc par rapport à l’ouvrage examiné, dans la sphère des structures intellectuelles et morales des élites.

Mais il se risquait également sur le terrain plus incertain de la conscience nationale, et inévitablement de l’opinion publique : Quelle place… le fait colonial - et le débat colonial - ont-ils occupée dans la conscience nationale française ? Cette question soulève en effet celle de la mesure, de l’évaluation des effets des idées coloniales ou anticoloniales telles que décrites.

Et à cet égard, le lecteur restait un peu sur sa faim, car comment parler d’élargissement de la conscience coloniale (p. 176), du triomphe de l’idée impériale (p. 253), sans avancer les sources qui permettraient de justifier ce constat. Alors que la source presse n’a pas été suffisamment sollicitée pour accréditer ce discours.

L’esprit économique impérial va au-delà de l’évocation et de l’évolution des idées, c'est-à-dire des structures intellectuelles, en s’attachant à la description qualitative des hommes et des structures publiques ou privées de type métropolitain ou colonial qui l’ont animé, et éventuellement concrétisé sur le terrain, notamment les Chambres de Commerce et les entreprises.

Mais la description qualitative de ces structures soulève le même type d’interrogation difficile que pour les propos de Raoul Girardet, celle de la mesure des flux engendrés par les institutions ou les entreprises qui ont pu incarner l’esprit économique impérial. Car, comment échapper à cet effort de mesure économique et financière pour apprécier l’influence ou non de cet esprit, et cela, dans la ligne des importants travaux de Jacques Marseille. La contribution intitulée Les réseaux bancaires parisiens et l’Empire : comment mesurer la capacité d’influence des "banquiers impériaux" ? illustre ce type de difficulté.

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usine de filature Nassif, Douala (Cameroun), 1951 - source

Méthodologie donc applicable aux flux de capitaux, nécessité de ramener tous les chiffres cités à un euro constant, à partir du moment où le franc 1901, valant 3,2 euros en 2002, ne valait plus que la moitié d’un euro en 1951, et en respectant les mêmes coefficients de conversion des francs en euros, quand il est question d’une même année de référence, par exemple l’année 1926 choisie dans une étude consacrée à l’Indochine.

Mesure du poids économique et financier des entreprises impériales dans l’ensemble économique d’une époque déterminée : quel était par exemple le poids financier de la Banque de l’Indochine, au cours des périodes examinées, dans l’ensemble bancaire métropolitain ? Comme celui des entreprises métropolitaines ou coloniales. La thèse de Claude Malon sur312_these_Malon Le Havre colonial [ci-contre] ouvre des perspectives intéressantes sur le nombre des entreprises havraises qui avaient une identité coloniale, et elles étaient minoritaires.

Et dans les ports, donner la mesure du trafic colonial, avec au moins deux difficultés de méthode à résoudre.

La première, en raisonnant plus en valeur qu’en tonnage. Le même Claude Malon donne des exemples de rapports entre tonneaux, tonnes, et francs qui montrent bien qu’il parait difficile de limiter l’analyse aux tonnages. Au Havre, et selon la même source, le trafic colonial en valeur représentait le double de sa proportion en tonnage (rapport de 1 à 1 pour le riz, et de 5 à 6 pour le café et le cacao). En valeur, le poids du trafic colonial des arachides à Bordeaux serait utilement comparé à celui des vins.

La deuxième difficulté est celle du distinguo qu’il conviendrait de pouvoir faire entre trafic colonial in extenso, par exemple les importations venues de toutes les colonies (étrangères y compris) et celles proprement françaises. Tout au long de la période coloniale, le port du Havre a été, comme l’a montré le même auteur, le port colonial des pays du nord de l’Europe aussi bien que celui de la France, avec donc une fonction d’entrepôt international.

Enfin, ce type de recherche ne peut échapper à l’analyse de la longue durée économique, ainsi que le montrent bien beaucoup de contributions, c'est-à-dire à celle des cycles de prospérité et de crise. À cet égard, les deux grandes crises des années 1890 et 1929 ont complètement modifié, et les doctrines des décideurs, et les flux des entreprises.

Comment ne pas évoquer la bonne analyse consacrée à Leroy-Beaulieu, considéré comme un des chantres de la doctrine coloniale qui passa facilement du libéralisme au protectionnisme, en fonction de la conjoncture mondiale ?

De même, l’analyse de la situation indochinoise ne peut faire l’impasse sur l’avant des années 1930 et sur l’après.

C’est en répondant à l’appel à la prudence et à l’invitation à l’ouverture de nouvelles pistes de recherche qui figurent dans beaucoup des contributions, que nous nous proposons d’évoquer quelques unes des remarques ou des questions qui peuvent susciter une réflexion.

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Office chérifien de contrôle et d'exportation [O.C.E.] :
"Demandez les fruits et primeurs du Maroc", 1935 - source

 

Les structures

esprit__co_imp_rial_couvLa description qualitative des structures mérite un commentaire spécial relatif à la méthodologie.

Pour avoir longtemps fréquenté, à titre professionnel, le monde des Chambres de Commerce, et notamment celle de Paris, je me demande si les nombreux chercheurs qui ont traité du sujet, ont toujours disposé de l’appareil d’analyse méthodologique nécessaire.

Les chambres de commerce métropolitaines dotées, en 1898, de leur première grande charte juridique, n’ont pas toujours eu, en fonction de leur taille, de leur représentativité, et de leur histoire locale, un grand rôle dans le développement économique du pays. Je serais tenté de dire de façon un peu caricaturale, une hypothèse,  que c’est l’époque moderne qui leur a conféré un rôle économique plus important.

Le système de représentation indirecte des chambres, fondé sur les critères des catégories économiques (commerce, industrie, services),  n’a pas toujours conduit à une bonne représentation des véritables intérêts économiques d’une région. C’est sans doute encore le cas de beaucoup d’entre elles, notamment dans la catégorie des services. D’autant moins que les taux de participation à ce type d’élection ont été traditionnellement faibles, ce qui fragilise encore plus leur représentativité.

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La Chambre de commerce de Douala au Cameroun (1927-1928)
(fut le quartier général de la France-Libre en 1940) -
source

Afin de mieux apprécier le poids des élus coloniaux au sein des chambres, et de leur poids indirect dans l’économie réelle, il aurait été intéressant que les contributions relatives aux chambres des ports, et à celles de Paris, Lyon, Lille, et  Mulhouse, déterminent, élection après élection, leur poids par rapport au nombre total des élus. L’exercice  a été effectué sur Bordeaux, mais pas de façon systématique (entre 1938 et 1955).

Les études consacrées à la Chambre parisienne sont particulièrement instructives, notamment celle relative à son action internationale, en direction de l’Allemagne nazie, dans les années 1930, avec les accords de troc décrits. Celle-ci confirme une autre analyse qui montre le rôle qu’a toujours entendu jouer cette chambre, et qu’elle continue à vouloir jouer, dans la Cour des Grands. La Chambre de Commerce de Paris a considéré, avec une grande constance, qu’elle constituait le ministère de l’entreprise privée dans la capitale. Elle disposait et dispose encore des moyens matériels et intellectuels considérables qui sont nécessaires à la défense concrète de ce standing, et pour se poser en interlocuteur national des pouvoirs publics. Mais l’ouvrage montre bien que, concrètement, le patronat colonial était effectivement peu présent au sein de cette chambre.

Les analyses consacrées à la création et au fonctionnement des Instituts Coloniaux de province sont fructueuses et montrent que leur action a été en définitive peu  importante, mise à part celle du Havre, avec son école de formation (entre 2500 et 4000 étudiants en 40 ans, soit au maximum 100 par an). Mais peut être aurait-il été utile d’avoir communication de leurs budgets, sans doute modestes, afin de mieux mesurer leur poids réel.

En ce qui concerne Le Havre, j’ai trouvé le chiffre du budget 1938, toujours dans le même livre de Claude Malon, Le Havre colonial, soit un budget modeste de 138 000 euros (valeur 2002)

L’étude du groupe de pression puissant qu’était le Comité des Forges montre bien que son action s’inscrivait beaucoup plus dans la défense des intérêts des industries qu’il représentait, sur le marché mondial, plus que sur le marché colonial, contrairement à l’idée reçue d’après laquelle ce comité aurait exercé une grande influence sur la politique coloniale de la France. Alors que son influence n’était pas négligeable au cœur du système politique français!

Et comment ne pas relever les précisions données à ce sujet quant à la modestie, sinon la pingrerie, de ses dons aux différents comités de l’Empire ?

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source

Banques et grandes entreprises : à la lecture des études qui les ont prises pour objet, il est quelquefois difficile de se faire une opinion sur leur poids réel en France ou dans les colonies, à l’exception des grandes banques qui ont assumé également un rôle public en Afrique du nord, en Indochine ou à Madagascar.

Comme nous l’avons déjà relevé, ces  études posent donc le problème de l’analyse de leurs flux de capitaux, au-delà de leurs  structures, et donc de leurs comptes et bilans, en les comparant aux ensembles de flux économiques et financiers dont ils faisaient partie, en France ou dans chacune des colonies ?

La presse : le livre de Raoul Girardet a esquissé quelques pistes de recherche à ce sujet, mais les résultats ne permettent pas de répondre à la question de savoir si le fait colonial a occupé une place importante ou faible dans la presse générale et la presse coloniale, aux différentes époques étudiées.

Il manque à mon avis une étude approfondie et sérieuse du sujet, c'est-à-dire de l’opinion publique mesurée à travers la presse, avec la mesure des surfaces (pages et colonnes) et l’analyse des contenus.

Sûrement un bon moyen d’évaluation de l’opinion publique, avant l’arrivée des quelques sondages de l’avant, et de ceux, nombreux, de l’après deuxième guerre mondiale.

Mes recherches personnelles me font sérieusement douter du rôle réel de la presse en matière coloniale, aux différentes époques examinées, sauf lorsque la France pouvait pousser un cocorico. La presse a-t-elle eu le l’influence qu’on lui prête encore aux époques étudiées ? Quelle presse ?

Une presse coloniale métropolitaine, aux tirages modestes, qui n’aurait sans doute pas vécu longtemps sans l’oxygène de subventions, d’ailleurs modestes ? Une des études d'Hubert Bonin évoque longuement le rôle du journal Le Sud Ouest Économique, mais la consultation de l’excellente Histoire Générale de la Presse (1972) n’en fait pas mention. Il aurait donc été utile d’éclairer le propos.

En ce qui concerne la presse générale de métropole, il manque, sauf erreur de ma part, une étude pertinente de son rôle colonial aux différentes époques retenues.

Quant à la presse des colonies, le même type de question se pose, notamment au cours de la première période, entre 1870 et 1914. En Indochine et jusqu’en 1914, les quelques journaux diffusés avaient des tirages modestes et étaient, sauf erreur, aux mains de quelques commerçants  ou colons. Ils étaient lus par un public européen restreint, très différent du public métropolitain. Le roman de Claude Farrère, Les Civilisés, décrit  assez bien ce milieu européen de l’Indochine dans sa première période aventureuse. Le gouverneur général Paul Doumer se vantait d’ailleurs de ne jamais lire cette presse, alors qu’elle lui était d’abord destinée.

L’étude consacrée aux premiers pas des chambres de commerce du Tonkin, des institutions en gestation, montre bien la difficulté que rencontraient les milieux économiques, encore faibles, pour exister, même en utilisant une presse à leur dévotion, face à la toute puissance de l’administration coloniale, alors que régnait alors une grande insécurité à une soixantaine de kilomètres d’Hanoï.

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À propos des conclusions de l’ouvrage

À la lecture de cette somme historique, une première conclusion générale semble s’imposer : l’esprit économique impérial n’a pas joué un rôle majeur dans la politique de la France.

Capitalisme colonial ou capitalisme mondial ?

La plupart des auteurs ont éprouvé une grande difficulté pour distinguer le capitalisme colonial de l’impérialisme international. À un moment donné, Jean-François Klein, je crois, pose d’ailleurs la question de l’abandon de la spécificité d’une histoire coloniale.

L’avatar colonial de l’impérialisme.

Mme Coquery-Vidrovitch [ci-contre] inscrit le parcours de l’esprit économique impérial et de ses manifestations dansCoquery_1 l’évolution capitaliste et impérialiste moderne, et plus précisément dans le cadre méthodologique des analyses marxistes de l’impérialisme.

Son propos est un peu différent de celui qu’elle tenait dans le livre Culture Coloniale, lequel accréditait la réalité d’un esprit économique impérial, au travers des formes incertaines de culture coloniale décrites par l’ouvrage. Elle écrivait :

"On ferait donc erreur en pensant que seules quelques firmes spécialisées entretenaient avec les colonies des liens privilégiés (p. 166)… le mythe colonial était enraciné. La société française consommait donc colonial dans tous les domaines, que celui relève de la banque ou de la vie quotidienne" (p. 174).

Mais dans le présent livre, elle écrit : "De l’impérialisme historique à l’impérialisme contemporain : l’avatar colonial entre les deux guerres, l’empire a joué à plein son rôle de protection et de repli économique… le repli colonial de l’entre deux guerres est en somme un impérialisme raté, au sens économique du terme" (p. 757).

Avatar comme mésaventure ou comme métamorphose ? Ou comme impérialisme mythique enraciné ?

Mariage fortuit et désintérêt des Français :

Mme Hodeir résume sa conclusion de façon lapidaire : En définitive, l’union des réseaux d’affaires et des réseaux politiques est un mariage fortuit qui, paradoxalement, est le fruit du désintérêt des Français pour le monde colonial. Et Jean-François Klein d’écrire dans la synthèse des travaux: balbutiements… le patronat colonial n’existe pas de façon spécifique… se garder… des lunettes idéologiques… de l’influence fantasmée du Comité des forges… et de proposer d’ouvrir des pistes intellectuelles nouvelles sur lesquelles nous reviendrons, notamment celle ouvertes par Jacques Marseille dans sa contribution, quant aux effets positifs ou négatifs de la colonisation sur le développement colonial local.

 

Quelques questions

Au sujet du constat paradoxal que l’esprit économique impérial n’ayant été, ni ardent, ni conquérant, il conviendrait donc de s’interroger à présent sur le pourquoi de sa faiblesse, en France et dans les colonies, l’esprit économique impérial s’inscrivant avant tout dans une logique d’impérialisme international des marchés peu soucieuse de développement local en tant que tel.

La réflexion passerait ainsi sur un tout autre plan.

Les travaux d’Headrick (The Tools of Empire) sur l’impérialisme des colonies elles mêmes, celui qu’il dénomme secondary imperialism, ouvrent quelques perspectives à ce sujet, incontestablement plus pertinentes que celles de Laffey. Il montre ce qu’il en était de la vitalité de l’impérialisme secondaire anglais des Indes, grâce aux outils technologiques nouveaux dont il disposait, à l’Ouest vers le Golfe Persique, et à l’Est vers la Chine, avec ses railways, ses gunboats, et ses steamers, mais tout autant avec le concours des côtes, des fleuves, et de la richesse de l’Inde. La puissance de ce continent n’avait d’ailleurs rien à voir avec celle de la presqu’île indochinoise.

La thèse d’Headrick apporte déjà des éléments de réponse à la question : comment expliquer le développement colonial du capitalisme, ici et pas là ?

Le capitalisme indochinois était intégré  dans le réseau capitaliste anglais et chinois, et il serait intéressant d’en savoir plus sur le poids des capitalistes chinois et indochinois. Dans le cas de l’Indochine, il semble difficile d’affirmer que la colonisation ait amputé la lente émergence des élites économiques locales, question pertinente que pose Jacques Marseille dans sa contribution.

Les études relatives aux relations capitalistes entre l’Algérie et la Tunisie, à l’expansion quasi-autonome de Djibouti à la corne de l’Afrique et dans le Golfe Persique, montrent également qu’il existait une forme de capitalisme colonial, mais que ce n’était pas celle de l’impérialisme économique français, et peu de l’impérialisme international, stade suprême du capitalisme.

La contribution sur l’industrie sucrière à La Réunion pourrait être prolongée par des recherches sur le capitalisme réunionnais à Madagascar. On y lit qu’un des premiers industriels y fit fortune, mais l’histoire des relations économiques entre les deux îles serait intéressante, si elle n’a déjà été faite.

Il existait bien dans la plupart des colonies des formes de capitalisme colonial local, plus ou moins développé,  mais les informations manquent aussi, semble-t-il, sur le poids des réseaux du commerce grec, libanais, indien, ou chinois, ainsi que des groupements de femmes africaines qui contrôlaient, sans doute déjà,  de grands marchés africains. Il existait, et il existe encore, tout un pan méconnu des économies locales, le secteur extralégal de l’économiste de Soto qu’évoque Jacques Marseille, ou ce qu’on appelle le secteur informel.

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À la lecture de l’ensemble de l’ouvrage et du constat d’après lequel l’esprit économique impérial français n’aurait été ni combatif, ni dominateur, sauf en cas de grave crise internationale, et qu’il n’a pas donné naissance à de gros flux économiques et financiers, faudrait-il à présent reprocher à l’impérialisme français, d’avoir été tout à la fois un acteur colonial modeste et un empêcheur d’éclosion d’élites coloniales locales?

L’histoire économique coloniale aurait alors, et très curieusement, pour tâche d’analyser, non pas l’histoire de l’impérialisme, mais celle de son absence, celle peut-être des avatars de Mme Coquery-Vidrovitch ?

Peut-être ne serait-il pas inutile dans ce débat d’emprunter le détour sain des missions, celui d’une des contributions de l’ouvrage. Le texte explique que l’influence des missions n’a pu être qu’indirecte, d’interface, donc de jonction entre deux mondes culturels différents, l’occidental chrétien, étant propice au développement économique d’un modèle capitaliste, et tous les autres.

Une interface plus qu’un transfert ? L’auteur écrit prudemment : Les travaux en cours posent pour l’instant autant de questions qu’ils n’apportent de réponses.

Sans avoir l’ambition de clore ce débat, tant les situations coloniales furent différentes, est-ce qu’une des causes premières de ce qu’il faudrait appeler un échec de l’impérialisme économique français ne serait pas à rechercher dans la culture française qui n’a pas été celle du combat économique international, en tout cas jusqu’à la deuxième guerre mondiale ?

Jusqu’en 1945, les Français n’ont jamais manifesté une forte propension au business impérial, toujours très actif des Anglais, parce qu’ils étaient plus attachés à leur art de vivre, borné par les clochers de leurs villages, qu’attirés par le commerce du grand large. Ne pourrait-on pas trouver des ressemblances lointaines à ce sujet avec le mora mora de l’art de vivre malgache ? Et sur le même sujet, une amie malgache déclarait : pourquoi certains peuples, notamment asiatiques, sont entrés dans la mondialisation et pas d’autres ?

J’ajouterais volontiers à propos de la boucle du Niger, pourquoi Samory, membre de la famille des Dioulas colporteurs, a-t-il choisi le pouvoir des armes plutôt que celui du commerce, et cela bien avant sa confrontation avec les Français ?

Outre les facteurs physiques ou techniques, il existe bien des facteurs culturels favorables ou défavorables au développement capitaliste, souvent défavorables dans le cas de cultures africaines étrangères à la culture du profit individuel, avec une priorité accordée au collectif, à la famille, au clan, et à la toute puissance de hiérarchies sociales captatrices des richesses.

Face à la modernité, chaque pays a proposé, et propose encore, une réponse qui a incontestablement beaucoup à voir avec son histoire culturelle.

Jean-Pierre RENAUD

 

- table des matières du livre L'esprit économique impérial 

 

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Filature, usine Delignon à Phu Phong (Annam en Indochine) ;
scène de fabrication de la soie, 1919/1935 - source

 

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21 mai 2008

thèse de Marie Chominot

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source des photos

 

Guerre d’indépendance de l’Algérie

l’image, source

et objet de recherche historique

la thèse de Marie Chominot

 

Étudier une période historique donnée par la photographie, c’est le choix novateur fait par Marie Chominot pour sa thèse de doctorat en histoire, sous la direction de Benjamin Stora, professeur à l’Institut national des langues et civilisations orientales, qu’elle a soutenue mercredi dernier [14 mai 2008].

La photo est en effet encore une source inhabituelle dans l’univers de l’historien. La jeune chercheuse, qui a étudié «la photographie pour la guerre» et non «la photo de la guerre», a présenté le résultat de six ans d’investigations, de consultations, de collecte et d’analyse d’archives photographiques en France et en Algérie sous l’intitulé de «Guerre des images, guerre sans images. Pratiques et usages de la photographie pendant la guerre d’indépendance algérienne (1954-1962)».

Un travail salué par l’ensemble du jury présidé par Omar Carlier, professeur à l’université Paris VII, comme «un travail exceptionnel», «d’une très grande honnêteté», «rigoureux». Dans un résumé succinct de sa thèse, - trois volumes dont un consacré à 1200 photos dont certaines sont inédites - Marie Chominot explique que «pendant la guerre d’indépendance algérienne (1954-1962), conflit qui n’a pas officiellement le statut de guerre, les deux camps en présence incluent la photographie dans des stratégies de légitimation et de communication complexes, mettant en œuvre une véritable politique images… La photographie se trouve au cœur d’une vaste entreprise de maîtrise de la guerre : elle sert à faire la guerre (comme auxiliaire du renseignement), elle sert aussi à la dire».

«Dans le but de maîtriser le récit confié à l’opinion publique par les médias, l’armée a organisé une forme de monopole de production et de diffusion des images photographiques, s’efforçant de tarir à la source la réalisation de photographies par des journalistes civils, tout en alimentant régulièrement le système de Diapositive1diffusion médiatique qui se fait par conséquent le relais, consentant mais forcé, d’une vision univoque».

Directeur de thèse de Marie Chominot, l’historien Benjamin Stora a rappelé que 200 000 clichés ont été pris par l’armée française, représentant une «source considérable». Sans compter les archives privées en France, mais aussi en Algérie, que Marie Chominot a pu consulter lors de deux séjours en Algérie et dont plusieurs sont inédites. Marie Chominot «a croisé de manière judicieuse des archives officielles, des archives dissidentes, marginales», a précisé son directeur de thèse.

Relevant les différents intérêts du travail de Marie Chominot, Benjamin Stora a souligné que «cette thèse participe du renouvellement de la recherche sur cette période». Elle a permis de «dévoiler cette guerre invisible et sans nom». Et participe donc de «la reconnaissance de cette guerre». Son deuxième intérêt est de montrer que l’image est source et objet de recherche historique, ajoute le professeur d’histoire.

 

la société française a construit sa cécité,

le régime algérien a produit de l’amnésie sur cette période

De son point de vue encore, le troisième intérêt réside dans le fait qu’un travail d’enquête a été mené en Algérie. «Ce travail permet de sortir d’un système de représentation hégémonique», «le détour par l’Algérie est essentiel». Un autre intérêt est que le travail de Marie Chominot «montre pour la première fois comment la reproduction photographique par l’armée française alimentait les circuits médiatiques, intégrant ceux qui seront les précurseurs des journalistes embarqués».

«Cette façon de faire, novatrice, nous conduit à réfléchir sur l’actualité d’aujourd’hui. La guerre d’Algérie a inauguré une période, celle du contrôle des images mis en œuvre par les États», précise encore Benjamin Stora. Pour sa part, Abdelmadjid Merdaci, maître de conférences à l’université Mentouri de Constantine, a observé que cette thèse permettrait de réfléchir à des champs inexplorés en Algérie.

Elle montre aussi «le caractère inégalitaire» du conflit tel qu’il apparaît à travers la production et la mise en circulation des images, «met en lumière ce que Marie Chominot appelle pragmatisme algérien, qui utilise des images de toutes origines pour organiser un système de confrontation à l’État français, au discours français», «redéfinit la nature du conflit du point de vue de ceux qui parlaient au nom du FLN», «la question de la multiplicité des acteurs et des territoires de cetteDiapositive1 guerre». Selon l’universitaire algérien, «la société française a construit sa cécité, elle ne voit pas, ne veut pas voir, ne doit pas voir». «Il est important aussi de dire comment le régime algérien a produit de l’amnésie sur cette période».

la thèse de Marie Chominot

La thèse de Marie Chominot se compose de deux parties :
- des photographies dans l’Algérie en guerre ;
- des photos pour faire la guerre, des photos pour la dire.

Et de sept chapitres :
- vers un monopole militaire ?
- l’infrastructure photographique de l’armée en Algérie ;
- la photo auxiliaire du renseignement ;
- en Algérie, conquérir les cœurs ou terroriser les esprits ;
- maîtriser le(s) récit(s) de la guerre ;
- dans le camp français une production hors des cadres ;
- le versant algérien de la «guerre des images».

Photographier au maquis ; une stratégie de visibilité maximale : témoigner, publier, communiquer ; faire feu de tout bois. La création des services spécialisés (photographie et cinéma) auprès du GPRA, les journalistes étrangers, collecter, archiver.

Nadjia Bouzeghrane
El Watan (Alger), édition du 19 mai 2008

 

Marie_Chominot













 

- présentation de la thèse de Marie Chominot

 

Elmain
source de la photo


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14 mars 2008

à propos du livre "Les mots de la Colonisation" (Jean-Pierre Renaud)

Diapositive1

 

à propos du livre

Les mots de la Colonisation

Jean-Pierre RENAUD

 

Un petit ouvrage rédigé sous la direction de trois historiens avec la collaboration d’une quarantaine d’auteurs, spécialistes de la colonisation. Petit livre dont l’ambition est sans doute, et c’est très bien, de simplifier le travail de documentation d’un lecteur curieux du sujet, par rapport à d’autres lexiques ou dictionnaires plus volumineux déjà publiés.

 

La méthode

Le discours de la méthode proposée par l’ouvrage :

- "Les auteurs ont eu la volonté de diffuser auprès d’un large public des connaissances rigoureuses (p. 4), …à partir d’une sélection - forcément réduite - de termes qui ont tissé la trame coloniale (p. 5),… nous avons choisi de faire entendre des mots effectivement en usage au temps des coloniesLa plupart des vocables qui composent ce lexique ont été utilisés d’un bout à l’autre de l’empire français" (p. 5).

- "L’équilibre de ce petit lexique s’établit au carrefour des mots d’alors et des mots d’aujourd’hui, dans une réflexion sous-tendue par les débats d’aujourd’hui" (p. 5).

- "Puisse ce petit ouvrage fournir un outil de travail commode aux étudiants" (p. 6).

La méthode choisie ne court-elle pas le risque d’une confusion inévitablement chronologique compte tenu des termes mêmes annoncés de la sélection, le carrefour des mots d’alors et des mots d’aujourd’hui ? Ne court-elle pas le risque aussi d’une confusion géographique entre des champs historiques arpentés d’un bout à l’autre de l’empire français ?

Dans un article paru dans les Cahiers d’Etudes Africaines de janvier 1960, intitulé "ColonisationBrunschwig -Décolonisation. Essai sur le vocabulaire usuel de la politique coloniale", Henri Brunschwig [ci-contre] écrivait dès la première ligne : "Les vocables politiques s’usent vite et leur sens varie selon les temps et les lieux". Il donnait quelques exemples de ces faux amis coloniaux.

En premier lieu, celui du terme colonisation, mais aussi celui du mot protectorat qui n’avait pas du tout le même sens selon les périodes de référence et les territoires de conquête, chasse gardée en Afrique avant et après le Congrès de Berlin, en même temps que projet de tutelle ou tutelle en Tunisie, en Annam ou à Madagascar ? Au cours de la période de conquête, les hommes politiques divergeaient d’ailleurs sur le sens de ce concept, ainsi que sur son intérêt.

En commentant le mot protectorat, le petit livre n’a pas repris cette distinction chronologique importante, mais il est vrai que le dictionnaire Liauzu n’en fait même pas mention.

Après pointage, et sauf erreur, sur plus de 120 mots cités, 37% d’entre eux s’inscrivent dans un temps colonial fractionné, et 63% dans un temps complet, temps postcolonial compris.

Sur le plan géographique, 70% des mots s’inscrivent dans le champ colonial ou impérial complet et 30% dans des champs coloniaux déterminés, 7% pour l’Afrique noire, 10% pour l’Extrême-Orient et l’Océanie, et 13% pour l’Afrique du Nord.

Autre question de méthode. De qui sont les mots retenus, des colonisateurs ou des colonisés ? Des premiers sûrement, et rarement ceux des colonisés, et il faudrait le préciser.

La sélection de ces mots résulte-t-elle d’une méthode de lecture statistique éprouvée, par exemple des journaux des différentes époques considérées ? Aucune information n’est donnée à ce sujet.

On pouvait aussi imaginer que la quarantaine d’auteurs aurait pu se réunir, ce qui a peut-être été fait, et qui n’a pas été dit, et qu’ils auraient procédé à un inventaire des mots clés de la colonisation. On ne voit pas en tout cas de différence entre les mots importants et ceux qui le sont moins.

En résumé, un réel apport d’informations, mais entaché de quelques réserves de fond quant à la méthode historique choisie.

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Le contenu : des mots justes ?

Congo Océan - Chemins de fer en Afrique (p. 34) : la datation des lignes citées ne correspond pas à la réalité. Le chemin de fer n’atteignit le Niger qu’en 1904.

Conquête (p. 36) : "Les résistances ne peuvent donc s’exprimer que par la guérilla".

Un commentaire étrange qui ne rend pas fidèlement compte des vraies batailles qui ont eu lieu au Tonkin avec des bandes de pirates et l’armée chinoise, de celles qui ont eu lieu entre les troupes coloniales et les armées de Samory, ou l’armée de Béhanzin, et enfin de celles de Madagascar au débarquement des troupes françaises et lors de leur remontée vers la capitale, avec enfin la prise de Tananarive.

Insurrection malgache (p. 58) : l’évoquant (p. 59) : "Une mémoire d’effroi se constitue, longtemps refoulée du fait qu’après 1960 le pouvoir revint à des collaborateurs des Français - ce qui rend aujourd’hui le travail des historiens très difficile face à une question devenue, pour l’intelligentsia et la diaspora malgache, l’équivalent de ce qu’est l’esclavage pour les Africains et Antillais".

Première observation : la répression de l’insurrection de 1947 n’a pas été occultée. À titre d’exemple, le livre de Pierre Boiteau paru en 1958, l’évoque longuement, et une multitude d’autres sources, notamment les journaux de l’époque.

Deuxième observation : celle d’après laquelle le travail des historiens serait difficile face à une question devenue l’équivalent… de ce qu’est l’esclavage pour les Africains et Antillais.

1° - Qu’est-ce qui autorise l’auteur de ce texte à formuler un tel jugement ? Des enquêtes d’opinion qu’il pourrait citer ?

2° - Quant à l’esclavage, il suffit de rappeler que c’est le pouvoir colonial qui a supprimé l’esclavage dans la grande île, et qu’une bonne enquête d’opinion dirait peut-être que l’effroi véritable s’inscrirait beaucoup plus dans la mémoire des descendants d’andevo (esclaves), que dans celle des habitants actuels de l’île par rapport à l’insurrection de 1947.

Parti colonial (p. 88 et 89) : dans la diffusion de l’idée impériale, l’auteur cite les livres scolaires les programmes scolaires eux-mêmes sont progressivement aménagés : le célèbre Tour de la France par deux enfants, dans ses diverses rééditions, fait désormais un détour par l’empire.

Le livre en question fait une place très modeste aux colonies, une page au maximum sur 318, et la fameuse  vignette des quatre races, dont la blanche, la plus parfaite, un tiers de page (p. 184). C’est dire l’importance d’un tel livre !

Plus grande France (p. 91, 92) : le texte note (p. 92) : "Les années 1930 démontrent l’enracinement de l’esprit impérial".

Le verbe démontrer n’est-il pas de trop ? Alors que cette thèse de l’enracinement du colonial est pour le moins contestée, à lire, en tout cas, les travaux des historiens Charles-Robert Ageron et Gilbert Meynier.

 

Des mots absents

Ce qui frappe à la lecture, c’est la faible part attribuée aux mots de la culture des peuples des colonies, à leurs croyances, différentes selon les continents : en Afrique spécialement, l’islam, cité par le livre, mais tout autant l’animisme et le fétichisme, les initiations et les classes d’âge, la circoncision et l’excision, les masques,les totems, et les sorciers … ; en Asie, le confucianisme, le taoïsme, le bouddhisme, et aussi, le ciel des empereurs d’Hué ou de Pékin. Et pour l’Afrique, l’Asie et Madagascar, le culte des ancêtres, capitalFRCAOM08_9FI_00176R_P dans la grande île.

Ce qui frappe également, c’est l’absence des mots de la conquête, le portage, les colonnes, les captifs, les canonnières, et les maladies tropicales, fièvre jaune et paludisme, au lieu de la soudanite, qui fut une affection plutôt rare par rapport à ces maladies, avec les hécatombes de cette période, et les fameuses quarantaines en cas d’épidémie. La rubrique médecine (p. 68) réduit beaucoup trop le champ du mot.

Rien sur les cultures vivrières, le mil et le manioc, le riz ! Alors que le mot indigénophile est retenu : avouerai-je que tout au long de mes lectures coloniales, je n’ai pas souvenir d’avoir rencontré ce mot. Le Larousse paru en 1931 (six volumes) n’en fait pas mention.

Et les gros mots ou les mots interdits, les fady des malgaches ! Le lexique ne cite pas le cannibalisme, religieux ou pas, qui exista bien dans certaines régions d’Afrique et d’Océanie. Ainsi que les sacrifices humains dans certaines cultures ! Et la polygamie coutumière dans beaucoup de ces colonies !

 

Les mots de la fin ?

Les explications données pour certains mots font incontestablement problème quant à leur pertinence historique.

Postcolonies studies - études postcoloniales. Le lexique évoque avec une prudence justifiée le discours d’un collectif de chercheurs, puisque insuffisamment démontré, sur la relation qui existerait entre la colonisation et la crise des banlieues.

orientalism_couvDans le même commentaire, le lexique fait référence au livre d’Edward Saïd, l’Orientalisme (1978) : … est un ouvrage majeur pour les postcolonial studies : il insiste sur l’impact des stéréotypes construits par l’Occident sur l’Orient et sur l’importance de la présence des empires coloniaux au cœur des productions culturelles européennes.

La thèse de M. Saïd mériterait à elle seule un très long commentaire, mais relevons simplement quelques observations à son sujet.

Comment pouvait-il en être autrement du regard de l’Occident sur l’Orient, qui ne se réduisait d’ailleurs pas au Moyen-Orient et au monde musulman et arabe. C’était autant sinon plus l’Extrême-Orient de l’Inde et de l’Asie ? Un Occident dominant, sûrement ! Souvent aussi fasciné ! Qui tentait de comprendre, avec ses propres codes de pensée, un Orient qui n’existait pas en tant que tel, et qui n’existe toujours pas par lui-même.

Sans doute la construction d’un système de fictions idéologiques, mais qui ne se résumaient pas à la littérature de Flaubert, et à sa courtisane égyptienne, ou à une peinture orientaliste seulement captivée par les harems arabes... L’auteur suggère de sortir de l’ancienne camisole de force idéologique, mais est-ce que tous les intellectuels, écrivains, artistes, historiens de cette époque ont eu besoin d’une telle thérapeutique ? Non ! Et paradoxalement aussi les missionnaires, souvent défricheurs d’autres civilisations.

Ce type de thèse porte toujours en creux la responsabilité de l’Occident, et sans le dire, ses fautes, sa culpabilité. Chacun est libre de le penser, mais il ne s’agit alors plus d’histoire, mais de morale.

E. Saïd défend une thèse qui pourrait être celle d’un occidental coupable, mais on peut se demander dans quelle position l’auteur situe sa thèse, occidentale ou orientale ? Et pourquoi ne pas regretter que l’Orient ne nous ait pas fait connaître sa propre thèse, son antithèse sur l’Occident, afin de tenter une synthèse, qui ne sera pas obligatoirement la fameuse histoire partagée dont rêvent certains.

Le mot violence (p.119) et son commentaire appellent également un peu d’explication.

Le sens de ce terme, par définition complexe, et très variable selon les époques, méritait un commentaireesclavage2_illust plus nuancé et plus circonstancié en rigueur historique.

Il ne faut pas avoir fréquenté beaucoup de récits et d’études ethnologiques de l’époque coloniale pour croire que la paix civile régnait dans les territoires conquis par la France, sur le Sénégal, le Niger, le Congo, le fleuve Rouge, ou dans les îles d’Océanie !

Sans faire silence sur les violences de la conquête et du maintien de l’ordre colonial, la colonisation fut aussi pour beaucoup de populations coloniales une période de paix civile. Et l’esclavage existait alors dans la plupart de ces territoires.

Il convient donc d’examiner les faits, sans faire appel au procédé jésuite qui consiste à répéter qu’on ne prône jamais le remords, tout en tenant continûment un discours qui le postule, sans que l’on demande naturellement et expressément la rémission de ses péchés coloniaux.

Comment est-il donc possible d’écrire dans le commentaire du mot violence la formule suivante : "Cette violence… n’en reste pas moins une tache indélébile sur l’histoire nationale" (p. 120) ...? S’agit-il d’histoire ou de morale ?

En conclusion, un petit livre de poche utile grâce à son format et à son contenu, avec le conseil sans doute inutile, que je donnerais volontiers aux étudiants historiens : lisez-le en conservant votre esprit critique !

Jean Pierre Renaud
9 mars 2008

 

- iconographie ci-dessus : esclaves emmenés à la fourche, photographie de la mission de Victor Liotard en Oubangui [Centrafrique] en 1891 (source : Caom)

 

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15 avril 2008

Débaptiser les rues "19 mars 1962" ?

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Faire débaptiser légalement

les rues mensongères

"19 mars 1962, fin de la guerre d'Algérie"

communiqué de l'A.S.A.F.

"19 mars 1962, fin de la guerre d'Algérie" et le Tribunal administratif

 

Lorsque le Maire d'une commune fait voter par son Conseil Municipal le baptême d'une voie «19 mars 1962, fin de la guerre d'Algérie», tout citoyen, et encore plus un membre d’une Association de Français Rapatriés ou d’Anciens Combattants, ou mieux encore, un conseiller municipal, a le droit de saisir le Tribunal Administratif du département : en effet, on ne peut afficher publiquement ce qui est contraire à la loi.

C'est la loi du 9 décembre 1974 qui a fixé la période, des opérations en AFN du 1er janvier 1952 au 2 juillet 1962. De plus, la loi du 18 octobre 1999 substitue à l'expression «opérations en AFN» celle de «Guerre d'Algérie et combats en Tunisie et au Maroc» et rappelle la période «entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962».

Ne pas oublier qu'il s'agit de saisir le Tribunal Administratif pour faire annuler une délibération en faveur d'une voie du 19 mars portant mention «FIN DE LA GUERRE D'ALGÉRIE». Le recours est à déposer sous forme de lettre recommandée avec A.R., et, à l'audience, il faudra fournir un mémoire* assez court. La procédure est gratuite.

 

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* voir le site JPN

Associations pouvant vous aider dans la préparation du mémoire
A.S.A.F http://asafrance.chez-alice.fr/Sommaire.htm
18, rue de Vézelay, 75008 PARIS - Tél/fax : 01 42 25 48 43
Courriel : mailto:asaf.paris@libertysurf.fr

 

VERITAShttp://veritas.cybermatrice.biz/z_4647/index.asp?page=1
Maison Alphonse Juin - B.P 21- 31620 – FRONTON
Télécopie : 05.61.09.98.73.
Courriel : maito:c.comiteveritas@tele2.fr

 

JEUNE PIED-NOIR – BP 4 – 91570 Bièvres
mailto: jeunepiednoir@wanadoo.fr
http://pagesperso-orange.fr/jeunepiednoir/jpn.wst

 

drapeau_et_m_dailles
source


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14 avril 2008

Archivistes français

Diapositive1
source de la photo
 


L’Association des Archivistes français

se prononce

sur le projet de loi sur les archives


L’Association des Archivistes français se félicite que le projet de loi sur les archives ait été adopté en première lecture à l’unanimité par le Sénat. Néanmoins, à l’heure où le texte va être examiné par l’Assemblée nationale, elle souhaite rappeler les principes auxquels les professionnels des archives, tous secteurs confondus, sont attachés, et qu’ils estiment devoir être pris en compte ou maintenus dans la loi, ainsi que souligner les points qui lui paraissent poser problème.

L’AAF regrette qu’une étude d’impact n’ait pas été menée qui aurait permis d’évaluer les conséquences de l’application du nouveau texte sur le fonctionnement des services d’archives publics.

Ainsi :

L’AAF confirme la nécessité d’un régime d’accès aux documents libéralisé dans une rédaction claire et applicable aux fonds d’archives tels qu’ils sont produits et communiqués. Si le principe de communication immédiate proposé dans le nouveau texte constitue une avancée, en revanche le délai de 75 ans correspondant à la mise en cause de la vie privée représente un recul par rapport au délai de 60 ans appliqué aujourd’hui. L’adoption du délai de 75 ans signifierait par exemple qu’un certain nombre de dossiers produits pendant la période de la 2e Guerre mondiale, communicables aujourd’hui, ne le seront plus.

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minutier central des notaires parisiens

L’AAF souhaite également que soit reconsidéré le principe de non-communicabilité permanente de certains documents, et que soit plutôt appliqué à ceux-ci la procédure de classification, voire un délai pouvant aller jusqu’à cent ans. Elle met par ailleurs en garde sur le risque d’interprétation de la notion de «sécurité des personnes», qui peut être considérée comme très extensive et pourrait aboutir à l’incommunicabilité totale de documents comme les listes électorales, puisque l’adresse privée des personnes y figure.

Elle attire en outre l’attention du législateur sur les difficultés pratiques d’application de la loi pour les services d’état civil (sollicitations accrues du public sans que soient prévues les conditions d’accès à des actes qui auront encore une utilité administrative).

L’AAF prend bonne note de la prise en compte du caractère public des archives décisionnelles et politiques.

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état des inventaires

L’obligation de versement des documents politiques et administratifs à caractère public dans un dépôt d’archives publiques devrait être observée dans tous les cas. De ce point de vue, l’AAF n’approuve pas qu’une autonomie ait été conférée aux assemblées (Assemblée nationale et Sénat), disposition paradoxale quand on sait que l’origine des Archives nationales se trouve dans celles de l’Assemblée nationale.

L’AAF aurait souhaité une prise en compte plus claire et plus concrète des archives électroniques qui permettrait d’ancrer le texte dans l’évolution des pratiques de gouvernement et d’administration, et des contextes de production des documents.

En ce qui concerne les archives des collectivités territoriales, l’AAF préconise :

  • l’obligation pour les régions d’assumer la responsabilité de la gestion et de la conservation de leurs archives ;

  • la reconnaissance des archives de l’intercommunalité qui permettrait d’améliorer la couverture archivistique du territoire.

Enfin, en ce qui concerne la disparition de la notion d’ «entreprise publique», qui ne correspond en effet pas à une forme statutaire d’entreprise, l’AAF insiste pour que les archives d’entreprise fassent l’objet d’une réelle attention de la part de l’État, tant dans le cadre du contrôle scientifique et technique pour les archives publiques que dans celui de la sauvegarde des archives privées en France.

A.A.F., 3 avril 2008


- Association des Archivistes français


archives_Caran
source


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16 avril 2008

réponse de Jean-Pierre Renaud et dernière réponse de Jean Fremigacci

Diapositive1

 

Mots et rapprochement de

mots pertinents ?

après la réponse de Jean Fremigacci

Jean-Pierre RENAUD

 

«Critiquez le (cet essai) mais sans m’injurier» Beaumarchais

À en juger par les mots utilisés par un historien (ridicule… ignorance abyssale...) [lire cet article], aurais-je offensé une nouvelle autorité de la critique historique ? L’histoire des historiens serait-elle à l’abri de toute critique ?

Passons ! Et revenons aux mots importants

Je rappelle tout d’abord que le sous-titre visé était : Des mots justes ? Donc avec un point d’interrogation !

 

guérilla

1 - J’ai contesté le sens donné à «guérilla» dans la phrase : «Les résistances ne peuvent s’exprimer que par la guérilla». La guérilla, dans l’acception des dictionnaires et des bons auteurs militaires (y compris Mao Tsé-Toung) est une guerre de partisans avec embuscades, ce qui ne fut pas le cas dans les colonies évoquées, au delà de celui de Madagascar, qui n’en fut pas non plus une. Il est possible d’interpréter la conquête de la grande île comme une «guerre d’opérette», mais elle mettait face à face deux petites armées, composées de milliers d’hommes, également équipées en armement moderne (canons et fusils à tir rapide), qu’il faut replacer dans le contexte des expéditions coloniales de l’époque.

Fut-elle vraiment une galéjade pour l’armée malgache et ses «honneurs» qui croyaient pouvoir pratiquer une stratégie indirecte, avec le concours efficace des deux généraux qu’étaient traditionnellement, selon Radama 1er, la fièvre et les communications ? Car il ne s’agissait évidemment pas là, comme au Soudan et au Dahomey, d’une guerre à l’échelle européenne, mais la guerre franco-chinoise du Tonkin des années 1884-1885  y ressembla beaucoup.

En ce qui concerne l’Afrique, quoi de mieux que d’inviter nos lecteurs à se reporter aux pages 149 et 151 de L’histoire générale de l’Afrique (Unesco,1987, tome VII, sous la direction de A. A. du Bohaen), pages figurant dans la partie intitulée "Initiatives et résistances africaines en Afrique occidentale de l’Ouest".

Cette analyse décrit bien des situations de résistance militaire qui n’avaient pas grand-chose à voir avec une guérilla.

 

mémoire d'effroi

2 - J’ai contesté également l’interprétation donnée à l’insurrection de 1947 : 

«Une mémoire d’effroi se constitue, longtemps refoulée du fait qu’après 1960 le pouvoir revint à des collaborateurs des Français… - ce qui rend très difficile, face à une question devenue, pour l’intelligentsia et la diaspora malgache, l’équivalent de ce qu’est l’esclavage pour les Africains et les Antillais

Ma critique porte sur le rapprochement entre l’insurrection et l’esclavage, en observant que les traumatismes de l’esclavage malgache sont beaucoup plus présents dans la mémoire malgache que l’insurrection. Le dit effroi s’inscrit beaucoup plus, à mon avis, dans l’épidémie ou la mode des victimisations mémorielles, qui escamotent la mémoire collective beaucoup plus profonde des stigmates de l’esclavage.

À ce sujet, et en premier lieu, je propose à nos lecteurs de prendre connaissance de l’éditorial intitulé "Patriotisme de pacotille", paru le 31 mars 2008 à Antananarivo dans le journal Tribune. Cet éditorial évoque précisément la mémoire de l’insurrection, pour ainsi dire inexistante, et ma foi, pour juger de l’état actuel de l’opinion malgache, le jugement d’un journaliste vaut bien celui d’un historien.

En deuxième lieu, et afin d’apprécier le sens de mes propos et l’étendue de mon ignorance abyssale, je les invite également à se reporter à un document très intéressant, intitulé L’esclavage à Madagascar - Aspects historiques et résurgences contemporaines- Actes du Colloque International sur l’esclavage, Antananarivo, 24-28 septembre 1996

Ils seront en mesure de comprendre pourquoi je continue à penser qu’il est hardi d’effectuer le rapprochement mémoriel en question.

Ces Actes constituent une somme de contributions riches et précises d’historiens malgaches, dans leur grande majorité, et ces contributions démontrent clairement que la mémoire de l’esclavage a beaucoup contribué à structurer l’histoire malgache, et qu’elle continue à le faire.

Donnons leur la parole :

"Après l’abolition de l’esclavage à Madagascar le devenir immédiat des esclaves émancipés", par G. A. Rantoandro (p. 273), et dans le dernier paragraphe de sa conclusion (p. 288) :

«L’insertion des esclaves émancipés s’annonce donc très longue : on a voulu laisser dans l’oubli un problème social dont les séquelles étaient, à l’époque, prévisibles. Même de nos jours, elles ne sont pas près de disparaître et dans les paysages et dans les représentations collectives.»

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Madagascar : femme hova en filanzane

La quatrième partie des actes du colloque porte le titre "Résurgences et Séquelles" (p. 292). La plupart des études faites montrent que la stigmatisation des anciens esclaves et de leurs descendants existe toujours, et qu’elle revêt des aspects multiples, politiques, économiques, sociaux, culturels.

Citons également un extrait de la conclusion de l’étude de F. Rajaoson intitulée "Séquelles et résurgences de l’esclavage en Imerina"(p. 353).

"De ce qui précède, il convient de souligner la nécessité d’un dépassement pour une vraie libération sous-tendue par une lutte quotidienne. En effet, les combats menés sur le plan socio-économique, pour les droits de l’homme et contre l’exclusion, devraient intégrer la banalisation du parler vrai pour une réelle libération psychologique, aussi bien des Mainty que des Fotsy.    

Le dépassement des séquelles et des résurgences de l’esclavage, qui relèvent des non-dits de l’histoire de la société merina, suppose une éducation permanente des citoyens, notamment sur l’importance d’une conscience nationale devant transcender les particularités des groupes" (p. 353).

 

persistance des blessures

L’ensemble des contributions converge sur le constat de la persistance de blessures et de discriminations qui affectent les descendants d’anciens esclaves malgaches, et c’est la raison pour laquelle le rapprochement fait entre mémoire de l’insurrection et esclavage ne parait pas fondé.

Et comment ne pas noter enfin que depuis 1972, soit depuis 36 ans, arrivée d’un chef d’État marxiste au pouvoir, l’Amiral, les Malgaches ont eu maintes occasions de défoulement mémoriel ?

Quant à mon «ignorance abyssale» de l’histoire contemporaine de l’île, je renvoie l’auteur de cette appréciation louangeuse au contenu d’une contribution très documentée du même ouvrage, dont il connaît sans doute l’existence, celle de J. R. Randriamaro, intitulée, "L’émergence politique des Mainty et Andevo au XXème siècle" (p. 357).

Son analyse montre parfaitement le rôle qu’ont joué les différents partis qui les ont représentés dans les crises successives qui ont jalonné l’histoire récente de l’île. Rappelons que l’AKFM, parti marxiste, disputait alors au Padesm le même électorat prolétarien, pendant la période de la guerre froide.

Les différentes formations politiques qui se sont succédé au pouvoir ne se sont pas fait faute d’ailleurs de manipuler l’électorat des mainty et des andevos.

Le débat engagé sur la mémoire de l’insurrection et de l’esclavage a donc son importance, mais je regrette que le petit livre en question n’ait pas mentionné, sur un plan général, et sur le plan particulier de Madagascar, le mot ancêtre, un mot capital : la culture des ancêtres éclaire toute l’histoire de l’île, et encore son présent. Et à cet égard, le mot famadihana (retournement des morts), serait sans doute plus approprié, au même titre que fady, que les quelques mots populaires que l’auteur aurait pu citer, tels que ramatoa ou sakafo ! Mais conviendrait-il peut être de laisser les Malgaches s’exprimer à ce sujet.

Alors oui, je fais sans doute partie «des gens à qui il faut tout expliquer !»

Jean-Pierre Renaud
15 avril 2008

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Madagascar_guerriers_Antandroy
Madagascar : guerriers Antandroy

 

Seconde et dernière réponse

à Jean-Pierre Renaud

Jean FREMIGACCI

 

La réponse de M. Renaud est à côté de la plaque et ne fait qu'ajouter à ma consternation et à ma conviction qu'il n'a, hélas, pas la compétence nécessaire pour parler d'histoire de Madagascar.

campagne de 1895

- Sur la campagne de 1895 : où sont "les vraies batailles" que M. Renaud voit "au débarquement des troupes françaises" jusqu'à "enfin la prise de Tananarive" ?

Au lieu de répondre, il se replie sur une "stratégie indirecte" appuyée sur la fameuse référence aux généraux Hazo (la forêt ) et Tazo (la fièvre)... armes par excellence de la guérilla, comme on devait le voir en 1947.

En réalité, pas un Malgache n'ignore que la vraie résistance à la conquête coloniale a été constituée par les guérillas populaires de 1896 à 1902, des Menalamba aux Sakalava, Mahafaly, Antandroy... Je rappelle que nous ne traitons ici que du cas de Madagascar, et pas de l'Afrique, d'Isandhlwana ou d'Adoua. La référence au T. VII de l'Histoire de l'Afrique  de l' Unesco est hors de propos.

esclavage, problème interne

- Sur la question de l'esclavage, M. Renaud essaie encore de noyer le poisson et ne fait qu'ajouter de la confusion à son contre-sens initial.

Que l'on relise mon texte : je n'ai fait référence à la mémoire de l'esclavage que dans le cadre des relations entre Français d'un côté, Africains et Antillais de l'autre. Ce, pour préciser que ce problème ne se pose pas dans les relations franco-malgaches, et que la mémoire d'effroi de 1947 en tient lieu comme base de ressentiment et d'exigence de repentance vis-à-vis de la France.

Je n'ai bien entendu jamais écrit qu'il n'y avait pas de mémoire de l'esclavage chez les anciens andevo. Mais c'est là un problème interne à la société malgache, non un problème franco-malgache. Pour s'en sortir, M. Renaud mélange tout, mémoire de 1947 et mémoire de l'esclavage, en avançant une thèse plus que discutable suivant laquelle la seconde serait beaucoup plus pesante et présente que la première. La comparaison n'a en elle-même en effet aucune pertinence pour des raisons qu'il serait trop long d'exposer ici, mais que tout historien de Madagascar connaît bien.

Je me contenterai de citer deux phrases de M. Renaud. La première suscitera la colère de mes collègues malgaches (dont mes amis et anciens étudiants Jean-Roland Randriamaro et Gabriel Rantoandro cités par M. Renaud). Il s'agit de l'affirmation concernant :
- "...la mémoire de l'insurrection, pour ainsi dire inexistante, et ma foi, pour juger de l'état actuel de l'opinion malgache, le jugement d'un journaliste vaut bien celui d'un historien".

Heureusement, la seconde les fera rire. Il s'agit de :
- "...L'AKFM, parti marxiste, disputait alors au PADESM  le même électorat prolétarien pendant la période de la guerre froide".
Vraiment ? L'AKFM, parti de la grande bourgeoisie protestante d'origine surtout andriana de Tananarive, a été créé en 1958 à une époque où le PADESM avait disparu... Et son "marxisme " n'empêchait pas son chef, le Pasteur Andriamanjato, de prêcher le dimanche au très select temple d'Ambohitantely dans la Haute-ville de Tananarive. Il y est toujours, d'ailleurs.

Je m'arrêterai là, il y aurait encore beaucoup à dire...

Jean Fremigacci
16 avril 2008

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Madagascar : guerrier Sakalava

 

Madagascar_guerrier_sakalava__1_
Madagascar : guerrier Sakalava

 

 

articles de ce blog cités en références

- Réponse à J.-P. Renaud sur Madagascar, Jean Fremigacci :  11 avril 2008

- À propos du livre Les mots de la colonisation, Jean-Pierre Renaud : 14 mars 2008 

- Parution du livre Les mots de la colonisation : 14 janvier 2008
 

autres liens

- iconographie expédition Madagascar 1895 : military-photos.com
 

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Madagascar : guerrier Antandroy à la sagaïe

 

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11 avril 2008

réponse de Jean Fremigacci

Diapositive1

 

réponse à J.-P. Renaud sur Madagascar

Jean FREMIGACCI

 

C'est avec consternation que j'ai pris connaissance de la note critique de J.-P. Renaud rendant compte du petit livre Les mots de la colonisation. M. Renaud s'en prend en particulier à la rubrique Insurrection malgache dont je me trouve être l'auteur. Je le cite :

"Première observation : la répression de 1947 n'a pas été occultée. À titre d'exemple, le livre de P. Boiteau paru en 1958 l'évoque longuement, et une multitude d'autres sources, notamment les journaux de l'époque..."

Cette critique est absurde : je n'ai jamais écrit que la répression de 1947 avait été occultée, mais exactement le contraire, en parlant de "Cette révolte, médiatisée dès mai 1947..." et je n'ignore rien des échos qu'elle a eu en Métropole, ayant entre autres dirigé l'excellent mémoire de maîtrise de Grégoire Pourtier sur "Les évènements de 1947 à Madagascar à travers la presse parisienne" (Paris I, CRA, 1999).

J'ai souligné en revanche le refoulement de la mémoire d'effroi de cette révolte. Je rappelle que j'ai enseigné à Madagascar de 1965 à 1988, J'y ai vécu la première commémoration de 1947 qui a eu lieu en... 1967 : le mot d'ordre gouvernemental était d'observer un pieux recueillement et le silence, il ne fallait pas diviser les Malgaches. Et à la Fac, les étudiants en Histoire se plaignaient auprès de leurs profs que leurs parents refusaient de leur parler de ce qu'ils avaient vécu en 47...

Madagascar_ancien_esclave

esclavage...

Mais une seconde critique est tout aussi mal venue. Elle porte sur ma phrase "...ce qui rend le travail des historiens très difficile face à une question devenue, pour l'intelligentsia et la diaspora malgaches, l'équivalent de ce qu'est l'esclavage pour les Africains et Antillais".

Il est d'abord ridicule de me mettre en demeure de démontrer mon affirmation à l'aide "d'enquêtes d'opinion". Car d'une part je rappelle que mon texte ne devait pas dépasser 3000 signes, d'autre part, tous les historiens savent combien 1947 a été pour les Malgaches le traumatisme majeur (voir mon article dans L'Histoire, n° 318, mars 2007 ).

Mais il est encore plus ridicule de m'objecter sentencieusement : "Quant à l'esclavage, il suffit de rappeler que c'est le pouvoir colonial qui l'a supprimé dans la grande île". Car c'est justement ce que sous-entend mon texte. J'ai déjà abordé la question (cf. la revue Sociétés & Représentations, n° 22, oct. 2006, pp. 81-91), mais il y a des gens à qui il faut tout expliquer :

1) l'esclavage est le grand reproche des Africains et Antillais à la France ;

2) à Madagascar, on ne peut utiliser ce thème, car l'esclavage, aboli par les Français, avait été une institution sociale majeure du royaume merina, lui-même importateur d'esclaves africains au XIXe siècle ;

3) dans ces conditions, c'est la répression de 1947, au besoin amplifiée par une légende noire, qui fournit matière à demande de repentance de la part du colonisateur.

Pour faire bonne mesure, J-P Renaud ajoute un point de vue totalement faux : "Une bonne [!!] enquête dirait peut-être que l'effroi véritable s'inscrirait beaucoup plus dans la mémoire des descendants d'andevo (esclaves) que dans celle des habitants actuels de l'île par rapport à l'insurrection de 1947".

C'est là, de la part de M. Renaud, montrer une ignorance abyssale de l'histoire contemporaine de Madagascar. Car les groupes statutaires dominés de la société merina (Mainty et Andevo) ont formé la clientèle du PADESM, le parti francophile ennemi des insurgés de 1947 et la mémoire d'effroi dont je parle concerne avant tout les groupes dominants Andriana et Hova.

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Madagascar, construction de la voie ferrée du lac Alaotra

En fait, c'est tout l'article de M. Renaud que je juge criticable. Laissant aux autres auteurs le soin d'y répondre, je citerai encore un exemple, le reproche que des mots malgaches comme fady ("tabou") ne figurent pas dans le livre : mais, outre le fait qu'il ne s'agissait pas de faire un dictionnaire ethnologique, s'il avait fallu citer des mots malgaches repris par les colonisateurs, bien d'autres mots se seraient imposés avant fady : fokonolona ("communauté villageoise"), ramatoa ("madame", qui prend le sens colonial de "bonne"), manafo ("homme de peine"), sakafo ("repas"), kapoaka (boite de lait Nestlé devenue la mesure du riz quotidien, 400 grammes ; "gagner sa kapoaka" = gagner sa vie), et j'en passe...

Je relève encore deux erreurs graves dans l'article de J.-P. Renaud :

- Lors de la conquête de 1895, il voit des batailles entre armées française et malgache au débarquement (??), puis lors de la remontée vers la capitale, et enfin avec la prise de Tananarive (!) : galéjade que tout cela... Toute la campagne de 1895 n'a fait que 14 tués au combat côté français (mais plus de 5000 morts de maladie, c'est une autre histoire).
Un historien malgache, Manassé Esoavelomandroso a fait justice de ces soi-disantes "batailles" voici plus de 30 ans : cf "Le mythe d'Andriba", revue Omaly sy Anio, n° 1-2, 1975, p. 43-73
. La prise de Tananarive ? 3 coups de canon et on a vu monter le drapeau blanc, les soldats sont restés l'arme à la bretelle...

Tananarive_monument_1895
Tananarive, monument commémoratif
de la campagne de 1895

- J.-P. Renaud n' a jamais rencontré le terme d'«indigénophile» ? Dommage pour lui, il est d'un usage courant, surtout dans les années 1910-1930, dans la presse des colons de Madagascar, pour désigner péjorativement tout fonctionnaire colonial qui prend la défense des Malgaches notamment sur la question du travail forcé.

Très cordialement et sans rancune.

Jean Fremigacci

 

 

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Tamatave, la rue du Commerce

 

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Tananarive, l'avenue de la Libération

 

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26 juin 2008

le vocabulaire usuel de la politique coloniale (Henri Brunschwig)

Diapositive1

 

 

Colonisation, décolonisation :

essai sur le vocabulaire usuel de 

la politique coloniale

Henri BRUNSCHWIG (1960)

 

I

[colonisation]

Les vocables politiques s'usent vite et leur sens varie selon les temps et les lieux. Le même mot n'a pas, aujourd'hui, le même sens dans la Gauche des étudiants africains ou métropolitains qui se rencontrent dans nos facultés. L'Africain, par exemple, associe nationalisme, marxisme et christianisme alors que l'Européen considère en général ces termes comme antinomiques. Préciser le vocabulaire usuel de la colonisation serait, sans doute, faciliter le dialogue qui se poursuit entre Européens et Africains et l'empêcher de devenir un dialogue de sourds.

Le terme le plus général et le plus ambigu est celui même de "colonisation". Son sens étymologique, auquel il conviendrait de revenir, est cependant clair. Les colons sont ceux qui s'expatrient pour aller cultiver des terres vacantes. Ils forment des colonies qui restent en rapports plus ou moins étroits avec la métropole. Ainsi, Richelieu, dans sa déclaration aux greffes de l'Amirauté de 1628, pouvait-il conseiller "l'établissement d'une colonie aux naturels français catholiques de l'un et l'autre sexe". Les colons apportaient avec eux les institutions de leur pays. Ils fondaient véritablement, outre-mer, des provinces ou des villes justement dénommées Nouvelle-Angleterre, Nouvelle-Espagne ou Nouvelle-Castille, Nouvelle-Amsterdam, New-York ou Nouvelle-Orléans. Lescarbot publia en 1609 la première histoire de la colonisation française sous le titre de Histoire de la Nouvelle-France.

Ces colonies, cependant, n'étaient pas les seuls établissements européens outre-mer. Les commerçants et les armateurs entretenaient depuis longtemps des agents, nommés "facteurs", dans les ports lointains où se concentraient des produits particulièrement recherchés, comme les épices, les fourrures, les harengs. Mais les comptoirs de Gênes en Mer Noire, de Venise en Syrie et en Égypte, de la Hanse à Novgorod ou à Bergen, n'étaient pas des colonies. Les facteurs, les consuls ou les marins qui s'y rendaient n'y faisaient pas souche. Ils rentraient chez eux après avoir accompli leur stage. Ils ne cultivaient pas la terre et ne s'aventuraient pas au-delà des étroites limites de leur "factorerie", comme on disait au XVe siècle, ou "factorie" selon la graphie simplifiée du XVIe siècle.

factorerie_de_Tarfaya
factorerie de Tarfaya (cap Juby, Maroc) vers 1882 (source)

Ces factories étaient des comptoirs qui se livraient exclusivement au commerce. On les a, par la suite, assimilés aux colonies. Cette confusion s'explique par le fait que la réglementation mercantiliste du XVIIe siècle, qui interdit à tous les sujets d'outre-mer de fabriquer des produits industriels et qui monopolisa le commerce au profit des métropoles, s'applique aussi bien aux colonies qu'aux factories.

Le caractère propre du commerce mercantiliste était de laisser un bénéfice au commerçant. La courbe des valeurs importées des comptoirs et des colonies était donc constamment supérieure à celle des valeurs exportées. Les investissements destinés à fréter le bateau, à solder l'équipage, à entretenir le comptoir étaient en général à court terme. Les associés à ce commerce ne s'engageaient que pour quelques mois ou quelques années.

Quand la dénomination de colonies tendit à se généraliser, on recourut, en Angleterre d'abord, en France vers le milieu du XVIIIe siècle, au terme de "plantation" ; "planteur" fut alors souvent synonyme de "colon".

Si nous revenons à une terminologie rigoureuse, nous constatons qu'il n'est pratiquement pas de colonisation en Afrique sous l'Ancien régime. Les seules et rares exceptions seraient les établissements insulaires des Canaries, de San Thomé dès le XVIe siècle et ceux des Mascareignes au XVIIIe. On pourrait discuter sur le caractère colonial de Saint-Louis du Sénégal. Enfin, l'établissement incontestablement colonial fondé par Van Riebeek au Cap en 1652, donna naissance au peuple Boer.

 

 

 

II

[colonie humanitaire - protectorat]

Pendant la période libérale du XIXe siècle, l'Afrique traditionnelle, l'Afrique des comptoirs et de la traite de noirs, connut deux sortes d'établissements nouveaux : les colonies humanitaires et les protectorats. Ce fut bien une "colonie de la Couronne" que la Chambre des Communes créa lorsqu'elle reprit en 1807 les installations de la Compagnie à charte fondée vingt ans auparavant, sans visées mercantiles. La région devait continuer à accueillir les anciens esclaves émancipés ou affranchis. Ils y cultivaient la terre et y favorisaient un commerce qui devint peu à peu rentable. Freetown fut le point d'attache indispensable aux bateaux de croisière que la Grande-Bretagne entretient pendant toute cette période pour empêcher la traite.

Ce fut donc une colonie, mais de population noire, une Nouvelle-Angleterre, puisque les missionnaires et les administrateurs y implantèrent la civilisation britannique, mais de couleur. Elle reçut les institutions coloniales classiques, le gouverneur, le secrétaire général, le procureur général, le trésorier, le conseil exécutif et le conseil législatif où les indigènes furent bientôt représentés.

Sierra_Leone_Company
annonce au sujet de l'établissement de
Néo-Écossais noirs en Sierra Leone,
2 août 1791 (source)

D'autres colonies - Gambie, Gold Coast, Lagos, Natal - naquirent des mêmes préoccupations, plus ou moins humanitaires et commerciales, mais toujours différentes des factories qui n'étaient que des établissements de commerce et ne grevaient pas le budget métropolitain.

Les Français tentèrent également de transformer leurs comptoirs du Sénégal en plantations. Mais leur présence en Afrique répondit davantage à leur besoin de prestige qu'au souci réel de régénérer les indigènes. Certaines maisons de commerce s'intéressèrent sans doute à l'huile de palme, dont l'utilisation se développa en Europe après 1830. Mais ce fut surtout le désir de s'affirmer face à sa rivale anglaise qui incita la jeune Marine Française à fonder des établissements nouveaux sur le Golfe de Guinée, à Madagascar et aux Comores. Ces établissements firent des "protectorats".

Les officiers de marine, le capitaine de Bouët-Willommetz ou le contre-amiral de Helle ne se posèrent sans doute pas beaucoup de questions lorsqu'ils signèrent avec les petits souverains gabonais ou sakalaves des traités de protectorat. Ils ignoraient peut-être même l'existence du "protectorat-sauvegarde". On appelait ainsi, sous l'Ancien régime, l'accord entre un État fort et un État faible, auquel le premier garantissait sa sécurité, sans pour autant s'ingérer dans ses relations extérieures ou dans son gouvernement intérieur. Cela revenait en somme à avertir les ennemis du protégé qu'ils auraient affaire au protecteur s'ils attaquaient.

Les Anglais signèrent des traités de protectorat avec les princes des Indes puis, plus tard, avec les sultans malais. Mais ils placèrent aussi auprès des souverains des résidents sans pouvoir précis, des conseillers dont la présence assurait le maintien de la paix et de l'ordre public. Les traités de protectorat de la Marine Française n'allèrent pas jusque-là. Le roi Denis, par exemple, à l'embouchure du fleuve Gabon, s'engagea seulement "à céder à perpétuité à la France deux lieues de terrain" et à contracter "une alliance offensive et défensive avec la France qui, d'un autre côté, lui garantit sa protection". Il ne fut pas question de résident.

Le protectorat fut donc essentiellement une déclaration de chasse gardée vis-à-vis de l'étranger. Il apparaissait, moins important que les colonies et même que les comptoirs, dispersé un peu partout sur les côtes, colonisées ou non de l'Afrique, puisque la présence du protecteur n'y était même pas toujours assurée. Il n'en fut pas de même en Indochine où la France, comme l'Angleterre en Malaise, envoya des résidents. Le protectorat d'Afrique Noire évolua lentement. Il conserva son aspect essentiel de zone réservée aux entreprises futures du protecteur jusqu'à la conférence de Berlin (1885) et ne fut, juridiquement, jamais pris au sérieux.

trait__du_BardoC'est en Tunisie que le statut du protectorat fut, à la fois défini de façon plus rigoureuse et presque immédiatement torpillé. Le traité du Bardo [ci-contre] reprenait à peu près les stipulations des protectorats d'Extrême-Orient : "Le Gouvernement de la République française prend l'engagement de prêter un constant appui à S. A. le Bey de Tunis contre tout danger qui menacerait la personne ou la dynastie de Son Altesse ou qui compromettrait la tranquillité de ses États" (Art. 3). "Le Gouvernement de la République française sera représenté auprès de S. A. le Bey par un Ministre Résident, qui veillera à l'exécution du présent Acte, et qui sera l'intermédiaire des rapports du Gouvernement français avec les Autorités tunisiennes pour toutes les affaires communes aux deux pays" (Art. 5).

"Les Agents diplomatiques et consulaires de la France en pays étrangers seront chargés de la protection des intérêts tunisiens et des nationaux de la Régence.

En retour, Son Altesse le Bey s'engage à ne conclure aucun acte ayant un caractère international sans en avoir donné connaissance au Gouvernement de la République française et sans s'être entendu préalablement avec lui" (Art. 6).

On représenterait donc le pays vis-à-vis de l'étranger, on y respectait la souveraineté intérieure et on se contentait d'y envoyer un résident. C'était plus économique que d'y créer toutes les administrations d'une colonie et ce fut sans doute pour cela, pour amadouer l'opinion française indisposée par les expériences malheureuses faites en Algérie, qu'on choisit la forme du protectorat. À cause de l'opinion française plutôt que pour ménager l'étranger. Car ce traité fut préparé dès 1878 par le Quai d'Orsay, "sous l'administration de M. Waddington", qui avait reçu à la conférence de Berlin les assurances de Salysbury et de Bismark. On savait donc que l'étranger ne protesterait pas, sauf peut-être l'Italie, avec laquelle il eût mieux valu négocier après une annexion pure et simple qu'après une proclamation de protectorat. Peut-être aussi s'effrayait-on un peu, dans les milieux républicains, des termes de colonie et d'annexion : la République de la Liberté, de l'Égalité et de la Fraternité ne pouvait décemment pas user à l'égard d'un autre peuple des méthodes cyniques et brutales de ceux qui réalisent leurs projets "par le fer et par le feu".

À la suite de la révolte et de la dure campagne de 1881, deux ans après le traité du Bardo, la Convention de la Marsa fut imposée au Bey, le 8 juin 1883. Son premier article anéantissait le principe même du protectorat en conférant tous pouvoirs au résident pour se substituer au Bey dans l'administration intérieure. "Afin de faciliter au Gouvernement français l'accomplissement de son Protectorat, Son Altesse le Bey de Tunis s'engage à procéder aux réformes administratives, judiciaires et financières que le Gouvernement français jugera utiles".

La souveraineté interne, dès lors, n'était plus que fiction. personne, en France, ne s'en inquiéta. Personne, au fond, n'avait attaché d'importance à cette souveraineté. Ceux-mêmes qui, par la suite, prétendirent s'inspirer du protectorat l'abandonnèrent sans scrupule. Comme Gallieni à Madagascar, quand il les gêna. Des grands coloniaux français, un seul voulut vraiment tenter l'expérience du protectorat : Lyautey. Il ne fut ni compris, ni suivi. C'est dans ses circulaires et dans ses lettres qu'il faut chercher une définition précise de ce statut idéal qui ne fut jamais nulle part appliqué sans être violé.

Lyautey_et_Moulay_Youssef
le sultan Moulay Youssef et Lyautey (derrière lui, Si Kaddour ben Ghabrit)

Pour que l'expérience du protectorat réussît, comme ce fut le cas dans beaucoup de territoires britanniques, il aurait fallu qu'elle s'appuyât sur une doctrine de tutelle. Si les traités avaient prévu un terme, même lointain, même indéfini, au contrôle du protecteur, celui-ci aurait été incité à former des cadres de relève indigènes. Et les protégés auraient plus volontiers accepté l'intervention dans leurs affaires intérieures de techniciens et d'administrateurs étrangers, qui auraient en même temps été des professeurs. Les complexes psychologiques des races inférieures ou supérieures ne se seraient peut-être pas formés.



III

[impérialisme]

La prise de Tunis en 1880, le protectorat sur les territoires de Makoko, chef des Batéké du Congo, ratifié par les Chambres françaises en novembre 1882, étaient des actes d'expansion territoriale. ils ont inauguré "l'impérialisme colonial" qu'à la suite de la France, presque toutes les grandes puissances pratiquèrent entre 1880 et 1914.

Le terme "d'impérialisme", dans le sens d'expansionnisme, est récent. Danzat le relève pour la première fois dans un article du Figaro du 4 février 1880. Il ne s'est guère répandu avant que les théoriciens socialistes ne lui fissent un sort. Et, comme il arrive souvent, on eut tendance à étendre au passé la signification qu'il prit au XXe siècle. Il y a là un véritable anachronisme.

L'expansion des années 1880 à 1885 et même au-delà est essentiellement politique. En dépit de quelques allusions à l'intérêt économiques de la colonisation, faites par Jules Ferry avant 1885, ce fut surtout le désir de s'affirmer, de prouver au monde que la France vaincue n'était pas tombée au rang de puissance secondaire, qui motiva l'expansion coloniale : "Il faudra bien, écrivit Gambetta à Jules Ferry au lendemain de la ratification du Traité du Bardo, le 13 mai 1881, que les esprits chagrins en prennent leur parti un peu partout. La France reprend son rang de grande puissance".

Les mobiles économiques que l'on invoqua plus tard en prétendant que le protectionnisme obligeait les États industriels à se réserver des marchés coloniaux n'existaient pas alors. L'Allemagne seule avait adopté le protectionnisme en décembre 1878. Or, le commerce général de la France avec l'Allemagne passa entre 1878 et 1880 de 88,2 à 945,5 millions de francs. Et le commerce général extérieur de la France avait passé entre 1877 et 1880 de 8 940 à 10 725 millions.

Lorsqu'après la conférence de Berlin, les grandes puissances se partagèrent le monde, elles y furent au moins autant poussées par leur nationalisme que par l'espoir de profits économiques. Quels profits promettait Madagascar en 1895 ? À ce moment, cependant, le facteur économique commençait à se préciser.

L'idée d'une "colonisation de capitaux" remontait au livre de Paul Leroy-Beaulieu sur La colonisation chez les peuples modernes publié en 1874. Elle s'était peu répandue jusque vers 1890, malgré les efforts des 9201898_psociétés de géographie. Ce sont les grandes compagnies concessionnaires qui la vulgarisèrent. En France, le coryphée en fut Eugène Étienne [ci-contre], fondateur du Groupe colonial de la Chambre des Députés en 1893. Dans ses articles du Temps de septembre 1897, il considéra "l'intérêt", "la somme d'avantages et de profits devant en découler pour la métropole" comme "le seul critérium à appliquer à toute entreprise coloniale".

Qu'entendait-il exactement par là ? Dans le passé, comme nous l'avons indiqué, la métropole importait des colonies plus qu'elle n'y exportait. Le bénéfice de ses commerçants apparaissait dans les colonnes du Tableau du Commerce Extérieur. Il en était encore de même en 1897 pour les échanges entre la France et les pays d'outre-mer non colonisés.

Mais partout où la Troisième République s'est installée - comme d'ailleurs en Algérie - la courbe s'était inversée. Depuis leur occupation, la Tunisie, l'Indochine, Madagascar et, Congo excepté, les divers territoires d'Afrique Noire, absorbaient plus de produits qu'ils n'en expédiaient en France. Le bénéfice n'apparaissait pus dans la différence entre la valeur des produits exportés et importés. Se trouvait-il donc dans celle entre les prix d'achat en France et ceux de vente outre-mer des produits exportés ? Sans doute, mais la plupart des colonies ne pouvaient payer qu'avec l'argent que la métropole leur avaient fourni. Cet argent, bien employé en investissements judicieux, laissait escompter des rentes. Elles n'existaient pas encore en 1897 mais tous les espoirs restaient permis.

L'impérialisme différait donc du mercantilisme commercial en ce qu'il spéculait à terme au lieu d'opérer au comptant. Il appartiendra à des études plus approfondies sur ce point de préciser si ce terme est jamais échu ou si l'impérialisme économique aura été, outre-mer, une course de plus en plus rapide après des espoirs toujours déçus. Mais tant que la course dura, elle profita, d'une part à ceux qui participaient et, de l'autre, à ceux qui recevaient l'équipement dont on escomptait les bénéfices.

Le premier à douter de l'intérêt économique du système fut l'Anglais Hobson [photo ci-dessous], dontHobson_portrait le livre fondamental : Imperialism, a study, parut en 1902. Il y établissait qu'en Angleterre, la conquête des territoires intertropicaux n'avait pas eu les suites économiques espérées. La part de la Grande-Bretagne dans le commerce extérieur de ses territoires d'outre-mer n'avait pas cessé de baisser et la part du commerce colonial dans l'ensemble du commerce extérieur tendait également à diminuer. Par contre, l'arbitraire, les pratiques dictatoriales vis-à-vis des indigènes, les guerres, s'étendaient. Hobson critiqua la notion de colonies de capitaux en faisant observer l'évolution en Europe du capitalisme commercial vers le capitalisme bancaire.

Il tenta de démontrer que les investissements outre-mer n'étaient pas nécessaires. On y recourait parce qu'en métropole, la production était surabondante. Mais si, au lieu de multiplier les bénéfices, on augmentait le pouvoir d'achat des masses, la surproduction métropolitaine disparaîtrait : la réforme sociale et non les investissements à l'étranger devaient remédier à la surproduction métropolitaine. L'ensemble de la nation en profiterait au lieu d'une petite minorité d'investisseurs, de hauts fonctionnaires et de militaires.

arton392Ces idées, reprises par le socialiste autrichien Rudolf Hilferding [ci-contre] dans Das Finanzkapital (1910), puis par Lénine dans L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme vulgarisèrent la conception essentiellement économique de l'impérialisme. Mais, en fait, il continua d'être infiniment plus complexe. C'est le caricaturer que de le réduire à un problème de circulation de capitaux. Et c'est négliger le caractère peut-être le plus remarquable : son aspect moral.

Le nationalisme, qui l'inspira d'abord, était aux yeux de tous, comme il l'est aujourd'hui à ceux des Africains, une vertu. Le racisme, également affirmé, en était une autre. Là encore, l'anachronisme nous menace. Tous les protagonistes de l'expansion coloniale, Jules Ferry, Léopold II, Dilke, Hübbe, Schleiden, Fiske ont distingué les races supérieures des races inférieures. Mais pour insister sur le devoir d'élever ces dernières au niveau supérieur. Ils reprenaient les thèses humanitaires des anti-esclavagistes, l'idée missionnaire des Églises. Ils laïcisaient et nationalisaient la Mission. Le racisme n'était pas la doctrine d'extermination qu'il devint au temps d'Hitler, mais un idéal de civilisation, d'amour et de progrès.

La recherche de progrès économique signifiait aussi la civilisation par le commerce honnête opposé au "trafic honteux" des marchands d'esclaves, des frères humains attardés à des pratiques barbares, à des techniques primitives, à l'exploitation esclavagiste de l'homme par l'homme. Il en résulta que le malaise, par lequel s'explique peut-être en partie la préférence donnée par Jules Ferry au protectorat sur l'annexion, disparut.

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Les colonies françaises : progrès, civilisation, commerce

Les impérialistes de 1890 avaient bonne conscience. Ils étaient sincères lorsqu'ils barbouillaient de leurs couleurs nationales les cartes de la "populeuse Asie" et de la "ténébreuse Afrique". Ils étaient convaincus d'accomplir un devoir. Les opinions publiques, même lorsqu'elles s'élevaient contre les abus qui défiguraient l'oeuvre coloniale, lorsqu'elles démasquaient les profiteurs hypocrites d'Europe ou d'outre-mer, s'inspiraient du même sentiment. Hobson, critiquant l'impérialisme, ne concluait pas à l'abandon des colonies : c'eût été trahir les races inférieures. Ce qu'il souhaitait, c'était une tutelle honnête dans l'intérêt des pupilles et sous contrôle international.

Ainsi, l'impérialisme colonial se définit par un nationalisme expansionniste, assorti de l'exportation de capitaux à la recherche des profits de l'exploitation de ressources nouvelles, pour le plus grand bien des colonisateurs et des colonisés.

 

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IV

[colonialisme]

Le mot "colonialisme" est récent. Il apparaît sans doute pour la première fois sous la plume de Paul Louis, qui publia en 1905 une brochure intitulée : Le colonialisme dans la Bibliothèque socialiste. Forgé par les marxistes métropolitains, répandu outre-mer par les "évolués" qui créaient chez eux des nationalismes du type occidental, il condamnait l'impérialisme colonial. Si l'on essaie de serrer son sens de près, on s'aperçoit qu'il désigne d'une part l'exploitation capitaliste des territoires d'outre-mer au profit de la métropole, d'autre part la domination politique de ces territoires et la politique nationaliste d'expansion. Il réunit donc les mêmes éléments que l'impérialisme colonial, à l'exception de la bonne conscience. "Colonialisme" est un terme péjoratif. Il est l'impérialisme privé de son bon droit, l'impérialisme démasqué, devenu immoral.

Dans ces conditions, rien de surprenant si personne ne se reconnaîtKenya_colonial colonialiste. La mentalité impérialiste n'a pas disparu. On la rencontre, en particulier, parmi les colons, au Kenya [le Kenya colonial, 1950/51 - source] ou en Algérie. Lorsque ceux-ci s'opposent aux Africains de couleur ou aux gouvernements métropolitains, ils sont forts de leur bonne conscience. Deux générations historiques s'affrontent alors : celle de l'impérialisme et celle du colonialisme. Elles n'ont pas le même âge et ne peuvent pas s'accorder.

Ceux qui, en Europe, sont restés proches de l'impérialisme, repoussent la désignation de colonialisme et, rejetant également le terme d'impérialisme peu à peu englobé dans la réprobation colonialiste, évoquent des idéaux imprécis d'union, d'intégration, de fédération. Ces formes ultimes de la colonisation cherchent à remplacer la domination impérialiste par de nouveaux liens politiques. Elles admettent qu'économiquement, les territoires d'outre-mer représentent une charge pour la métropole. Lourde charge que les gouvernements assureront pour la plus grande part, les capitaux privés étant subordonnés et contrôlés étroitement. Les profits qu'ils escomptent sont limités et lointains. Cette colonisation, qui satisfait les besoins émotifs des nationalistes, manque de charme aux yeux du contribuable ou du capitaliste, qui aime avoir des coudées franches. L'un et l'autre considèrent alors avec aménité, dernière née de la politique coloniale, la décolonisation.

 

 

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orchestre improvisé, Madagascar, 1946 (source)

 

 

V

[décolonisation]
Rien de plus simple, en apparence, que la décolonisation. Elle est l'abandon par la métropole de sa souveraineté politique sur sa colonie. Ce qui ne signifie pas un retour au statu quo ante, car l'Histoire est irréversible et les colonies ont trop profondément subi l'empreinte des métropoles pour désirer effacer toutes leurs traces. Aussi bien ne parle-t-on de décoloniser que lorsque l'indépendance est réclamée par des élites dites "évoluées", c'est-à-dire, quoiqu'elles en aient, plus ou moins européanisées.

Les nationalistes européens peuvent condamner la décolonisation et chercher à l'éviter, en considérant qu'elle diminue le prestige de la métropole. Si celle-ci est assez puissante pour maintenir sa domination, si sa propre dépendance vis-à-vis des autres nations lui permettait d'user de cette force, si ses ressources étaient assez abondantes pour qu'elle assume seule et à long terme les charges de la colonisation, elle resterait maîtresse du jeu.

La réaction de ceux qui ne sont pas nationalistes est beaucoup plus nuancée. Ils constatent que l'abandon de la souveraineté entraînerait l'économie des frais d'administration, d'outillage, d'assistance sociale, bref, qu'elle diminuerait considérablement les charges des territoires d'outre-mer. Ceux-ci deviendraient de simples pays sous-développés auxquels on accorde l'aide que l'on veut, à des conditions implicites ou explicites que l'on fixe.

Pour les milieux économiques, ces pays sous-développés représentent des possibilités d'investissements plus avantageuses que les colonies. Le contrôle y est moins tatillon que celui de la métropole. Le risque y est peut-être moins grand que dans les colonies qui menacent de se révolter. Sans doute, les pays sous-développés peuvent-ils un beau jour "nationaliser" les entreprises étrangères. Mais ce faisant, ils décourageraient pour longtemps les prêteurs dont ils ont besoin. Au total, le risque n'apparaît pas moindre dans les colonies que dans les pays sous-développés. Pour le supprimer, la seule solution serait de n'investir que chez soi. On reviendrait alors à la thèse de Hobson.

Pour les colonies, la décolonisation est l'accès à l'indépendance. Mais, en Afrique noire tout au moins, cette indépendance n'est conçue par les élites qu'à un niveau de vie au moins égal à celui de la métropole. Et celui-ci n'est possible qu'avec l'aide économique et technique de la métropole ou d'autres pays étrangers. Cette contradiction commence seulement d'apparaître aux yeux des leaders d'outre-mer. Ils n'osent cependant pas choisir ouvertement l'indépendance dans l'austérité. Ils préféreraient n'avoir à choisir qu'entre l'aide de l'ancienne métropole et celle des autres puissances. Mais cela reviendraient encore à choisir entre une certaine dépendance ancienne et une certaine dépendance nouvelle. Qui soutiendra que les Philippines ne sont en rien dépendantes de Washington ou la Mongolie extérieure de Moscou ? Et qui ne sera frappé de la similitude entre les procédés, les rivalités, la diplomatie des puissances capables de secourir les pays sous-développés, et celles des impérialismes d'antan ?

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Les colonies, en général, ne souhaitent pas la rupture des liens économiques avec la métropole. L'indépendance politique et l'espoir de restaurer ou de créer des cultures nationales leur suffiraient. Alors que l'économie réalisée par la décolonisation pallierait aux yeux des opinions publiques métropolitaines la perte de prestige due à l'accession à l'indépendance des colonies, celles-ci cherchent un moyen qui leur donne l'indépendance sans les priver de l'assistance. Elles sont alors plus souvent proches des "colonialistes" que des "anticolonialistes" européens. Et le terme "décolonisation" devient une dénomination très générale, comme celui de colonisation, pour désigner des rapports nouveaux qu'il n'est pas encore possible de définir avec précision. Ainsi union, intégration, fédération, Commonwealth. Le seul point commun entre ces néologismes réside dans une démission politique plus ou moins complète de l'ancienne métropole.
L'indépendance complète n'existe plus aujourd'hui. Elle n'a été possible qu'au temps où l'isolement l'était. La marche de l'Histoire s'est traduite par la constante multiplication des hommes, par l'occupation des espaces déserts, par la disparition progressive du nomadisme. Aujourd'hui, tous les peuples sont en contacts les uns avec les autres. L'indépendance devient, comme le nationalisme, un leurre d'esprits attardés. La seule réalité est l'interdépendance qui exige des abandons de souveraineté.

Henri Brunschwig (1904-1989)
Cahiers d'études africaines, n° 1,
éd. Mouton & Co, 1960, p. 44-54

 

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décolonisation, janvier 1960, dessin de Fritz Behrendt

 

 

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texte du Traité du Bardo (France et Tunisie, mai 1881)

 

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20 février 2008

France-Algérie : l’impossible travail historique (Daniel Lefeuvre, Michel Renard)

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France-Algérie :

l’impossible travail historique

Daniel LEFEUVRE - Michel RENARD


«Dépasser le contentieux historique» qui oppose la France et l’Algérie, tel et le vœu d’un appel lancé par des universitaires et diverses personnalités françaises et algériennes.
Au-delà de la démarche généreuse dont il témoigne, et à laquelle nous sommes sensibles, ce texte suscite bien des réserves qui justifient que nous ne pouvons nous y associer.

Ses auteurs appuient leur démarche sur l’idée que le passé colonial ferait «obstacle à des relations apaisées entre la France et les pays qu’elle a autrefois colonisés», en particulier avec l’Algérie. Dès lors, ils pressent «les plus hautes autorités de la République française de reconnaître publiquement l’implication première et essentielle de la France dans les traumatismes engendrés par la colonisation».

Comment ne pas s’étonner du recours à une conception aussi simpliste de la causalité en histoire qui ressemble plus à la théorie du «premier moteur» d’Aristote qu’aux structures de longue durée de Fernand Braudel ou aux temporalités plurielles et fragmentées de l’historiographie des mémoires. S’il fallait penser les relations entre la France et le Maghreb en terme de traumatismes, pourquoi alors ne pas revisiter une histoire longue, également «traumatique», intégrant les conquêtes arabes, la piraterie «barbaresque» et la mise en esclavage des chrétiens faits captifs ?

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il n'y a pas de "traumatisme" unilatéral...

l'usage politique de l'histoire par les dirigeants algériens

En réalité, les auteurs du texte semblent avoir été piégés par la rhétorique des dirigeants algériens qui, pendant la guerre d’Algérie et depuis l’indépendance du pays, utilisent une histoire mythifiée et diabolisée de la colonisation pour justifier leur dictature sur le peuple algérien, l’incurie de leur gestion, la prévarication des richesses nationales, en particulier des hydrocarbures, leur incapacité à assurer sécurité et progrès social à leurs concitoyens.

Ce n’est pas le passé colonial, en lui-même, qui fait obstacle à des relations franco-algériennes apaisées, mais bien plutôt l’usage politique et diplomatique qu’en font, selon les circonstances, les dirigeants algériens. La démagogie historique qu’ils déploient vise surtout à manipuler les ressentiments et les frustrations de la population ainsi qu’à mettre en difficulté le partenaire français. Quel autre sens accorder à cette mise en accusation des faits du passé ? Et quel sens aujourd’hui à vouloir les juger ? Le colonialisme serait-il d’actualité ? La re-colonisation de l’Algérie serait-elle planifiée ? Quand l’Algérie était sous domination française, les contemporains ont eu à réagir, et nombre d’entre eux l’ont fait. Mais, comme Marc Bloch le soulignait, «Le passé est, par définition, un donné que rien ne modifiera plus» et l’historien ne peut que l’étudier et s’attacher à le comprendre. Tout le reste n’est que littérature ou posture d’un anticolonialisme anachronique.

 

1954-1962 : "guerre d'indépendance algérienne"...?

L’appel parle de «la guerre d’indépendance algérienne». Cette formulation qui se substitue à celle, communément admise de «guerre d’Algérie», conduit, en premier lieu, à caractériser un événement par sa fin : l’indépendance de l’Algérie. Rien ne permettait, ni en 1954 ni dans les années qui suivirent, de prévoir cette issue qui ne se dessine véritablement qu’à partir de septembre 1959. Gilbert Meynier, dans son Histoire intérieure du FLN, écrit qu'en 1956 : "le FLN mettait en avant le préalable de la reconnaissance par la France de l'indépendance, alors qu'au fond il aurait à l'époque transigé sur des formules de compromis". Le même auteur relève que dans les Mémoires du colonel Ali Kafi, "la guerre d'Algérie est dite commencer effectivement en août 1955"…

Selon cette conception, Sur le modèle de cette nouvelle appellation, la Révolution française de 1789 devrait désormais être appelée «L’avènement de Napoléon Ier», tandis que la Première Guerre mondiale serait rebaptisée «L’effondrement des Empires centraux». Il y a déjà plus de deux siècles que Voltaire, critiquant Bossuet,  avait raillé cette conception finaliste de l’histoire.

En outre cette formule masque les réalités d’un conflit qui ne s’est jamais résumé à un affrontement binaire entre «indépendantiste» algériens et forces coloniales, mais qui a aussi été une guerre civile déchirant le peuple algérien. Elle dissimule la terreur à laquelle le FLN a systématiquement eu recours pour s’imposer au peuple algérien jamais spontanément ni massivement rangé derrière lui. Elle ignore que, jusqu’aux derniers mois de la guerre, un nombre considérable d’Algériens espérait le maintien, sous une forme ou une autre, de la présence française. Elle tait l’affrontement meurtrier entre le FLN et le MNA (cette «guerre dans la guerre», selon l’expression de Mohammed Harbi) dont le bilan se chiffre à plusieurs dizaines de milliers de victimes : militants assassinés en Algérie mais aussi en France, travailleurs immigrés et populations de douars, refusant de payer l’impôt révolutionnaires ou coupables de sentiments messalistes, communistes ou pro-français, massacrés tels les 301 habitants de la mechta Kasba, le 29 mai 1957.

À l’instar des dirigeants algériens, le texte fait ensuite une présentation partiale et réductrice des réalités coloniales, restrictivement évoquées dans leur dimension tragique et qu’ils qualifient de «système», ce qui supposerait une homogénéité de la colonisation dans l’espace et le temps alors que toutes les études historiques en ont établi, au contraire, la grande diversité et les évolutions.

 

"le colonialisme, vieux croquemitaine"

Germaine Tillion

Sont alors dénoncés les «massacres de centaines de milliers d’Algériens», leur dépossession, leur «clochardisation», leur soumission au Code de l’indigénat, etc. Autant d’affirmations qui méritent un examen plus attentif.
Massacre de centaines de milliers d’Algériens ? Les pétitionnaires auraient pu être plus rigoureux. Pourquoi se contenter d’une telle approximation sur le bilan humain de la colonisation et de la guerre d’Algérie qui laisse la porte ouverte à toutes les interprétations possibles ? Pourquoi ne pas préciser que la conquête a tué environ 250 000 Algériens et la guerre d’Algérie moins de 250 000, selon Ch.-R. Ageron, dont une cinquantaine de milliers tombés sous les coups du FLN ? Est-ce pour ne pas contredire ouvertement les mythes propagés par le pouvoir algérien, en particulier celui du million, voire du million et demi, de victimes de la guerre d’Algérie ? Mais alors, comment concilier cette concession au mensonge avec l’exigence de «voir en face le passé» proclamée quelques lignes plus haut, sauf à estimer que cette Horace_Vernet_bataille_Somah_1836exigence ne s’impose qu’à la France - le pouvoir et de nombreux intellectuels algériens en étant, pour leur part, exonérés ?

Tous les morts ont-ils été massacrés, c’est-à-dire tués dans des conditions odieuses ?  Évidemment non : beaucoup sont morts au combat, les armes à la main. Certes il y eut des massacres, comme les quatre (voire cinq) terribles «enfumades» de la conquête (1844-1845). Mais au total, ceux-ci ont été peu nombreux et ne constituent en rien l’ordinaire des combats. Les populations civiles algériennes ont également payé un lourd tribut à la conquête et à la guerre d’Algérie, mais jamais – exceptées lors des enfumades et des représailles aveugles qui suivirent les soulèvements du Constantinois de mai 1945 et celles engagées après la tuerie des civils européens de la mine d’El-Halia du 20 août 1955 – elles ne subirent de massacres en nombre.

«Dépossession» des Algériens. De tous ? Certes, la colonisation a bien été une entreprise de spoliation massive des terres. Au total, la propriété européenne qui a couvert un peu plus de deux millions d’hectares, en est en bonne part le produit. Mais, dès 1830, elle s’est également développée par le fait d’acquisitions commerciales. Quant à la propriété  «indigène», représentant plus de sept millions d’ha (il est vrai souvent de qualité moindre), elle est loin d’avoir totalement disparu. Et, comme l’a montré l’historien économiste Ahmed Henni, une «classe moyenne» de paysans algériens s’est développée, dès les lendemains de la Première Guerre, en s’intégrant à l’agriculture coloniale, notamment à la viticulture. Ainsi, loin d’avoir été tous victimes de la colonisation, de nombreux Algériens, et pas seulement dans la paysannerie, en ont-ils aussi tiré profit.

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«Clochardisation à grande échelle». Les auteurs s’appuient, pour justifier cette affirmation sur Germaine Tillion qui utilise effectivement ce terme, page 27 de son livre L’Algérie en 1957 (Édition de Minuit, Paris, 1957). Mais la célèbre ethnologue ne donne pas à ce phénomène la même explication que les auteurs de la pétition. C’est même tout le contraire. Il aurait été honnête de le signaler. G. Tillion relève qu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale, au moment où elle les quitte, les Algériens des Aurès, parmi lesquels elle vécut de longues années, «étaient tous très pauvres […] Mais normalement ils avaient – tout juste – le nécessaire pour manger.» Elle les retrouve, en décembre 1954, clochardisés. Ainsi, première rectification, la «clochardisation», dénoncée par la pétition, apparaît-elle tardivement dans l’histoire de l’Algérie coloniale, plus de cent ans après la prise d’Alger. Comment l’expliquer ? Est-ce le fait du colonialisme ?

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Laissons la parole à G. Tillion : «seconde  série d’explications, également classique : le Colonialisme, vieux Croquemitaine». Or, relève l’ethnologue, «il n’y a jamais eu de colon, ni hier ni aujourd’hui, à moins de cent kilomètres à la ronde et seuls le vent de sable et les chèvres peuvent à la rigueur être accusés d’une diminution des terres cultivables (mais ce n’est pas le "colonialisme" qui a inventé les chèvres et le vent).» [op. cit., p. 28].

En réalité, rectifie G. Tillion, «la présence française», pour être invisible, était «omniprésente» et distribuait «à pleines mains le Bien et le Mal» : grâce à l’action menée contre le paludisme, le typhus exanthématique et la typhoïde, ces maladies «qui dévastaient encore la région il y a quinze ans ont à peu près disparu […] Dans la période antérieure, c’était [sic !] la peste et le choléra qui, par les soins invisibles de nos médecins, avaient opéré la même sortie discrète. À peu près dans le même temps, les famines mortelles et les guerres de tribu, surveillées, de loin, par les Services Préfectoraux, allaient rejoindre les vieilles légendes du passé.» [idem, p. 29]

Autrement dit, s’il faut chercher une explication à la clochardisation, c’est, selon G. Tillion, dans le fait que la colonisation a créé les conditions d’une explosion démographique qui épuise les sols, réduit les rendements et les productions, sans avoir, parallèlement, développé d’autres sources d’emplois et de richesses, en particulier l’industrialisation de la colonie. Dans sa conclusion, d’ailleurs, Germaine Tillion ne condamne pas la colonisation, mais au contraire réclame de la France un surcroît d’investissements économiques, sociaux, éducatifs en Algérie, afin de ne pas laisser les Algériens «au milieu du gué


"repentance" ou "victimes expiatoires" : un même registre...

Dans une volonté d’équilibre, le texte rappelle, mais cette fois-ci uniquement sur un mode allusif, les «multiples souffrances de Français», parmi lesquels «les déportés en Algérie pour raisons politiques». Faut-il le préciser, la plupart de ces «déportés» politiques ont été expédiés dans la colonie pour avoir participé aux journées révolutionnaires de juin 1848 ou s’être opposés au coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte. Ils ne sont donc en rien des victimes de la colonisation. La plupart, d’ailleurs regagnent la France sitôt amnistiés. Restent ceux qualifiés de «victimes expiatoires» du système colonial lors de son effondrement. Pourquoi ne pas les nommer ?

Pourquoi ne pas parler explicitement du sort des Français d’Algérie ? Pourquoi ne pas rappeler la spoliationOran_1962 massive de leurs biens par l’État algérien et au profit, pour l’essentiel, des nouveaux dignitaires du régime ? Pourquoi ne pas évoquer leurs morts et leurs disparus, notamment ceux qui, plus de 3 000, ont été enlevés par le FLN et, pour la plupart d’entre eux, massacrés même après les accords d’Évian (18 mars 1962). Seraient-elles des victimes historiquement incorrectes pour l’instauration de relations apaisées avec l’Algérie ? Pourquoi, enfin, alors les auteurs, qui récusent l’idée de repentance pour son caractère «religieux», recourent-ils à la parabole biblique de la victime «expiatoire» pour expliquer les malheurs de ceux qu’on appelle désormais les «pieds-noirs» ? Comment des historiens, des politistes, des sociologues peuvent-ils se contenter d’une telle explication, qui fait de la colonisation un péché, sinon parce qu’autrement il faudrait envisager sérieusement l’hypothèse que pour le FLN, ou du moins pour les fractions triomphantes du FLN, la guerre d’Algérie a été, aussi, une guerre d’épuration ethnique et que l’expulsion des Français était partie intégrante de leur projet politique ?

«Enrôlés dans un guêpier qu’ils ne maîtrisaient pas» les harkis ? Cessons, d’abord, de tous les considérer comme les objets passifs d’une histoire qui les aurait dépassés. Beaucoup se sont engagés par conviction, par fidélité à la France pour laquelle ils avaient combattu pendant la Seconde Guerre mondiale, d’autres pour se venger d’exactions commises par le FLN à l’encontre d’un proche, d’autres encore, et en toute connaissance de cause, pour percevoir le salaire nécessaire à leur famille, etc. Victimes «expiatoires» eux aussi ? Ou plutôt victimes d’une double raison d’État ? Celle de l’État-FLN qui fonde dans le sang le mythe du peuple algérien uni contre le colonialisme. Et celle de l’État français qui instaure, alors, un déni rétrospectif de ce qu’a été la rencontre «franco-musulmane» durant la période coloniale, tout en semblant craindre une immigration algérienne massive vers la métropole.

Boutef Enfin, quel pays, aujourd’hui, «utilise les mémoires meurtries à des fins politiques», sinon l’Algérie ? Qui instrumentalise un passé réécrit pour la circonstance ? Qui évoque les soi-disant «génocides» perpétrés par la France en Algérie ? Qui, sinon les responsables algériens ?

Il est bien inutile de s’indigner contre les «entreprises mémorielles unilatérales» parce que, par définition, la mémoire est toujours spécifique à un individu ou à un groupe. Comme telle, elle est nécessairement unilatérale et ne saurait être partagée avec d’autres individus ou d’autres groupes n’ayant pas vécu les mêmes événements. Seul, et nous rejoignons sur ce point les auteurs de l’appel, «un travail historique rigoureux» est possible.

Mais comment pourrait-il se faire, aujourd’hui, dans ce «partenariat franco-algérien» que le texte réclame, dès lors qu’en Algérie, une histoire officielle corsète la recherche et sa diffusion ? que la plupart des archives, notamment celle du FLN, restent pour l’essentiel fermées aux chercheurs ? Dès lors, au fond, que l’histoire, qui reste un élément central de justification du pouvoir pour des caciques qui n’ont plus guère d’autre source de légitimité, ne dispose d’aucune véritable liberté ? À moins, et le contenu du texte est hélas ! sur ce point particulièrement ambigu, d’entrer dans le jeu des autorités algériennes.

Daniel Lefeuvre, professeur d’histoire contemporaine,
Université Paris VIII Saint-Denis
Michel Renard, professeur d’histoire au lycée
de Saint-Chamond, chercheur

 

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1 février 2008

compte rendu de lecture : Le Dê Tham par Claude Gendre (Jean-Pierre Renaud)

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Le Dê Tham, un livre de Claude Gendre

Jean-Pierre RENAUD



Livre intéressant, très documenté et illustré de beaucoup d’images sur un personnage méconnu, en tout cas en France, de l’histoire du Tonkin au cours de la période 1885-1913. Véritable héros de roman, chef de bande de pirates, mais aussi rebelle à la présence française au Tonkin, l’ouvrage de Claude Gendre nous donne la chronologie minutieuse de la vie aventureuse du Dê Tham. Le sous-titre Un résistant vietnamien à la colonisation française mérite un commentaire particulier.

Dans son rapport de mission (1902), en qualité de Gouverneur Général de l’Indochine (1897- 1901), le décrivait effectivement comme rebelle «Le Dê Tham n’était pas un bandit, mais un chef annamite rebelle qui tenait la campagne contre nous depuis dix ans» (p.74), et il avait réussi, au cours de son mandat, à obtenir sa soumission en 1897, en combinant les opérations militaires et la négociation.

Il convient de rappeler que le Gouverneur Général avait absolument besoin de cette soumission, car comme l’a fort bien rappelé l’auteur, le Yen Thé, situé à une soixantaine de kilomètres de Hanoï, menaçait la présence française au Tonkin, alors qu’il avait besoin de la paix pour négocier en métropole un grand emprunt d’équipement  de 200 millions de francs, de l’ordre de 200 millions d’euros. L’auteur reprend les descriptions du Yen Thé dues à différents auteurs - notamment Gallieni et Lyautey - confrontés à sa pacification, précisément en qualité d’adversaires du Dê Tham, l’année précédant sa soumission supposée. Le Yen Thé était une jungle inextricable qui couvrait un relief aussi inextricable !

Le même rapport Doumer évoquait le démantèlement de deux bandes de pirates chinois dans les hautes régions du Tonkin, et cette évocation nous conduit à élargir la réflexion sur le rôle du Dê Tham au cours de cette période historique.

 

 

Pirate ou patriote ?

Car il est très difficile de démêler dans les hauts faits de ce rebelle ce qui relevait de la piraterie endémique du Tonkin et de ses convictions politiques, qualifiées aujourd’hui de nationales.

Aux yeux de Gallieni et de Lyautey, le Dê Tham était le chef d’une bandes de pirates, donc au cours de la première période de sa vie, au cours de laquelle les troupes coloniales ont combattu de nombreuses bandes de pirates, chinois et annamites. Gallieni avait réussi à pacifier les hautes terres du Tonkin, en obtenant la collaboration du Maréchal Sou, représentant de l’Empereur de Chine dans le Quang-Si.

Deux périodes méritent, à mon avis, d’être distinguées, la démarcation étant celle de la soumission du Dê Tham en 1897, soumission à plusieurs détentes, dans sa chronologie et son sens rituel. Car, que faut-il penser de cette soumission qui conduit le rebelle à bénéficier d’une «concession»  coloniale, contestable, comme celles attribuées alors à plusieurs centaines d’européens ?

Double jeu à l’asiatique, peut-être, mais doublée plus tard d’une cérémonie de soumission rituelle qui ne pouvait manquer d’avoir un retentissement politique dans l’univers confucéen du respect du pouvoir de la cour de Hué.

À la date de cette soumission, toutes les autres bandes avaient été décimées, chinoises, chinoises et annamites, ou annamites, car il était, une fois de plus, difficile de faire le partage entre la piraterie chinoise et la piraterie annamite, et les gouverneurs généraux ont été obligés d’obtenir la coopération de la Chine pour mettre fin à la piraterie chinoise du Tonkin.

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groupe de pirates des bandes du Dê Tham

Les chefs des bandes pirates du Tonkin ont toujours manœuvré habilement entre les deux cours des fils du ciel, celles de Hué et de Pékin, la première se reconnaissant selon les rapports de force, comme plus ou moins vassale de celle de Chine.

Une situation politique et internationale aussi inextricable que celle du Yen Thé !

D’ailleurs le Dê Tham, au cours de la deuxième période de rébellion, postérieure à 1897, s’est trouvé l’allié paradoxal de rebelles chinois réformistes qui prônaient la république en Chine, alors que, lui, se plaçait toujours sous le «ciel» de Hué. C’est une fois de plus la coopération entre la France et la Chine qui mit fin à cette révolte.

Il est donc délicat d’examiner le parcours de ce rebelle sans  appeler en garantie l’arrière plan des relations entre France, Chine, et Annam, aussi bien au cours de la première période de rébellion qu’au cours de la deuxième, qui vit l’intervention d’un nouveau facteur international, la victoire maritime du Japon sur la Russie, en 1905, victoire qui eut un immense retentissement en Asie. Cette victoire était de nature à donner des ailes à la rébellion du Yen Thé, ce qui fut le cas. Le livre de Claude Gendre montre bien le type de relations qui pouvait exister alors entre le Tonkin et le Japon, lequel n’était pas encore perçu comme le nouveau conquérant de l’Indochine.

Alors double, triple, quadruple jeu ? Personne ne le saura, mais assimiler le Dê Tham à nos résistants de la Deuxième Guerre mondiale, me parait exagéré, sauf à souligner que la France eut en effet beaucoup plus de résistants de la dernière heure que de résistants de la première heure, mais laissons de côté les paroles de l’Évangile.

D’aucuns diraient sans doute que le regard de l’auteur est un peu trop marqué par une empathie pour son héros, et que l’esprit de son récit exprime peut être une sorte de remords colonial.

Mettre sur le même plan le Dê Tham et Hô Chi Minh, parait excessif, même si le roman national du Vietnam en a fait un héros de l’indépendance, car à partir de 1897, le Dê Tham n’eut pas vraiment de rivaux. Ils étaient tous morts ou ralliés.

Encore un mot sur les campagnes de presse évoquées par l’auteur (p.79) : le Tonkin d’alors ne comptait pas beaucoup de lecteurs, et la plupart d’entre eux étaient directement ou indirectement des salariés ou des «obligés» de la colonie, de l’ordre de quatre à cinq cents citoyens français. Doumer écrivait d’ailleurs qu’il ne lisait jamais les journaux locaux. Il ne leur trouvait aucun intérêt. Le sujet de la presse coloniale de la métropole et des colonies mériterait de faire l’objet de thèses, si ce n’a déjà été fait,  afin de mesurer le rôle de ces journaux, lequel, à mon sens, est souvent largement surestimé. En tout cas pour la période antérieure à 1914, et sans doute aussi entre les deux guerres.

Jean-Pierre Renaud
le 24 janvier 2008

- voir : le Dê Tham, résistant vietnamien à la colonisation française, Claude Gendre

 

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soumission du plus vieux partisan du Dê Tham et
de son gendre (carte postale ancienne)



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16 janvier 2008

groupe de recherche Sylvie Thénault

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Groupe de recherche

sur l'histoire de l'Algérie coloniale

et de la guerre d'indépendance algérienne

Sylvie THÉNAULT

 

L’histoire de l’Algérie coloniale et de sa guerre d’indépendance se signale à la fois par sa présence dans le débat public et son dynamisme dans le champ de la recherche.
La dimension polémique de cette histoire, enjeu politique, si ce n’est électoraliste, en effet, a été très récemment réactivée par des initiatives des pouvoirs publics locaux et nationaux dans le domaine de la commémoration et de la recherche, avec notamment l’annonce de la création d’une Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie.
Un tel contexte d’instrumentation politique n’empêche cependant pas la recherche universitaire d’être féconde. Les travaux en cours, des thèses récemment soutenues et des livres parus témoignent de tendances dessinant ensemble un mouvement de renouvellement de cette histoire sous l’influence de divers facteurs. En dehors du débat politique, en effet, le traitement de cette histoire tend à se banaliser et à s’inscrire dans un champ historique qui ne peut plus être défini comme étant simplement celui de l’histoire de l’Algérie : le temps de désenclavement et de la mise à distance serait-il venu ? La fin de la guerre civile sur place, par ailleurs, rend possible des recherches dans les archives conservées en Algérie, des visites sur les lieux de cette histoire, des rencontres avec ses témoins. Le post-colonialisme et ses approches, enfin, objet d’un vif engouement en France, viennent-il éclairer cette histoire d’un jour nouveau ?

Sylvie Thénault

 

Alger_msq_rue_de_la_Marine

 

Les séances auront lieu le mercredi de 17h30 à 19h30, dans la bibliothèque du centre d’histoire sociale du vingtième siècle (CHS), 9 rue Malher, 6e étage

 

23 janvier : Politique de la mémoire, politique de la recherche
Eric Savarese et Jacques Frémeaux
Quels liens entre des politiques de la mémoire comme l’inauguration d’un mur des disparus à Perpignan et des politiques de la recherche comme la création d’une Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie ? Comment des historiens et des chercheurs peuvent-ils intervenir dans ce contexte ? Quelles positions diverses, tant déontologiques qu’éthiques, peuvent-ils être amenés à adopter et à défendre ?

20 février : Désenclaver l’histoire de l’Algérie
Yann Scioldo-Zürcher
Yann Scioldo-Zürcher a choisi d’inscrire sa thèse, consacrée à la politique d’intégration des Français d’Algérie rapatriés, dans la catégorie de l’histoire migratoire française, à laquelle il a emprunté méthodologie et approches pluridisciplinaires. Une telle démarche témoigne d’un refus de l’inscription dans un champ de l’historiographie qu’un découpage en aires culturelles conduirait à qualifier d’ «histoire de l’Algérie». Cette qualification tendrait-elle à être de moins en moins pertinente pour catégoriser les travaux ? Qu’apporte le parti pris d’aller chercher des ressources bibliographiques et méthodologiques ailleurs que dans le champ traditionnellement désigné comme étant celui de l’ «histoire de l’Algérie» ? En quoi ce parti pris contribue-t-il à désenclaver cette histoire, en la sortant des problématiques et des interprétations traditionnellement retenues et débattues par ses spécialistes ?

19 mars : Les sources en Algérie
Après une introduction par Sylvie Thénault, cette séance prendra la forme de plusieurs brèves interventions destinées à partager des expériences de recherche en Algérie, tant dans les centres d’archives publiques qu’auprès d’acteurs et de témoins. Le retour d’une relative sécurité en Algérie a en effet permis la multiplication de séjours sur place. Quelles premières conclusions en tirer sur les gisements de sources, leur accessibilité ? Quels enjeux ces séjours, porteurs d’échanges entre les deux pays, font-ils apparaître tant en France qu’en Algérie ?

9 avril : Mettre à distance
Jean-Pierre Peyroulou
Auteur d’une thèse sur les massacres de mai-juin 1945 à Guelma, Jean-Pierre Peyroulou expliquera les partis pris méthodologiques et les choix d’écriture auxquels il a recourus dans le but de mettre à distance des événements aussi dramatiques, traumatisants et chargés d’enjeux au présent, y compris dans les relations bilatérales franco-algériennes. Plus généralement, alors que l’espace public est saturé de polémiques entretenues par des usages politiques de vécus traumatisants – la remarque vaut aussi pour les harkis, par exemple – l’historien peut-il se doter de moyens spécifiques, dans ses protocoles de recherche et d’écriture, pour s’en extraire ?

14 mai : Qu’est-ce qu’une approche post-coloniale de la guerre d’Algérie ?
Jim House et Neil MacMaster (sous réserve)
Dans leur livre Algerians, State Terror and Memory (Oxford University Press, 2006), Jim House et Neil MacMaster ont proposé une relecture des événements d’octobre 1961 en région parisienne. Dans quelle mesure leur travail relève-t-il d’une approche post-coloniale ? Qu’ont-ils puisé dans les travaux antérieurs s’en réclamant ? Qu’apporte une telle approche au renouvellement de l’histoire de cette période ?

18 juin : De l’histoire des Algériens à celle de l’Empire
Emmanuel Blanchard
À partir de son travail sur le traitement des Algériens par la police en région parisienne de 1945 à la fin de la guerre d’Algérie, Emmanuel Blanchard se propose de réfléchir à l’articulation des espaces au sein de l’espace impérial français. Au-delà du seul lien entre Algérie et métropole, comment repenser la relation entre espace régional, espace métropolitain, espace algérien, espace maghrébin… alors même qu’à l’époque ces espaces n’étaient pas cloisonnés, séparés, ni dans la circulation des hommes, ni dans l’esprit des contemporains ?

 

Tlemcen_rue_Kaldoun
Algérie coloniale : Tlemcen, la rue Kaldoun

 

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26 janvier 2008

l'aphasie des idéologues de la fracture

Diapositive3

 

l'aphasie de

Nicolas Bancel et Pascal Blanchard

face aux critiques historiennes

 

 

BancelLa revue Mouvements, qu'on a connue en d'autres temps plus rigoureuse dans ses parrainages intellectuels, a demandé à Nicolas Bancel [ci-contre en haut] et Pascal Blanchard [ci-contre en bas] de répondre aux critiques qu'avait suscitées la publication du recueil de textes la Fracture coloniale aux éditions La Découverte en 2005. Et notamment aux arguments avancés par le spécialiste de l'Afrique des Grands Lacs, Jean-Pierre Chrétien, par l'anthropologue Jean Copans, par le politiste Romain Bertrand (Mémoires d'empire).
BlanchardLeur texte répond à certaines mises en cause mais évite soigneusement celles du livre Pour en finir avec la repentance coloniale de Daniel Lefeuvre, paru à l'automne 2006. Le procédé relève de l'agit-prop : au lieu de lire et de répondre aux arguments, on charge son adversaire de péchés imaginaires en escomptant que le lecteur sera dissuadé d'aller voir lui-même de quoi il s'agit. Privé de l'information nécessaire, il s'en remet au discours qu'on lui sert. C'est du "bourrage de crâne" comme celui auquel oeuvraient les commissions de contrôle de presse des régions militaires française entre 1914 et 1918. Rien de plus. Voici donc l'extrait de leur texte consacré à Daniel Lefeuvre ("l'anti-repentant..."), puis le même texte avec les critiques qu'appelle ce genre de rhétorique.

________________________________

 

 

L'anti-repentant ou le croisé de l'identité française

Nicolas Bancel, Pascal Blanchard

Le dernier des quatre ouvrages retenus ici s'inscrit dans le registre de l'attaque directe. Daniel Lefeuvre fait le procès d'un certain nombre de spécialistes de la colonisation qui ne "pensent" pas comme lui et cherchent à démontrer les mécanismes de leurs thèses par d'innombrables exemples, n'hésitant pas à jouer avec les faits, les statistiques et les démonstrations les plus abusives.
En fait, cet ouvrage est la version papier de l'activisme qu'il mène sur son site internet (études coloniales) – avec Marc Michel et Michel Renard -, pour une "véritable histoire coloniale" loin de toute "repentance". Daniel Lefeuvre publie ce livre (Pour en finir avec le repentance coloniale) après avoir été fortement critiqué pour sa participation au conseil scientifique du Musée de la France en Algérie initié par Georges Frêche à Montpellier. La Fracture coloniale n'est pas la cible privilégiée de l'auteur, dont les deux "têtes de turcs" sont Gilles Manceron et Olivier Le Cour Grandmaison. Mais l'ouvrage est cité comme étant représentatif d'un hypothétique "groupe de repentants". Nous renvoyons au compte-rendu, très argumenté, de l'ouvrage par Catherine Coquery-Vidrovitch. Précisons néanmoins un point essentiel. Catherine Coquery-Vidrovitch rappelle que la notion de "repentance" n'a "été utilisée par aucun historien" et qu'il est avant tout "injurieux à l'égard de collègues dont la conscience professionnelle est indéniable", ayant avant tout des objectifs "essentiellement politiques". Et de conclure, "ce que prouve ce pamphlet, c'est l'inculture de son auteur concernant la colonialité".
On atteint, en effet, avec l'ouvrage de Daniel Lefeuvre le summum du mélange des genres, entre prétentions savantes et veine polémique, ce qui autorise son auteur à toutes les outrances.
Pour résumer, parler d'une "fracture coloniale", serait la faire exister. D'où les anachronismes nombreux relevés dans la littérature polémique sur l'ouvrage, entre un projet débuté en 2001, une étude menée sur le terrain à Toulouse en 2003, une synthèse remise au Fasild et à la DIV en 2004, un ouvrage publié en septembre 2005 et les émeutes de novembre 2005. Nous serions non les analystes de la "fracture coloniale", mais les promoteurs de celle-ci. Pour quelques-uns de nos contempteurs, pour résoudre toutes les questions en jeu dans l'ouvrage, le plus simple serait de n'en point parler.

Nicolas Bancel, Pascal Blanchard
in Mouvements, n° 51, septembre-octobre 2007, p. 46-47.

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L'anti-repentant ou le croisé de l'identité française

[l'anti-repentant, d'accord ; mais pourquoi la référence à l'identé française est-elle accolée au terme de "croisé" : n'existe-il pas d'autre positionnement à l'égard de l'identité française que celle du croisé ?
Michelet, Marc Bloch, la Résistance, Braudel, Nora..., des croisés ?]

 

Pour_en_finir_repentance_couvdaniel_repentance_couvLe dernier des quatre ouvrages retenus ici s'inscrit dans le registre de l'attaque directe. Daniel Lefeuvre fait le procès [pourquoi procès ? pourquoi pas critique ? parce que celle-ci relève de la controverse intellectuelle que N. Bancel et P. Blanchard ne veulent pas assumer, et que celui-là est imputable à un procureur ou à un juge qui condamne ? – classique procédé discursif de victimisation…] d'un certain nombre de spécialistes de la colonisation [ce sont surtout des non spécialistes qui sont critiqués et contre lesquels sont invoqués les historiens sérieux] qui ne "pensent" pas comme lui et cherchent [ou : cherche ?] à démontrer [ou : démonter ? - dans sa syntaxe d'origine, cette phrase n'a aucun sens : qui est le sujet du reste de la phrase ? DL ou les "spécialistes de la colonisation"...?] les mécanismes de leurs thèses par d'innombrables exemples [le nombre d'exemples serait-il un défaut ? – par ailleurs, il n'y a pas que des exemples, mais des analyses], n'hésitant pas à jouer avec les faits [lesquels…?], les statistiques [établissez-le] et les démonstrations les plus abusives [en quoi seraient-elles abusives ? – tout un vocabulaire de l'exagération pour esquiver la confrontation sur le fond].

En fait, cet ouvrage est la version papier de l'activisme [pourquoi ce terme péjoratif pour décrire la publication de contributions et de documents relatifs à l'histoire coloniale sur internet ?] qu'il mène sur son site internet (études coloniales) – avec Marc Michel et Michel Renard -, pour une "véritable histoire coloniale" loin de toute "repentance". Daniel Lefeuvre publie ce livre (Pour en finir avec la repentance coloniale) après avoir été fortement critiqué pour sa participation au conseil scientifique du Musée de la France en Algérie initié par Georges Frêche à Montpellier [réduire une argumentation analytique à une imaginaire réaction épidermique de dépit..., encore un procédé rhétorique pour fuir le débat de fond]. La Fracture coloniale n'est pas la cible privilégiée de l'auteur, dont les deux "têtes de turcs" sont Gilles Manceron et Olivier Le Cour Grandmaison. Mais l'ouvrage est cité comme étant représentatif d'un hypothétique "groupe de repentants".

Nous renvoyons au compte-rendu, très argumenté, de l'ouvrage par Catherine Coquery-Vidrovitch. [le compte rendu de Catherine Coquery-Vidrovitch a été republié sur ce blog ainsi que la réponse de Daniel Lefeuvre que N. Bancel et P. Blanchard semblent ignorer parce que le site du prétentieux Comité de Vigilance face aux usages publics de l'histoire (CVUH) n'a pas eu le courage de la publier]. Précisons néanmoins un point essentiel. Catherine Coquery-Vidrovitch rappelle que la notion de "repentance" n'a "été utilisée par aucun historien" et qu'il est avant tout "injurieux à l'égard de collègues dont la conscience professionnelle est indéniable", ayant avant tout des objectifs "essentiellement politiques". Et de conclure, "ce que prouve ce pamphlet, c'est l'inculture de son auteur concernant la colonialité". [une injure n'a jamais fait un argument - si l'on veut respecter la déontologie des échanges intellectuels, le site du CVUH doit publier la réponse de Daniel Lefeuvre qu'il a mis en cause, on verra ce qu'il en est de la culture et de la rigueur historiennes des uns et des autres...]

On atteint, en effet, avec l'ouvrage de Daniel Lefeuvre le summum du mélange des genres, entre prétentions savantes et veine polémique, ce qui autorise son auteur à toutes les outrances [lesquelles... ?].
Pour résumer, parler d'une "fracture coloniale", serait la faire exister. D'où les anachronismes nombreux relevés dans la littérature polémique sur l'ouvrage
[il n'y a aucun anachronisme dans le livre de Daniel Lefeuvre...], entre un projet débuté en 2001, une étude menée sur le terrain à Toulouse en 2003, une synthèse remise au Fasild et à la DIV en 2004, un ouvrage publié en septembre 2005 et les émeutes de novembre 2005. Nous serions non les analystes de la "fracture coloniale", mais les promoteurs de celle-ci. Pour quelques-uns de nos contempteurs, pour résoudre toutes les questions en jeu dans l'ouvrage, le plus simple serait de n'en point parler. [c'est exactement le défaut de N. Bancel et P. Blanchard à l'égard du livre Pour en finir avec la repentance coloniale : censure des arguments et emphase du vocabulaire de la disqualification d'autorité. Au total un mutisme révélateur]

Michel Renard

________________________________

 

 

aucun argument historique

Michel RENARD

 

daniel_repentance_couvAucun argument pour réfuter les analyses historiques de Pour en finir avec le repentance coloniale n'est fourni par N. Bancel et P. Blanchard. Ils n'aiment pas l'histoire positiviste. Il en allait déjà ainsi dans la Fracture coloniale. Les thèses de la "fracture coloniale" et de la "postcolonialité" qui expliqueraient le vécu et le langage de secteurs de la population française stigmatisés, ethnicisés, déréalisés, etc., ne s'appuient sur aucun travail historique. À la place, on trouve des assertions nébuleuses de sociologue affirmant dans le même temps que les "banlieues" ne sont pas un territoire colonial mais qu'elles sont un "théâtre" qui "ressemble à la colonie (parce que) les rapports humains y sont faux" (Didier Lapeyronnie, in La fracture coloniale, 2005, p. 209-218). On utilise le raccourci rhétorique bien connu : "tout se passe comme si..." qui permet l'économie de la démonstration tout en donnant l'impression qu'on l'a fournie : "La fracture sociale est ainsi alimentée par une fracture coloniale qui lui donne sens comme un ordre normatif, comme si l'immigration s'était inscrite dans la continuité du rapport colonial au-delà des indépendances" (ibid., p. 210). Où est la rigueur dans tout cela ?

L'allégation selon laquelle les "violences du fait colonial" et le "poids de ses héritages au sein de la société française contemporaine" (Fracture coloniale..., p. 20) sont à l'origine d'une "fracture coloniale" devenue une vraie crise française utilise une image militante du passé colonial qui altère gravement la réalité historique de la colonialité. En la schématisant à l'extrême.

 

les thèses historiennes de Daniel Lefeuvre

Daniel Lefeuvre a rétabli la vérité des rapports complexes et des processus historiques non univoques du temps colonial. Il a montré que les aléas de l'évolution démographique de l'Algérie au XIXe siècle ne sont pas à mettre au compte de la seule conquête et que le concept de "génocide" est totalement inadéquat. Il a montré que les violences militaires de la conquête ne portaient aucune spécificité liée à un racisme anti-arabe.

Daniel Lefeuvre a pointé le manque de méthode de ceux qui reprennent les propos de propagande des coryphées de l'Empire alors que la réalité invalide l'idée d'un apport décisif des colonies à l'économie de métropole. Il a rappelé, après d'autres tels Paul Bairoch et Jacques Marseille, que loin de remplir les caisses de l'État les colonies se sont révélées un tonneau des Danaïdes. Il a restitué la mesure statistique de l'immigration maghrébine après 1945 en métropole (moins de 1% de la population active) et conclu en conséquence à l'outrance des formules militantes selon lesquelles "les immigrés ont reconstruit la France après guerre".

Et sur ce blog, nous essayons de dire que la vérité historique du temps colonial, ce ne furent pas les "massacres" et les "violences". Ceux-ci ont existé mais ils ne sauraient résumer la totalité de cette histoire. Retenir comme grille de lecture deDiapositive1 cette époque la seule ligne de clivage entre dominateurs français et dominés résistants algériens, c'est revenir à une conception de l'histoire à la Jdanov. Au lieu d'alimenter une logomachie creuse sur la post-colonialité, il vaudrait mieux se pencher sur l'étude renouvelée de la colonialité tout court. On éviterait d'entretenir dans leurs clichés et préjugés les groupes militants des "Indigènes de la République".

Mais à quoi bon les appels à la rigueur historienne...? Un politiste comme Olivier Le Cour Grandmaison peut écrire Coloniser, exterminer et se faire étriller par deux historiens irréprochables (Pierre Vidal-Naquet et Gilbert Meynier)... il ne prend pas la peine de répondre. Il continue. Daniel Lefeuvre écrit un livre d'historien pour critiquer les stéréotypes des militants de la mémoire. On le snobe. Seule Catherine Coquery-Vidrovitch a pris la peine de répliquer. On se réfugie alors derrière son texte en oubliant qu'une réponse lui a été apportée...

Il est possible que le savoir historique, à la fois positiviste et problématisant, soit relégué par la puissance des schématisations idéologiques et des revendications mémorielles, toujours plus séduisantes que l'intelligibilité historienne... Il est malgré tout surprenant que ceux qui préfèrent ignorer celle-ci se revendiquent des sciences sociales, de la générosité humaniste, de la démocratie et de la citoyenneté. Toutes références qui, jusqu'à il y a peu, avaient partie liée avec le respect d'un savoir non-jdanovisé.

Michel Renard

 

Diapositive3
"le traitement des populations issues de la colonisation prolonge, sans s'y réduire,
la politique coloniale" - appel des "Indigènes de la République", janvier 2005


* cf. aussi "Réplique à un argument de Catherine Coquery-Vidrovitch : un historien peut-il faire dire ce qu'il veut aux statistiques ?" (Michel Renard)

 

 

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3 janvier 2008

les arabisants et la France coloniale (vers 1830 - vers 1930)

Diapositive1
 

Savants, conseillers, médiateurs :

les arabisants et la France coloniale

(vers 1830 - vers 1930)

Alain MESSAOUDI

 

Alain Messaoudi soutient sa thèse
Savants, conseillers, médiateurs : les arabisants et la France coloniale (vers 1830 - vers 1930)

thèse d'histoire dirigée par Monsieur Daniel Rivet (Paris I-Sorbonne)
jury composé de Kmar Bendana-Kchir, Nadine Picaudou, Luc-Willy Deheuvels et Claude Lefébure

La soutenance se tiendra le samedi 9 février à partir de 9 h 30
salle Denys et Maurice Lombard, rez-de chaussée, 96 bd Raspail, 75006 Paris (métro Notre-Dame des Champs ou Saint-Placide).

2ae0_1_sbl

 

dict_franco_arabe_Tunis_1911
Dictionnaire arabe-français, Alfred Nicolas,
professeur au Lycée de Tunis, 1911, imprimeur
éditeur Frédéric Weber, 11 rue de Constantine, Tunis.

 

Colomb_Bechar_AI
Colomb-Béchar, bureau des Affaires indigènes

 

Touggourth_AI
Touggourth, place du Marché et bureau des Affaires indigènes

 

- cf. séminaire de Claire Fredj et Alain Messaoudi

 

 

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12 février 2008

CFAO (1887-2007) - Hubert Bonin

Diapositive1

 

la Compagnie française de l'Afrique

occidentale

(C.F.A.O.), 1887-2007 

un livre de Hubert BONIN

 

Hubert Bonin,
CFAO (1887-2007).
La réinvention permanente d’une entreprise de commerce outre-mer

Paris, Publications de la SFHOM, décembre 2007 (600 pages).


La Compagnie française de l’Afrique occidentale ou la CFAO a été la première force commerciale française dans les empires français et britanniques en Afrique subsaharienne pendant deux tiers de siècle.

Le livre s’interroge par conséquent sur les circonstances de la création et de l’émergence de CFAO_couvce levier de la «mise en valeur» de l’économie marchande ultramarine. Puis il mobilise les techniques de l’histoire d’entreprise pour apprécier le capital de compétence, le portefeuille de savoir-faire, l’organisation, la culture d’entreprise, l’image de marque institutionnelle, la compétitivité et la performance de cette société, phare du capitalisme ultramarin face à ses rivaux, tels que SCOA, Optorg, UAC ou les sociétés girondines.

L’ouvrage précise pour chaque étape chronologique la position institutionnelle de la CFAO, son assise dans les réseaux politiques, son attitude face à l’évolution politique, aux groupes de représentation des intérêts coloniaux et patronaux (tant à Marseille qu’à Paris ou qu’outre-mer) et aux enjeux socio-culturels de l’empire. Il mêle donc histoire économique, histoire d’entreprise, histoire coloniale et histoire politique en une volonté de pratiquer une «histoire totale» permettant de comprendre l’insertion d’une telle firme dans le processus de développement. Par ailleurs, le rapport à l’Histoire est toujours établi par le biais de réflexions sur la gouvernance, le développement durable et l’africanisation.

Une grande partie évalue la capacité de la CFAO à affronter les défis de la décolonisation : elle apprécie la stratégie de redéploiement territorial, vers des marchés commerciaux en France métropolitaine (grande distribution, distribution automobile, négoce technique) mais aussi la construction d’un portefeuille d’activités en Afrique subsaharienne, où la CFAO mène un combat de modernisation des filières commerciales (automobile, informatique et télécommunications, matériels, services de maintenance et d’ingénierie, etc.) : l’entreprise reste l’un des leaders du commerce en Afrique. Enfin, une dernière partie reconstitue, pour les deux décennies récentes, l’abandon des activités en France métropolitaine et la formidable diversification territoriale, vers l’Afrique orientale, vers le Maghreb et vers les territoires et départements de l’outre-mer français.

 

DAFANCAOM01_30FI060N022_P
Yaoundé (Cameroun), bâtiment de la CFAO, janvier 1951 (source)

 

 

Table des matièresCFAO_couv

Première partie : La CFAO conquiert sa puissance (1887-1914)

Chapitre 1. La préhistoire de la CFAO (1845-1887)
Chapitre 2. La CFAO, levier de la colonisation (1887-1914) ?
Chapitre 3. La CFAO, une puissance coloniale ?
Chapitre 4. La CFAO devient une compagnie commerciale internationale (1887-1914)
Chapitre 5. La CFAO compagnie commerciale en Afrique (1887-1914) : un système économique cohérent
Chapitre 6. La combativité de la CFAO face à la concurrence
Chapitre 7. Les savoir-faire financiers de la CFAO (1887-1914)
Chapitre 8. Les hommes de la CFAO (1887-1914)

Deuxième partie : La CFAO devient une institution impériale (1914-1945)

Chapitre 9. Les animateurs de la CFAO (1914-1940)
Chapitre 10. Des hommes d’initiative ?
Chapitre 11. La CFAO dans le développement africain (1914-1940)
Chapitre 12. La CFAO entre la guerre et la Crise (1914-1940)
Chapitre 13. La position institutionnelle de la CFAO
Chapitre 14. La CFAO écartelée par le conflit (1940-1945)

Troisième partie : Les traditions ébranlées : vers une compagnie bipolaire (1945-1987)

Chapitre 15. Une compagnie encore plus africaine (1945-1954)
Chapitre 16. L’apogée commercial de la CFAO classique en Afrique
Chapitre 17. Le temps des révolutions (1954-1974) : changer pour survivre ?
Chapitre 18. Vers une Compagnie française de l’Europe occidentale (1954-1974) ?
Chapitre 19. Vers une nouvelle organisation managériale
Chapitre 20. La CFAO et l’Afrique (1974-1987)
Chapitre 21. Vers un groupe tertiaire diversifié
Chapitre 22. Une nouvelle CFAO

Quatrième Partie : La construction d’une nouvelle CFAO (depuis 1987)

Chapitre 23. La CFAO de la réussite au doute : vers le recentrage (1987-1992)
Chapitre 24. Le regain de la stratégie ultramarine de la CFAO
Chapitre 25. Le renouvellement du portefeuille d’activités stratégiques de la CFAO
Chapitre 26. Le renouvellement des savoir-faire managériaux de la CFAO
Conclusion généralehubert_bio

 

 

 

 

 

__________________________________________________


- Couverture CFAO, livre de Hubert Bonin

BULLETIN DE SOUSCRIPTION

Prix de vente public : 50 euros (+ frais d'envoi).
Prix de vente en souscription individuelle, jusqu'au 8 mars 2008 : 30 euros
(TTC et frais d'envoi inclus en Union Européenne et Suisse)
(hors Union Européenne : frais de port en sus )

coupon à découper et à renvoyer à la SFHOM :

NOM   
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Nombre d'exemplaires commandés    
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Je joins un chèque du montant nécessaire, ou j'effectue un virement sur le compte bancaire de la SFHOM [SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ARCACHON FR76 30003 04000 00050424319/87]
Adresse de la SFHOM : 15 rue Catulienne 93200 Saint-Denis

CFAO_couv

 

 

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