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études-coloniales
21 mars 2011

un livre sur le Cameroun (1948-1971) : critique

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 critique du livre Kamerun

Marc MICHEL

 

Thomas DELTOMBE, Manuel DOMERGUE, Jacob TATSITSA, Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique, La Découverte, 2011, 742 pages, index, photos.

À la lecture de cet énorme pavé, on peut être partagé entre l’admiration et l’agacement. Admiration pour le travail d’enquête et le dépouillement d’un  nombre assez extraordinaire de sources, agacement par leur traitement et l’esprit général du livre. Les auteurs (on ne sait pas comment a été distribué le travail) ont entrepris de raconter les évènements dramatiques qui ont secoué la marche vers l’indépendance de l’ancienne colonie allemande, partagée à l’issue de la Première Guerre mondiale en deux «mandats» de type «C», l’un britannique, l’autre français, devenus «territoires sous tutelle internationale», après 1945.

En fait, ils se sont intéressés essentiellement au «Cameroun français » parce que celui-ci fut le théâtre d’un mouvement révolutionnaire incarné par un parti de masse, l’Union des Populations camerounaises, et par un leader mémorable, Ruben Um Nyobe, tué («assassiné», selon les auteurs) au combat, le 13 septembre 1958. Mais sa disparition ne constitua qu’un épilogue provisoire ; la «rébellion», localisée d’abord dans le sud du pays, se prolongea et s’amplifia, plus acharnée, avec des caractères nouveaux, en partie contaminés par du banditisme social et l’exécution des deux derniers leaders importants du mouvement. Selon les auteurs, le système de relations construit au Cameroun durant ces deux décennies des années 1950 et 1960 par la France, avec l’approbation de la communauté internationale, aurait servi de modèle aux autres décolonisations françaises en Afrique noire et constitué un élément fondateur de la Françafrique.

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quelle "chape de silence" ?

Les auteurs prétendent briser la «chape de silence» qui aurait entouré les événements tragiques de cette décolonisation et le manque d’intérêt des  historiens. C’est tout de même faire peu de cas de toute une littérature camerounaise l’ait dénoncée et que nous-même nous y avons consacré des recherches et plusieurs publications dont une dans la Revue française d’Histoire d’Outre-Mer (n° 324-325, 1999, «Une décolonisation confisquée, Perspectives sur la décolonisation du Cameroun sous tutelle de la France, 1955-1960», et dans la revue l’Histoire (n° 318, mars 2007).

En réalité, les auteurs veulent se situer sur un autre terrain, qui n’est pas à proprement parler, celui de l’historien. Ils se situent, en effet, dans la droite lignée du journalisme d’investigation et de dénonciation, à la manière de Pierre Péan et de François-Xavier Verschave, auxquels ils font d’ailleurs directement référence. Ils affectionnent les titres à sensation, à commencer dans le choix du titre général de l’ouvrage Kamerun, (graphie à l’allemande), celui de pratiquement toutes têtes de chapitres («Epilogue pour un massacre», «Au pays des Blancs», «Le Kamerun s’embrase», «traquer et éliminer…»), des sous-chapitres («Coups tordus», «Comme en Algérie, torture, infiltration, internement» etc…, etc…), dans l’emploi de formules choc «Dien Bien Phu, Valmy des peuples colonisés» et les qualificatifs faciles ou insupportables («l’étrange docteur Aujoulat», «le bien nommé René Tiran», «le brave colonel X», «le brave lieutenant X).

 

bilan sinistre mais vision manichéenne

Cependant, si l’on passe sur les excès de la langue militante ou journalistique, et sur le point de vue ouvertement pro-upéciste, cet ouvrage est riche d’informations et débouche sur un bilan très noir pour l’État postcolonial et pro-occidental du Cameroun Le constat est abrupt, et ceux qui ont eu une expérience concrète du pays le partageront au moins en partie.

On ne peut cependant le limiter à la vision manichéenne qu’en donnent les auteurs. On fera observer par exemple que les maux qu’ils dénoncent dans ce Cameroun qu’ils considèrent au mieux comme un État fantoche et policier, ne sont pas du tout spécifiques à ce pays et que, sauf exceptions, tous les régimes postcoloniaux, pro ou anti-occidentaux en Afrique, ont connu les mêmes dérives antidémocratiques : parti unique, dictature, tyrannie, mépris des droits de l’Homme, des libertés individuelles ou collectives, usage immodéré de la force, culte de la personnalité etc., etc., qu’on ne peut pas toujours reconnaître dans ces dérives, la responsabilité des anciennes Puissances coloniales et de leurs manœuvres machiavéliques antérieures.

Que ce soit le Ghana de N’Krumah ou la Guinée de Sékou Touré, classés alors parmi les États «progressistes», soutiens de l’UPC, plus tard le Zimbabwe de Mugabé, ou à l’autre bord, le Zaïre de Mobutu…, sans parler des pays du Maghreb, on doit constater que le «postcolonial» a trahi la démocratie. On fera observer également que la décolonisation française au Cameroun, pour sanglante qu’elle fut, n’a pas atteint le degré de violence qu’ont connu le Kenya dans les années 1950, les colonies portugaises dans les années 1960-70 ou encore le Sud-Ouest africain (Namibie) et la Rhodésie du Sud (Zimbabwe), à la même époque.

 

la répression contre le peuple bamiléké

C’est par rapport au cliché d’une décolonisation «douce» de la France en Afrique noire que le Cameroun fait tache. L’intérêt du livre ne nous parait peut-être pas dans ce procès anachronique, ni même non plus dans la «révélation» de ce que les auteurs considèrent sans doute comme des «scoops», par exemple, l’influence théoricienne du colonel Lacheroy (qui a disparu très vite de la scène politique et militaire), le rôle, également, de ce curieux mouvement de contre-subversion qui s’est appelé Réarmement moral.

Bien sûr, les auteurs s’étendent comme on peut s’y attendre quand il s’agit de Françafrique sur l’infiltration des réseaux, les hommes de Foccart (après 1958), les circonstances (très connues) de l’assassinat de Moumié, à Genève, en 1960. Ils font surtout une part majeure aux actions des militaires instruits en Indochine ou en Algérie… Tout ceci vise, en définitive, à démontrer la complicité criminelle entre le régime gaulliste et le gouvernement potiche (mais infiniment redoutable) d’Ahmadou Ahidjo et à ce que d’autres ont appelé le «génocide» du peuple bamiléké dans l’Ouest-Cameroun, au début des années 1960.

Les auteurs se gardent d’employer le terme et des évaluations chiffrées que beaucoup attendraient, alors qu’à la suite de «témoignages» (invérifiables, ou absurdes), on a parlé de centaines de milliers de morts, 300 000, même 400 000 pour une population comptant environ 3 millions d’âmes. Très prudemment, les auteurs en restent à une fourchette, suffisamment impressionnante, d’un peu plus de 61 000 à un peu plus de 76 000 victimes entre 1956 (début réel de la révolte armée) et 1964 (quasi-achèvement de la rébellion).

 

"guerre cachée" ?

Pour le public qui ignorerait l’histoire, particulière et dramatique de l’indépendance du Cameroun, et s’étonne parfois du ressentiment anti-français qui se manifeste encore souvent aujourd’hui dans ce pays, ce livre apporte un éclairage cru, bien que partisan.

«Guerre cachée», affirment les auteurs. Oui, mais «guerre cachée» tout de même parce qu’elle s’est déroulée en marge de la guerre d’Algérie et qu’elle ne pouvait avoir le même retentissement national en France que cette dernière parce qu’elle a été menée par des militaires de carrière et des contingents eux-mêmes africains. Ses origines remontent loin, voire très loin dans la construction de la colonie elle-même, sujet que ne traite pas le livre, en tout cas, à la Seconde Guerre mondiale et aux émeutes qui, en 1945, secouèrent la capitale économique du pays, Douala ; ces événements sanctionnent effectivement un divorce entre une minorité de colons braqués dans une attitude réactionnaire et raciste d’un côté, de l’autre, des jeunes générations camerounaises.

Mais le divorce ne concerne pas seulement ces «colons de combat» et «les indigènes» ; il apparait aussi entre une Administration coloniale, expression de l’État français et ces élites d’évolués, conscients de la particularité de la situation internationale de leur pays et, apparemment, gagnés par des mots d’ordre apportés par des militants syndicaux et soutenus par la nébuleuse des organisations communistes.

Bien sûr, les auteurs ont raison de souligner l’autonomie d’action et de conception de l’UPC, créée en 1948, par rapport aux organisations communistes de la métropole ; mais on ne peut perdre de vue le poids de la Guerre froide sur la perception par l’administration française et ses alliés camerounais, également par la majorité de la communauté internationale, d’un mouvement qui, en 1955, entre délibérément dans l’action armée. Ses modalités d’action, son vocabulaire, ses slogans, ses méthodes et les soutiens qu’il reçoit à l’extérieur, en métropole et dans le monde communiste, laissent peu de champ à un accommodement et convainquent effectivement qu’il vaut mieux trouver des interlocuteurs moins radicaux.

 

"libération nationale" ou "révolte tribale" ?

Si l’on tente de résumer brièvement les événements, l’UPC, première manière, sous la direction de Ruben Um Nyobe, est vue par l’administration française plutôt qu’un mouvement de libération fondée sur une identité nationale crédible, comme une révolte «tribale» appuyée sur les frustrations d’une partie de la population camerounaise, dans le sud du pays, en pays bassa, et à Douala récupérée par des agitateurs révolutionnaires avec les slogans d’indépendance nationale et de réunification des deux Camerouns. Quand la révolte gagne l’ouest Cameroun, dès 1957, ces objectifs paraissent assez secondaires par rapport à des motivations sociales et politiques beaucoup plus localisées.

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Néanmoins, pour les responsables français, ils constituent aussi un danger dans la mesure où ils sont toujours instrumentalisés par l’UPC en exil qui trouve dans les pays «progressistes» et dans les pays du bloc communiste le seul écho audible à l’extérieur, en particulier à l’ONU. Malgré la mort de Ruben Um Nyobé, il y a bien continuité entre la rébellion upéciste dans le sud et celle de l’ouest des acteurs et des objectifs. Entre temps, la politique française, en l’occurrence le haut-commissaire Messmer, met en place un gouvernement autonome qui, avec Ahidjo, prend à son compte les deux piliers de la revendication upéciste : l’indépendance et la réunification, les «confisquant», en quelque sorte, à l’UPC, avec l’approbation de la France.

Selon les auteurs, dès la première «phase», l’Armée française a joué un rôle politique et militaire majeur, quoique la répartition des rôles entre le haut-commissaire Pierre Messmer, son principal adjoint Daniel Doustin, et le lieutenant-colonel Lamberton, chef des opérations militaires en Sanaga maritime, ne soit pas aussi claire que les auteurs le disent. Par la suite, l’Armée française intervient essentiellement en appui à des forces camerounaises en formation (le statut de mandat puis d’État sous tutelle interdit en principe tout recrutement militaire jusqu’à l’indépendance).

 

les objectifs des auteurs

Néanmoins, démontrent les auteurs, au cours des opérations en pays bamiléké, les forces françaises, proprement militaires et de gendarmerie, ont non seulement participé activement et directement à une répression de masse mais aussi à des actes de barbarie cautionnés par leurs supérieurs.

Toute cette violence visant à assurer le transfert de compétence à un pouvoir à la solde de la Françafrique. Les objectifs des auteurs sont clairs : alimenter une condamnation de la France et provoquer sa repentance dans le dossier, l’emploi de la torture, comme en Algérie, dont ils font la principale accusation à charge. Les réalités locales sont beaucoup plus compliquées et à n’écouter qu’une seule catégorie de voix, à généraliser, à se fier trop souvent à des témoignages et de sources de seconde main, à confondre le discours de l’historien et le discours du polémiste, on peut être amené à des réserves.

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général de Gaulle, avec à sa gauche Louis-Paul Ajoulat,
en visite au Cameroun en mars 1953 (Archives nationales de Yaoundé)

Un exemple : utilisant une source secondaire, les auteurs attribuent au général de Gaulle dans un discours prononcé à Bourges, le 7 mai 1959, une déclaration par lequel celui-ci aurait appelé les «Grands» à aider les faibles de ce monde parce «qu’ils sont des Blancs, des peuples civilisés et que leur devoir est commun» ; en réalité le Général avait dit «leur devoir, puisqu’ils sont les plus riches, les mieux pourvus et les plus forts, leur devoir c’est d’aider les autres, ceux qui sont dépourvus, ceux qui sont sous-développés». Ce n’est pas la même chose.

Ce détail fait peser des soupçons sur la crédibilité des multiples sources secondaires invoquées, souvent placées hors contexte, et pratiquement toutes dans un seul sens, laissant de côté celles qui n’arrangent pas. L’encart de photos est intéressant. On remarque en particulier les terribles photos de têtes coupées, destinées à soulever l’indignation du lecteur ; mais on sait que ces procédés de terreur ont été aussi utilisés par les «rebelles» et la représentation de ces usages horrifiants aurait dû être assortie d’un commentaire faisant appel à l’anthropologie.


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Têtes coupées de combattants nationalistes

La photo a assurément un effet émotionnel assuré. Mais, finalement, on ne sait quelle valeur démonstrative lui attribuer. Cette pratique était courante dans les guerres «traditionnelles», chez de nombreux peuples africains, attestée chez les Baoulé par exemple ou parmi les populations de l’Oubangui, et démontraient la force du vainqueur.

Elle a existé des deux côtés au cours de la guerre en pays bamiléké, comme en témoignent les assassinats à la marchette des deux pères de la Mission de Bafang dont les corps furent retrouvés décapités en novembre 1959. Le mélange entre pratique de guerre ancienne et calculs politiques modernes aurait pu être mieux analysé. La guerre en pays bamiléké dans les années 1960 n’est pas véritablement interrogée, même moins que le commandement français lui-même à l’époque qui voulut se défendre d’entrer dans la répression d’un soulèvement qui dépassait une simple «jacquerie».

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Entraînement des élèves officiers de l’École militaire interarmes du Cameroun,
dans la zone de Koutaba en 1960, sous la supervision d’instructeurs français.
(Archives nationales de Yaoundé)

Les auteurs ne semblent avoir eu pour souci que de démontrer les compromissions des militaires français dans les actions à l’égal de ce qui se passait en Algérie. Les auteurs auraient également pu faire l’économie de nombreux développements hors-sujets ou très connus, qui surchargent inutilement une lecture déjà suffisamment démonstrative. L’existence d’un index et celle d’un appareil de notes conséquent sont des bons points, l’absence d’un catalogue des sources et de la bibliographie est très regrettable.

L’UPC exerce encore la fascination romantique d’un mouvement animé par un idéal patriotique, un chef intègre et charismatique, le Mpodol («porte-parole» en bassa), Ruben Um Nyobe), une lutte dans les «maquis» du Cameroun. L’atmosphère internationale n’est pas ou plus prise en compte, autrement que sur le mode de la mise en accusation de l’Occident et de la défense d’une Francafrique problématique.

Peut-on oublier qu’encore au tournant des années 1960, la subversion communiste était imaginée, à tort ou à raison, comme équivalente à l’islamisme aujourd’hui. Mais les auteurs cherchent moins à analyser l’évolution des forces économiques, sociales et politiques de ce pays «compliqué», reconnaissent-ils, qu’à instruire un procès.

Au total, leur thèse est si lourdement appuyée, les effets si recherchés, les accusations si constamment nominatives et le caractère si polémique, qu’elle n’atteint pas vraiment son but et qu’elle n’est pas toujours convaincante, loin de là. Ceci dit, ce livre est une somme incontournable et un dossier à verser au procès de la France en Afrique. Il ne va pas dans le sens d’une réconciliation ni d’une approche apaisée d’une histoire commune et il est destiné à rouvrir des débats passionnés.

Marc MICHEL
professeur honoraire d'histoire de l'Afrique
à l'université de Provence

 

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- iconographie : les photos sont tirées de l'ouvrage

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24 juin 2011

bagnes coloniaux

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administration pénitentiaire coloniale

 

Les Archives nationales d'outre-mer viennent de mettre en ligne à la fois l'instrument de recherche du fonds de l'administration pénitentiaire coloniale et la base de données nominative donnant accès aux dossiers individuels des condamnés écroués avant 1891. 
Une étape importante qui facilitera grandement les recherches sur les bagnes coloniaux. 
 
Instrument de recherche : 
http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/ir?ir=FRANOM_00118& 
 
Base nominative : 
http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/bagnards_dossiers_individuels/ 
 
 
Anne CHAUVEL 
Chargée de communication 
Archives nationales d'outre-mer

 

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bagnards annamites au travail en Guyane,
1925-1939 - source


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14 janvier 2011

un téléfilm de 2005 sur le 17 octobre 1961

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17 octobre 1961,

téléfilm d'Alain Tasma et Patrick Rotman

note critique du général Maurice FAIVRE

 

Nuit noire, 17 octobre 1961, Alain Tasma. Scénario de Patrick Rotman,
Téléfilm de 2005, durée 1h50, France 3, 17 octobre 2010 à 20h35.

FR3 se distingue à nouveau dans la manipulation historique (1), en diffusant ce film pro-FLN sur la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris. Les protagonistes de cette bataille de Paris sont les policiers français dirigés par l’ignoble préfet Papon (sic), et les "pacifistes" de la Fédération de France du FLN.

L’accent est mis sur la violence des policiers (2), qui commence bien avant le 17 octobre. Vexations, tabassages, contre-terroristes pratiquant l’étranglement et la noyade, tir à balles sur les manifestants. Papon et son adjoint Somveille dirigent une répression sanglante en imposant un couvre-feu illégal ; ils réquisitionnent stades, gymnases et autobus parisiens. En ordonnant de rendre 10 coups pour un, ils couvrent les bavures. Faute de médicaments, les soins médicaux ne sont pas assurés.

Quant à de Gaulle, il négocie dans le dos de Debré et juge secondaire et inacceptable cette manifestation. Alors que la guerre du FLN a été portée en métropole en 1958, et que certains militants revendiquent l’assassinat des policiers, les dirigeants de la Fédération de France ordonnent une manifestation massive, pacifique et obligatoire : «Nous sommes en guerre, il faut passer à l’action et retourner l’opinion française». Les Algériens sont embrigadés dans les bidonvilles, les récalcitrants sont abattus, ainsi que ceux qui refusent l’impôt révolutionnaire.

On ne voit pas dans le film les femmes qui devaient défiler en tête, mais l’on montre les porteuses de valises et celles qui fabriquent de faux papiers. Ce film est présenté comme une fiction, pour la raison qu’aucune image n’a été tournée. La presse recueille cependant les dépositions des humanistes qui dénoncent leurs collègues. Certains chiffres sont exacts : opposés à 1 640 policiers, 20 000 manifestants dont 11.000 sont arrêtés. Mais le nombre des victimes est multiplié, il n'y a pas 50 à 200 Algériens tués, dont 50 dans une cour de la Préfecture de Police, mais une dizaine sûrs, selon Brunet et Mandelkem. Certains ont été pendus, mais on ne les voit pas. Les noyades en revanche sont filmées.

Maurice Faivre
le 18 octobre 2010

 

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image du film

 

P.S. Le dénombrement des morts, et la propagande mise en oeuvre par le FLN font l’objet d’une mise au point de l’historien François Dosse et de Catherine Segurane, qui s’appuient sur les travaux de Jean-Paul Brunet, du Conseiller d’Etat Mandelkem, de l’Avocat général Geronimi et de Sylvie Thénault. Leurs conclusions sont disponibles surAgoravox.fr.

1 - après le film Les porteuses de feu, à la gloire des poseuses de bombes en Algérie, et un débat très orienté par Béatrice Schönberg, à la suite du film de Costelle-Clarke sur la tragédie des harkis le 20 septembre 2010.

2 - noter que les harkis de Paris ne sont pas mis en scène.

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image du film

 

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Patrick Rotman et Alain Tasma


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21 juillet 2011

Winston Churchill, "Voyage en Afrique", 1907

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Mon voyage en Afrique, 1907, Winston Churchill

 Marc MICHEL

 

Winston CHURCHILL, Mon voyage en Afrique, 1907, collection "Texto," traduit de l’anglais et préfacé par Pierre Guglielmina, 2010, 195 pages.

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Amateurs de safaris, en voilà un qui vous rendra jaloux ! Contemporains qui veulent juger le passé sans les œillères des idées toutes faites et anachronisme, voilà un petit condensé d’interrogations excitantes.

Les éditions Taillandier qui ont eu la bonne idée de publier les œuvres complètes de Winston Churchill dans la collection "Texto", nous ont offert un inédit en Français du grand homme, admirablement traduit par Pierre Guglielmina, Mon voyage en Afrique, 1907.

Le traducteur se demande si ce petit livre, n’est pas «destiné à rejoindre le nouvel enfer des  bibliothèques correctes». Peut-être bien, étant donné le conformisme contemporain ; ce serait vraiment dommage compte tenu du talent littéraire et de la  richesse de réflexions de l’auteur. Prudence ou dédain pour celles-ci, le traducteur insiste seulement sur les qualités littéraires du texte dans sa belle introduction.

Certes, Churchill, jeune ministre de trente et un ans - il vient d’être nommé au Colonial Office, un ministère beaucoup plus important en Angleterre, que le Ministère des Colonies en France) - écrit admirablement, nous entraîne, bientôt étonnés de se découvrir passionnés, grâce à lui, de chasse et de découvertes, dans les hauts plateaux du Kenya, les forêts de l’Ouganda, en safari à pied, à cheval, en pirogue… (Il regrette même de n’avoir pas eu l’idée de la bicyclette)… dans les magnifiques steamers du lac Victoria ou les frêles esquifs du lac Yoga, sur le Nil enfin.

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Un voyage vraiment sportif. À cette occasion Pierre Guglielmina rappelle à quel point la boutade du vieux Churchill interrogé sur son extraordinaire longévité… «No sport» est totalement fausse en l’occurrence. Churchill est infatigable… Il est difficile de le suivre dans son périple de plusieurs mois de plusieurs milliers de kilomètres, et on regrette une carte ; mais qu’importe, on repère les principales étapes qui le conduisaient de Mombasa à Kampala et de là à Fachoda, «appelé désormais Kodok en souvenir du bon vieux temps», dit-il, en laissant le lecteur dans une certaine perplexité (le temps de la «rencontre» avec Marchand, une dizaine d’années ans plus tôt ?).

Ouganda éléphants

Il jette aussi un regard moderne sur la nature ; il s’émerveille de la grâce et de l’élégance des antilopes, de la puissance brutale des rhinocéros, du «panorama majestueux», des éléphants  redoutables ; les seuls animaux auxquels il voue une véritable «haine» sont les crocodiles… Il découvre l’immense Rift où s’étendent les grands lacs africains, le «spectacle merveilleux et unique» qu’offre la traversée des hautes terres du Kenya, la grandeur de la forêt ougandaise comme de la fascination  qu’exerce l’immensité du lac Kyoga : «le temps disparait et il ne reste plus rien que l’espace et la lumière du soleil». L’univers d’Out of Africa

Ouganda couleurs

La révélation la plus merveilleuse, est l’Ouganda, qu’il qualifié de «pays de conte de fées» et de «jardin magnifique». Mais, il n’est pas dupe et il sait que la même nature est aussi mauvaise, trompeuse, perverse, qu’elle réserve les plus mauvaises surprises, les redoutables fourmis auxquelles rien ne résiste, les somptueux papillons dont «la perversité» s’alimente à la pourriture la plus abjecte, «l’horrible fécondité des processus naturels», la maladie qui règne partout. En 1907, il traverse des contrées ravagées au lendemain de la première des grandes épidémies connues de maladie du sommeil qui a duré dix ans et a dépeuplé les régions affectées dans des proportions effarantes, «plus de deux-cent mille personnes  pour une population dans des régions qui n’aurait pas pu excéder les trois cent mille», souligne-t-il lui-même stupéfié et horrifié.

On ne peut que partager l’admiration du traducteur pour le grand écrivain, sa sincérité et sa maitrise ; mais ce n’est pas celui-ci  qu’on voudrait mettre en valeur ici ; c’est l’homme politique réfléchissant à l’Afrique colonisée. Bien entendu, l’action de son pays en Afrique est excellente et l’Angleterre y a envoyé les meilleurs de ses gentlemen : «le jeune Anglais, qu’il soit officier ou colon dans les hautes terres d’Afrique a une allure robuste Ses vêtements sont réduits à rien : un chapeau pour se protéger du soleil, une chemise de flanelle brune à manches courtes, au-dessus du coude, et ouverte sur la poitrine, des knickers kaki coupées à dix centimètres – au moins - au-dessus du genou, des bottines et une paire de  bandes molletières… rien d’autre. La peau exposée au soleil, aux épines et aux insectes…». Il est là pour le service et la grandeur de la Couronne.

Ouganda défricheurs

Mais, il y a tout de même une différence entre l’officier et le colon, entre l’administration nécessaire des «races primitives» (le terme est si courant, presque neutre, aussi banal à l’époque que «pays en voie de développement» aujourd’hui !) et leur exploitation : «le spéculateur, le planteur et le colon frappent déjà à la porte» constate le ministre philosophe qui doute alors un moment de la «mission de l’homme blanc» en Afrique. Or, cette  interrogation n’a pas cessé, quelque soit l’habillement dont on l'a revêtu. La présence de l’homme blanc est-elle-même justifiée, et, à défaut, durable ?

L’Afrique de l’Est est une des rares régions d’Afrique tropicale où elle fut entreprise, en dépit des réalités. Et quoiqu’en ait pensé Churchill lui-même : «Imaginer les hautes terres d’Afrique vidées de leurs habitants primitifs et occupées uniquement par des Européens, lui parait une idée totalement impossible, contredite non seulement par la multiplication des Noirs, mais par l’arrivée des Asiatiques et le «capitalisme pur et simple» : «Une vaste armée de travailleurs africains encadrés par des Indiens ou des Chinois éduqués, eux-memes dirtigés par quelques individus de diverses nationalités faisant usage d’un capital cosmopolite – c’est le cauchemar qui hante la population blanche d’Afrque du Sud et face auquel une certaine population blanche de l’Afrique de l’Est pousse déjà de hauts cris». «L’interdépendance de tous les hommes et de tous les pays ont donné des ailes à l’ambition commerciale de l’Asie et rendu la main d’œuvre asiatique plus mobile qu’elle ne l’avait jamais été auparavant», écrit-il plus loin. On ne peut s’empêcher de penser que le jeune Churchill en 1907 prévoyait déjà les hantises d’aujourd’hui à propos de la «mondialisation» et du «choc des civilisations».

Mais l’Afrique appartient aux Africains, ce que reconnait notre voyageur. «C’est après tout leur Afrique». Oui, mais l’Africain répugne au travail que l’homme blanc veut lui imposer et pense que celui-ci «est fou». Churchill, en bon disciple de Bentham, n’approuve pas cette sagesse : «je suis clairement d’avis qu’aucun homme n’a le droit d’être paresseux». Mais dans sa vision, les problèmes Afrique de l’Est qu’il visite «sont ceux du monde», «les tensions sociales, raciales et économiques qui torturent la société moderne sont déjà à l’œuvre ici, mais en miniature». On souhaiterait que cette vision pessimiste de l’avenir ait été démentie ; rien n’est moins démontré.

léproserie Ouganda

Ce que voit, pour le moment, Churchill c’est une colonisation avide que seules peuvent corriger le bon gouvernement de l’Angleterre et un partenariat avec un bon gouvernement africain. Il croit l’avoir trouvé lorsqu’il découvre le royaume de l’Ouganda, un État indigène qui fonctionne et qui permettrait d’espérer y fonder un socialisme d’État. L’Ouganda lui parait en offrir les contions optima : un pays riche, un gouvernement régulier, une population pacifique, une puissance extérieure lointaine et protectrice, une administration britannique désintéressée, mais dotée de suffisamment de pouvoirs supérieurs… En réalité, il s’agit simplement de l’Indirect Rule telle quelle fut effectivement appliquée en Ouganda pendant des décennies, et pratiquement jusqu’à l’indépendance.

Idéologue, colonialiste, Churchill était-il «raciste» ? Nous sommes en 1907. Il emploie constamment le mot «race», il parle des «races inférieures»… Le contresens, l’anachronisme est de confondre ce racisme civilisationnel avec un racisme ontologique ; non seulement, Churchill admire la grâce et l’élégance des hommes ou des femmes qu’il rencontre, leur maintien, leur politesse qui prend des formes variées, leur intelligence, il les croit fondamentalement capables de progrès si on leur en laisse l’opportunité… sous la  bienveillante protection de la Couronne britannique, bien entendu ; Churchill est et restera toujours un «impérialiste», pas au sens marxiste, mais au sens «gaullien», si l’on peut dire ! Il juge beaucoup plus sévèrement les colons blancs que «l’avidité foncière» a transformés en possesseurs d’espaces immenses «acquis pour rien ou très peu, tous luttant, tous agités, nerveux, tendus, nombre d’entre eux déçus, certains désespérés, quelques uns détruits».

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Au terme de ce voyage raconté avec tant de couleurs et de vivacité, revenu au contact de modernité technique au Soudan, on soulignera l’une des dernières réflexions du ministre-voyageur : «j’ai commencé à réaliser à quel point l’esprit de ces contrées merveilleuses avait pris possession de moi car c’était avec la plus grande réticence et la plus grande difficulté que je me forçais à poursuivre sur le chemin du retour».

Aujourd’hui, réaliserait-on le même périple avec le même plaisir ? En tout cas, Le Voyage en Afrique en 1907, fait encore rêver et réfléchir.

Marc MICHEL

 

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présentation de l'éditeur
Tout jeune sous-secrétaire d'État aux Colonies, Winston Churchill accomplit, à l'automne 1907, une tournée en Afrique de l'Est.
Au cours de son voyage, il combine travail et plaisir : aux parties de chasse au gros gibier et expéditions touristiques, succèdent les rencontres avec des officiels, colons et chefs de tribus. Dans ce récit de voyage, il conte ses journées africaines, décrivant du point de vue d'un Européen du début du XXe siècle l'innocence et le charme des tribus qu'il rencontre tout en dénonçant les abus du colonialisme.
Alternant considérations politiques et descriptions des paysages qui l'émerveillent, Churchill mène son lecteur le long du Nil, en Ouganda et au Kenya. Véritable oeuvre littéraire, ce texte n'avait jamais été traduit en français.

sommaire

  • LE CHEMIN DE FER DE L'OUGANDA
  • AUTOUR DU MONT KENYA
  • LES HAUTES TERRES DE L'AFRIQUE DE L'EST
  • LE GRAND LAC
  • LE ROYAUME D'OUGANDA
  • KAMPALA
  • " EN SAFARI "
  • LES CHUTES DE MURCHISON
  • HIPPO CAMP
  • LE LONG DU NIL BLANC

 

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17 juin 2011

la Mosquée de Paris a-t-elle résisté sous l'Occupation ?

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la résistance de la Mosquée de Paris ?

 

Un court-métrage a été diffusé à Cannes dans le cadre d'une sélection "Banlieuz'art", financée par le Conseil régional d'Île-de-France (implication de Julien Dray). Une production a ému de nombreux spectateurs. Elle s'intitule "Ensemble", son réalisateur est Mohamed Fekrane. Présentation : "Paris 1942, un enfant juif Isaac échappe à une rafle organisée par les SS. Il se réfugie alors dans une mosquée.."

http://www.dailymotion.com/video/xhcg0p_court-metrage-ensemble-de-mohamed-fekrane_shortfilms

Dans une interview, Mohamed Fekrane, déclare : «1500 enfants juifs sauvés de la déportation» par la Mosquée de Paris pendant l’Occupation ? «Une histoire vraie»… Mais d’où sort-il cela…? Il aurait un ou deux témoignages venus du Maroc… La Mosquée lui «a dit sans lui dire»… N’importe quoi…! «La torture»…? Mais qui a été torturé…? Pas Si Kaddour ben Ghabrit ni aucun imam de la Mosquée de Paris. «Je n’ai fait que relater la vérité» dit Mohamed Fekrane… mais quelle vérité ? Il n’y a strictement aucun témoignage. C'est un récit sympathique mais ce n'est pas une vérité historique.

 

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Une fois ces questions adressées à diiférents sites internets, j'ai reçu du réalisateur le message suivant :

Film Ensemble à l'intention de Michel Renard
Bonjour Michel,

je vous contact par rapport au court métrage Ensemble qui est une fiction au sujet de Si kaddour ben ghabrit, je ne suis pas historien et avant de me lancer dans cette aventure j'ai lancer un appel à personne pour m'aider à développer ce sujet (il y a 3 ans mais aucune réponse), et avec les très peu de fragments de cette histoire, j'en ai voulu faire un court-métrage et bien sure une fiction, une dramaturgie...il était effectivement recteur de la mosquée de paris (j'en ai fait un imam) il ne meurt pas dans le court métrage puisqu'il décède en 1953 et enterré à la mosquée de Paris, et les passages de tortures ne sont que pure fiction, vu que personne n'a réellement confirmation, par contre vu que vous connaissait mieux que moi cette période et ces faits, je ne serais pas contre une aide historique de votre part si bien entendu vous êtes d'accord.

Cordialement,
Mohamed Fekrane.

J'ai répondu :

Bonjour Mohamed,

Les qualités filmiques de "Ensemble" sont remarquables. J'ai eu plaisir à le voir et revoir plusieurs fois. Il n'y a pas que l'émotion, il y les plans, les angles, la bande-son, le rythme…

Mais je ne peux qu'être surpris par ce qui est présentée comme une "histoire vraie"… Si trois ans de recherches de témoins n'ont rien donné, c'est peut-être un signe, non…?

En fait tout part du documentaire de Derri Berkani "Une résistance oubliée, la Mosquée de Paris", avec la recherche de Baya Azzi (1990).

Le témoignage du Dr Assouline n'est guère probant. On ne sait pas d'où il tire ce chiffre de 1742 (cartes de ravitaillement, personnes hébergées…?). Et qui aurait fourni ces cartes ? La Mosquée recevait des titres de ravitaillement de la part du Secours National et des denrées du Service du Ravitaillement. Et elle est venue au secours de nombreuses personnes.

Le Dr Somia est plus précis dans le récit du sauvetage d'un enfant. Puis il évoque le réseau auquel il participait et qui pouvait solliciter la Mosquée pour des prisonniers et des déportés évadés, semble-t-il. Il ne fournit cependant aucun chiffre.

Mais tout cela ne constitue pas les preuves de l'existence d'une organisation de sauvetage d'enfants juifs par la Mosquée de Paris en liaison avec un réseau FTP.

Je sais par ailleurs que le témoignage du Dr Assouline est à prendre avec des pincettes (il dit des choses fausses, j'en ai la preuve) ; on ne comprend pas ce qu'il faisait à la Mosquée : y est-il resté deux ou trois nuits ? ou a-t-il fait partie d'un réseau qui, ensuite, a agi avec la Mosquée…? Tout cela est confus.

Derri Berkani a déclaré à la presse algérienne avoir eu entre les mains en 1974 un livre (registre ?) à la Mosquée de Paris mentionnant des listes d'enfants juifs qu'on faisait passer pour des enfants algériens. Pourquoi ce livre n'est-il pas rendu public…? Pourquoi ne l'a-t-il pas photographié ?

Je dispose de plusieurs documents d'archives que je rendrai publics dans mon livre sur l'histoire de la Mosquée de Paris (Flammarion éditeur, à paraître) qui montrent une histoire complexe… mais qui ne valide pas la "belle histoire" du film "Ensemble", malheureusement.

Mais je ne vois pas de quoi en faire un film à thèse simple.

Wa salam

Michel Renard

 

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Je publierai bientôt, un ouvrage couvrant toute l'histoire de la Mosquée de Paris (enfin, ce que j'en sais, d'après les archives et mes propres investigations...). La question du comportement de la Mosquée de Paris entre 1940 et 1944 ne correspond à aucune légende dorée ni à aucune légende noire. Mais les quelques "témoignages" produits jusqu'à présents sont à recevoir avec la plus grande prudence.

On ne peut peut faire du cinéma comme Tarantino, Inglorious Basterds, et inverser la réalité historique... Moi, cela ne m'a jamais satisfait. Depuis Thucydide, le rapport de l'esprit à l'histoire est une exigence de vérité.

Michel Renard

 

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12 janvier 2011

controverse sur une recherche d'histoire maritime marocaine

 

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halte à la piraterie scientifique

pour la crédibilité de la recherche

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Hassan AMILI



Un cas de plagiat : Leïla Maziane, un mauvais exemple
Dr. Hassan Amili, chercheur spécialiste de l’histoire maritime


Jamais je n’aurai imaginé que viendrait le jour où je me verrai, par obligation intellectuelle, contraint à transférer min centre d’intérêt de la recherche dans le domaine de l’histoire maritime marocaine et les notions qui lui sont adossées ; notamment : Jihad, Course et Piraterie ; vers le domaine de la piraterie scientifique, communément reconnue sous le vocable de plagiat.

Il m’avait fallu beaucoup de patience et de perspicacité pour parvenir à domestiquer les deux notions de Course et de Piraterie, et à comprendre pourquoi se confondent-elles dans l’esprit des profanes (non avertis), car déceler la différence qui existe entre les deux est une affaire très ardue.

Ce fut la raison pour laquelle j’eus à leur consacrer en 1989 une partie importante d’un chapitre de ma thèse de D.E.S. intitulée Le Jihad Maritime à l’embouchure de Bou-Regreg durant le XVIIe siècle sous l’excellente supervision" du Pr. Feu Si Mohammed Hajji, que Dieu ait son âme.

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Ce travail fût reconnu, à l’époque, comme étant la première recherche académique sérieuse à se consacrer au domaine maritime et à mettre toute la lumière sur ses aspects professionnels, techniques, militaires et politiques.

Dés lors, la hantise à poursuivre la recherche dans ce domaine m’habita et la fascination me poussa à inscrire une thèse pour l’obtention du Doctorat d’État sous le titre Les Marocains et l’espace maritime aux XVIIe et XVIIIe siècles sous la supervision du Dr. Ahmed Bouchareb, que j’avais soutenue au printemps 2002 ; sans, pour autant, étancher ma soif, ni assouvir ma curiosité, du fait que la recherche dans ce domaine fût, encore, à ses compétences scientifiques pour pouvoir se pencher sur d’autres aspects et pénétrer d’autres époques.

Dans cette perspectives, j’eus l’honneur d’adhérer au Comité Marocaine de l’Histoire Maritime avant sa dissolution ; puis j’eus l’opportunité de faire partie du GRIHMM, un groupe de chercheurs qui comprenait, entre autre, Leïla Maziane, une jeune "chercheuse" qui venait de terminer ses études en France et qui avait soutenu, en 1999, une thèse sous le titre Salé et ses corsaires (1666-1727) : Un port de course marocain au XVIIe siècle, c'est-à-dire dix ans après la mienne. Sa thèse fût consacrée et obtint, en conséquence, un prix français.
Jusque là, tout paraissait dans l’ordre des choses, sauf qu’une odeur aux relents scandaleux commençait à se dégager et que je vais tâcher de mettre à nu.

Comme j’étais, entre 1992 et 2002, complètement absorbé par la préparation du doctorat, je détournai, volontairement, mon esprit de tout ce qui pouvait perturber ma concentration. J’avais soupçonné, à travers le peu de chose que j’avais appris sur le travail de la dite "chercheuse" que celui-ci avait l’aspect du déjà-vu et manquant d’originalité. Mais j’avais pensé, naïvement, qu’elle avait, certainement, apporté quelques pierres à l’édifice que nous étions entrain de construire.

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Cependant, un concours de circonstances alla me permettre d’être à la fois témoin et victime du flagrant délit lorsque je fus choisi comme membre du comité scientifique à débattre avec la "chercheuse" ses travaux postérieurs à sa thèse afin d’obtenir le certificat d’habilitation.
Cette occasion me permit de mieux prendre connaissance de la plupart de ses articles et de ses interventions aux colloques et revues hors du Pays. Je me trouvais, sans équivoque, en présence de la version française de mon propre travail arrangé différemment – pour camoufler l’usurpation – et parsemé d’erreurs historiques criards, tellement "l’auteur" fût prisonnier de "son sujet" de prédilection (Salé et ses corsaires (1666-1727) .
C’est alors que je décidai de lire, intégralement, ce travail dans le but de classer les à priori.

Personne ne pourrait imaginer le degré d’abattement qui m’envahissait en parcourant des paragraphes, voire des chapitres entiers, fruit d’un travail acharné, réalisé dix ans auparavant, usurpé par une autre personne qui n’éprouva guère ni gêne ni remords à se l’approprier.
Je passai, ensuite, à "sa thèse" en espérant trouver une explication concernant le choix du sujet, le mépris manifesté à l’égard de l’effort déployé par d’autres, ainsi que l’origine de cette arrogance que "la chercheuse" manifestait en se déclarant une référence en la matière devant les chercheurs étrangers.

C’était à ce stade de la vérification que je pus m’arrêter sur l’immensité du forfait et de l’énormité de l’offense. Le piratage s’opérait de manière soutenue de façon délivrée. Tel un vrai pirate, "la chercheuse" ne se contenta pas de prendre possession du bateau de mes idées, mais elle se chargea de me jeter par-dessus bord vers les mers de l’inconnu afin de gommer les traces de son crime. Elle dressa, par la suite, son pavillon sur le bateau de la recherche scientifique relative au domaine maritime et se mit à se délecter du butin amassé comprenant tous les documents et les sources d’information qui m’avaient coûtés beaucoup de peines et de souffrances, particulièrement Les Sources Inédites de l’Histoire du Maroc.

Ainsi, pour donner une illustration de l’abattage dont je fus l’objet, "la chercheuse" mena la charge dés l’introduction de sa thèse en prétendant que mon travail cité dessus n’avait approché la période de Moulay Ismaïl que de "manière timide" et qu’il était limité à la période de l’apogée du Jihad Maritime, c'est-à-dire, jusqu’aux abords de 1640 ; alors qu’en fait, ma dite thèse avait, au contraire, couvert tout le XVIIe siècle comprenant la période qui vit le règne du fameux Sultan jusqu’à l’échec en 1699 de la mission diplomatique en France d’Abdellah Ben Aïcha.

En remettant les choses à leur place, cela constituait la preuve irréfutable, que notre "éminente chercheuse" s’était basée, pour le moins, sur la partie de mon étude couvrant la période indiquée, époque durant laquelle la flottille de Moulay Ismaïl luttait pour sa survie et après laquelle aucune opération maritime intéressante ne fût enregistrée jusqu’au l’avènement de Sidi Mohammed Ben Abdellah dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle.

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Au contraire, c’est Mme Maziane qui avait débordé le cadre limité de son sujet pour envahir toute la période du XVIIe siècle étudiée dans ma thèse, sans quoi, le volume de son travail aurait été dérisoire. Cependant, elle ne pouvait pas y parvenir sans s’adosser entièrement sur 14 de mes 16 chapitres. Autrement dit, sa "thèse" fut, globalement, une copie réaménagée de la mienne.

Si toutefois, il est admis que des chercheurs puissent avoir recours aux travaux de ceux qui les ont précédés, il est, cependant, inadmissible, voire suspect, qu’ils empruntent le même cheminement, qu’ils utilisent les mêmes procédés analytiques et qu’ils aboutissent aux mêmes conclusions, sans rien ajouter, sans, pour autant, citer les sources ni rendre le mérite aux ayants droits.

Et dans un souci d’étayer les accusations, je vais présenter une comparaison entre le contenu de mon œuvre et celui de l’exercice de "la chercheuse" ; cette comparaison, à elle seule, est en mesure de révéler l’étendue du forfait perpétré que toute personne disposant d’un brin de discernement pourrait saisir aisément.

Al jihad al bahri bi massab Abi Raqraq khilal al qarn assabia achar
Hassan Amili (1989)

Les Corsaires de Salé  (1666-1727)
Leïla Maziane (1999)

1-3 : Problématique du jihad maritime Ch 1: Pirate, Kursan, Moujahid
1-4 : Le jihad maritime en Atlantique    Les Marocains et la mer
1-1 : Particularités de la région    L’espace régréguien
1-2 : Peuplement de la région
2-1/2 : Structures financières et humaines
4-1/3 : Classes sociales  L’apport des Morisques, et Renégats
3-1 : Epoque Saadienne
3-2 : Epoque du Diwan
3-3 : Epoque Dilaïte  La désagrégation politique
1-1/3 : Evolution historique de la région Ch 2 : Origine de Salé le Neuf
1-2 : Peuplement de la région
3-1 : Epoque Saadienne   Arrivée des Hornacheros
3-4 : Epoque Alaouite    Salé Alaouite
1-1/3 : Evolution historique de la région
4-1/2 : Urbanisme de la région    La Qasba, Le système défensif et la Medina
1-1/1 : Particularité de l’embouchure et du port  Le Port
1-2 : Peuplement de la région
2-1/2 : Structures financières et humaines
4-1/3 : Classes sociales  Ch 3 : La population urbaine : Morisques, Maures, Renégats
1-2 : Peuplement de la région
3-1/1 : Epoque Saadienne
3-2/1 : Epoque du Diwan
3-3/1 ; Epoque Dilaïte
3-4/1 : Epoque Alaouite
4-1/3 : Classes sociales Nombre des Hommes
2-2 : Industrie et matière navale  Ch 4 : Les Navires
2-1 : Structures financières et humaines  Armement des navires
2-3 : la vie professionnelle des Raïs   Ch 5 : Ports refuges
2-1 : Structures financières et humaines
2-3 : la vie professionnelle des Raïs
Annexe des Raïs   Ch 6 : Moyens humains de la course
2-1 : Structures financières et humaines
2-3 : la vie professionnelle des Raïs
2-4 : Bilan économique du jihad Ch 7 : Opérations corsaires et résultats économiques et répartitions
2-3 : la vie professionnelle des Raïs
3-1/3 : Répressions européennes
3-2/3 : Contre-attaques européennes
3-3/3 : Course et contre course
3-4/3 : Acharnement Européen  Ch 8 : Course et contre course
2-1 : Structures financières et humaines
2-4 : Bilan économique du jihad
3-1/2 : Epoque Saadienne
3-2/2 : Epoque du Diwan
3-3/2 ; Epoque Dilaïte
3-4/2 : Epoque Alaouite
4-2/3 : Relations commercilaes    Ch 9 : Bilan économique de la course
2-1 : Structures financières et humaines
2-4/3 : Commerce des captifs
3-1/2 : Epoque Saadienne
3-2/2 : Epoque du Diwan
3-3/2 ; Epoque Dilaïte
3-4/2 : Epoque Alaouite
4-1/3 : Classes sociales   Ch 10 : Les captifs

Je tiens à préciser que ce qui me dérange beaucoup plus que l’acte de piraterie commis, c’est surtout le degré d’impertinence et d’arrogance qu’un apprenti-chercheur puisse afficher à chaque rencontre, lorsqu’il stigmatise le plagiat pratiqué à une grande échelle par des auteurs qui écrivent dans des langues étrangères à l’encontre de ceux qui écrivent en arabe, alors que lui-même en fait partie ; et je profite de cette occasion pour dire à notre "chercheuse" qu’elle jouit du butin spolié et de la consécration non méritée qui s’en suivie.

Néanmoins, je m’accroche, sans relâche, à ce qu’elle me restitue mon sujet, car il est le creuset dans lequel je puise la fierté d’appartenir à une école initiée par mon Maître et celui de toute une génération, en l’occurrence Feu Si Mohammed Hajji, qui nous a décerné un PRIX SPÉCIAL, fruit d’une formation crédible exempte de toute forme de délinquance intellectuelle et de concession sordide et qui nous a inculqué comment préserver les valeurs de l’honnêteté, de l’humilité et de la patience.

Rabat, le 7 Juin 2010
Dr. Hassan Amili

- à consulter le journal marocain Libération N° 5974 du 9/6/2010 p6 sur le site www.libe.ma

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réponse

Leila Maziane riposte aux accusations de Hassan Amili

Rendre compte de ce que la recherche avait obtenu auparavant n'est pas du plagiat
Libération (Maroc), 09 juillet 2010

Dans une lettre ouverte publiée le 9 juin 2010 dans ce même quotidien, Hassan Amili, professeur à l'Université Hassan II Mohamedia/Casablanca, a porté contre moi une des plus graves attaques pour un universitaire et chercheur, à savoir l'accusation de plagiat et de malhonnêteté scientifique : j'aurais en effet plagié son DES sa thèse pour faire ma thèse la mienne et ce sans le citer.

Ceci appelle de ma part réponses et précisions pour que l'opinion universitaire nationale et internationale, que voulait éclairer M. Amili, le soit aussi par moi. Un point de chronologie En 1989, Hassan Amili a soutenu un mémoire (de DES) Le jihad maritime à l'embouchure du Bou-Regreg au XVIIe siècle, en langue arabe, dactylographié) à la FLSH de Rabat-Agdal en 411 pages dont 373 de texte. En 1999, j'ai soutenu pour ma part ma thèse intitulée : Salé et ses corsaires (1666-1727) à l'Université de Caen en 540 pages dont 483 pages de texte. En 2002, Hassan Amili a soutenu une thèse de doctorat en histoire sous le titre : Les Marocains et l'espace maritime au XVIIe et XVIIIe siècles, à la FLSH de Mohammedia faisant 406 pages (en arabe non publiée).

En 2006, il a édité un livre portant le même titre que son mémoire de DES, à savoir Le jihad maritime…, de 357 pages, dont 351 de texte. En 2007, j'ai publié à mon tour un livre intitulé "Salé et ses corsaires (1666-1727), un port de course marocain au XVIIe siècle" qui est le texte de ma thèse en 361 pages, dont 306 pages de texte et qui a été élu meilleur livre de mer en France en 2008 et a reçu le prix Corderie Royale/Hermione. Un prix qui couronne chaque année un livre ouvrant avec talent et originalité sur "les mondes de la mer". L'accusation de Hassan Amili est celle de plagiat de son mémoire de DES de 1989, qui est le texte édité en 2006 avec quelques arrangements. Deux remarques avant de continuer : Certes, deux travaux qui traitent d'un sujet proche et malgré le décalage chronologique des deux recherches, ne peuvent pas être entièrement étanches surtout si une partie de la documentation est la même. Dans ce cas particulier par exemple, l'un comme l'autre, avons dû faire appel à Roger Coindreau pour essayer de le dépasser. Une utilisation scientifique, comme rendre compte de ce que la recherche avait obtenu auparavant, n'est pas du plagiat.

Un sujet, fusse-t-il abordé et sa teneur renouvelée, enrichie et ses problématiques d'approche modifiées, par une nouvelle documentation, n'est nullement un plagiat. Par ailleurs, les sources et les documents sont un bien public ouvert à tous les chercheurs et ne sont en aucun cas la propriété de quelqu'un. Prétendre que les Sources Inédites de l'Histoire du Maroc (SIHM) seraient la découverte d'un chercheur n'a aucun sens. Par contre, l'indigence d'une bibliographie dans une thèse est, à notre sens, plus grave et significative de la valeur du travail accompli. Par ailleurs et avant de reprendre la réponse aux accusations proférées contre moi, je voudrais relever une différence fondamentale dans les deux travaux. Le sien faisant de la course une guerre sainte (un jihad) et nous, considérant la course comme une activité économique, un commerce de temps de guerre. Bâtir un raisonnement sur l'une de ces idées ne peut en aucun cas se confondre avec l'autre démarche.

 

les corpus documentaires

Un regard sur les deux corpus documentaires Le corpus utilisé par Hassan Amili est très limité. Il est puisé dans les sources arabes classiques : 8 au total, contre 43 dans la mienne. Les sources européennes imprimées qu'il a exploitées sont au nombre de 3 au total contre 109, dans mon travail, en sus des SIHM qui sont, certes, une mine inestimable de documents sur l'histoire du Maroc même si, comme l'a écrit Hassan Amili lui-même (p. 10), il n'en a exploité que les tomes parus jusqu'en 1953. Autrement dit, il n'en a exploité qu'une partie infime puisqu'il s'arrête à 1699. En effet, la série française est la plus complète puisqu'elle va jusqu'en 1736, elle est la seule à couvrir directement la période étudiée. Dans le cas du travail de Hassan Amili, centré sur le XVIIe siècle, il n'en a exploité qu'une partie. Les séries de l'Espagne, du Portugal, de l'Angleterre et des Pays-Bas sont incomplètes puisqu'elles s'arrêtent respectivement en 1560 pour l'Espagne, en 1525 pour le Portugal et en 1660 pour l'Angleterre et les Pays-Bas. Il est vrai que cette collection des SIHM est une pièce importante pour écrire sur le Salé corsaire, mais à elle seule, elle ne peut évidemment pas répondre à toutes les questions que pose l'activité corsaire salétine, notamment pour la deuxième moitié du XVIIe siècle et début XVIIIe siècle.

Néanmoins, certaines notes infrapaginales accompagnant les documents renvoient à d'autres documents qui hélas n'ont pas été publiés mais sont restés dans les dépôts d'archives et bibliothèques françaises, espagnoles, hollandaises, anglaises, etc. et qu'il fallait dépouiller. Ces fonds sont évidemment aussi dispersés que le sont les cibles des corsaires de Salé. Or, le métier de l'historien consiste à localiser les fonds où qu'ils soient, à les interpréter en faisant appel à des approches nouvelles, prosopographique, anthropologique, quantitative, pour pourvoir déceler les mécanismes et les structures profondes de la course salétine. Il fallait par conséquent quantifier, établir des séries sur la longue durée et périodiser pour pouvoir comprendre comment le mythe de la course salétine s'est construit au XVIIe siècle puis entretenu jusqu'au milieu du XIXe siècle.

 

les sources exploitées

Sur le plan des sources exploitées, le travail de Hassan Amili est hélas décevant. Il n'a à son actif aucune visite d'aucun dépôt d'archives en Europe. Les historiens le savent, les sources marocaines n'éveillent que des idées peu précises sur le monde maritime et encore moins sur la course au XVIIe siècle. Les premiers documents retrouvés sur le sujet datent seulement de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Donc, le recours aux archives européennes s'impose, chose que l'auteur du Jihad maritime a négligé de faire, se contentant d'un corpus limité à une partie des SIHM déjà publiée et exploitée par Coindreau et à une bibliographie défaillante (65 références contre près de 800 références dans mon travail soutenu et publié). Cette bibliographie, dépassée même en 1989 et dont beaucoup de titres sont devenus obsolètes n'est de surcroît accompagnée d'aucune note critique. Par le biais de nombreuses bourses de recherche (la Casa de Velázquez à Madrid et l'école française de Rome, etc.), je suis partie à la recherche de cette histoire mal connue et nous avons pu dépouiller des documents d'archives par milliers.

La connaissance des langues étrangères, espagnol, portugais, français, etc. m'a amplement facilité l'exploitation des sources mentionnées. De La Haye à Rabat/Salé, en passant par Paris, Nantes, Marseille, Barcelone, Simancas, Madrid, Alcala de Henares, Rome, Genova, Lisbonne et Tanger, etc, la moisson a été surabondante. J'ai d'ailleurs consacré un chapitre détaillé composé de plus de 50 pages (p. 10-61 de la thèse) à la typologie des sources exploitées, complétées par une abondante bibliographie de 40 pages. Retour aux deux textes Une recherche sur les corsaires de Salé, après les travaux de R. Coindreau, H. de Castries et J. Caillé ou encore ceux de Sanchez Perez (publié en 1964), G. Gozalbes Busto (publié en 1973 que l'auteur n'a pas exploité) et B. Bahrami, quelle que soit la période chronologique ciblée, ne peut se faire que dans deux directions : soit poser une problématique nouvelle, soit apporter plus d'informations avec une nouvelle documentation et une autre approche. Quelle soit la position de la recherche, elle doit faire l'état de la question et tenir compte des travaux de base déjà signalés. Toute la question est là dans un premier temps. Comment Hassan Amili, qui a fait son travail en 1989 et édité presque mot pour mot en 2006 a-t-il pu le faire sans aucune réactualisation ? A-t-il rendu compte des travaux qui l'ont précédé ? Quel a été son apport ? Comment ai-je rendu compte de ce premier corpus et du travail de Hassan Amili et quel a été mon propre apport ?

Cette réponse n'a de sens que si est pris en compte tout le corpus comme on a vu plus haut et comme il apparaîtra plus loin. Je voudrais rappeler que le mot plagiat a un sens particulier, celui de reproduire in extenso le travail de quelqu'un d'autre sans le citer. Or, dans les travaux de recherche, ce qui est important, c'est l'apport de chacun, sa capacité de dépasser ce qui a été fait sur un sujet. Les travaux qui se succèdent sur un sujet donné trouvent généralement leur justification dans l'importance du fait lui-même ou du phénomène et de la signification qu'il pourrait avoir dans un contexte socio-culturel donné ; on peut ainsi trouver plusieurs travaux sur un même thème étant donné l'importance qu'on donne à ce phénomène (exemple les travaux sur le makhzen au Maroc. Si on applique à ces travaux la notion de plagiat dès qu'un travail rend compte ou aborde de la même manière un sujet comme un autre chercheur, il faudra les éliminer). Ce qui est important, c'est l'apport de chacun, sa capacité de dépasser ce qui a été fait auparavant sur un sujet.

 

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les travaux de Coindreau

À ce propos, une question se pose : comment Hassan Amili a-t-il utilisé et rendu compte des travaux de Coindreau [Roger Coindreau, 1891-1964, officier de Marine puis directeur du port de Kénitra-Mehdia et directeur de la Société des ports marocains de Rabat-Salé-Kénitra-Mehdia en 1931, auteurs de plusieurs ouvrages, correspondant de l'Académie des sciences d'Outre-mer... source] ? Qu'il relise ce texte et qu'il relise ses propres chapitres sur l'organisation de l'armement corsaire, le matériel nautique, les campagnes corsaires, la répartition du butin corsaire pour mesurer le degré de ce qu'il considère comme un travail colossal "fruit de dix années d'efforts". Ces chapitres sont une arabisation de ce que Coindreau a écrit quarante ans plutôt. La reformulation emphatique pourrait faire illusion d'un apport surtout en truffant le texte du mot magique de Jihad, mais cela ne trompe pas un chercheur avisé bilingue. Plagiat ou forte imprégnation?? Le passage d'une langue à l'autre laisse une marge au doute.

L'originalité du travail de Hassan Amili ? Le mot clé de son travail est le jihad, qu'il utilise à la place de la course dans d'autres travaux. C'est son choix et il en a parfaitement le droit. Mais pour un travail de recherche, il fallait une justification, car le mot est chargé de sens dans la langue arabe et dans une société musulmane. Rappelons-le. Le jihad est un effort dans la voie de Dieu qu'il prenne une forme guerrière ou pacifique. À aucun moment, et malgré ses efforts, l'auteur n'a pu lier d'une manière convaincante course et jihad. De fait, il n'existe aucun rapport entre le jihad mené contre les présides portugais et espagnols aux XVIe et XVIIe siècles et l'activité corsaire sur mer. Il n'est d'ailleurs pas le seul historien musulman à faire la confusion, volontaire ou par conviction. À aucun moment, ne se perçoit tout au long de son travail une réelle osmose entre les actes de course et un combat dans la voie de Dieu.

Il ne suffit pas d'utiliser le terme de guerre sainte ou de revanche religieuse des Morisques pour que la course soit un jihad et ce jihad étant un fardh, c'est-à-dire une obligation (p. 87). Le fait que les sociétés musulmanes au XVIIe siècle rapportent tout à une explication ou un lien avec la religion est tout ce qu'il y a de plus naturel, mais considérer la course comme un jihad est peu crédible. Le véritable sens de la course tout court semble échapper à l'auteur du Jihad. C'est une rapine sur mer, une activité fondamentalement liée au commerce qu'il soit marginal ou régulier ; sans commerce pas de course et pas de course sans objectif commercial. La justification religieuse est le seul élément original de la thèse de l'auteur qui voulait ainsi se démarquer d'une certaine conception occidentale ancienne ou plus récente sur la course. Il a pratiqué al ijtihad, mais il n'a pas convaincu (lam youssib). C'est le sort de nombreux travaux universitaires. L'intention était louable mais le résultat peu convaincant.

Deux points pour illustrer notre propos : 1er point : dans son chapitre consacré à la définition du jihad maritime, l'auteur, qui a voulu faire une synthèse sur l'histoire de la course méditerranéenne et européenne, utilise deux "Que sais-je ?", de bonne facture certes, Hubac et Monlaü mais sans revenir au principal travail sur la question et qui les a inspirés, à savoir le fameux chapitre de F. Braudel sur la guerre de course, ni même aux travaux de M. Fontenay ou de S. Bono ou encore de C. Manca et bien d'autres (les actes du colloque de la commission internationale de San Francisco sur la Course publiés en 1975, les travaux de J. Bromley, P. Villiers, etc.).
Comment peut-on innover, poser de nouvelles problématiques sans suivre l'évolution de la recherche de son temps ? Le résultat se trouve à la page 51 du livre : une vue manichéenne et une catégorisation naïve de l'activité corsaire et de ses hommes. Plus loin, et avant d'étudier les résultats économiques de la course, Hassan Amili écrit "que le commerce est le grand perdant face au développement de la course" alors que quelques pages plus loin (p. 174) il écrit que : "le jihad (entendons la course) attire le commerce". En fait, l'auteur fait une compilation arabisée de quelques travaux, qui demeure indigente en termes d'apport à la compréhension du phénomène de la course ou de son rapport avec l'histoire du Maroc.

2e point : l'auteur consacre une dizaine de pages au commerce des captifs de la course.

 

rachat des captifs et rançon

S'il y avait bien un aspect sur lequel s'interrogeaient les historiens concernant la course à la fin des années 1980 avec la rentabilité de ce secteur, c'était bien le problème du rachat des captifs et de la rançon. Comme référence utilisée pour traiter ce chapitre important en plus d'une partie des SIHM, 6 titres dont de Castries (1902), nos 2 "Que sais-je ?" en plus du Penz (1944) et du Gosse (traduit de l'anglais et publié en 1933). De nouveau, une compilation arabisée sans aucune réflexion sur la question, sans aucune statistique, en un mot sans comprendre que c'est la clef du commerce de course peut-être plus que les fournitures militaires, et le démontrer, sources et statistiques à l'appui, sans se contenter de phrases générales, "le moujahid considérait le rachat des captifs comme un élément important de la rentabilité des activités du jihad" (p.183) ou encore p. 196 "en général les gains énormes engendrés par le jihad maritime concernant la vente des prises ou bien la rançon des captifs… couvrent les besoins de la ville". C'est le genre d'affirmation qui n'a aucun sens car ne s'appuyant sur rien de concret, sinon des affirmations gratuites non démontrées. Revenons à ce que Hassan Amili nous reproche : Une des justifications de ce travail de thèse que nous avions choisi était de rouvrir plusieurs dossiers déjà ouverts par les chercheurs jusqu'au début des années 1990. Les chercheurs ne renouvelaient pas leurs problématiques, s'intéressaient surtout à l'âge d'or de la course salétine (première moitié du XVIIe siècle) et n'avaient pas mis à profit toute une série de questionnements et une documentation européenne abondante et fort utile pour faire avancer notre connaissance du phénomène de la course à partir de l'exemple de Salé. Un regard sur le corpus documentaire utilisé ainsi que la bibliographie mobilisée peuvent le confirmer.

De fait, comme signalé au début, l'étude de De Castries Caillé a presque figé le sujet dans les problèmes abordés. Hassan Amili a déjà rencontré le même problème et moi aussi, d'où ce plan qu'il considère comme sien. Mais, s'il s'était donné la peine de lire attentivement le contenu, il aurait compris que nous n'avions pas besoin de le plagier puisqu'une lecture plus attentive aurait suffit pour comprendre qu'il nous suffisait de nous référer à Coindreau pour avoir l'impression de nous inspirer de M. Amili. Sauf que mon texte qui a suivi une logique de développement des idées, a apporté à chaque fois un plus à la question dont nous ne trouvons pas trace dans le texte de Hassan Amili et pour cause, nous n'avons pas écrit les mêmes choses.

 

la définition de la course

Quel est le rapport entre ma définition de la course (en page 28 de notre travail publié) et celle de Amili ? Aucun : "La course barbaresque est une activité ambivalente, à la charnière de l'économique, du religieux et du politico-militaire. Dans sa finalité, au moins quand il s'agit des Salétins, pour les armateurs qui y investissent leurs capitaux, il s'agit bien d'une forme de spéculation marchande ayant pour objectif le profit résultant de la vente du butin saisi sur l'ennemi européen chrétien. Il n'y a que l'espoir du gain qui a engagé les armateurs estrêmègnes, fraîchement installés sur les bords du Bou-Regreg, à courir sus aux navires marchands espagnols.

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l'embouchure du Bou-Regreg

Un acharnement qu'expliquent l'ampleur de leurs rancunes et leur désir de récupérer, de quelque manière que soit, les biens abandonnés en Europe, ce qui leur était plus facile puisqu'ils parlaient la langue. Il est vrai qu'ils s'en prirent par la suite aux intérêts des autres nations maritimes européennes, car les profits n'en étaient que plus important, etc." (p. 73 de notre thèse soutenue en 1999 et p. 28 du travail publié en 2007). Le chapitre sur les captifs et le rachat des captifs qui clôt mon étude, montre toute la différence qu'il y a entre son texte (10 pages du texte dactylographié 177-187) et le notre (53 pages de 427-480 du travail soutenu), puisqu'il est fait à base d'une documentation en grande partie nouvellement exploitée qui se traduit par le dépouillement de milliers de documents avec une étude qualitative et quantitative sur la démographie des captifs, leur évolution, leur répartition géographique, la durée de leur captivité, l'évolution de la mortalité selon leur provenance, leur profil social, les mécanismes de leurs rachats, l'évolution du prix des rançons, les noms des propriétaires, et enfin l'appareil symbolique déployé lors des délivrances des captifs.

Je peux faire le même constat pour les chapitres sur les moyens matériels et humains de la course, l'équipage des navires ou encore le bilan économique puisque la course est devenue un puissant facteur d'animation de la place salétine, où une société entière se définit à partir de cette activité dominante dont les intérêts pénètrent jusque dans les catégories les plus modestes. Aussi l'importance de la course déborde-t-elle largement le cadre de cette cité atlantique et explique en partie l'attraction démographique qu'elle exerce jusque dans les montagnes de l'Atlas qui fournissent non seulement le bois nécessaire à la construction navale, mais aussi les hommes, ce qui a permis le renouvellement constant des forces du milieu corsaire. Toute étude sur une ville portuaire impose le retour à ces problématiques.

 

le rapport des Marocains à la mer

Un point également très important car il remet en cause la question du rapport des Marocains à la mer. J'ai démontré que dès la seconde moitié du XVIIe siècle et au cours du XVIII siècle, le Maroc commence à produire ses propres marins. On assiste bel et bien à une "?marocanisation?" progressive des emplois à la mer. Je pense avoir écrit des pages très neuves à partir de nouvelles trouvailles archivistiques. Désormais, les Salétins sortent de l'anonymat et entrent de nouveau dans l'histoire. Ils ont des noms (voir les images jointes)?: Ali Yedder El Massi, Et taleb Mohamed El Massi, Abd el Aziz el Jazuli, Moussa Hammach, Brahim Amzil. Au hasard des dépouillements, d'autres noms surgissent comme ce Ahmed Ben Ahmed, originaire de Fès et qui fut capturé en 1660 à l'âge de 28 ans, ou Bou Jem'a Ben Mhammed, pris en 1707 par un vaisseau français et mort à l'hôpital des galères de Marseille. Idem pour les Raïs, ces acteurs décisifs de l'entreprise corsaire, et qui, grâce à l'apport archivistique européen et à l'approche prosopographique nous permettent de reconstituer leurs micro-portraits.

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Un dernier exemple de mon apport : le fameux corsaire-ambassadeur Abdallah Ben Aïcha. Selon Coindreau, la dernière campagne du salétin aurait eu lieu en 1698, c'est-à-dire un an avant l'ambassade qu'il a conduite à la cour de Versailles, ce qui, grâce au minutieux travail de dépouillement, d'archives que nous avons effectué à La Haye, s'est avéré inexact. En effet, d'après les sources hollandaises, il reprend la mer en juillet 1711 en compagnie de son fils et de 4 autres officiers et se font capturer dans les eaux portugaises par les corsaires hollandais à bord du "Witte Paard" ou "Cheval blanc", un navire de 36 canons et de 240 hommes d'équipage. Pour libérer son amiral et les autres "Maures" emprisonnés à Lisbonne, le Sultan Moulay Ismaêl va jusqu'à la remise de tous les sujets hollandais en captivité au Maroc. Sa libération se produit le 4 juin 1712 et il meurt un an plus tard, le 23 juin 1713 à l'âge de 66 ans, sans avoir pu obtenir la restitution de son navire, le "Cheval blanc". Il occupait alors le poste d'Amiral de Salé.

J'invite instamment mes collègues et amis qui se sont interrogés sur le bien-fondé de ce pamphlet à lire les textes et les bibliographies des deux travaux soutenus, objets du "scandale" et non seulement les textes publiés, en gardant en tête l'apport incontournable de R. Coindreau, et à le comparer à notre perspective et nos apports. Ils verront qu'au delà de similitudes partielles dans les plans généraux, il s'agit réellement de deux textes différents et de deux thèses différentes et que le plagiat, dont parle l'auteur du jihad, est un ijtihad qui a échoué. Au lieu de revendiquer ce qui ne lui appartient pas, Hassan Amili devrait consacrer son énergie à mettre à jours ses travaux.

Leïla Maziane
Université Hassan II Mohammedia/Casablanca

 

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14 juin 2011

Adhémar Leclère au Cambodge

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l'oeuvre ethnographique d'Adhémar Leclère

sur le Cambodge

 

Grégory Mikaelian, Un partageux au Cambodge: biographie d’Adhémard Leclère suivie de l’inventaire du Fonds Adhémard Leclère, Paris, Association Péninsule, Les Cahiers de Péninsule n°12, 2011, 474 p. ISBN: 978-2-7466-2985-1, 18 €

Auteur prolixe natif d’Alençon, Adhémard Leclère (1853-1917) est surtout connu pour sa contribution à la connaissance de la société khmère, qu’il côtoya pendant plus d’une vingtaine d’années de 1886 à 1910, comme administrateur colonial.

Si son œuvre ethnographique est encore aujourd’hui nécessaire aux spécialistes du Cambodge, c’est, certes, parce qu’elle est fondée sur une masse documentaire de première main aujourd’hui conservée à la Médiathèque d’Alençon (circa 17.000 feuillets), mais aussi parce que ce Normand trempa sa plume dans une encre singulière : formé par l’aristocratie ouvrière de la typographie parisienne, il fut un des journalistes porte-plumes de la tendance possibiliste du socialisme français avant de passer au radicalisme de Clemenceau qui le fit nommer résident provincial dans le Protectorat du Cambodge en 1886.

Habité par le messianisme républicain, il crut dans l’avènement de progrès sociaux qu’une description pointilliste des realia devait contribuer à faire advenir en identifiant les archaïsmes de la tradition khmère, pour mieux les éradiquer. Graphomane impénitent, il fit paradoxalement œuvre conservatoire en décrivant par le menu les mœurs et coutumes des Cambodgiens du temps jadis, aujourd’hui moribondes.

À la fois livre d’histoire et outil de travail, le volume s’ouvre en première partie sur un essai de reconstitution biographique de cet ancien héraut du collectivisme, vite et mal embourgeoisé ; suit en seconde partie l’inventaire détaillé du fonds qu’il a constitué, lequel comprend aussi bien des documents cambodgiens anciens (XVII-XIXe s.), des documents administratifs coloniaux, que ses propres papiers. À ces titres, il intéresse les praticiens des études khmères, l’histoire coloniale de l’Indochine, ainsi que l’histoire sociale du XIXe siècle français.

Chargé de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique, Grégory Mikaelian est membre du Centre Asie du Sud-Est (UMR 8170, CNRS / EHESS) où il est spécialiste d’histoire moderne de la péninsule indochinoise.

 

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11 janvier 2011

Les médecins français au Maroc, 1912-1956

 

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La vie quotidienne d'une assistante sociale

dans le Maroc du Protectorat (1950)

Marie-Claire MICOULEAU-SICAULT


Toujours sur le terrain, «une profession qui est aussi un apostolat.» C’est le titre un peu pompeux de l’enquête à propos des Assistantes Sociales en service musulman que le quotidien, Vigie Marocaine, avait publiée les 8, 9 et 10 janvier 1950.

Le chemin n’était pas semé de roses pour les jeunes Assistantes Sociales tout juste arrivées de France et fraîchement diplômées. Leur initiation marocaine allait se faire en deux temps. Six mois de stage à l’École des Hautes Études de Rabat où on leur inculquait des notions de langue arabe, de sociologie et d’ethnographie marocaines. Ensuite, quatre mois d’expérience directe dans les hôpitaux, les postes des Affaires Indigènes, les fermes européennes etc. Et puis, au travail !

Le travail, elles se doutaient bien qu’il leur faudrait persévérance et bonne humeur pour l’aborder, mais elles n’imaginaient sûrement pas quel acharnement elles devaient déployer pour le mener à bien. Surtout, elles ne pouvaient pas deviner de quel esprit d’initiative elles devraient faire preuve, inventant par elles-mêmes des méthodes, puisqu’elles jouaient le rôle de pionnières dans des structures encore balbutiantes.

Le «pas trouvé», excuse facile, n’existe pas pour la jeune Assistante Sociale qui doit non seulement aider matériellement des femmes et des enfants mais aussi quand il s’agit des nouvelles Médinas ou des nouveaux bidonvilles que l’industrialisation fait surgir, découvrir les causes d’un malaise collectif à la fois moral et physique. Fausses ou mauvaises adresses ne doivent pas la désarmer. Elle frappera à toutes les portes, obtiendra parfois le nom de l’employeur, s’adressera aux responsables des quartiers recueillera les indications précieuses qui lui permettront de se faire une idée de l’état de misère plus ou moins grand qui règne dans ces foyers déshérités.

Ce travail ressemblait parfois à des enquêtes, mais toujours pour le mieux-être des populations qui leur étaient confiées et toujours dans le respect des traditions. Les femmes musulmanes ne s’y trompaient pas, qui accueillaient toujours les visiteuses avec douceur et sympathie. Pénétrer au cœur de la misère, atteindre cette vérité sociale si difficile à approcher, sur quels points insérer l’action, il avait fallu des mois pour l’entrevoir et trouver les moyens discrets mais efficaces pour soulager les souffrances.

 

cet avant-poste de l'assistanat

Visitons avec la journaliste du Maroc Presse du 3/12/1949 le fameux Douar Doum situé à 4 kilomètres au Sud-Est de Rabat. Ce plateau, ainsi nommé à cause des palmiers nains (le doum) qui l’envahissaient, était «couvert de bicoques disparates, agglutinées dans une sorte de cité à la fois très étendue et très friable.» D’après l’Assistante Sociale en chef, environ 10.000 personnes habitaient ce douar, dont une population enfantine importante (environ 30%.) «Une des particularités de ce douar, écrit-elle dans son rapport à la Direction de la Santé, est son caractère familial : il est constitué presque uniquement de tribus venues du Sud, Agadir ou Marrakech qui depuis leur émigration, ont continué à vivre en tribus, à se marier entre individus d’une même tribu. Chez les Aït-Oussa et les Aït-Ahmed, les femmes conservent le costume bleu des femmes du Sud la coiffure très particulière, les bijoux berbères...»

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Rabat, infirmerie, ambulance coloniale

La journaliste, qui en 1949, visite ce douar en compagnie des pédiatres, raconte : «Des logements ayant souvent à peine hauteur d’homme, faits de planches, de bouts de tôle ou même de carton [...] L’attitude des habitants n’exprime pas l’accablement ou même la résignation, mais une calme acceptation... À l’orée de Douar Doum, se dresse une tente où nous pénétrons. Deux jeunes filles en blouses blanches soignent les bébés tandis que quelques mères, assises attendent silencieusement. Une grande propreté règne dans cet avant poste de l’assistance où les consultations se succèdent. Quand tombe le soir, les jeunes assistantes travaillent à la lueur d’une lampe à pétrole ou d’une bougie...»

Un rapport d’activité, décrit la population du Douar Doum comme la plus pauvre de Rabat les hommes y sont colporteurs, fleuristes, manoeuvres, «chaouchs» (plantons) à la Résidence. Les salaires ne dépassent pas 8.000 francs mensuels. (soit environ 800 francs actuels) Un seul point d’eau de douze robinets ; les femmes ne sortent pas du douar, elles s’occupent du ravitaillement en eau. Un poste de commandement, modeste baraque, abrite le Contrôleur Civil (fonctionnaire français) et le Khalifa du Pacha qui assurent conjointement l’administration du Douar. Une école foraine accueille environ 300 garçons et 100 filles. Mais beaucoup d’enfants traînent dans les ruelles, malgré la cantine et les onze écoles coraniques. Mortalité infantile énorme, les femmes vivent toujours comme leurs aïeules il y a des siècles.

C’est en Juillet 1949 qu’après plusieurs essais de consultations itinérantes, furent installées en bordure du douar deux tentes américaines, «embryon d’un futur centre de PMI.» Un pédiatre une fois par semaine, une sage-femme, et tous les jours une assistante sociale pour les soins aux enfants. Là aussi, un fichier devient une amorce d’état civil : 300 fiches d’enfants jusqu’à deux ans. Les consultations ne suffisent plus, des visites à domicile sont demandées par le médecin pour la surveillance à la maison de l’alimentation et de l’hygiène des nourrissons.

Des visites sont aussi demandées par la famille lors de la naissance d’un enfant, elles permettront de suivre le bébé dès sa venue au monde. Les Assistantes Sociales sont en plus chargées de liaison avec les dispensaires antituberculeux et anti-vénérien, cas douteux suivis ensuite par l’Assistante. Pendant le temps qui leur reste, (mais quand dorment-elles?) elles rencontrent le Khalifa et le Contrôleur Civil pour coordonner les actions, puis elles assurent la liaison avec l’école foraine qui signale ainsi les enfants déficients ou malades.

Avant d’avoir pu mettre en place cette sorte d’organisation somme toute compatible avec les moyens toujours augmentés mais jamais suffisants, il faut bien dire qu’elles «pataugeaient», s’adaptant au jour le jour et parfois désespérées. Une expérience, intéressante à plus d’un titre, nous est rapportée par Françoise Setin et Régine Gautier, Assistantes Sociales dès 1947 à Agadir. En 1947, les usines de conserves de sardines s’étaient développées considérablement à Agadir et le besoin de main d’œuvre s’y faisait pressant. Les directeurs des sardineries firent donc appel aux populations de la région de Goulimine et des environs de Mogador (Essaouira). Seules les femmes avaient le droit de travailler, les hommes se réservaient le privilège de rester au bled pour les travaux divers.

 

une "école des mères"

Ce furent des femmes bleues de Goulimine et des femmes des tribus chleues de Mogador qui arrivèrent en premier avec leurs enfants. Dans ce qu’on appela des «médinas d’usine», elles furent logées dans les fameuses tentes noires pointues, au milieu des collines de sables cernées d’euphorbes. Regroupées par tribus, elles se retrouvaient presque comme chez elles sous l’autorité d’un cheikh, toujours vêtues mais non voilées de leur haïk bleu. Si les étoffes ne déteignaient pas sur leur visage et sur leur corps, elles perdaient la «baraka»! (protection de la providence).

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femmes bleues de Goulimine (années 1970)

On imagine les difficultés des assistantes sociales, confrontées à ce teint bleuâtre, pour diagnostiquer une quelconque pathologie ! Elles ne désarmaient pas, ces jeunes assistantes, éblouies par «ces longues files de femmes magnifiques, au port de reines, qui rapportaient sur leur tête, pour leur dîner, à défaut d’amphores, des boites de sardines en fer blanc.»

Le service médico-social débuta en 1949 à Khiam-Battoir et en 1950 à Anza. Des tentes, puis des baraques abritaient une infirmerie, des consultations de nourrissons et une «école des mères» avec démonstrations alimentaires, garderies pour les enfants où les filles apprenaient ainsi à tricoter, à baigner les petits frères, à les nourrir du mieux possible. En 1954, des locaux neufs remplacèrent tentes et baraques et la Protection Maternelle et Infantile était désormais presque idéale. À la garderie, il suffisait qu’un des enfants frappe en cadence sur une cruche, «une guedra», et les petites se mettaient à genoux pour danser en ondulant leurs bras.. C’était si beau !

Mais les difficultés ne manquaient pas : certaines des nomades dans l’âme, se sauvaient de l’hôpital ou bien, orgueilleuses, elles ne supportaient pas une remontrance à propos de leur travail à l’usine. «Aussitôt, l’interpellée se levait sans un mot, et partait suivie de toutes les bleues de sa table sous l’œil ahuri du contremaître chleu.» Les histoires de maléfices, les serments à mort «à Sidi Saanoun» les «chikayas» (querelles) de toutes sortes, venaient empoisonner la vie quotidienne des pauvres assistantes.

D’ailleurs, les hommes chleuhs qui n’aimaient pas beaucoup les populations bleues répétaient le proverbe : «Qu’un homme de Mauritanie demande en mariage une femme là-bas, il ne demande pas comme chez nous si elle sait faire la cuisine et s’occuper de la maison, il demande seulement si elle sait bien. Plus tard, leurs maris se résignèrent à venir travailler. Impressionnés par les jolis bâtiments neufs de l’hôpital et par les Arabes et les Chleuhs, ils se taisaient mais gardaient leur sourire énigmatique et fier.

 

la toubiba...

La pauvre Assistante sentait que le ravissement des découvertes s’effaçait peu à peu, noyé par les difficultés du quotidien! Qu’importe, on était là pour travailler! Chaque région offrait aux jeunes assistantes un visage différent ; un douar du Sous n’avait rien à voir avec la Médina «Jdid» de Fez et le bidonville du Douar Doum était lui aussi bien différent des services sociaux de Casa.

On improvisait selon les besoins, on essayait une méthode, on testait... telle cette invention fabuleuse du «flanellographe» que connaissaient déjà bien les éducateurs sanitaires d’Afrique. Elle avait été imaginée en pays africain anglophone et diffusée par le Centre International de l’Enfance de Boulogne. Il s’agissait de dessins découpés dans de la flanelle que l’on punaisait au mur de «l’école des Mères», pour expliquer comment baigner un bébé, préparer un biberon, puis au fur et à mesure des progrès enregistrés, comment désinfecter les yeux des enfants. Les femmes musulmanes, nous l’avons dit, devaient être promues «prolongement de la Toubiba.»

Marceline Gabel, dont nous avons parlé, utilisa cet outil pédagogique fort efficace et qui plaisait aux mamans élèves. Colette Brémond, une Assistante Sociale qui parlait bien l’arabe dialectal, fut chargée de mettre en place une causerie hebdomadaire sur Radio-Maroc, où, répondant aux questions d’une jeune femme marocaine, elle prodiguait conseils pratiques et médicaux (comment préparer un biberon de la manière la plus stérile possible, que faire en cas de diarrhée d’un bébé, etc.).

Cette causerie eut beaucoup de succès auprès des Musulmanes qui, ne sortant pas, se réunissaient pour papoter l’après-midi autour du verre de thé à la menthe. Les questions les plus diverses étaient posées et les problèmes les plus insolites soulevés. Une sorte de chronique médicale, la «toubiba» de la radio était très écoutée. Des années plus tard, elle était devenue Assistante Sociale d’Entreprise en métropole, allant visiter un malade marocain hospitalisé à Paris, elle eut la surprise d’être ainsi accueillie. «Ah ! mais je reconnais ta voix, toi, tu étais la «toubiba» de la radio!».

Marie-Claire Micouleau-Sicault
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- sur Études Coloniales, le livre de Marie-Claire Micouleau-Sicault

 

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3 janvier 2011

De Gaulle et l'Algérie, 1958-1962

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"Je vous ai compris"

note de Maurice FAIVRE

 

Serge Moati, Je vous ai compris Docu-fiction de FR 2,  2 novembre 2010, suivi d’un documentaire de Hughes Nancy : De Gaulle et l’Algérie, le prix du pouvoir.

arton28607Malgré quelques erreurs et oublis historiques ce télé-film et le documentaire explicatif décrivent les moyens utilisés par le général de Gaulle, de 1958 à 1962, pour revenir au pouvoir et s’y maintenir (approbation de la menace para, basculement de l’armée, déstabilisation de l’Assemblée, crises exacerbées, déclarations ambiguës et contradictoires, racisme anti-arabe). Quatre ans plus tard, toutes les concessions sont faites au FLN ; l’abandon des harkis et le drame des pieds noirs en sont le prix.
Quelques documents intéressants éclairent cette histoire : le rapport Vitasse, la lettre de Gaulle à son fils ; le rôle de Neuwirt et de Delbecque est souligné.

Les justifications des historiens ne sont pas convaincantes. Benjamin Stora et Jean Daniel expliquent la décision gaulliste par l’isolement de la France, l’accession à la puissance nucléaire, l’absence d’élites musulmanes. Ils estiment que la solution associative, qui a échoué, était l’option prioritaire du général de Gaulle, mais ils n’observent pas que c’était aussi celle de Soustelle et de l’armée. Georges Fleury est le seul à avoir évoqué la fraternisation de mai 1958, que de Gaulle n’a pas su (ou pas voulu) exploiter. La volonté d’abandon des privilèges était alors réelle. Il est paradoxal d’observer que, sans l’orgueil du chef de l’État, les deux camps auraient pu s’entendre.

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Il y a en effet un contre-sens sur l’expression Algérie française : employée par les militaires, elle ne signifiait pas le maintien de l’Algérie de papa. Ce que l’armée est en train de faire en Algérie, observe Lacouture en 1958, ressemble à un travail révolutionnaire. Claude Paillat décrit les officiers comme des enfants de la Révolution française : on apporte la liberté, on va régénérer les gens... on va refaire une autre société que ces colonies un peu pourries. Hélie de Saint-Marc et le général Ely font le même constat.

Ces évènements sont décrits comme la pire des décolonisations. Le philosophe Paul Thibaud, ancien collaborateur de Vidal-Naquet, dénonce les prétentions morales de la gauche française et conclut que la guerre d'Algérie est un évènement tragiquement négatif, dont il faut rappeler les résultats : la dictature militaire en Algérie – la division des Français – l’échec de la grande politique (neutraliste) du général de Gaulle.

Maurice Faivre
le 4 novembre 2010


Erreurs et omissions : - le général Dulac à Colombey et non à Paris – pas de visite de Gaulle à Guy Mollet à Arrras – Salan n’est pas nommé Cdt en chef (il l’est déjà) mais DGGA – les chiffres des pertes sont surestimés ( 100 tués le 17 octobre 1961, et le 16 mars 1962, 800 disparus le 5 juillet Oran, 500.000 morts dont 27.000 soldats) – la manipulation du directeur politique François Coulet le 10 décembre 1960 ignorée – le revirement ultérieur de Delbecque.

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4 avril 2011

Sétif, Guelma, mai 1945 : nouvelle édition du livre de Roger Vétillard

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nouvelle édition du livre de Roger Vétillard

La seconde édition du livre de Roger Vétillard, Sétif, Guelma Mai 1945 Massacres en Algérie, est parue. Il s'agit d'une version entièrement revue avec plus de 450 modifications, 80 références bibliographiques nouvelles) et augmentée (610 pages en dépit de la suppression de 8 pages) et d'une rédaction plus concise  Deux éléments paraissent importants :

- ce livre révèle le nom du premier tué à Sétif le 8 mai 1945 qui est un européen et les indices et documents qui permettent d'arriver à cette conclusion

- il donne des indications inédites qui permettent, selon l'auteur, d'innocenter le préfet Lestrade-Carbonnel et qui accablent le sous-préfet Achiary à Guelma.

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* l'auteur interviewé sur le 8 mai 1945 en Algérie

* présentation_seconde_édition en pdf

 

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29 mars 2011

commissaire de police pendant la guerre d'Algérie

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Roger Le Doussal, policier, témoin,

acteur et historien en Algérie

Roger VÉTILLARD

 

Roger Le Doussal : Commissaire de Police en Algérie (1952–1962), Riveneuve éditions, Paris mars 2011, ISBN 978-2-36013-043-6.

Il s'agit d'un très gros ouvrage de 948 pages, passionnant, très documenté et qui en fait traite concomitamment de plusieurs sujets. C'est une chronique des dix dernières années de l'Algérie Française, du Sud au Nord, du bled aux grandes villes, du sable du Sahara aux bords de la Méditerranée, des pieds-noirs aux musulmans, de la police et de l'armée.

C'est aussi un récit d'histoire de la guerre d'Algérie, des politiques successives de la France en Algérie, des méfaits de l'ALN et de ceux de l'OAS. Ici les abondantes notes infra-paginales sont plus importantes que le texte. Avec ces annotations le témoin, l'acteur et l'historien se rejoignent.

Les effets favorables de l'arrivée au pouvoir en mai 1958 du général De Gaulle sont indéniables pendant deux ans : le FLN était en difficultés jusqu'en juin 1960. Et il est évident que le mois de mai 1958 fut le théâtre d'un phénomène collectif imprévu, une sorte de contagion de la confiance et que durant plusieurs mois dans les villes mais surtout dans les campagnes, une grande partie de l'opinion musulmane échappa au FLN.

Et à ceux qui disent aujourd'hui que les Français d'Algérie ont pris leurs désirs pour des réalités, il est rappelé que l'UNR fut fondée en vue des élections législatives de novembre 1958 "pour maintenir l'Algérie dans le cadre de la souveraineté française".

C'est enfin, le parcours d'un jeune policier métropolitain qui découvre à vingt-et-un ans un pays  auquel il s'attache, où il fonde une famille et s'y installe. Les rapports professionnels qu'il rédige constituent un véritable journal qu'il redécouvre cinquante ans plus tard parfois à sa grande surprise. C'est en effet celui d'un homme dont les présupposés idéologiques se heurtent aux réalités du terrain.

À travers ce récit, on découvre que les jeunes français d'Algérie à la fin des années cinquante vivent cette période de troubles avec une réelle insouciance ; ils s'accommodent des problèmes d'insécurité et n'imaginent pas un avenir loin de leur terre natale. Avec une plume alerte et agréable, le Commissaire Le Doussal - qui fut en 1989 directeur de l'Inspection Générale de la Police – confronte ses souvenirs personnels à des lectures récentes.

 

les erreurs de plusieurs historiens

Cela l'amène à relever les erreurs de plusieurs historiens. C'est vrai pour Hassen Derdour (1) dont l'auteur montre les insuffisances et les fausses-révélations, les inexactitudes et le manque d'objectivité, les manipulations des faits qu'il transforme en roman historique. C'est à propos de ces récits que l'auteur  écrit  que "si un jour, une commission mixte d'historiens français et algériens entreprend d'écrire une histoire commune de la guerre, elle devra commencer par la purger des allégations mensongères…".

C'est vrai pour Sylvie Thénault (2) qui ne voit que les côtés négatifs de l'activité de la justice française à cette période. C'est surtout vrai pour Jean-Pierre Peyroulou (3) dont les affirmations sur la police en Algérie sont contredites, preuves à l'appui. C'est encore le sort réservé à son collègue policier Jacques Delarue (4) dont Roger Le Doussal  relève le parti-pris. Il est impossible en quelques lignes de résumer une telle somme, d'en montrer tous les intérêts et de citer toutes les révélations, réflexions et analyses. Il faut en souligner la rigueur du raisonnement, l'objectivité indéniable et la richesse des sources.

Mais au fil des pages on y découvre des informations inédites. L'auteur a participé en février 1955 à l'interrogatoire de Mostefa Ben Boulaïd  responsable de la Zone I (Aurès). Le compte-rendu qu'il en livre mérite d'être connu. Robert Lacoste aurait basculé dans la guerre à outrance contre le FLN après l'embuscade de Palestro le 18 mai 1956, un peu comme Jacques Soustelle l'a fait après le 20 août 1955. C'est l'erreur des gouvernements français d'avoir pensé en laïcs les motifs profonds de la rébellion musulmane, c'est-à-dire d'avoir sous-estimé son moteur religieux. On retrouve un aspect souvent tu de cette guerre d'Algérie, celui qui opposa le MNA et le FLN.


anecdotes oubliées

On relève quelques remarques frappées au coin du bon sens : ainsi il faut une certaine dose d'audace à certains ex-FLN qui dénoncent aujourd'hui le manque de reconnaissance de la France envers ses tirailleurs algériens anciens combattants alors que l'ALN les a méthodiquement massacrés pendant 7 ans. Ou encore pourquoi le non de la Guinée au référendum de septembre 1958 est-il considéré comme définitif alors que le oui de l'Algérie ne l'est pas ?

On apprend des anecdotes oubliées comme le refus que le colonel Ahmed Rafa opposa au général De Gaulle en 1962 qui lui demandait de prendre le commandement de la force locale prévue par les accords d'Évian. Le futur premier général musulman français choisit la France et non l'Algérie du FLN.

Enfin au passage l'auteur rappelle  que la guerre d'Algérie, du fait du FLN a fait plus de 20 000 morts, 13 000 blessés et 13 000 disparus parmi les civils musulmans, ce qui prouve que cette faction ne représentait pas loin s'en faut tous les musulmans du pays. Avec ce livre les chercheurs, les historiens, les curieux de l'histoire de l'Algérie disposent désormais d'un outil irremplaçable et original. Ne pas l'utiliser et ne pas le lire seraient une erreur pour qui veut mieux connaître ces événements.

Roger VÉTILLARD 



1 - Hassan Derdour, Annaba, 25 siècles de vie quotidienne et de luttes, SNED éd. Alger  1983, Tome 2.
2 - Sylvie Thénault, Une drôle de Justice, La Découverte éd. Paris 2004.
3 - Jean-Pierre Peyroulou, "Rétablir et maintenir l'ordre colonial ; la police française et les Algériens en Algérie Française de 1945 à 1962" in La Guerre d'Algérie 1954-2004, Robert Laffont éd. Paris 2004.
4 - J. Delarue, "La police en paravent et au rempart" in La guerre d'Algérie de J.P Rioux, Fayard éd. Paris 1990.

* sur Roger Vétillard, un article de Guy Pervillé

* vidéo : Roger Vétillard, sur les événements de mai 1945 à Sétif

9782851622136FS

 

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Roger Le Doussal met à mal

bien des idées reçues

général Maurice Faivre

 

Additif à la recension de Roger Vétillard

Tout à fait d’accord avec le jugement de Roger Vétillard, je voudrais simplement le compléter par les précisions suivantes :
- débutant comme Commissaire de police à Laghouat1, puis à Bou Sadda de février 1952 à octobre 1954, Roger Le Doussal est affecté aux RG ( renseignements généraux) à Batna (nov.54) puis à Bône (juillet 55). Il rejoint la Direction de la Sûreté nationale à Alger de février 1960 à janvier 1962. Rapatrié  à la SN Paris, puis aux RG Toulouse, il quitte le service en 1989 comme Directeur de l’Inspection générale de la Police nationale ;
- ses témoignages, précis et localisés, démontrent que la Police d’Algérie n’était pas un ramassis de racistes, politisés, partisans, inefficaces et routiniers, tels qu’ils sont diffamés par Peyroulou, Vidal-Naquet, Delarue et Sylvie Thénault, et que les milices privées n’ont existé qu’en 1945 à Guelma ;
- il rappelle que le Parti communiste, exultant à la chute de Dien Bien Phu, est devenu le compagnon de route du FLN ;
- ayant interrogé Mostefa Benboulaïd à Tunis, il confirme que le terrorisme total, se référant au djihad, a été la politique initiale du FLN (bien avant l’attentat du 10 août 1956 rue de Thèbes), appelant à la chasse au roumi et terrorisant une population musulmane qui n’adhérait pas à ses thèses (Daho Djerbal) ; Zirout Youssef, promoteur des massacres, est devenu héros national de l’Algérie ;
- l’horrible embuscade de Palestro n’est pas l’inversion de l’ordre politique et symbolique décrite par R.Branche ;
- la drôle de justice française, dénoncée par Sylvie Thénault, aurait méritée d’être comparée à la pseudo-justice du FLN, dont les excès sont justifiés au nom de la Charia ;
- la tentation de la torture, moralement condamnable, était confrontée au dilemme entre deux devoirs : protéger des innocents ou respecter la dignité humaine ;
- il estime que 50 Inspecteurs détachés dans les DOP ont été des collaborateurs actifs de la recherche du renseignement ; la lutte contre le terrorisme à Bône a été conduite en coopération étroite entre l’officier de renseignement du Secteur et les RG, à la demande du général Vanuxem ; le succès de l’action psychologique de l’armée, après le 13 mai, a été compromis par le retrait des militaires des CSP, qui a entraîné l’opposition des Français d’Algérie et le trouble des musulmans ;
- l’auteur confirme le point de vue du général Khaled Nezzar, qui condamne la légéreté avec laquelle les djoundis de Tunisie étaient envoyés au casse-pipe sur le barrage ;
- alors qu’en 1961 la Police est engagée en priorité contre l’OAS, le chef du SNA Aubert, succédant au colonel Godard , est partisan de la monstrueuse Force locale ; il relève 1.100 policiers dans l’année ; on ne peut parler cependant de complicités de policiers avec l’OAS,  7 sur 2.000 CRS ont déserté ; plus tard, la mission Choc du Cre Haq est renseignée par les barbouzes du MPC, et indirectement par le FLN.

La richesse des informations recueillies par R. Le Doussal appellerait bien d’autres commentaires2. Cette lecture, écrit Georgette Elgey, met à mal bien des idées reçues. Souhaitons qu’après elle, de nombreux lecteurs fassent le même constat.

Maurire FAIVRE
le 14 avril 2011


(1) L’administrateur Georges Hirtz et Jean Vaujour sont alors ses références.
(2) Ainsi la destruction des archives de la DST le 24 décembre 1974, et les difficultés rencontrées par le Directeur le Doussal pour faire ériger une plaque à la mémoire des 11 Commissaires tués par attentat.

 9782360130436FS

 

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9 décembre 2010

témoignages

 

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 notes de lecture

général Maurice Faivre

 

Deux livres de témoignages enrichissent notre connaissance de la guerre d'Algérie.

 

product_fulldef_144_191Serge Cattet, La tourmente. La France en Algérie, 1830-1964, annexe sur accords d'Évian, photos ECPAD, éd. LBM, 381 pages, 29 euros.

L'Union nationale des combattants a demandé aux Savoyards, anciens d'Algérie, de faire un travail de recherche sur leur participation à la guerre. Ce travail, richement illustré par les photos de l'ECPAD, met en parallèle l’Histoire et la Mémoire.

L’histoire, c’est d’abord la synthèse du professeur Serge Cattet, ancien officier d’Algérie, qui met en évidence la complexité de la guerre d’Algérie et la diversité des situations auxquelles ont été confrontés les combattants. Ce sont aussi les documents et les déclarations du diplomate Bruno de Leusse, qui montrent les reculs consentis par le chef de l’État et le grave échec de la solution associative.

La mémoire, ce sont les témoignages de 167 Savoyards, qui ont passé 6 à 28 mois en Algérie, la plupart dans des unités combattantes (infanterie alpine, paras, arme blindée, artillerie), et dont environ 28% ont exercé des responsabilités de commandement. 45 témoignages sont reproduits in extenso.

Les sentiments exprimés vont de la réprobation des rappelés et des appelés pour une guerre inutile, à la résignation de ceux qui ont fait leur devoir de citoyens, et même à la fierté de ceux qui ont découvert un pays nouveau et ont aidé sa population à survivre. Le souvenir dominant est celui de la solidarité qui les a aidés à supporter l’angoisse, l’inconfort, l’insécurité, et surtout la disparition des camarades morts au combat.

Au retour, tous les témoins ont rapidement trouvé un emploi et créé une famille, tout en gardant le silence face à un entourage resté indifférent à leur aventure.

Beaucoup se remettent à parler et expriment leur exaspération quand certains médias les accusent injustement et globalement d’exactions qu’ils n’ont pas commises et souvent ignorées. Le grand mérite de ce livre est de mettre en lumière ce refus de la médisance.

voir boutique Ecpad

 

 

1062612_gfGeorges Fleury, Nous les combattants d’Algérie, 1954-1964, éd. Bourin, 2010, 392 pages, 23 €.

Sous l’égide de l’association des écrivains combattants (AEC), Georges Fleury présente et commente 70 témoignages qui ont été sélectionnés par trois autres écrivains.

Certains textes sont extraits  d’ouvrages connus de Jean Vaujour, Jean Delmas, Hélie de Saint-Marc, du professeur Godeau, de Francine Dessaigne, Isabelle Henry, François Meyer, Pierre Pélissier, Henry de Wailly, Michel Lemonnier, et des souvenirs des Haut-Marnais combattants. Quelques correspondances familiales sont reproduites.
Ces témoignages relatent la complexité du conflit, la diversité et le caractère inhumain de certaines situations. Les anciens SAS expriment en particulier la honte ressentie lors de l’abandon des harkis et moghaznis.
On regrettera cependant la surestimation des effectifs et des pertes.

Maurice Faivre
le 9 décembre 2010

 

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29 mai 2010

Cimetière juif d'Oran

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Cimetière juif d'Oran
Bonjour,
J'aimerais savoir ci nous pouvons voir, en photo le cimetière juif d'Oran,car j'ai ma famille proche
parents, et soeur, peut-être qu'un jour je pourrai aller sur leurs tombes. J'espère toujours faire ce voyage en groupe.
Cela fait plusieurs fois que j'écris, aucune réponse.
Avec mes remerciements et mes salutations KTR
29 mai 2010



Réponse

Quelques mentions du cimetière juif d'Oran sur internet :

- délégation judéo-musulmane française de cinq membres, en 2005 (sur Bab el Oued story)

- le cimetière juif d'Oran : une réhabilitation souhaitée par tous (El Watan)

- le cimetière israélite d'Oran, un espace utile à l'extension du palais des Expositions

- les cimetières juifs d'Algérie (sur Judaïques Cultures)

- Collectif de sauvegarde des cimetières d'Oranie :
Concernant le cimetière juif d’Oran ce dernier est dans un état lamentable. Les autorités Algériennes ont amputé une partie de ce cimetière pour élargir la route de 4 mètres, conséquences : ils ont enlevé les pierres tombales qui sont empilées un peu partout dans le cimetière, et ont bitumé sur les sépultures qui sont donc sous la route !!!! En outre ce cimetière qui est laissé à l’abandon voit la végétation à hauteur d’homme, voire plus haut, envahir tout l’espace. Une toute petite partie est accessible. Les cimetières juifs étant la propriété du consistoire il leur appartient d’en assurer l’entretien. Paul Benguigui va se pencher sur ce problème épineux et surtout très douloureux
.

- le cimetière juif d'Oran a été rasé pour moitié (constructions), même s'il m'avait été donné par les Oranais actuels comme rasé dans sa totalité (d'où ma non visite en 2002). (Jean-Pierre Rondeau)

- cimetière juif, 11 novembre (consulat de France à Oran)

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recherche : Michel Renard

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21 décembre 2010

sur l'histoire d'Oujda par Badr Baqri

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Oujda, 1952

 

- Badr Maqri, Oujad, 1952 : l'organisation territoriale d'une ville marocaine sous le protectorat, 2010.

Ce livre propose une brève présentation post-coloniale de l'un des aspects de l'histoire du Maroc colonisé. Le choix de l'organisation territoriale du protectorat français dans le cas de la ville d'Oujda en 1952 (elle a été occupée par Lyautey le 29 mars 1907) est une nouvelle approche de la conception coloniale de l'organisation institutionnelle et administrative.

Ce qui a été proposé comme structure profonde dans ce livre, c'est que l'organisation territoriale n'est pas une simple démarche administrative, mais elle est en premier lieu, un genre d'organisation en marche,. Dans la conception du protectorat français, les moyens militaires doivent être doublés d'une organisation politique et économique, l'occupation de quelques points bien choisis, centres d'attraction naturels, est autrement efficace que tous les raids et toutes les colonnes du monde. Le développement des voies ferrées, des marchés, la reprise des transactions, l'appel aux intérêts matériels, la création de soins médicaux, constituent les meilleurs modes d'action, selon la vision du maréchal Lyautey.

La structure superficielle de l'organisation territoriale d'Oujda en 1952 concerne huit champs de recherche :
1 / Secrétariat général du protectorat.
2/ Direction des affaires chérifiennes.
3/ Direction des finances.
4/ Direction des travaux publics.
5/ Direction du travail.
6/ Direction de la production industrielle et des mines.
7/ Direction de l'office des PTT.
8/ Direction militaire régionale.

Et c'est à travers ces champs de recherche, que l'auteur présente en détails, le cadre institutionnel et administratif d'Oujda en 1952, dans 10 chapitres :
1. Activités marocaines
2. Réorganisation territoriale et administrative d'Oujda et sa région (1948-1950)
3. Organigramme administratif : région civile d'Oujda
4. Analectes démographiques historiques
5. Indices professionnels (198 indices)
6. Colons d'Oujda
7. Cercle d'Oujda, qui contrôle : El-Aïoun, Jerada, Berguent et Touissit-Boubker
8. Cercle des Béni-Snassen, qui comprend : Berkane, Martimprey-du-Kiss et Taforalt
9. Circonscription de contrôle civil de Taourirt, qui contrôle : Taourirt et Debdou
10. Cercle de Figuig, qui comprend : Figuig, Tendrara et Bouarfa.
Cet ouvrage de 237 pages prolonge l'engagement de Badr Maqri dans l'étude de l'intersection (mémoire-identité) et dans une nouvelle réflexion sur l'anthropologie sociale et culturelle coloniale du Maroc."

Badr Maqri

 

 

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Badr Maqri

 

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10 novembre 2009

la "violence légitime" de l'État colonial (Fremigacci)

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la "violence légitime" de l'État colonial

Jean FREMIGACCI


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L'État colonial s'est voulu tout sauf violent.
Et pour cause, puisqu'il s'est perçu et proclamé comme civilisateur par essence. La violence n'a donc pas découlé de l'arbitraire du pouvoir comme on le croit, mais de la loi. Il convient donc de revenir sur les origines et la nature de la loi comme pure expression de la volonté de l'État  structurant le régime colonial, sur son langage, sur son instrumentalisation offensive et défensive, tout cela dans un contexte de déconnection des réalités locales qui tout à la fois fait surgir un danger de totalitarisme et donne au système son trait majeur, une hypocrisie structurelle.

Jean Fremigacci



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Affiche du rassemblement indochinois protestant
contre l'interdiction et la saisie de publications en Indochine
sous le gouvernement Chautemps. [vers 1937]

source : Anom

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30 octobre 2008

lettre au journal "La Tribune" (Alger)

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pas question

de "pensée philocoloniale"

Daniel LEFEUVRE


demande de droit de réponse au journal algérien La Tribune

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Daniel Lefeuvre
Professeur des Universités en histoire contemporaine
Université Paris 8

à M. A Ghezali
Directeur de La Tribune (Alger)

Paris, le 30 octobre 2008

Monsieur le Directeur,

Dans un article publié par votre journal, le 29 octobre 2008, "Une repentance collective plutôt qu'une repentance individuelle, Lettre d'Ahmed Zabana à Guy Moquet", votre collaborateur, Nourreddine Khelassi, me met nommément en cause comme membre d'un "influent courant de la non-repentance" portant à bout de bras une "forte pensée philocoloniale".

Cette affirmation est dénuée de tout fondement et elle est propre à jeter le doute sur la qualité scientifique de mes travaux.

Mes ouvrages, en particulier Chère Algérie (réédition Flammarion, 2008), et Pour en finir avec la repentance coloniale (rééd. Flammarion, 2008) comme mes articles ou contributions à des colloques ne sont en rien porteur d'une pensée "philocoloniale", ni d'aucune nostalgie coloniale, bien au contraire.

Persuadé que le souci de la vérité et le respect dû à vos lecteurs constituent le fondement éthique de votre démarche de journaliste, je vous serais reconnaissant de m'accorder le droit de réponse qui me permettra de rectifier les erreurs, approximations, amalgames qui constituent le fond de l'article incriminé.

En vous en remerciant par avance, je vous prie de croire, Monsieur le Directeur, en l'expression de mes salutations distinguées.

Daniel Lefeuvre
lefeuvre.daniel@orange.fr

 

9782859700195FS

 

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5 décembre 2010

les guerres coloniales au XIXe siècle

AlgerieVernet



les guerres coloniales au XIXe siècle

un nouveau livre de Jacques Frémeaux


CouvDeQuoi

Guerres lointaines, commerce et comptoirs, affrontements entre «blancs» et «peuples de couleur». Conquérants et vaincus, migrations, esclaves, épidémies. Mais aussi diffusion du savoir et du progrès technique, par la force des armes et pour l’orgueil des impérialismes européens.

Voici la première histoire totale des politiques de conquête menées par les puissances coloniales au XIXe siècle. Une histoire que Jacques Frémeaux fait débuter en 1830 : les Français débarquent en Algérie, les Anglais sont engagés aux Indes, les Russes se battent au Caucase et songent à l’Asie centrale. Les Américains se lancent dans l’occupation des Grandes Plaines, où ils vont affronter des tribus indiennes. Jusqu’en 1914, l’histoire des empires coloniaux occidentaux sera celle d’une immense expansion.

Jacques Frémeaux fait revivre cette aventure exceptionnelle, fondatrice des grands équilibres et déséquilibres mondiaux dont nous sommes toujours tributaires. Une fresque de grand style qui renouvelle en profondeur l’histoire politique, militaire, diplomatique et culturelle du XIXe siècle.

Historien, professeur des universités (Paris IV Sorbonne), Jacques Frémeaux est l’un des plus grands spécialistes de l’histoire coloniale. Il est notamment l’auteur de L’Afrique à l’ombre des épées, 1830-1930 (3 vol., 1993-1995), Les Empires coloniaux dans le processus de mondialisation (2002) et de La France et l’Algérie en guerre (2002).

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Jacques Frémeaux


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la bataille de Lang Son en 1885 (imagerie)

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Abd-el-Kader

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de Jacques Frémeaux également


9782916385440

Le Sahara, qui fut l'une des grandes entreprises impériales françaises, demeure sans doute un de ses mythes les plus marquants.
Sa conquête, jalonnée par des épisodes tragiques, ne fut ni rapide ni facile, et illustra l'endurance légendaire des guerriers du désert. Elle contribua à former un type d'officier français qui, sans illusion sur "l'oeuvre civilisatrice", sut partager la vie des nomades, les comprendre, et imposer ses arbitrages. La découverte des peuples et des paysages sahariens nourrit un imaginaire toujours vivace, et inspira d'innombrables artistes.
En pleine guerre d'Algérie, les découvertes pétrolières apparurent comme une nouvelle raison d'espérer en l'avenir de la France outre-mer, au point que l'on envisagea un moment de conserver le Sahara en le dissociant de l'Algérie indépendante. Relire toute cette histoire à la lumière des travaux récents permet de mieux comprendre, à travers l'épisode colonial, l'importance de ce sous-continent, zone de contact entre le Maghreb et l'Afrique noire depuis des temps immémoriaux.        


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4 juillet 2009

Janos Riesz - littératures africaines et coloniales francophones

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la fécondité de l'échange entre Littérature

et Histoire selon Janos Riesz

Marc MICHEL


- «Astres et désastres», Histoire et récits de vie africains de la Colonie à la Postcolonie, Georg Olms Verlag, Hidesheim, Zurich, New York, 2009, 396 p.

Sous ce titre intrigant, Janos Riesz dont on connait les contributions incontournables sur les littératures africaines et coloniales francophones, publie en un recueil considérable une partie de ces contributions, revues et réécrites.

Le titre de l'ouvrage suscite évidemment la curiosité. Dans sa première contribution, Janos Riesz s'en explique en précisant qu'il s'agit d'une figure de pensée dans les relations entre la France et ses anciennes colonies ; il  relève cette figure dans une série de poètes français et la met en rapport avec des œuvres majeures de la littérature des colonisés.

L'ouvrage fait suite à un premier livre intitulé De la littérature coloniale à la littérature africaine publié en 2007 et rassemble des textes dispersés, ayant fait l'objet de communications sur deux décennies, de 1987 à 2008. Janos Riesz en a gommé, autant que faire se peut, les recouvrements et les a ajustés aux dernières informations disponibles.

L'ensemble du volume est divisé selon trois grands axes : le discours historique dans les textes littéraires, les récits de vie et les écritures autobiographies, les espoirs et échecs des indépendances. Précisons qu'il s'agit ici des colonies et des indépendances d'Afrique noire et que, sauf l'exception d'une communication sur "Charles de Foucauld et le Désert", il s'agit de l'Afrique noire et d'auteurs très majoritairement africains : Léopold Panet, Dadié, Mariama Bâ, Lumumba, Kourouma, Ousmane Sembène, Kossi Efoui, Sénouvo Agbota Zinzou, Senghor. Il s'élargit aux écrivains antillais de la Négritude comme le grand poëte Léon Gontran Damas. Le cas de Lumumba est évidemment particulier puisqu'il ne fut en aucune manière écrivain, si bien que Janos Riesz analyse seulement le personnage dans la production romanesque africaine.

Il est difficile de rendre compte d'un tel ouvrage. Un des mérites du volume est de rappeler  à la mémoire l'importance de certains textes plus ou moins oubliés : par exemple, la Relation d'un Voyage du Sénégal à Soueira au Maroc du métis Panet, «indigène» (entendons ici habitant) du Sénégal ou encore les Carnets de prison de Bernard Dadié.

ce que l'Histoire doit à la Littérature

Un autre mérite est d'appréhender des textes dont on ne savait pas trop quoi faire comme les fameuses autobiographies recueillies par le célèbre ethnologue allemand Dietrich Hermann Westermann publiées en Français en 1938. Le décryptage et la mise en situation de ces textes en sont formidablement faits par Janos Riesz qui en prouve ainsi la valeur historique.

La fécondité de l'échange entre Littérature et Histoire est d'ailleurs au centre de l'ouvrage. Janos Riesz nous montre à quel point les œuvres et les auteurs ne peuvent être séparés du contexte de leur production et des circonstances de leurs vies.

Cela peut paraître une évidence quand il s'agit d'autobiographies. Janos Riesz en montre cependant la richesse méthodologique à propos de certaines œuvres oubliées, et pourtant très instructives, comme le roman de René Maran Un homme pareil aux autres dont l'analyse pourrait être rapprochée du fameux Peaux noires, masques blancs de Franz Fanon. Il est aussi évident en ce qui concerne Tiaroye racontée et mis en scène par Ousmane Sembène, bien que sur ce point il eût été utile de tenir compte du démontage de la fabrication littéraire et cinématographique de celui-ci.

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René Maran (1887-1960)

Le décryptage ne se fait pas dans le seul sens de l'Histoire vers la Littérature ; il indique aussi ce que la première doit à la seconde en matière de mythes et de symboles, par exemple à propos de l'Orphée noir dont Jean-Paul Sartre et Léopold Sédar Senghor ont fait, selon Janos Riesz, un mythe «utile à l'Afrique». La propension des chercheurs et des écrivains africains en situation «post-coloniale» à une relecture des œuvres littéraires est aussi très sensible à propos du même Senghor.

On peut ne pas être toujours convaincu par tous les travaux historiques auxquels se réfère Janos Riesz, il reste que sa méthode d'aller et venue entre Histoire et Littérature permet de renouveler et d'enrichir les approches réciproques. Le principal regret que me laisse ce livre est qu'il se cantonne encore à la littérature africaine en relation avec un passé colonial qui s'éloigne alors qu'une nouvelle littérature, riche, variée, neuve, s'est développée partout en Afrique, chez de jeunes écrivains, Emmanuel Dongola, Léonora Miano, Libar Fofana, pour ne prendre que quelques exemples, appelant à une confrontation non avec la «colonie», mais à une  proprement africaine

Marc MICHEL

- «Astres et désastres», Histoire et récits de vie africains de la Colonie à la Postcolonie, Georg Olms Verlag, Hidesheim, Zurich, New York, 2009, 396 p.

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Janos Riesz

- János Riesz, «Astres et Désastres» - Histoire et récits de vie africains de la Colonie à la Postcolonie

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3 mai 2009

au sujet de la "scientificité" des soutenances de thèse

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au sujet des thèses d'histoire coloniale

Jean-Pierre RENAUD

Pertinence scientifique et transparence publique des thèses d’histoire coloniale, secret de confession universitaire ou tabou colonial ?

Au cours des dernières années, mes recherches d’histoire coloniale (d’amateur) m’ont conduit à aller à la source, c'est-à-dire à prendre connaissance de plusieurs thèses d’histoire coloniale qui donnaient, je le pensais, un fondement scientifique aux interventions verbales ou aux ouvrages écrits par leurs auteurs.

J’étais plutôt surpris par la teneur des discours que ces derniers tenaient sur ce pan largement ignoré de notre histoire nationale.

Leur consultation me donna la conviction qu’elles ne suffisaient pas toujours, totalement ou partiellement, à donner une accréditation scientifique à leurs travaux, dans le domaine de la presse, des sondages, des images coloniales quasiment absentes et sans aucune référence sémiologique dans les thèses en question, et d’une façon générale en ce qui concerne la méthodologie statistique, économique ou financière

Constat surprenant, alors que le terme de «scientifique» est souvent mentionné dans les arrêtés qui ont défini la procédure d’attribution du titre de docteur par les jurys : intervention d’un conseil scientifique, intérêt scientifique des travaux, aptitude des travaux à se situer dans leur contexte scientifique…

communication des rapports de jury

Il me semblait donc  logique d’aller plus loin dans mes recherches, c'est-à-dire accéder aux rapports du jury visés par les arrêtés ministériels de 1992 et 2006, rapports susceptibles d’éclairer l’intérêt scientifique des travaux. J’ai donc demandé au Recteur de Paris d’avoir communication des rapports du jury, communication qui m’a été refusée, alors que la soutenance était supposée être publique.

Mais comment parler de soutenance publique, s’il n’est conservé aucune trace du débat, du vote (unanimité ou non) du jury, et s’il n’est pas possible de prendre connaissance des rapports des membres du jury, et donc de se faire une opinion sur la valeur scientifique que le jury a attribué à une thèse, ainsi que des mentions éventuellement décernées.

Je m’interroge donc sur la qualité d’une procédure :

- qui ne conserverait aucune trace d’une soutenance publique, sauf à considérer que celle-ci n’a qu’un caractère formel ;

- qui exclurait toute justification de l’attribution d’un titre universitaire, appuyé seulement sur la notoriété de membres du jury, alors même que ce titre est susceptible d’accréditer l’intérêt scientifique de publications ultérieures, ou de toute médiatisation de ces travaux.

Conclusion : les universités et leurs jurys seraient bien inspirés de lever ce secret, sauf à jeter une suspicion légitime et inutile sur le sérieux scientifique des doctorats qui sont délivrés, sauf également, et cette restriction est capitale, si mon expérience n’était aucunement représentative de la situation actuelle des thèses et des jurys.

La transparence publique devrait être la règle. Pourquoi en serait-il différemment dans ce domaine de décisions, alors que la plupart des décisions publiques sont aujourd’hui soumises à des contraintes utiles de transparence publique.

Il parait en effet difficile d’admettre que, sous le prétexte de préserver le secret de la vie privée, le secret des délibérations sûrement, mais pas le reste, il soit possible de sceller tout le processus supposé «scientifique» du même sceau du secret. À l’Université, en serions-nous encore, à l’âge du confessionnal et de l’autorité d’une nouvelle Église ? Les jurys auraient donc quelque chose à cacher ? Un nouveau tabou ?

Jean Pierre Renaud
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11 novembre 2010

sur le livre de Benjamin Stora, "Le mystère De Gaulle. Son choix pour l'Algérie"

 

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à propos d'un livre de Benjamin Stora

général Maurice FAIVRE

 

Benjamin Stora, Le mystère de Gaulle. Son choix pour l’Algérie, Robert Laffont, 2009, 268 pages.

899678_1064893Benjamin Stora donne ici son interprétation de la décision gaullienne d’autodétermination en Algérie, le 16 septembre 1959. Il considère à juste titre que c’est le tournant décisif de la guerre. Les raisons stratégiques en sont l’isolement diplomatique de la France, le coût excessif de la guerre, et l’échec de l’assimilation des musulmans.

B. Stora reconnaît que De Gaulle a tenu des propos équivoques selon les interlocuteurs rencontrés, que l’entente entre Challe et Delouvrier était parfaite, que l’opinion algérienne était partagée (référence à la thèse de Diane Sambron). Les réactions du GPRA sont bien analysées.

Intéressantes sont les citations du sous-préfet Belhaddad, la lettre de Camus du 19 octobre 1959, le dialogue  Duchemin-Ferhat Abbas, la note des R.G de décembre 1960.

Enfin l’auteur replace parfaitement la décision gaullienne dans le cadre de l’évolution internationale et intérieure (la société de consommation et de divertissement, la modernité de la société, la montée du Tiers Monde, l’attitude ambiguë des Américains, la pression soviétique).

Quelques erreurs ou omissions (1) nuisent cependant à la cohérence de la démonstration (2). La principale concerne l’ignorance de l’action politico-militaire engagée par l’armée. Il est inexact d’affirmer que le général Challe met la priorité sur la destruction de l’ALN. Son action est globale engagée par Salan et Massu, soutenue par Debré, Ely et Delouvrier, elle engerbe :

- l’action militaire par le cloisonnement des frontières, l’infiltration et l’intoxication de l’ennemi (bleuïte), les commandos de chasse, le plan Challe, les opérations des DATE-DATO en Tunisie et au Maroc, les opérations huma et arma, l’interception maritime des trafics d’armement ;

- l’action politique par l’unité d’action au niveau des grandes unités, et entre Challe et Delouvrier, les élections libres, le recrutement massif des FSNA, la formation politique des autodéfenses, l’autodéfense active des quartiers de pacification (plan Victor), la Fédération amicale des U.T. et des autodéfenses ;

- l’action sociale des SAS, des EMSI, des foyers féminins et sportifs, du mouvement de Solidarité féminine, de l’assistance médicale (AMG), la modernisation des 1 000 villages de Delouvrier, l’ordonnance de février 1959 sur la condition féminine ;

- l’action de formation : scolarisation portée à 80%, formation de la jeunesse (SFJA de Gribius et de Segonzac), promotion musulmane civile et militaire ;

- l’action judiciaire du plan Gerthoffer, de la Commission de sauvegarde du droit, et des CMI de Salan.

De Gaulle a-t-il composé avec le réel ? L’indépendance était certes inéluctable, mais on peut s’interroger sur la méthode, et sur les résultats : - les massacres de 1962 - une dictature militaire en Algérie – les révoltes internes des Français, renouvelées en 1968 – l’échec de la politique neutraliste de la France. La question mérite d’être discutée .

Maurice Faivre
le 23 octobre 2010

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(1) Erreurs et omissions relevées :
- silence du général de Gaulle sur Sétif en mai 1945 ;
- 12.000 morts le 20 août 1955, c’est le nombre des manifestants ;
- 100 morts le 17 octobre 1961 à Paris, moins de 30 selon J.-P. Brunet ;
- 30.000 et non 80.000 combattants de l’ALN extérieure en mars 1962 ;
- 1,5 million de soldats français, c’est l’effectif cumulé sur 7 ans ;
- la harka du bachaga Boualem compte 720 hommes et non 2 000 ;
- la personnalité de l’Algérie reconnue par Soustelle avant De Gaulle ;
- le plan de Constantine financièrement supportable selon l’IG René Mayer ;
- le plan Challe approuvé le 15 septembre par le Conseil de défense ;
- la formule "la valise ou le cercueil" attribuée à Ortiz ;
- l’interview de Massu à Kempski non citée ;
- Si Salah pas exécuté, mais tombé dans une embuscade ;
- ignorance de la manipulation de François Coulet en décembre 1960 ;
- sortie de l’OTAN non évoquée.

2) L’incohérence est évidente, elle se situe au niveau de l’action psychologique. Alors que le général Ely préconise une action psychologique gouvernementale antisubversive (directives de mai 1957 et février 1958), qui reçoit l’aval des gouvernements de la IVe République, le général de Gaulle poursuit une action contraire à celle de l’armée et dissout les 5ème Bureaux. Se croyant engagé dans une guerre coloniale du XIXe siècle, il n’exploite pas les fraternisations de mai 1958. Bien mieux, il persuade les opinions, algériennes et françaises, que tous les musulmans sont pro-FLN. C’est lui, et non le FLN, qui gagne la bataille des esprits.

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contrôles militaires à Alger contre l'Oas (source)

 

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28 octobre 2010

Maghrébins dans le cinéma en France

affiche_sanslogos20101011_copie

 

Dans le cadre des rencontres cinématographiques du "Maghreb des films",

Génériques a le plaisir de vous inviter

aux journées d'études intitulées

"Images et représentations

des Maghrébins dans le cinéma en France"

les 15 et 16 novembre 2010

à la Mairie du 2e arrondissement,

8 rue de la Banque à Paris (Métro Bourse/ Grand Boulevard),

de 9h30 à 17h00

(voir le programme en pièce jointe).

Bien cordialement,

Sarah Clément

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"L'ennemi intime"

 

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"La bataille d'Alger"


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"Le porteur de cartable"

choix iconographique : Michel Renard

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10 novembre 2008

stéréotypes coloniaux : une thèse non scientifique

 

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les stéréotypes coloniaux existent-ils

encore en France ?

Jean-Pierre RENAUD

 

Dans le livre intitulé Supercherie coloniale, j’ai contesté la thèse d’un collectif de chercheurs d’après laquelle, sans aucune preuve scientifique, et sans étude d’opinion sérieuse sur une mémoire coloniale éventuelle de la France, cette dernière aurait eu une culture coloniale qui produirait encore, par je ne sais quel processus inconscient, des effets stéréotypés de nature à expliquer la génération spontanée de nouveaux indigènes de la République.

Le Journal du Dimanche du 2 novembre dernier vient de publier un sondage de l’IFOP d’après lequel 80% des Français se disent prêts à «voter un jour pour un candidat noir», mais seulement 47% d’entre eux pensent qu’un candidat noir «aurait des chances» d’être élu à la Présidence de la République… Les femmes se montrent plus enclines que les hommes à opter pour un tel choix.

Une première réponse donc à la question : la France nourrit-elle des stéréotypes coloniaux qui expliqueraient l’existence des nouveaux indigènes de la République, thèse partagée par le texte de présentation de la dernière exposition de la Cité de l’Immigration. Le lecteur pourra se reporter au bref commentaire que j’ai fait de ma visite.

Mais les mêmes chercheurs diront peut être que ce sondage traduit précisément une pulsion inconsciente de repentance coloniale chez les Français.

Il est donc grand temps de faire une étude d’opinion sérieuse sur le sujet, ce qu’avait d’ailleurs proposé il y a bien longtemps l’historien Charles-Robert Ageron, récemment décédé.

Jean-Pierre Renaud

 

 

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un ouvrage démystifiant : Supercherie coloniale


- de Jean-Pierre Renaud, lire l'article : "La parabole de la propagande coloniale et du grain de riz"

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29 septembre 2009

aspects positifs de la colonisation

Revue_Indig_ne_1925


 

le PCF et les aspects positifs

de la colonisation

 

Lamentable...!
Dans un communiqué, le "responsable national DOM-TOM du PCF" proteste contre l'attribution, par l'Académie des Sciences d'Outre-Mer, d'un prix évoquant les "aspects positifs de la colonisation".
Il aurait mieux fait de se rendre au siège de cette Académie et se renseigner sur la réalité de son travail, de son histoire et de son bilan.
L'Académie des Sciences d'Outre-Mer a été fondée, sous un autre nom, par Paul Bourdarie, qui avait lancé, en 1906, la Revue Indigène, islamophile et partisane d'une politique indigène libérale. Bourdarie est aussi à l'origine du projet de Mosquée à Paris.

Par ailleurs, l'Académie des Sciences d'Outre-Mer possède une bibliothèque importante et c'est un lieu de travail pour de nombreux chercheurs. Elle est, certes, plus attachée au savoir positif (dans le sens de "positivisme savant") sur l'époque coloniale qu'à la répétition pathologique des formules dépassées d'un anti-colonialisme de salon.

Quant à la question de savoir si la colonisation a eu des aspects positifs, la réponse est évidemment "oui", à côté d'aspects négatifs et révoltants. Il en va de la colonisation comme des grands processus historiques, on ne saurait les restreindre à une seule dimension… (ni réduire leur appréhension au bilan positif/négatif... évidemment).

Michel Renard

____________________


- communiqué de presse

«Les aspects positifs de la colonisation» récompensés : le PCF proteste !

Fondée en 1922, l'Académie des Sciences d'Outre-Mer est un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle du Ministère de l'Education Nationale. À ce titre, cette académie reçoit des subventions de fonctionnement de l’État.
Chaque année l'Académie décerne des prix destinés à récompenser les publications relevant de son champ d'action. Rien de plus logique jusqu’à présent.
Mais parmi les prix littéraires de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer, un prix annuel pour un montant de 4000€ récompense un ouvrage traitant des «aspects positifs de la colonisation».
Le PCF exprime son étonnement et sa réprobation devant cette situation scandaleuse et intolérable. Il demande au gouvernement de réagir sans tarder.

Jean-louis Le Moing, Responsable national DOM-TOM du PCF
Paris, le 28 septembre 2009

 

Bourdarie_Mosqu_e_de_Paris_1920
le fondateur de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer,
Paul Bourdarie (1864-1950),
fut l'un des "créateurs" de la Mosquée de Paris

 

___________________

 

débat

 

Pourquoi, je ne trouve pas lamentable

la position du PCF

Désolé, je ne trouve pas du tout lamentable le communiqué du PCF à propos de l'attribution d'un prix pour un ouvrage qui "traite des aspects positifs de colonisation". Que vous ne soyez pas d'accord avec cette position exprimée par le PCF, c'est votre droit le plus absolu, mais porter un jugement de la sorte sur une position qui ne dissimule pas ses raisons, je le trouve inacceptable.

Je suis historien universitaire tunisien, il est hors de mon propos de me mêler dans la vie politique française, de même que je précise que je connais bien la bibliothèque de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer et ses trésors, j'avoue qu'on est bien accueilli et bien servi. Mais là n'est pas l'objet de la protestation du communiqué, il s'agit d'attirer l'attention, encore une fois de plus, sur cette manière d'écrire l'histoire sur commande ou bien de dicter une lecture "idéologique" de l'histoire.

Encore une fois ce n'est ni par des lois, ni par des prix qu'on peut imposer une vision d'un système balayé par l'histoire. L'Académisme en histoire repose sur une lecture des différentes facettes et composantes d'un passé. Autant, je refuse la lecture nationaliste de l'histoire des pays anciennement colonisés, réduisant l'histoire de la période coloniale à une série noire d'atrocités, jalonnée par une histoire apologétique des combats héroïques des nationalistes et de leurs leaders, de la même manière et la plus ferme, je refuse une vision unilatérale, qui s'en tient uniquement aux aspects positifs de la colonisation. L'ère coloniale fait bel et bien partie de l'histoire des métropoles et des pays colonisés.

Le système colonial est système abominable basé sur la recherche de solutions à travers l'exploitation d'autres pays, cependant, une lecture raisonnée peut montrer que la réalité était beaucoup plus complexe et que le passage d'un certain nombre de pays par cette phase historiqe les a entraîné dans un processus de modernisation et de changement au niveau de leurs structures économiques et sociales. La présence européenne en dehors de l'Europe ne peut être réduite à celle des colons exploiteurs, aux gendarmes,aux soldats... Cependant, il faut préciser que l'objectif prioritaire de cette présence était l'exploitation des richesses d'autrui. Mais l'historien qui respecte son métier ne peut omettre de constater que cette présence a entraîné un certain nombre de transformations socio-économiques, d'une introduction d'un système scolaire moderne, de nouvelles institutions politiques (syndicats, partis politiques, associations...).

Une écriture objective de l'histoire, ne peut que tenir compte de tous les aspects d'un passé pluriel, elle refuse forcément les visions manichéennes, cette histoire doit s'écrire en partage entre les historiens des pays de la métropole et ceux des pays nouvellement indépendant, c'est une écriture en partage d'un passé commun. C'est le sens que je donne à la position exprimée par le PCF qui s'est élevé contre l'encouragement par une institution publique financé par l'argent de tous les contribuables mais qui veut encourager une lecture unilatérale du passé en ne montrant que les aspects positifs. Pour finir, je m'opposerai avec la même rigueur et fermeté contre toute lecture tronquée de l'histoire le limitant à une série de victoires ou le réduisant à un tableau noir.

Habib Kazdaghli
Professeur d'histoire contemporaine
Université de Tunis-Manouba

Email : habib.kazdaghli@yahoo.fr
Date de publication : 29/09/09 - 14:36

 

 

réponse à Habib Kazdaghli


1) Sur le fond, nous sommes plutôt d'accord.
En témoigne votre allusion : "le passage d'un certain nombre de pays par cette phase historique [la colonisation] les a entraînés dans un processus de modernisation et de changement au niveau de leurs structures économiques et sociales. La présence européenne en dehors de l'Europe ne peut être réduite à celle des colons exploiteurs [tous les colons n'étaient pas "exploiteurs", c'est même une minorité d'entre eux qui l'étaient], aux gendarmes, aux soldats".
Ou encore cette phrase : "l'historien qui respecte son métier ne peut omettre de constater que cette présence a entraîné un certain nombre de transformations socio-économiques, une introduction d'un système scolaire moderne, de nouvelles institutions politiques (syndicats, partis politiques, associations...)".
Voilà ce qu'on peut appeler des "aspects positifs".
Comme vous, nous sommes "contre toute lecture tronquée de l'histoire la limitant à une série de victoires ou la réduisant à un tableau noir". Voilà pour l'essentiel.

2) Par contre des formules comme "le système colonial est un système abominable" [la présence coloniale relève-t-elle d'un "système"…? personne ne l'a montré…] ; ou comme "système balayé par l'histoire" [qu'est-ce qui finalement n'est pas "balayé par l'histoire"…?], relèvent plus d'une vision idéologique que de la rigueur historienne. Je pense même que la période coloniale a suscité des modernités que de nombreux pays "décolonisés" sont loin d'avoir assimilées (je n'ai pas la Tunisie à l'esprit en disant cela, au contraire).

3) Personne, en France, n'écrit l'histoire "sur commande". Et ce n'est pas le montant des prix attribués par l'Académie des Sciences d'Outre-Mer qui permettra une quelconque "commande"… Mais il est agréable qu'une institution soit sensible à autre chose que le discours repentant sur la période coloniale.

4) Quant à la position du PCF, je ne vois pas quel "courage" elle manifeste. Il ne faut pas exagérer… Le courage serait justement, pour le PCF, de revisiter son passé pour éviter ces postures "gauchistes". Comme si l'Académie des Sciences d'Outre-Mer était une nouvelle Bastille…!!

Michel Renard

 

 

 

Date de publication : 29/09/09 - 16 : 48

Le livre de ma femme et ses aïeux  pieds-noirs

Je ne trouve pas lamentable la position du Parti Communiste, je trouve également juste la réplique de monsieur Michel RENARD.
Pour ma part, j'ai écris sous la dictée de madame Xuân Lan, Jeannette ULMANN, le livre témoignage "Indochine, une passion jamais éteinte" (éditions-elzevir.fr). Elle y relate en premier paragraphe son origine Pieds-noirs, puis pieds-jaunes (terme approprié pour désigner ceux qui ont colonisé l'Indochine). L'écrivaine a fait un poème sur son père et ses aïeux coloniaux, en Algérie, depuis les années 1850, puis en Indochine. Tous n'étaient pas, loin de là, des esclavagistes.

Toutefois, ayant habité des années de ma jeunesse aux Antilles Françaises, j'ai pu constater que dans ces départements, dans les années 1950. Les béquets se comportaient aussi mal que les fameux colonialistes d'Afrique et d'Asie. C'est bien regrettable, mais c'est le système libéraliste et capitaliste lié au profit sans scrupule, qui en est la cause. Croyez-vous sérieusement que certains patrons français ne font pas de colonialisme franco-français ? cette époque bananière existe encore, il suffit de voir les révoltes récentes. Oui, j'estime que l'on doit enterrer ce sinistre passé, mais que l'on s'occupe du scandale de notre pauvre peuple de travailleurs de métropole et d'outre-mer qui souffre de l'injustice.

 Serge Ulmann

Date de publication : 30/09/09 - 02 : 06
ulmann.serge@orange.fr

 

drapeau
l'Académie des Sciences d'Outre-Mer

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30 mars 2008

guerre d'Algérie finie ?

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la guerre d'Algérie est-elle finie ?

avec Benjamin STORA à la BnF


mardi 8 avril à 18 H 30 à la Bibliothèque nationale de France (BnF), entrée libre

La guerre d'Algérie s'est achevée il y a près d'un demi-siècle mais les effets de ce conflit continuent de se manifester, puissamment, dans les deux sociétés. En France, anciens soldats du djebel et harkis, pieds-noirs et immigrés algériens ont des opinions, des visions différentes de cette période. La Sarkozy_Algerréconciliation des mémoires semble difficile. En Algérie, le pouvoir continue toujours de se légitimer à travers cette séquence d'une guerre livrée contre la France. Comment sortir de cette interminable guerre des mémoires ?

magazine L'Histoire

- avec Benjamin Stora, professeur d'histoire du Maghreb à l'Inalco (Paris) - dans le cadre du cycle de conférences "Les brûlures de la colonisation" co-organisé par le magazine l'Histoire et la BnF.


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BnF - site François-Mitterrand, Grand auditorium, hall Est, quai François-Mauriac, Paris XIIIe arr. - Métro "quai de la gare" ou "Bibliothèque François-Mitterrand" - bus 89 et 62.

BNF
BnF (source)

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17 août 2008

publication de : l'Europe face à son passé colonial

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l'Europe face à son passé colonial

dir. Olivier Dard et Daniel Lefeuvre

 

La colonisation a-t-elle eu un "caractère positif" ou a-t-elle été facteur d'une exploitation et d'une domination féroces des peuples et des territoires colonisés ? Faut-il la traiter comme une page d'histoire parmi d'autres ou bien l'expier comme un péché, qui entache la France depuis plus d'un siècle ?

Depuis la loi du 23 février 2005 et son article 4, le débat fait rage, en France, autour de ces questions.

Loin d'être un objet froid de la recherche historique, le passé colonial nourrit aujourd'hui une véritable guerre des mémoires. Ces débats sont-ils uniquement franco-français ?

Il suffit de porter le regard au-delà de nos frontières pour se convaincre du contraire. Comme le montre ce livre, toutes les anciennes puissances coloniales ainsi que les sociétés anciennement colonisées sont, à des degrés divers, confrontés à ce passé.

Cette approche comparative permet donc de mieux saisir ce qui, dans les débats sur le passé colonial, est spécifique à notre pays et ce qui relève d'un passé partagé de puissances coloniales.

ouvrage dirigé par Olivier Dard et Daniel Lefeuvre

l'Europe face à son passé colonial
collection Actes académiques

université Paul-Verlaine - Metz
université Paris VIII/Saint-Denis

- diffusion à partir de décembre 20008

- en souscription à partir de septembre 2008 au prix de 20 € (port compris) : chèque à l'ordre d'Études Coloniales à adresser : 38, rue du Ruisseau - 75018 Paris

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