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études-coloniales
7 février 2008

conférence d'Ann Laura Stoler

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conférence d'Ann Laura Stoler à Paris

lundi 11 février 2008


Séminaire "Etat, nation, empire"
Groupe de recherche "Trajectoires historiques de l'État"
dir. Jean-François Bayart (CNRS-CERI / Sciences Po.) et Romain Bertrand
(CERI-Sciences Po.)

Lundi 11 février 2008
17 h - 19 h
CERI
56 rue Jacob
75 006 Paris

Ann Laura Stoler, "Les degrés de la souveraineté impériale"

Ann Laura Stoler est une spécialiste de l'histoire coloniale. Sa contribution originale a été une attention particulière à l'articulation des questions sexuelles et raciales dans les régimes ann_stolercoloniaux. Elle est notamment l'auteur de Race and the Education of Desire (1995) et de Carnal Knowledge and Imperial Power (2002). Elle a également co-dirigé Tensions in Empire (1997). Inédites, les présentations qu'elle fera en France s'appuieront sur un ouvrage paru en 2006 Haunted by Empire : Geographies of the Intimate in North American History et un nouvel ouvrage à paraître aux Etats-Unis en 2008 : Along the Archival Grain : Colonial Cultures and Their Affective States.

Les conférences seront en anglais, mais une traduction résumée sera assurée. Chacun-e y est bienvenu-e.

- bio-bibliographie d'Ann Laura Stoler

courriel : StolerA@newschool.edu


bibliographie

 

Ann_Stoler_couv

- Haunted by Empire : Geographies of intimacy in North American History, Duke University Press, 2006

 

Carnal_couv

- Carnal Knowledge and Imperial Power. Race and the Intimate in Colonial Rule, University of California Press, 2002



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20 janvier 2008

Colonisations, migrations, racisme

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Colonisations, migrations, racisme

autour des recherches de Claude Liauzu


Université Paris 7
Département d’histoire

JOURNÉE D’ÉTUDES DU JEUDI  7 FÉVRIER 2008

- Programme en pdf

Colonisations, migrations, racismes
Autour des recherches de Claude Liauzu


Pour rendre hommage à notre collègue Claude Liauzu, nous  avons  choisi d’organiser une lecture à plusieurs voix de son oeuvre d’historien afin de mettre en valeur ce qu’il apporte à la connaissance. Ce n’est pas le contenu empirique de ses ouvrages (livres, articles, conférences) qui retient notre attention mais les pistes de recherche qu’il a indiquées, les interprétations qu’il a proposées sur l’évolution de notre monde contemporain, ainsi que  les exigences du métier d’historien.
En fonction de ces repères et de ces fils directeurs, nous organisons cette  rencontre d’historiens autour de quatre thèmes principaux qui nous paraissent cristalliser les recherches et l’oeuvre de Claude Liauzu en même temps qu’ils  s’articulent les uns avec les autres de façon cohérente  :  une vision  du Maghreb et de l’Islam, une approche du Tiers Monde  et  du  développement,  les migrations et le débat sur la colonisation, l’expérience d’un séminaire.

Comité Scientifique : Pierre Brocheux, Anne-Emmanuelle Demartini,
André Gueslin, Daniel Hémery, Françoise Raison

Responsable de la journée : Anne-Emmanuelle Demartini
(pour le département d’histoire de l’ université Paris 7)
Tél : 01 44 79 01 35
mèl :  demartini@univ-paris-diderot.fr

Contact : Benjamin Jung, ben86jung@hotmail.com

Lieu : Université Paris 7, Salle des Thèses – Immeuble Montréal 2ème étage – Dalle des Olympiades, 103 rue de Tolbiac / 59 rue Nationale 75013 PARIS
Metro : Olympiades (Ligne 14), Tolbiac (Ligne 7 ), Nationale (Ligne 6)  Bus 62 ou 83

Liauzu_nouvelle_photo















Claude Liauzu, 1940-2007
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Programme

Matinée

8 h 45   Arrivée des intervenants et des participants
9 h00    Introduction de la journée par Daniel Hémery (université Paris 7) :
«Claude Liauzu, un fellagha à l’ Université ...»

9 h15 D’une certaine vision du Maghreb et de l’Islam…
Présidence : Jean-Pierre Vallat (université Paris 7)

François Georgeon
(EHESS) : «Claude Liauzu, la Tunisie et le monde musulman : un témoignage».
René Galissot (université Paris 8) : «Le statut des musulmans en Afrique du Nord à l’époque coloniale».
Lecture d’un texte de Gilbert Meynier (université de Nancy) : «L’Algérie, la nation et l’islam : le FLN, 1954-1962 ».
Mohammed Harbi (Historien de l’ Algérie) : Thème à préciser.
Benjamin Stora (INALCO) : «Générations de chercheurs sur le  Maghreb, 1960-1990».

10h30  Débat
11h00  Pause

11h15 ...à une approche du Tiers Monde et du développement...
Présidence : Françoise Raison (université Paris 7)

Jean Piel (université Paris 7) : «Mes raisons d’avoir été solidaire de la plupart des initiatives de Claude Liauzu à Paris 7».
Omar Carlier (université Paris 7) : «Claude Liauzu et le moment Tiers Monde, entre le sujet et l’objet».
Gérard Fay (université Paris 7) : «Pour un dévelop’mentisme  actualisé, global, critique».

12h00  Débat
12h30  Déjeuner

Après-midi

14h00 ...à la thématique des migrations et au débat sur la colonisation
Présidence : Michelle Perrot  (université Paris 7)

Gérard Noiriel (EHESS) : «Migrations : convergences et divergences avec Claude Liauzu».
Pierre Brocheux (université Paris 7) : «Pourquoi un dictionnaire de la colonisation ?».
Daniel Hémery (université Paris 7) : «Un regard sur l’anticolonialisme en France».
Henri Moniot (université Paris 7) : «L’ enseignement de l’histoire coloniale apprécié par Claude Liauzu : devoir d’histoire et conscience des mémoires en jeu».

15h00  Débat
15h30  Pause

15h45 Claude Liauzu, l’université buissonnière
Présidence : André Gueslin (université Paris 7)

Florence Gauthier, Americo Nunes Da Silva, Magali Jacquemin, Nadia Vargaftig, Anne Vollery, Aïda Kekli  et les autres (université Paris 7) :
«Racisme et antiracisme : un séminaire hérétique».
«Claude Liauzu à l’épreuve des étudiants, en images».
«Claude Liauzu et la loi du 23 février 2005, avec les Tréteaux de la colère».
Et pour terminer : une surprise !

16 h45  Débat
17 h15  Conclusion de la journée par Françoise Raison

18h00  Cocktail

Journée d’études organisée par le Département d’histoire de l’université Paris 7, avec le soutien de l’UFR Géographie Histoire Sciences de la Société et du Laboratoire Identités Cultures Territoires.

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6 février 2008

Saint-Louis du Sénégal

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Saint-Louis du Sénégal

images d'une ville au passé colonial



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la rue principale de Saint-Louis, début du XXe siècle

 

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avenue de Guet N'Dar

 

Saint_Louis_panorama
panorama

 

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rue principale el-Gothni

 

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mairie

 

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place des Cocotiers

 

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quais du fleuve Sénégal

 

 

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Saint-Louis du Sénégal - description Unesco

Fondée par les colons français au XVIIe siècle, Saint-Louis s'urbanisa au milieu du XIXe siècle. Elle fut la capitale du Sénégal de 1872 à 1957 et joua un rôle culturel et économique prépondérant dans l'ensemble de l'Afrique occidentale. La situation de la ville sur une île à l'embouchure du fleuve Sénégal, son plan urbain régulier, son système de quais et son architecture coloniale caractéristique confèrent à Saint-Louis sa qualité particulière et son identité.

____________________________________________

 

 

histoire de Saint-Louis

- une histoire de Saint-Louis, sur le site officiel de la ville

- un passé historique, une situation privilégiée

 

 

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cartes et plans

 

290px_Senegal_carte

 

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carte des régions du Sénégal
(source : senegalaisement.com)

 

saint_louis

 

 

- une photographie aérienne légendée (site officiel de la ville)

 

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bibliographie

 

- Saint-Louis. Mémoires d'un métissage, Jean-Pierre Biondi, Denoël, 1987

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29 janvier 2008

conférence de Benjamin Stora

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France - Algérie :

sortir de la guerre des mémoires


Institut français des relations internationales

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Benjamin STORA
professeur d’histoire du Maghreb à l’INALCO
et auteur de nombreux ouvrages sur l’Algérie et les relations franco-algériennes,
dont le dernier Les mots de la colonisation, ss-dir., presses universitaires du Mirail, janvier 2008

France - Algérie :
sortir de la guerre des mémoires


mercredi 20 février à 18:00

Salle des conférences
27, rue de la Procession 75015 Paris
(métro : Volontaires)

Les relations entre la France et l’Algérie présentent des caractéristiques tout à fait uniques du fait d’une histoire partagée, d’une forte communauté immigrée installée en France et de relations économiques et culturelles très importantes. L’ensemble de ces liens ne peut se résumer à une relation d’anciens colonisateur et colonisé et si l’histoire est nécessaire pour comprendre l’aspect tumultueux de ces rapports, elle est néanmoins insuffisante pour en saisir tous les enjeux. Les procédures qui reviennent, de manière récurrente, sur la nécessité de la repentance française, sur l’examen de la conscience coloniale ou sur la signature d’un traité d’amitié détournent classes politiques et sociétés des deux pays de l’essentiel, c’est-à-dire satisfaire cette «gigantesque envie de vérité» pour rendre l’histoire intelligible en vue de construire l’avenir.

Présidence : Khadija Mohsen-Finan, chercheur, centre Moyen-Orient/Maghreb, Ifri

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Conférence «France-Algérie : sortir de la guerre des mémoires ?»
mercredi 20 février 2008 à 18:00

Bulletin-réponse à ne retourner qu’en cas de réponse positive
Inscription : par fax : 01 40 61 60 60 ou baniamer@ifri.org

Nom :                        Prénom    :
Société :                        Fonction :

Adresse    :
Tél :                Fax :                    Mèl :

N.B. Merci de retourner le formulaire dûment complété de votre mél et de votre fax Pour des raisons de sécurité, seules les personnes inscrites pourront être admises en salle de conférences, par ordre d'arrivée et dans la mesure des places disponibles. Nous vous remercions de nous retourner votre bulletin d'inscription en cas de réponse positive seulement.

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28 janvier 2008

indépendance des États africains

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indépendance des États africains

chronologie

 

Afrique du Sud
indépendance : 31 mai 1961 (république, + sortie Commonwealth)

Algérie
indépendance : 3 juillet 1962

Afrique_portugaisAngola
indépendance : 11 novembre 1975
ci-contre à droite : Afrique portugaise

Bénin / Dahomey jusqu'en 1975
indépendance : 1er août 1960

Botswana / Bechouanaland jusqu'en 1966
indépendance : 30 septembre 1966

Burundi
indépendance : 1er juillet 1962

CamerounNyob__Moumi__Ouandi_
indépendance : 1er janvier 1960 (Cameroun oriental français)
indépendance : 1er octobre 1961 (Cameroun occidental britannique)
ci-contre à droite : Nyobé, Moumié, Ouandié

Cap-Vert
indépendance : 5 juillet 1975

CentrafriqueBoganda_Centrafrique
indépendance : 13 août 1960
ci-contre à droite : De Gaulle et Barthélémy Boganda à sa gauche (Centrafrique)

Comores
indépendance : 6 juillet 1975 (déclaration unilatérale)
indépendance : 3 janvier 1976 (France renonce à sa souveraineté)

Congo
indépendance : 15 août 1960

Côte d’Ivoire
indépendance : 7 août 1960

Djibouti
indépendance : 27 juin 1977

Égypte
indépendance : 28 février 1922

Éthiopie / ancienne Abyssinie
indépendance : depuis l’Antiquité

Gabonmba
indépendance : 17 août 1960
ci-contre à droite : Léon M'Ba, élu président du Gabon en 1961

Gambie
indépendance : 18 février 1965

Ghana / ancienne Gold Coastnkrumah2
indépendance : 6 mars 1957
ci-contre : Kwame N'Krumah, premier ministre (1957-60) puis président du Ghana (1960-66)

Guinée
indépendance : 2 octobre 1958

Guinée-Bissau
indépendance : 24 septembre 1973

Guinée équatoriale
indépendance : 14 octobre 1968

Burkina Faso / Haute-Volta jusqu'en 1984
indépendance : indépendance : 5 août 1960

Kenya
indépendance : 12 décembre 1963

Lesotho
indépendance : 4 octobre 1966

Libéria
indépendance : 26 juillet 1847

- Une société philanthropique américaine fut créée en 1816 : l’American Colonization Society. Son but était de favoriser le retour des victimes de la traite négrière sur le sol africain. En 1822, cette société philanthropique installa, à l'emplacement de l'actuelle ville de Monrovia, une colonie d'esclaves libérés, qui se constitua en république indépendante, dotée d'une constitution semblable à celle des États-Unis. À ce moment-la, le président des États-Unis était James Monroe (1817-1825). La ville, bâtie par les premiers esclaves libérés, prit le nom de Monrovia, en souvenir de James Monroe, et baptisèrent Liberia leur nouveau pays. Le drapeau fut calqué sur celui des États-Unis, avec une seule étoile, et l'anglais fut naturellement choisi comme langue officielle. Le Liberia devint en 1847 le premier État indépendant d'Afrique noire ! (source)image

ci-contre à droite : vers 1880, Noirs américains d'Arkansas partant pour le Libéria
 

Libye
indépendance : 24 décembre 1951

Madagascar
indépendance : 26 juin 1960

Malawi
indépendance : 6 juillet 1964

Mali
indépendance : 22 septembre 1960

MarocMaroc_1956_le_roi_et_Pinay
indépendance : 2 mars 1956

ci-contre à droite : Mohammed V et Antoine Pinay, ministre des Affaires étrangères

île Maurice
indépendance : 12 mars 1968

Mauritanie
indépendance : 28 novembre 1960

Samora_Machel

Mozambique
indépendance : 25 juin 1975
ci-contre, à droite : Samora Machel, premier président du Mozambique, mort dans un accident d'avion le 19 octobre 1986 au-dessus de l'Afrique du Sud

Namibie / ancien Sud-Ouest africain
indépendance : 1990

Hamani_Diori_Niger

Niger
indépendance : 3 août 1960
ci-contre, à droite : Hamani Diori, premier président du Niger

 

 

Abubakar__Nigeria_

Nigéria
indépendance : 1er octobre 1960
ci-contre, à droite, Abubakar Tafawa Balewa, premier ministre de 1960 jusqu'au 14 janvier 1966 (assassiné)

 

 

OugandaMilton_Obot_
indépendance : 9 octobre 1962
ci-contre à droite : Milton Oboté, premier ministre de l'Ouganda, en 1962

Rwanda
indépendance : 1er juillet 1962

São Tomé et Principe
indépendance : 12 juillet 1975

 

senghor_photo_3Sénégal
indépendance : 20 août 1960
ci-contre, à droite : Léopold Sédar Senghor, président de la république du Sénégal de 1960 à 1980 ; ici, prêtant serment après sa réélection, le 9 décembre 1963 à Dakar

Seychelles
indépendance : 28 juin 1976

Sierra Leone
indépendance : 27 avril 1961

Somalie
indépendance : 26 juin 1960 (Somaliland)
indépendance : 1er juillet 1960 (Somalia + fusion)

Soudan
indépendance : 1er janvier 1956

Swaziland
indépendance : 6 septembre 1978

Tanzanie
indépendance : 2 décembre 1961 (Tanganyika)
indépendance : 10 décembre 1963 (Zanzibar)

Tchad
indépendance : 11 août 1960

Togo
indépendance : 27 avril 1960

Tunisieavril_1956
indépendance : 20 mars 1956
- chronologie tunisienne 1956
ci-contre à droite : Bourguiba et des députés de l'Assemblée nationale constituante en avril 1956

 Zaïre
indépendance : 30 juin 1960

Kenneth_KaundaZambie / ancienne Rhodésie du Nord
indépendance : 24 octobre 1964
ci-contre à droite : Kenneth Kaunda, président de la Zambie (1964-1991)

 Zimbabwe robert_mugabe2
indépendance : 18 avril 1980
ci-contre à droite : Robert Mugabé, premier ministre de 1980 à 1987, puis président du Zimbabwe depuis 1987

 

 

 

____________________________________________

 

accord tacite entre Londres et les chefs du nationalisme

En lisant l'histoire de l'évolution de l'Afrique anglaise, on est frappé par la sorte d'accord tacite qui, en dépit des luttes violentes, ne cessa d'exister entre Londres et les chefs du nationalisme. Le Colonial Office n'hésita pas à ralentir leur action, à s'y opposer parfois brutalement, mais il ne persista pas lorsqu'il fut convaincu que cette action avait l'appui des peuples.

Les historiens anglais, après avoir comparé, en la regrettant, la rapidité de l'évolution constitutionnelle de l'Afrique avec la lenteur des progrès du Canada au siècle dernier, reconnaissent, non sans fierté, qu'en Afrique il fut toujours en fin de compte trouvé aux revendications des nationalistes et d'accord avec ceux-ci, des solutions conformes aux structures législatives créées par la domination anglaise : le cabinet et le système parlementaire.

Henri_Grimal_couvHenri Grimal, La décolonisation, de 1919 à nos jours,
éd. Complexe, 1985, p. 227

 

 

 

 

 

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28 octobre 2007

le contact colonial : des individus et des groupes (9 et 10 novembre à Paris)

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Affiche_du_colloque_Le_Contact_Colonial__Paris_Sorbonne__9_et_10_novembre_2007_version_corrige_e
cliquer sur l'image pour l'agrandir


Les jeunes chercheurs du groupe «France Outre-mers»

avec le soutien des universités
d'Aix-Marseille I, Bretagne-Sud (Lorient), Panthéon-Sorbonne (Paris I), Paris-Sorbonne (Paris IV), Saint-Denis (Paris VIII) et de l'École des Hautes études en sciences sociales (EHESS)
vous convient à la synthèse de leurs travaux :


Le contact colonial :

des individus & des groupes


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Au campement du groupe nomade d'Akjoujt, Mauritanie, 1945/1960 (source)


Le programme «France Outre-mers : parcours croisés, destins partagés ?», lancé à l’initiative d’un groupe de doctorants issus de six universités, a réuni pendant trois années (2005-2007) des jeunes chercheurs en histoire autour d’une problématique commune :

«Dans l’ensemble des territoires sous influence française, de la monarchie de Juillet à la Ve République, comment des individus ou des groupes, locaux ou métropolitains, civils, religieux et agents de l’État, participent du fait colonial, soit en l’imposant, soit en l’accompagnant, soit en le dépassant ?»
Dans le cadre de quatre ateliers électroniques, les participants ont confronté leurs approches - en particulier, la biographie, la prosopographie et d’autres formes d’études de groupes -, mis à disposition leurs apports sur des points précis et exposé leurs questionnements.

Ces deux journées de colloque proposent de faire la synthèse de ces échanges.


COMITÉ SCIENTIFIQUE
Robert ALDRICH, Université de Sydney
Hélène d’ALMEIDA-TOPOR, Université Paris I
Eric ANCEAU, Université Paris IV
Dominique d’ANGLÈS D’AURIAC, Archives de l’A.N.
Frédéric ANGLEVIEL, Université Nouvelle-Calédonie
Dominique BARJOT, Université Paris IV       
Pierre BOILLEY, Université Paris I
Hubert BONIN, IEP Bordeaux
Pierre BROCHEUX, Université Paris VII
André BROCHIER, Conservateur chef du Centre des Archives d'outre-mer (Aix-en-Provence)
Jean-Pierre CHALINE, Université Paris IV
Michel GOEH-AKUE, Université de Lomé
Claude LIAUZU, Université Paris VII (†)
Isabelle MERLE, CREDO Marseille
Marc MICHEL, Université d’Aix-Marseille
Guy PERVILLÉ, Université Toulouse-Le Miral
Josette RIVALLAIN, Musée de l’Homme (Paris)
Daniel RIVET, Université Paris I

PROFESSEURS RÉFÉRENTS
Colette DUBOIS, Université de Provence Aix-Marseille 1
Jacques FREMEAUX, Université Paris IV
Maurizio GRIBAUDI, EHESS
Daniel LEFEUVRE, Université Paris VIII
Olivier PETRE-GRENOUILLEAU, Univ. de Bretagne Sud
Hugues TERTRAIS, Université Paris I


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campement targui, Mali 1933 (source)


 

Programme

VENDREDI 9 NOVEMBRE 2007    / MATINEE

9h00 - Accueil des participants

9h15 - Ouverture & introduction aux travaux du colloque par Dominique BARJOT


EXERCICES DU POUVOIR ET DE L’AUTORITÉ

Présidence : Hugues TERTRAIS

9h45- Julie d’ANDURAIN : «Le général Gouraud, parcours d’un colonial (1867-1946)»
Laure COURNIL et Pierre  JOURNOUD : «Le passage de relais entre les armées française et vietnamienne au Sud-Vietnam (1949-1965)»
Tramor QUEMENEUR : «Étude des soldats refusant de participer à la guerre d’Algérie : entre morale et politique»

10h45 - pause

Isabelle DENIS et Nathalie  REZZI : «République et élites locales : l’exemple de Mayotte, 1880-1947»
Valérie  VALEY : «Place et rôle du personnel diplomatique et consulaire dans la politique expansionniste française à Madagascar (1862-1896)»
Komla Obuibé BASSA : «Les Conseils des notables au Togo du mandat à la tutelle française (1922-1958) : tribunes d’expression d’une future opposition au pouvoir colonial»
Benoît K. BEUCHER : «Les souverains moosé Naaba Sagha II et Kugri : un père et son fils dans la tourmente de la colonisation puis de l’indépendance (1942-1982)»
Anne-Laure JAUMOUILLIE : «Processus de reconnaissance des chefs Kanak, entre rejet et collaboration avec l’administration coloniale (Nouvelle-Calédonie, 1878-1946)»

12h30 - Première table ronde animée par Sylvie THÉNAULT

13h00 - déjeuner

VENDREDI 9 NOVEMBRE 2007    / APRES-MIDI

ACTEURS CIVILS DU CONTACT COLONIAL   
Présidence : Pierre BROCHEUX

14h15 - Claire VILLEMAGNE-RENARD : «Les commerçants et les colons français, acteurs de la vie économique et politique du Tonkin : les membres des chambres de Commerce et des chambres d’Agriculture, de leur création aux années Doumer»
Yves PANIS : «Alfred Ernest Babut, publiciste, militant de la Ligue des Droits de l’Homme et du Citoyen, défenseur des enfants métis abandonnés au Tonkin (1900-1908)»
Thierry  LEVASSEUR : «L’activité politique des étudiants vietnamiens en France de la Libération à la fin de la guerre d’Indochine (1944-1954)»

15h30 - pause

15h40 - Christelle LOZERE : «Les commissaires des sections coloniales des expositions nationales et internationales provinciales françaises de 1850 à 1896 : discours, ambitions et scénographie»
Laure  DEGRAS : «Logique d’une histoire / Logique de l’Histoire  : Joseph Roux (1896-1968), de la Provence aux colonies françaises»
David LAMBERT : «Approche du pouvoir colonial : les notables municipaux français dans le protectorat marocain (1912-1939)»
Diane SAMBRON : «Les femmes comme groupe reconnu dans la guerre d’Algérie (1954-1962)»

17h00 - Deuxième table ronde animée par Éric ANCEAU et Isabelle DASQUE


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Dressage des boeufs et leçon de labour, Mali, 1900/1960 (source)


SAMEDI 10 NOVEMBRE 2007    / MATINEE

AGENTS DE L’ÉTAT, REPRÉSENTANTS POLITIQUES
ET ADMINISTRATEURS

Présidence : Hubert BONIN

9h00 - Nathalie REZZI : «Les gouverneurs de 1880 à 1914»
Céline RONSSERAY: «Les administrateurs coloniaux en Guyane française au XVIIIe siècle : enjeux prosopographiques, parcours professionnels et réseaux de solidarité»
Gérard THABOUILLOT
: «Être chef de poste en Inini»
Amaury LORIN : «Paul Doumer, gouverneur général de l’Indochine (1897-1902)»

10h30 - pause

10h45 - RODET Marie : «Femmes et Droit colonial au Soudan Français (1900-1945)»
BRUSCHI Francesca : «Le pluralisme juridique au Sénégal entre assimilation et maintien des identités locales (1916-1946)»
Vanina PROFIZI : «Une approche prosopographique des phénomènes identitaires en contexte colonial : les fonctionnaires d’origine corse en AOF (1900-1920)»

11h30 - pause

11h45 - Anne-Christine TREMON : «Le positionnement de l’élite polynésienne face à la question des droits politiques durant la période coloniale»
Rodolphe  BELMER : «Étude des candidats élus aux élections législatives du 28 au 30 novembre 1958 en Algérie»
Sarah MOHAMED-GAILLARD, Maria ROMO-NAVARRETE : «Les représentants de l’Outre-mer dans les assemblées de la IVe République, 1945-1958»

12h30 - Troisième table ronde animée par Jean-François KLEIN
13h00 - déjeuner


SAMEDI 10 NOVEMBRE 2007    / APRES-MIDI

ÉCHANGES DE SAVOIRS ET DE SAVOIR-FAIRE
Présidence : Colette DUBOIS et Josette RIVALLAIN

14h15 - Alain MESSAOUDI : «Prosopographie des professeurs d’arabe des établissements français au Maghreb (1880-1962)»
Simon DUTEIL : «Institutrices françaises à Madagascar. 1896-1939»
Mylène THELIOL : «Le service des Beaux-Arts, des Antiquités et Monuments Historiques, clef de voûte de la politique patrimoniale coloniale française au Maroc sous le mandat du Général Hubert Lyautey (1912-1925)»

15h15 - pause

15h30 - Hines MABIKA : «Échange ou transfert du savoir médical ? Le Cas du Gabon, 1860-1960»
Rodrigue LEKOULEKISSA : «Aménagement hydroélectrique de Kinguélé : Rôle et savoir-faire des entreprises françaises au Gabon, 1947-1973»
Véronique DIMIER : «Parcours d’administrateurs coloniaux de Dakar à Bruxelles : réflexion sur l’histoire de la DG8, dernière des colonies françaises ?»

16h30 - Quatrième table ronde animée par Armelle ENDERS

17h00 - Conclusions de la journée par Jacques FRÉMEAUX

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SCOA, fusion de karité, Bamako, 1900/1960 (source)


Adresse pour les deux journées :
Maison de la Recherche
Université de Paris-Sorbonne
28, rue Serpente
75 006 Paris.
(grand amphithéâtre, rez-de-chaussée)
Métro : stations Saint-Michel, Cluny ou Odéon.

Contact / coordination du programme :
Sarah Mohamed-Gaillard smg@security-labs.org
Maria Romo-Navarrete maria.romo-navarrete@neuf.fr

Contact / organisation du colloque :
Rodolphe Belmer rodolphe_belmer@hotmail.com
Éric Gady erikgady@yahoo.fr
Valérie Valey valey@univ-ubs.fr


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Yaoundé (Cameroun), un bureau de vote, 1947 (source)


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24 octobre 2007

Culture et colonisation, France XIXe-XXe siècles (séminaire Sophie Dulucq et Colette Zytnicki)

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séminaire Culture et colonisation

France, XIXe-XXe siècles

Sophie DULUCQ et Colette ZYTNICKI

 

 

Master 2 - HIC 151 (octobre-décembre 2007)
Séminaire de l’équipe Diasporas, université Toulouse le Mirail

Responsables pédagogiques : Sophie Eckert-Dulucq et Colette Zytnicki
Lieu : Maison de la Recherche, laboratoire Diasporas, 3ème étage, salle A 306.

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Les séminaires de recherche des différentes équipes ont pour objectif d’initier les étudiants à la recherche telle qu’elle se bâtit au quotidien, à partir des exposés des chercheurs et des débats auxquels ils donnent lieu.
Le thème choisi cette année par l’équipe Diasporas portera sur un chantier de recherche dynamique : l’approche culturelle de l’histoire du fait colonial. On évoquera - essentiellement à partir du cas de l’Empire colonial français - le rôle des savoirs dans les dispositifs de la domination européenne, mais aussi la notion de «culture coloniale» et les pratiques culturelles en situation coloniale. Divers intervenants (membres de l’équipe ou invités) seront sollicités pour venir présenter leurs recherches en cours.

 

* 19 octobre : 9 h 00 – 12 h 30
Présentation de la problématique du séminaire : Colonisation et fait culturel
Intervenants : Patrick Cabanel, Sophie Eckert-Dulucq, Colette Zytnicki.8247262_p

* 2 novembre : 9 h 00 – 12 h 30
Séance sur la culture coloniale en province.
Intervenant : Le Bordeaux colonial avec Christelle Lozère.

* 16 novembre : 9 h 00 – 12 h 309782849100011FS
Séance sur le tourisme, une pratique culturelle en situation coloniale.
Intervenantes :  Geneviève Goussaud-Falgas et Claire Llanès.

* 30 novembre : 9 h 00 – 12 h 30
Séance sur les acteurs et les institutions dans les politiques culturelles coloniales
Intervenants : David Lambert et Yoshiko Sugiyama.

* 30 novembre  : 14 h-18 h
Visite commentée du musée Georges Labit.

* 14 décembre : 9 h 00 – 12 h 3024125_1
Séance sur cinéma et colonisation
Intervenantes : Alice Gallois et Marie-Charlotte Chabosseau.

 

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musée Georges Labit à Toulouse

- musée Geoges Labit  à Toulouse

- musée Georges Labit, par Serge Pierre

01h

 

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Affiche de tourisme en couleurs illustrée. Liaison automobile
saharienne de Colomb-Béchar à Fort-Lamy.
Carte de l'Afrique occidentale française. [vers 1950]
(source)

 

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16 décembre 2007

journal du père mariste Jean Gilibert en Nouvelle-Calédonie (Marie-Louise Gondal)

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journal de Jean Gilibert

missionnaire mariste chez les Kanaks

de 1858 à 1891



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présentation

Marie-Louise GONDAL

 

Les pages que voici sont celles du Journal d’un missionnaire, conservé depuis plus d’un siècle dans la maison Gilibert d’Auliac (15, Jabrun), aux confins de l’Aubrac. Il fut écrit dans la dernière moitié du XIXe siècle, au milieu de tâches multiples, dans des îles et stations reculées du Nord de la Nouvelle-Calédonie, par Jean Gilibert, cinquième enfant d’une famille de six, qui le confia à son frère, Antoine Gilibert, longtemps curé de Saint-Flour.

au début de la colonisation

De sa plume ferme, alerte, colorée, il remplit 10 cahiers, dont 8 nous sont parvenus. Le récit est au ras des jours et des événements. En ces îles, le temps s’étale, les rencontres sont rares. On y est seul, quoique au milieu de tous. L’esprit, curieux du pays et des gens, relève tout : ce qui révèle une humanité en attente, ouverte à l’amitié, mais hantée par des peurs et des pressions collectives ; les mythes et les rites, qui sont pour lui étranges, et qu’il ne peut ou ne sait déchiffrer ; les particularités géographiques, climatiques, sociales ; les noms des chefs et des gens du pays et ceux des caboteurs et des aventuriers, chercheurs d’or ou porteurs de la «bonne nouvelle», qui mettent pied à terre ; les fêtes et les guerres locales. Le talent du chroniqueur lui permet de faire mieux connaître, même à des Néo-Calédoniens d’aujourd’hui, des tranches de vie des populations parmi lesquelles il vivait, au début de la colonisation, avant l’arrivée des prisonniers «Communards» qui bouleversa les modes de vie.

Pionnier confronté à la difficile mission d’évangéliser un monde inconnu, que la Société des Pères Maristes avait reçue de Rome pour l’Océanie, le Père Jean Gilibert fut, avec près d’une trentaine d’autres Maristes, dont les Pères Thomassin, Vigouroux, Lambert, Montrouzier, souvent issus de la paysannerie française, non seulement un apôtre, mais aussi un ingénieur et un inventeur. Tracer des chemins, capter les sources, introduire l’élevage, réinventer le pain et le beurre, multiplier les plantations, codifier une écriture, construire une Eglise, si vite envahie par la végétation, il lui fallait faire appel à tous les savoir-faire acquis à Jabrun, et au-delà. Et quand la santé fut atteinte, il accepta des aumôneries des «transportés», ce qui fut pour lui, comme pour ses confrères, un déchirement et même la découverte des malentendus qui minaient la chrétienté française.

épisodes révélateurs non "corrigés"

Il a fallu choisir. On a élagué les commentaires de la vie familiale dont il reste proche et qui le soutenait de loin, ainsi que ceux qui donnent à éprouver, presque physiquement, l’attente, celle des lettres ou celle du vent pour la mise à la mer d’une pirogue vers une rencontre fraternelle. On a privilégié le choix d’épisodes révélateurs pour nos contemporains, d’ici et d’ailleurs, sans chercher à «corriger» les limites d’une conception de la mission marquée par une époque, ni les aspérités d’un tempérament généreux mais formé par une éducation austère, ni le choc culturel et même microbien de la rencontre Occident-Orient. On a jugé utile de procurer quelques annexes susceptibles de fournir à des lecteurs curieux ou à des chercheurs, des informations complémentaires soit sur les archives de ce fonds, soit sur l’époque.

Le Professeur Frédéric Angleviel, historien, de l’Université de Nouvelle-Calédonie, a apporté sa précieuse contribution pour fixer le contenu de l’ouvrage et en manifester la portée. Son introduction et ses annotations mettent en relief l’intérêt historique de ce Journal. On a pu, par ailleurs, mettre au jour quelques racines familiales, locales, culturelles, de cette belle et courageuse figure. Au fil de la transcription, ce lointain missionnaire est devenu un proche. Sa passion d’horizons lointains, sa générosité et les défis soutenus font de ces pages un document humain parmi les plus dépouillés et les plus transparents. La question demeure : «partir en Orient…» pour n’en jamais revenir : mais pourquoi donc ?

Marie-Louise Gondal, septembre 2007

 

- «Ce journal est précieux à plus d'un titre : il porte sur les premières années de la colonisation ; il est l'émanation d'un homme de lettres vivant au milieu des Kanaks ; il a pour principal sujet le grand Nord ; c'est l'exemple d'une ethnographie pragmatique d'une grande valeur descriptive et indicative.
Professeur Frédéric Angleviel, conférence donnée à l’Université de Nouvelle Calédonie, le 30 août 2007.

- «On peut lire cela comme un simple récit d’aventure, mais en fait, cela m’interroge beaucoup. Le primat de l’amitié et du service, l’inventivité de l’apôtre, la solitude dans la vie religieuse, l’étrangeté d’une culture où le langage religieux semble toujours décalé... et où on ne peut éviter ambiguïté et malentendus. Alors que l’idée de la mission lointaine paraît parfois aujourd’hui dépassée, ce livre donne à penser». (un religieux).

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UN VOYAGE SANS RETOUR. De l’Aubrac à la Nouvelle-Calédonie.
Journal de Jean GILIBERT (1818-1891), Missionnaire mariste chez les Kanaks, de 1858 à 1891
, 538 p.

Transcription et notice biographique par Marie-Louise GONDAL
Introduction historique et annotations par Frédéric ANGLEVIEL

Éd. CEPAC (Conférence Épiscopale du Pacifique), Nouméa, Nouvelle-Calédonie, juillet 2007 - ISBN : 978-982-506-004-8. 30 €

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quatrième de couverture du livre

Le présent ouvrage constitue une révélation. Il porte en effet à la connaissance du public un journal écrit en Nouvelle-Calédonie, entre 1858 et 1884, par un missionnaire mariste originaire du Centre de la France, Jean Gilibert, et demeuré totalement inconnu jusqu’ici. Jean Gilibert, porté par un ardent désir d’aller en Orient, qui le fit entrer en 6ème à vingt ans, et quitter la France à quarante, évangélisa l’île de Pot, dernière île habitée de l’archipel de Belep, au nord de la Grande Terre, avant de faire connaissance avec les «transportés» de France, après la Commune de Paris. Véritable compagnon de vie dans des situations souvent extrêmes, ce journal que l’auteur, à sa mort en 1891, voulut confier à sa famille, n’a encore jamais fait l’objet d’une étude sérieuse. Sa publication devrait la rendre possible.

«Dès le premier abord, ce journal nous a paru un témoignage important des premiers contacts entre les premiers arrivants et les nouveaux arrivants. En effet, ce journal est précieux à plus d’un titre : il porte sur les premières années de la colonisation ; il est l’émanation d’un homme de lettres vivant au milieu des Kanaks ; il a pour principal sujet le grand Nord calédonien, encore aujourd’hui méconnu».

«Une fois replacé dans son contexte, de par sa minutie et de par la connaissance intime qu’avait ce prêtre mariste de la société kanake, il nous apporte aujourd’hui un témoignage riche en détails inédits et en perspectives nouvelles. Mais plus encore que l’histoire politique ou l’histoire matérielle, c’est l’histoire des mentalités qui est renouvelée par de telles pages de vie. En effet, ces dernières nous rendent accessibles, sans prétention littéraire et sans construction théorique, une société kanake plurielle qui cherchait désespérément de nouvelles réponses aux bouleversements difficiles de l’époque coloniale.»

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livre en vente à :   

- Librairie Saint-Paul, 8 Place Bellecour, 69002 LYON

- La Procure Leo, 9 Rue Henri IV, 69002 LYON

- adresse postale de l'éditeur : CEPAC, Secrétariat P.O. Box 289 Suva FIJI (Nouvelle-Calédonie) - l’édition a été réalisée à l’initiative de l’archevêché de Nouméa

- il n'y a pas encore d'édition en métropole.

- pour tout renseignement sur le contenu du livre : écrire à Études Coloniales qui transmettra à Marie-Louise GONDAL

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- Présentation du Journal du père Jean Gilibert, missionnaire mariste en Nouvelle-Calédonie, de 1858 à 1891 (format pdf)

- couverture du livre de Jean Gilibert (recto et verso) (format pdf)

 

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Nouvelle-Calédonie, "tabous canaques"

 

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"groupe canaque"

 

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Nouvelle-Calédonie, "maison de missionnaire"

 

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Nouvelle-Calédonie, île Nou, route menant à l'hôpital du Marais

 

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16 septembre 2007

La «guerre d’Algérie», histoire et historiographie (Omar Carlier)

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La «guerre d’Algérie», histoire

et historiographie

séminaire Omar CARLIER (Paris VII)

 

Master 2.  Spécialité : Sociétés du Sud

M2   43 HI 5263 - La «guerre d’Algérie», histoire et historiographie
- semestre 1, septembre-décembre 2007.Tous les lundis de 9 h à 11h.
université Paris VII, Site de Tolbiac.
Métro Olympiades (ligne 14) Immeuble Montréal, R de C, salle 6
Omar Carlier

24 septembre   :  Approches, sources, méthodes, enjeux,   Omar Carlier  (Paris VII) 
Temps court et  événement : Le premier novembre 1954 à Alger (OC)

1er octobre :   Histoire et historiographie : nouvelles tendances historiographiques, Raphaëlle Branche (Paris I) 
   
8 octobre :  Nouvelles sources, nouveaux objets - 1. Images et iconographie : la photographie,  Marie Chominot, (Paris VIII). Le film, Mathilde Marx (Paris VII)    

15 octobre :  Les archives par les archivistes 
Les Archives Nationales : Christelle Noulet. Le ministère de la Justice : Louis Faivre d’Arcier

22 octobre :  Histoire et sciences sociales : la démographie historique et la guerre d’indépendance algérienne, Kamel Kateb  (INED) 

29 octobre : Nouvelles sources, nouveaux objets - 2. La littérature.
a Les sources : La BNF, France Frémeaux (BN) b -  La littérature : Zineb Benali (Paris VIII) (sous réserve), Mourad Yellès (Paris VIII) (sous réserve).

5 novembre :  La guerre et les minorités - 1. Minorités ethno-communautaires : les Juifs d’Algérie, Paul Siksik (Langues O)

12 novembre   : 2. Minorités «politiques» : les «Libéraux», Fanny Colonna (CNRS).
NB En contrepoint, les communistes (OC).

19 novembre :  Les «groupes sociaux» dans la guerre : le cas des instituteurs, Aïssa Kadri (Tours) 


26 novembre :  Violences de guerre : camps de regroupement, camps d’internement  (Sylvie Thénault (Paris I CNRS) 

3 décembre :  Souffrances de guerre : a) histoire et traumas, Stéphane Audoin-Rouzeau (EHESS) (sous-réserve), b) les femmes algériennes dans la guerre, Souriya Guiddir (Paris I)

10 décembre : Terrains. Acteurs. Echelles
1.  Territoires, régions et Wilayas. Les Aurès et la Wilaya I, Warda Tengour (CRASC)
2 . Les bases arrières de l’ALN : Maroc, Tunisie, Libye, Daho Djerbal (Alger) (sous réserve)

 

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1956

 

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11 octobre 2007

Que faire de l'Annam ? (Onésime Reclus)

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Que faire de l'Annam ?

Onésime RECLUS, 1889 - commentaire : Claire VILLEMAGNE



15_tbl_3Cette «colonie» qui n’en est pas une, est celle qui a le plus enthousiasmé les Français ; pourtant sa nature est telle, qu’elle aurait dû les enthousiasmer le moins. Prendre un grand pays, un fleuve illustre, sept à huit cents lieues de côtes, quinze à vingt millions d’hommes, c’est moins que rien si l’on ne peut tourner ce peuple à vous ressembler par l’esprit, l’âme et la langue. Ce qui condamne tout aussitôt deux espèces de colonies : celles qui sont densément peuplées : cas du Tonkin et de la Cochinchine ; et celles qu’éclaire un soleil hostile, sous un climat où l’on ne peut se perpétuer qu’à la longue, à la très longue, lorsque déjà les arrière-petits-fils des conquis ont rempli toutes les places vides : et tel est le cas de l’Annam.

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"Les gracieux méandres du canal de Phu Cam" (source Caom)

Encore si l’Annamie était une île ainsi que Madagascar, isolée dans la mer, n’ayant aucun recours contre l’envahissement des conquérants sept fois supérieurs par les armes, par l’énergie puisée à la source éternelle du climat froid, tempéré tout au moins, par la force de l’ambition, par le génie, par le cœur, la tête, le verbe. Mais justement, l’Annamie touche au plus stable des empires, au plus grouillant des peuples, à l’idiome le plus parlé, encore qu’il soit presque indigne de la voix humaine. On a même dit que cet empire, la Chine, absorbera le monde. Jamais, quand même elle garderait longtemps encore l’avantage du nombre ; tout lui fait défaut de ce qui donne l’ascendant pour de courtes années ou bien pour de longs siècles. Il lui manque ce qui est jeune, spontané, noblement inquiet, sainement viril, et qu’elle a surabondamment tout ce qui est sénile, y compris le calcul, la prudence, la sagesse et l’impuissance finale. Les Jaunes, certes, ne mangeront pas les Blancs. Il y a dans le Slave, l’Allemand, l’Anglais, le Français, le Péninsulaire, le Romain, le Franco-Canadien, le Yankee, l’Argentin, dix fois la jeunesse, la force, le vouloir, l’orgueil qu’il faudra, si vient enfin le jour de la lutte, pour faire du monsyllabophone de l’Extrême-Orient le domestique payé des fils poilus d’Europe et d’Amérique, voire leur esclave, au cas où l’esclavage, renaîtrait sous une forme nouvelle : car qui peut dire comment tournera l’histoire ?

Mais ici, tout à côté de la Chine, l’attraction du «Vénérable Empire» a bien plus de force que la nôtre. Sagement nous devons craindre que Cochinchinois, Tonkinois, Annamites ne voient toujours en elle un soleil levant, jamais  un soleil couchant ; et surtout que l’action des colons chinois, cent fois plus nombreux que les nôtres, n’amène de jour en jour à la «chinoiserie» des peuples plus qu’à demi chinois déjà par l’origine, l’être intime, les idées de derrière la tête, les mœurs, les usages, le parler ; en un mot par toute la civilisation. Car bien certainement les Giao-Chi confinent aux Chinois ; d’abord physiquement, puis par l’esprit et par la conscience.

Onésime Reclus, La France et ses colonies, tome second Nos colonies,
Paris, Librairie Hachette et Cie, 1889, pp. 488-490

 

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Groupe de paysans de l'Annam (source Caom)


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Contexte

Onésime Reclus (1837-1916) est le frère d'Elisée Reclus, le grand géographe. Il servit dans un régiment de Zouaves en Algérie et voyagea beaucoup en Afrique et en Europe. Il écrit articles et ouvrages de géographie, mais son œuvre est également politique. Si Onésime analyse la géographie de la France, il se montre aussi fervent partisan de l'expansion coloniale française, notamment en Afrique. Il crée le terme de "francophonie" vers 1880 et promeut à la fois les caractéristiques géographiques de son pays, "le plus beau royaume sous le ciel", et le destin colonial français comme participation à la confrontation internationale. Dans ce jeu des puissances, le facteur linguistique lui paraît essentiel. Il décrit avec un lyrisme patriotique les paysages et les populations de France, après que Jules Michelet, sur le même mode, en eut exposé l'histoire. Mais sa conception de l'expansion coloniale ne sort pas des thèses mercantilistes ni raciales. Elle est géographique, linguistique, démographique. L'argumentation d'Onésime Reclus est attachée à l'idée d'influence du milieu et au rôle de la langue qui cimente empires et civilisations.

Commentaire

L'auteur est partisan d'abandonner les colonies d'Asie afin que la politique coloniale française se concentre sur l'Afrique : cette zone géographe est plus proche et la colonisation lui paraît plus aisée. La mise sous tutelle passe par l'imposition de la langue métropolitaine, d'où l'importance de la francophonie dans sa vision politique en matière coloniale.
On retrouve dans le texte un dédain profond concernant les langues chinoise et vietnamiennes, qualifiées de "monosyllabophones". Ce mépris pour ces langues d'Asie imprime toute la pensée d'Onésime Reclus : les Asiatiques en peuvent être que les domestiques des Européens, voire leurs esclaves. L'auteur ne développe pas une théorie raciale : il récuse l'existence de races, les hommes s'étant mêlés depuis l'origine du monde. Par contre, "c'est la langue qui fait le peuple", d'où son combat pour la francophonie et la domination de la langue française sur le monde.

Claire Villemagne

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les cinq frères Reclus, de g. à d. : Paul, Élisée, Élie, Onésime, Armand



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10 octobre 2007

Les vilaines contrevérités de Bernard-Henry Lévy (Michel Renard)

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Les vilaines contrevérités de

Bernard-Henry Lévy

Michel RENARD

 

«Guaino, il est raciste. C'est lui qui a fait le discours de Dakar, que le président Sarkozy a prononcé et qu'il a dû découvrir dans l'avion parce que Sarkozy n'est pas raciste. Discours ignoble où l'on disait que si l'Afrique n'était pas développée c'était parce qu'elle n'était pas inscrite dans l'histoire (...). Dire cela en effaçant complètement la colonisation, la destruction du pays par cette époque honteuse du colonialisme, c'est du Guaino et c'est du racisme (...). Ce discours est un discours raciste, celui qui l'a écrit est donc vraisemblablement un raciste» (Bernard-Henri Lévy, France Inter, mardi 9 octobre 2007, à propos d'Henri Guaino, conseiller de Nicolas Sarkozy).

Le texte intégral du discours de Nicolas Sarkozy est publié sur ce blog, avec quelques critiques. Nous le connaissons donc. Prétendre, comme le fait BHL, qu'il "efface complètement la colonisation" est une contrevérité flagrante. Flétrir la thèse d'une Afrique non inscrite dans l'histoire en omettant de dire que Sarkozy appelle justement les jeunes Africains à ne pas écouter "ceux qui veulent faire sortir l'Afrique de l'histoire"..., c'est une vilaine manipulation.

 

 

Voilà le passage controversé du discours de Nicolas Sarkozy :

- "Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire. Le paysan africain,8998 qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l'idéal de vie est d'être en harmonie avec la nature, ne connaît que l'éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine, ni pour l'idée de progrès. (...)"

Voilà le passage omis par BHL :

- "N'écoutez pas, jeunes d'Afrique, ceux qui veulent faire sortir l'Afrique de l'histoire au nom de la tradition parce qu'une Afrique ou plus rien ne changerait serait de nouveau condamnée à la servitude.
N'écoutez pas, jeunes d'Afrique, ceux qui veulent vous empêcher de prendre votre part dans l'aventure humaine, parce que sans vous, jeunes d'Afrique qui êtes la jeunesse du monde, l'aventure humaine sera moins belle.
N'écoutez pas jeunes d'Afrique, ceux qui veulent vous déraciner, vous priver de votre identité, faire table rase de tout ce qui est africain, de toute la mystique, la religiosité, la sensibilité, la mentalité africaine, parce que pour échanger il faut avoir quelque chose à donner, parce que pour parler aux autres, il faut avoir quelque chose à leur dire.
Écoutez plutôt, jeunes d'Afrique, la grande voix du Président Senghor qui chercha toute sa vie à réconcilier les héritages et les cultures au croisement desquels les hasards et les tragédies de l'histoire avaient placé l'Afrique."

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Quant à la colonisation..., Bernard-Henry Lévy prend les gens pour des imbéciles. Ce thème occupe une grande partie du discours du président français.

Voilà ce que Nicolas Sarkozy a dit à Dakar à propos de la colonisation :

- "L'Afrique a sa part de reponsabilité dans son propre malheur. On s'est entretué en Afrique au moins autant qu'en Europe. Mais il est vrai que jadis, les Européens sont venus en Afrique en conquérants. Ils ont pris la terre de vos ancêtres. Ils ont banni les dieux, les langues, les croyances, les coutumes de vos pères. Ils ont dit à vos pères ce qu'ils devaient penser, ce qu'ils devaient croire, ce qu'ils devaient faire. Ils ont coupé vos pères de leur passé, ils leur ont arraché leur âme et leurs racines. Ils ont désenchanté l'Afrique.
Ils ont eu tort.
Ils n'ont pas vu la profondeur et la richesse de l'âme africaine. Ils ont cru qu'ils étaient supérieurs, qu'ils étaient plus avancés, qu'ils étaient le progrès, qu'ils étaient la civilisation.
Ils ont eu tort.
Ils ont voulu convertir l'homme africain, ils ont voulu le façonner à leur image, ils ont cru qu'ils avaient tous les droits, ils ont cru qu'ils étaient tout puissants, plus puissants que les dieux de l'Afrique, plus puissants que l'âme africaine, plus puissants que les liens sacrés que les hommes avaient tissés patiemment pendant des millénaires avec le ciel et la terre d'Afrique, plus puissants que les mystères qui venaient du fond des âges.
Ils ont eu tort.             
Ils ont abîmé un art de vivre. Ils ont abîmé un imaginaire merveilleux. Ils ont abîmé une sagesse ancestrale.
Ils ont eu tort.             

Ils ont créé une angoisse, un mal de vivre. Ils ont nourri la haine. Ils ont rendu plus difficile l'ouverture aux autres, l'échange, le partage parce que pour s'ouvrir, pour échanger, pour partager, il faut être assuré de son identité, de ses valeurs, de ses convictions. Face au colonisateur, le colonisé avait fini par ne plus avoir confiance en lui, par ne plus savoir qui il était, par se laisser gagner par la peur de l'autre, par la crainte de l'avenir.

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Brazzaville, transport d'ivoire, 1946 (source)

 

Le colonisateur est venu, il a pris, il s'est servi, il a exploité, il a pillé des ressources, des richesses qui ne lui appartenaient pas. Il a dépouillé le colonisé de sa personnalité, de sa liberté, de sa terre, du fruit de son travail.
Il a pris mais je veux dire avec respect qu'il a aussi donné. Il a construit des ponts, des routes, des hôpitaux, des dispensaires, des écoles. Il a rendu féconde des terres vierges, il a donné sa peine, son travail, son savoir. Je veux le dire ici, tous les colons n'étaient pas des voleurs, tous les colons n'étaient pas des exploiteurs.
Il y avait parmi eux des hommes mauvais mais il y avait aussi des hommes de bonne volonté, des hommes qui croyaient remplir une mission civilisatrice, des hommes qui croyaient faire le bien. Ils se trompaient mais certains étaient sincères. Ils croyaient donner la liberté, ils créaient l'aliénation. Ils croyaient briser les chaînes de l'obscurantisme, de la superstition, de la servitude. Ils forgeaient des chaînes bien plus lourdes, ils imposaient une servitude plus pesante, car c'étaient les esprits, c'étaient les âmes qui étaient asservis. Ils croyaient donner l'amour sans voir qu'ils semaient la révolte et la haine.

La colonisation n'est pas responsable de toutes les difficultés actuelles de l'Afrique. Elle n'est pas responsable des guerres sanglantes que se font les Africains entre eux. Elle n'est pas responsable des génocides. Elle n'est pas responsable des dictateurs. Elle n'est pas responsable du fanatisme. Elle n'est pas responsable de la corruption, de la prévarication. Elle n'est pas responsable des gaspillages et de la pollution.
Mais la colonisation fut une grande faute qui fut payée par l'amertume et la souffrance de ceux qui avaient cru tout donner et qui ne comprenaient pas pourquoi on leur en voulait autant.
La colonisation fut une grande faute qui détruisit chez le colonisé l'estime de soi et fit naître dans son cœur cette haine de soi qui débouche toujours sur la haine des autres.
La colonisation fut une grande faute mais de cette grande faute est né l'embryon d'une destinée commune. Et cette idée me tient particulièrement à cœur.
La colonisation fut une faute qui a changé le destin de l'Europe et le destin de l'Afrique et qui les a mêlés. Et ce destin commun a été scellé par le sang des Africains qui sont venus mourir dans les guerres européennes.
Et la France n'oublie pas ce sang africain versé pour sa liberté.             
Nul ne peut faire comme si rien n'était arrivé.             
Nul ne peut faire comme si cette faute n'avait pas été commise.             
Nul ne peut faire comme si cette histoire n'avait pas eu lieu.             
Pour le meilleur comme pour le pire, la colonisation a transformé l'homme africain et l'homme européen."

* *

 

Bernard-Henri Lévy n'a jamais lu le discours de Dakar. Il n'a retenu qu'une formule citée par les détracteurs du président français sans vérifier par lui-même. Pourquoi prétendre que Sarkozy "efface la colonisation" alors, qu'au contraire, ce dernier affirme qu'il s'agit d'une "grande faute"...? C'est lamentable. Et on ne trouve pas un journaliste pour lui rétorquer cela...

Michel Renard

 

 

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dédouaner sarkozy

Je suis un peu surprise par votre défense de Sarkozy quand on voit l'instrumentalisation qu'il fait de la question de la colonisation. Que je sache - il était au gouvernement quand la loi sur les bienfaits de la colonisation a été votée. Que dire aujourd'hui de sa politique et de la création d'un ministère de l'identité nationale. S'il veut aller au bout de son discours - qu'il nous donne d'abord le droit de vote comme il en était question lors de sa campagne électorale. Et qu'il arrête de faire du Le Pen sans Le Pen - bien à vous et merci pour la qualité de votre blog.

Fériel
commentaire, 13 octobre

 

Réponse

Je ne défends pas le discours de Dakar prononcé par Nicolas Sarkozy le 26 juillet dernier. Je ne comprends pas qu'on puisse l'évoquer publiquement sans l'avoir lu... C'est tout.
Sur ce blog, il a été publié, accompagné des critiques qu'il a soulevées. C'est un texte évidemment discutable. Mais le taxer de raciste en affirmant avec aplomb qu'il "efface complètement la colonisation" (Bernard-Henry Lévy), est un mensonge, tout simplement.
J'entendais, mercredi dernier sur une radio, Gaston Kelman, auteur notamment de Je suis noir et je n'aime pas le manioc, expliquer que le président Sud-africain Tabo M'Beki n'avait pas été choqué par ce discours. Gaston Kelman se disait, par contre, gêné par le fait que le discours s'adressait à la jeunesse alors que cette dernière veut précisément "s'éloigner de cette image de l'Afrique".
Mais, continuait-il, "quant à savoir si l'Africain a de la difficulté à entrer dans l'histoire, c'est un fait que personne ne nie aujourd'hui. C'est un fait réel qu'il y a des difficultés à s'approprier les outils du progrès, à sortir d'une certaine mythologie qui place l'esclavage, la colonisation, la mondialisation et l'Apartheid comme étant les sources de toutes les difficultés de l'Afrique à se développer. Vu sous l'angle de l'Afrique et des mythes, le Président avait tout à fait raison."

Michel Renard

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le président Sud-africain Tabo M'Beki

 

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26 novembre 2007

Mohammed Bedek, militant nationaliste algérien

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Mohammed Bedek, militant nationaliste

algérien à Lyon dans les années 1930



Bedek Mohamed

Dans cette liste des personnalités historiques du mouvement anti-colonialiste, je vois le nom de Bedek Mohamed qui fut effectivement l'un des membres fondateurs de l'Étoile Nord-africaine à coté de Imache Amar et Messali Hadj. Ce personnage est de ma région, Béni-Doual en Grande Kabylie, plus exactement du village Aguemoune de Béni-Aissi. Je souhaite connaitre, si c'est possible, au moins un petit aperçu de sa biographie car il est méconnu en Algérie et même dans sa propre région. Tous mes remerciements.

Posté par ath douala, lundi 26 novembre 2007 à 14:34

 

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l'Éclairage électrique, usine de matériel de guerre à Lyon (années 1916-1917)

 

 

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Émigré en France, Mohammed Bedek travaille dès les années 1920 aux usines Berliet à Lyon [ci-contre, en 1914-1918].
Il est le principal fondateur de l'Association des travailleurs algériens de Lyon, rejoignant en 1934 l'Étoile Nord-Africaine (E.N.A.) qui devient le parti de Messali.

Il organise le meeting qui accueille Messali à Lyon en mars 1934 et rassemble, selon la police, 400 participants sur les 8 000 travailleurs nord-africains de laChekib_ARslan région lyonnaise à l'époque. Il devient alors le principal animateur de l'E.N.A. dans la région. Il assiste au Congrès islamo-européen organisé par Chekib Arslan [ci-contre] à Genève en septembre 1935 ; à l'occasion du congrès, il expose avec Messali et Imache le programme de l'E.N.A. dans les salons de l'hôtel Victoria de Genève.

Sous le gouvernement de Front populaire, lors de l'assemblée générale de l'E.N.A. à Lyon en octobre 1936, il se prononce contre le projet Blum-Viollette qui promettait un élargissement très mesuré de la citoyenneté française ; il le qualifie "d'instrument de division et de luttes fratricides" et s'élève "contre les lenteurs que met le gouvernement de Front populaire à mettre en application les maigres réformes réalisées.

Alors qu'il est dans la région lyonnaise, le principal animateur et responsable du P.P.A., dès sa création en 1937, il manifeste des désaccords avec la direction parisienne du Parti en 1938, et cède le premier rôle à Akli Aksas. Ses positions sont d'un nationalisme exclusif ; Mohammed Bedek ne réapparaît pas dans l'action politique après 1945.

Algérie : engagements sociaux et question nationale (1830-1962),
dir. René Galissot, "Le Maitron", éd. de l'Atelier, 2006, p. 88.

 

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village d'Aguemoune (Algérie)

 

 

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13 novembre 2007

la colonie en province (Corrèze et Haute Vienne), v.1830-v.1939 (Reine-Claude Grondin)

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la colonie en province :

diffusion et réception du fait colonial

en Corrèze et en Haute Vienne,

vers 1830 - vers 1939

Reine-Claude GRONDIN

 

Mme Reine-Claude Grondin soutiendra sa thèse sur La colonie en province : diffusion et réception du fait colonial en Corrèze et en Haute Vienne (v.1830-v.1939) le vendredi 23 novembre prochain à 14 heures, salle des Lombard à l'Institut d'Études de l'Islam et des Sociétés musulmanes (IISMM-EHESS), 96 bouvevard Raspail  Paris 6ème.

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Marcel Treich-Laplène, né en 1860 à Ussel (Corrèze) et mort
au large de Bassam en 1890 ; explorateur et "fondateur de la Côte d'Ivoire"

 

Le jury sera composé par :
- Jean-François Chanet, professeur à l'université Charles-de-Gaulle- Lille III
- Sophie Dulucq, professeur à l'université Toulouse II
- Herman Lebovics, professeur à l'université de l'état de New York
- Nadine Picaudou, professeur à l'université de Paris 1
- Daniel Rivet, professeur émérite à l'université de Paris 1 et directeur de thèse.

 

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Marcel Treich-Laplène, né à Ussel

 

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12 novembre 2007

Mémoire post-coloniale malmenée en Algérie (journal Libération)

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Mémoire post-coloniale malmenée

en Algérie

un article du journal Libération



En Algérie, des milliers de sépultures juives dépérissent
David THOMSON
Libération, lundi 12 novembre 2007

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Bernard Haddad s’émeut : «Au début, c’était fabuleux, mais tout s’est arrêté quand je suis arrivé au cimetière juifPour son premier retour en Algérie depuis 1956, ce pied-noir séfarade a rapidement déchanté. Les deux premiers jours, tout s’était déroulé idéalement. Il retrouvait sa maison, puis l’école de son enfance et même son proviseur, qui se souvenait encore de lui. De quoi baigner dans l’euphorie. Puis vient le passage obligé, le moment d’honorer ses morts, laissés ici au début des «événements». Mais dans le cimetière d’Annaba, sa ville natale [ci-contre] dans l’Est algérien, Bernard s’effondre.

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cimetière juif d'Annaba (ex-Bône) (source)

 

Sépultures éventrées, pillées, taguées, ossements à ciel ouvert, le paysage qu’il découvre est apocalyptique. «Je ne suis même pas parvenu à retrouver les tombes de mon frère et de mes deux grands-parents», raconte-t-il. Et pour cause : abandonné de force en 1962, le cimetière n’a jamais été entretenu. Certaines tombes auraient servi de caches d’armes et aujourd’hui, «c’est devenu un squat de drogués», assure, dépité, le retraité de 67 ans.

Son cas n’est pas isolé. De retour en Algérie après l’apaisement de la guerre civile de la décennie 90, nombre de pieds-noirs ont fait cette amère expérience. Le pays compte officiellement 523 cimetières français civils, chrétiens et juifs, contenant près de 400 000 sépultures. «En réalité, il y en avait 620 avant 1962. Certains, qui ont disparu ou qui ont été transformés en terrains de foot, ont échappé au recensement», assure Fabienne Latapie, présidente de l’Association pour la sauvegarde des cimetières en Algérie.

Non entretenus depuis près d’un demi-siècle, la plupart des ces cimetières végètent dans un état de désolation avancée. Les sépultures sont souvent profanées. Les juives en particulier. «Au Maroc, où il reste une forte communauté israélite, les cimetières juifs sont protégés, note Nicole Bricq, sénatrice PS de la Seine-et-Marne et membre de l’association Mémoire active bônoise (d’après l’ancien nom d’Annaba : Bône, ndle), mais en Algérie, dès qu’il y a un problème plus à l’est [en Palestine], les tombes juives sont vandalisées

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cimetière juif d'Annaba (ex-Bône) (source)

«Peur». Ceinte de tours HLM, la nécropole juive d’Annaba gît dans un environnement hostile. «Quand nous sommes arrivés dans ce quartier truffé de barbus, les gens nous haranguaient. J’ai eu très peur», raconte Bernard Haddad. Il est le fondateur de Mémoire active bônoise, qui compte 60 adhérents. « C’est peu, déplore-t-il, mais beaucoup de juifs ont peur de retourner en Algérie, notamment à cause du conflit israélo-arabe. Je dis toujours israélo-arabe et non israélo-palestinien, car c’est un conflit entre les Arabes et les juifs qui rejaillit en Algérie.»

La France s’est saisie de la question en 2003. Lors de sa visite triomphale à Alger, Jacques Chirac a annoncé la signature d’un accord franco-algérien et le lancement d’un vaste plan de réhabilitation des grandes nécropoles urbaines ainsi que le regroupement de 62 cimetières difficilement récupérables dans des ossuaires. 38 ont déjà été réunis. Le coût, de 1,4 million d’euros, est pris en charge par le ministère français des Affaires étrangères tandis que les autorités locales doivent se charger de l’entretien.

Chaque réinhumation donne lieu à une cérémonie solennelle. À la demande de certaines associations de rapatriés, horrifiées à l’idée que cela finisse par nier la présence française, des stèles commémoratives sont laissées sur les sites. Jusqu’ici, cette précaution était inapplicable aux cimetières juifs. La raison ? La doxa judaïque interdit le déplacement des dépouilles mortuaires. «Lorsque la question du déplacement s’est posée, la réponse de Jean Kahn, le président du Consistoire central de France, a été claire , explique Bernard Haddad, on ne déplace pas des sépultures juives !»

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cimetière juif d'Annaba (ex-Bône) (source)

L’affaire tourne alors à l’imbroglio administratif. Toutes les parties concernées s’accordent sur une unique solution : réhabiliter les tombes, les entretenir et les surveiller. Mais durant des mois chacun se renvoie la balle. «Tout le monde est scandalisé par l’état de ces cimetières juifs, assure Nicole Bricq. Mais leur entretien relève des mairies. Pour les réhabiliter, on pourrait recourir à la coopération décentralisée.» Nicolas de Lacoste, adjoint au porte-parole du Quai d’Orsay, explique pour sa part que «ces cimetières confessionnels ont un statut particulier : ils sont privés et dépendent des consistoires.» «C’est faux, enrage un militant associatif pied-noir, cela ne dépend plus de la communauté juive. Il y a déjà les cimetières chrétiens, la France ne veut pas s’occuper des juifs en plus. Mais nos morts ont été enterrés sur un sol français !»

«Jurisprudence». Ces dernières semaines, des avancées notables ont été observées. Grâce à l’accord bilatéral de 2003, un mur de protection vient d’être construit par les autorités algériennes autour du cimetière juif d’Annaba. Mieux, les travaux financés par le Quai d’Orsay viennent enfin de démarrer sur place et une trentaine de tombes ont été réhabilitées. Bernard Haddad veut croire maintenant que la France restaurera chacune des quelque 2 000 tombes juives de cette cité côtière. En espérant que son «travail de mémoire fasse jurisprudence».

David Thomson
Libération,
12 novembre 2007

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cimetière juif d'Annaba (ex-Bône) (source)

 

liens

- reportage photographique sur le cimetière juif d'Annaba (ex-Bône)

- Plan d'action et de coopération relatif aux sépultures françaises en Algérie (2005-2006)

- Cimetières chrétien et juif : indifférence des vivants (El Watan, 18 janvier 2005)

 

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cimetière juif d'Annaba (ex-Bône) (source)

 

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synagogue d'Oran à l'époque coloniale

 

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synagogue d'Oran à l'époque coloniale

 

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synagogue d'Oran à l'époque coloniale

 

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synagogue d'Alger à l'époque coloniale

 

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cimetière juif d'Annaba (ex-Bône)
(source)

 

 

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6 novembre 2007

La IVe République et l'outre-mer français (colloque)

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la IVe République et l'outre-mer français

Colloque organisé par Centre d'histoire de Sciences Po

Avec le concours du Centre de recherche sur les sociétés de l'Océan indien


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jeudi 29 et vendredi 30 novembre 2007

Centre d'histoire de Sciences Po - 56 rue Jacob Paris VI e


Jeudi 29 novembre

9h15 : Ouverture par Jean-François Sirinelli

Introduction par Pascal Cauchy


9h45 –12h45 : La question institutionnelle de l'Empire

Président de séance : Gilles Le Béguec

- L'Empire au sortir de la guerre : Jean-François Muracciole

- Quelle «constitution» pour l'Empire ? : Didier Maus

- Les projets de réforme de l'Union française, 1954-1958 : Bernard Droz

- La départementalisation : Yvan Combeau

- Les territoires d'outre-mer : Frédéric Angleviel

Pause

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14h30 – 18h : Les gouvernements, les forces politiques et l'outre-mer

Président de séance : Frédéric Angleviel

- Les groupes de pressions parlementaires : Gilles le Béguec

- La présidence du conseil : Maria Romo-Navarette

- Les ministères chargés de d'outre-mer : Bernard Vinay

- Le parti communiste et l'Empire : Yves Santamaria

- Les «synergies politiques» du centre droit et du gaullisme : Frédéric Turpin

- Les socialistes français face à la décolonisation: l'idéologie à l'épreuve des faits : Noëlline Castagnez


Vendredi 30 novembre

9h15 - 12h30 : La IVe République, son personnel et l'Empire

Président de séance : Marc Michel

- L'administration coloniale : Francis Simonis

- L'Armée : Hervé Lemoine

- Éduquer : Jean-Hervé Jézéquel

- La réforme par l'économie et le développement : Daniel Lefeuvre

- Le coût de l'Empire : Hugues Tertrais

Pause

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Cérémonie à Versailles (10 décembre 1947) : installation
de l'Assemblée de l'Union Française.
Cette assemblée siège dans la salle dite du Congrès,
dans l'aile du Midi, au Château de Versailles. Albert SARRAUT préside,
Vincent AURIOL est à la tribune. On reconnaît Edouard HERRIOT et Gaston MONNERVILLE
au premier rang de l'hémicycle. (Photo :France-IIlustration) -
source

 

14h15 – 16h30 : L'enjeu international et les guerres coloniales

Président de séance : Samya El Mechat

- La diplomatie française et l'Empire : Pierre Grosser

- Les enjeux de la guerre froide : Laurent Rucker

- Le renseignement : Olivier Forcade


16h45 – 17h15 : Conclusion  par Yvan Combeau

Comité d'organisation : Pascal Cauchy (Centre d'histoire de Sciences Po), Yvan Combeau (Directeur du Centre de recherche sur les sociétés de l'Océan indien), Jean-François Sirinelli (Directeur du Centre d'histoire de Sciences Po


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la France et l'Union française - Géographie pour le cours moyen de l'enseignement
primaire, par Jean Tarraire, carte de L. Bergelin, Nathan, 1950 (?)
- cliquer sur la carte pour l'agrandir -


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GAUTIER Carole
Centre d'histoire de Sciences Po
56, rue Jacob
FR 75006 Paris

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27 octobre 2007

l'histoire de l'émigration des Algériens au Canada (Marion Camarasa)

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Quand les hommes vivront d'amour...

quelques jalons sur l'histoire de l'émigration

des Algériens au Canada

Marion CAMARASA

 

"Quand les hommes vivront d'amour, il n'y aura plus de misère, et commenceront les beaux jours, mais nous, nous serons morts mon frère" . Ces paroles célèbres sont issues de la chanson québécoise deraymond_levesque_1955 Raymond Lévesque, qui écrivit cette œuvre en s'inspirant des malheurs causés par la guerre d'Algérie. Elle fut un succès populaire et peu de gens se doutent en écoutant cette mélodie qu'elle y fait allusion. Au Québec, lorsque Raymond Lévesque y retourne en 1958, la population s'intéresse d'avantage à ce conflit de décolonisation et la chanson revêt souvent une autre signification qu'en France ou de par le monde. Ainsi l'Algérie et le Québec partagent une mémoire commune qui a permis tout au long des années d'après guerre de forger une relation privilégiée entre ces deux gouvernements.

La communauté algérienne installée au Québec est fille de l'histoire algérienne. Elle ne peut se comprendre qu'en appréhendant les soubresauts de la politique algérienne depuis l'Indépendance et leurs conséquences économiques. Cet article tente de mettre en lumière les principales caractéristiques et les enjeux que soulève cette émigration atypique à bien des égards au Québec.

L'Algérie de 1962 est un pays à façonner. Toutefois, malgré ce rêve en marche, l'émigration qui a débuté au tournant du XIXème siècle, ne cesse d'évoluer et va même progresser, se dirigeant traditionnellement vers la France. Elle poursuit son installation, tout en restant cependant accrochée à l'idée d'un possible retour en 5297Algérie. L'arrêt de l'émigration en 1973 par Houari Boumédiène et la politique du regroupement familial, instaurée en 1974 par la France, modifia peu à peu son visage qui, d'immigration de travail passa à une immigration de peuplement.

Toutefois, cette émigration vers l'ancienne métropole est régie par des accords bilatéraux, avantageux pour les Algériens, entraînant alors la constitution d'une forte communauté, comptant au début des années 1980 près de 600 000 personnes. Cependant, on voit poindre le début d'un phénomène qui prit de l'ampleur dans les années 1990 : le départ vers le Québec. Ces flux migratoires sont le résultat de la dégradation progressive des conditions de vie et la détérioration du climat politique en Algérie. Le besoin de partir, de tenter de construire une vie meilleure à l'étranger devient le leitmotiv des ces Algériens, cadres, universitaires ou étudiants qui n'entrevoient plus de perspectives d'avenir dans leur pays d'origine. L'émigration politique vers le Canada n'aura pas lieu, les liens privilégiés avec la France seront toujours prépondérants dans ce domaine. L'évolution de l'histoire algérienne de ces quarante dernières années symbolise alors ces vagues migratoires successives.

L'arrivée en 1988 d'une ouverture démocratique (cependant bien vite refermée) n'a pas apporté une amélioration des conditions de vies bien au contraire, elle marque, avec la montée des violences islamistes, le début d'un phénomène migratoire sans précédent. La jeunesse algérienne ne rêve plus alors que de partir pour l'étranger et tout est bon pour réussir. La rumeur, immortalisée par Fellag dans l'un de ses spectacles, d'un bateau australien venant chercher des candidats à l'exil symbolise cette détresse morale et matérielle. Le Canada et surtout le Québec vont devenir cet "Eldorado à la sauce francophone" dont rêve tant les Algériens.

 

Canada terre d’immigration

Le Canada est l'un des pays symbole d'immigration, à l'image de son voisin américain. Il s'est ainsi construit, chassant les Indiens de leurs territoires et accueillant des vagues migratoires de plusieurs nationalités venant s'ajouter aux premiers colons, francophones et anglophones. Ce pays du nord a su, tout au long de la seconde moitié du XXème siècle se fabriquer une image lisse et policée. Monarchie parlementaire (la Reine d’Angleterre est reine du Canada, représentée par un gouverneur général, actuellement Mme Michaëlle Jean), le Canada n’a rapatrié  sa constitution qu’en 1982, ne s’est doté d’un drapeau (l’unifolié) qu’en 1965. En 1931, par le Statut de Westminster, il devient pays à part entière et s’émancipe de la Grande Bretagne en restant membre du Commonwealth. Cette affirmation nationale se double d’une expansion économique et est la source des dissensions et des fissures du fédéralisme canadien.

Ainsi dès les années 1960, le Québec – jusqu’alors on parlait de Canadien-Français – revendique sa spécificité et la "Révolution tranquille" voit naître le concept du Québécois et du nationalisme moderne. Cette nouvelle théorie, portée par le parti de René Lévesque , revendique la spécificité du Québec, dans ou hors du Canada. Il promulgue, en 1977, la loi 101 protégeant le français dans la Belle Province . Le premier référendum sur la souveraineté-association organisé le 20 mai 1980 est rejeté par plus de 60% des Québécois. Des tentatives de réformes du système fédéral sont entreprises au cours des années 1980 et 1990, mais se heurtent toujours au refus de certaines provinces et même, comme en 1992, sont rejetées par référendum par le peuple canadien . En 1995 (le 30 octobre) le référendum sur la libre-association présenté par le Parti Québécois (PQ) est rejeté par une très faible majorité de Québécois (50,6% pour le Non et 49,4% pour le Oui) et démontre ainsi la très fragile constitution du système fédéral canadien.

feuilLe Canada n’a cependant pas cessé d’être, au même titre que les Etats-Unis ou l’Australie un "pays de rêve" pour l’immigration. Jean-Claude Redonnet, ancien conseiller culturel auprès de l’Ambassade de France au Canada, présente ainsi ce vaste pays dans l’introduction de son ouvrage Le Canada : "Le Canada s’est forgé au cours des ans une réputation de sûreté et de responsabilité. Célébré comme terre d’accueil, il s’est vu également reconnaître les mérites d’honnête courtier de la paix et de serviteur du développement grâce à ses interventions dans le monde, sous ses propres couleurs ou celles des Nations Unies. […] Né de la colonisation et du peuplement, fondé par deux peuples rivaux, il se veut et se proclame autre et sait cultiver la différence, autre trait de son identité. Américain sans être à l’image des Etats-Unis d’Amérique, francophone sans être français, universaliste sans être dogmatique ni dominateur, le Canada se place à part dans le monde et prétend, dans un même temps, refléter le monde qui l’entoure. Champion de l’environnement et des ressources naturelles de la planète, avocat des droits de la personne et des communautés, il se présente comme un pays à découvrir ou à redécouvrir dans sa complexité géographique et dans sa richesse humaine, dans les contradictions internes de sa société, transcendées par une simplicité et un bon vouloir naturels".

Ainsi le Canada se revendique comme une terre d’immigration et menant une politique sélective de peuplement, accueillant de nombreux migrants chaque année, contingentés pour les besoins du pays. C'est pour ses besoins économiques et démographiques que le Québec va ainsi faire venir ces Algériens,canada francophones, éduqués et offrant une perspective démographique que le Québec estime indispensable à son maintien dans l'ensemble canadien. Les échanges économiques et diplomatiques relancés depuis le début des années 1980 ne peuvent qu'encourager cette migration méditerranéenne sur les rives du Saint Laurent. En effet, de nombreuses ententes sont signées, notamment dans le domaine de l'éducation et les relations d'affaires s'intensifient avec les investissements québécois symbolisés par la société SNC-Lavalin, fer de lance des entreprises québécoises en Algérie.

 

communauté algérienne au Canada

La communauté algérienne a débuté son installation avant l'Indépendance. Toutefois, il s'agit de quelques dizaines d'individus seulement dont nous ne savons pas beaucoup de choses. En 1962 il n'y avait au Canada que quelques centaines d'Algériens : le ministère des Communautés Culturelles et de l’Immigration québécois propose le chiffre de 400 personnes dans un opuscule consacré aux différentes communautés culturelles du Québec  pour la communauté algérienne d'avant 1961. Cette émigration originaire des pays arabes s’inscrit dans une vague d’immigration de toute évidence bien restreinte au Canada, dès la fin de la seconde guerre mondiale. L'émigration algérienne est extrêmement faible eu égard à l'importance des arrivées au Canada. Mais elle représente une évolution spectaculaire sur ces quarante dernières années et sans commune mesure avec l'augmentation de la population canadienne pour la même période.

La communauté algérienne s'est développée dans un rapport de 100, tandis que le Canada n'a accru sa population que dans un rapport de 1,8. À titre d’exemple, pour la période 1976-1980, la population d’émigrés algériens au Québec est très faible par rapport à l’ensemble de l’immigration de la province et infime sur l’ensemble du Canada. Ainsi de 1976 à 1980, le Québec a accueilli 83 582 ressortissants étrangers qui se sont installés et le Canada a absorbé quant à lui 456 455 nouveaux immigrants. Les Algériens émigrés étaient 285.

3elementsDurant ces vingt années, le nombre d'arrivées ne dépasse pas les 100 par an et plafonne entre 3 et 80. Nous pouvons retracer cette lente émigration par le biais des chiffres de Statistique Canada. Ainsi cette population a fait halte dans les proportions d'un tiers en France avant d'émigrer vers le Canada. Certains résidaient en Belgique, en Grande-Bretagne ou bien en Suisse ou encore en Italie, d'autres au Japon, au Danemark, au Liban, en Allemagne, aux Pays Bas, en Suède, en Espagne, au Brésil ou bien aux Antilles,  mais dans un ordre de grandeur ultra minoritaire. En effet cela concerne pour chaque pays une dizaine de personnes. Il est également intéressant de souligner la venue au Canada, d'Algériens ayant résidés en Israël durant la décennie 1970. Il s'agit sans aucun doute de personnes de confession juive, des Sépharades.

La décennie 1980 peut se lire à la manière d’une courbe exponentielle. En effet, l’accélération des entrées est progressive mais relativement basse dans la première moitié des années 1980 et s’accentue fortement par la suite. De 1981 à 1985, on compte 290 immigrés algériens entrant au Québec, alors que de 1986 à 1990, leur nombre s’élève à 1 180. Lors du recensement de 1986, le Ministère des Communautés Culturelles et de l’Immigration fait état de 2 110 ressortissants algériens installés au Canada.

La politique d'immigration de la province de Québec, durant les années 1980, a enclenché un tournant, tant par les moyens de sélection mis en œuvre que par la sélection elle-même. Le gouvernement a souhaité mettre à l'épreuve la nouvelle entente signée avec Ottawa pour diversifier davantage ses aires culturelles de recrutement.

Cette demande accentuée, dès la fin des années 1980, est en corrélation directe avec la dégradation des conditions de vie et du climat sécuritaire en Algérie. Octobre 1988 et les événements sanglants qui y font référence ont entraîné un bouleversement et une augmentation marquée des départs vers le Canada. C'est le début d'une deuxième vague migratoire bien plus considérable et plus diversifiée que la première, tant sur le plan quantitatif que sur le plan de la nature de l'émigration. Au cours de l'année 1988, 236 Algériens ont obtenu le droit de résidence permanente au Canada, tandis que l'année suivante, ce chiffre s'élève à 437. 1990 voit s'accroître l'arrivée d'Algériens (491), chiffre qui ne faiblira plus durant toute cette décennie. Cette nette évolution se ressent à travers plusieurs facteurs et va alors entraîner une sts_118_moustaphapolitique de recrutement de plus en plus massive de la part des instances québécoises. Le Canada devient ainsi, à partir de la fin des années 1980, une destination de plus en plus prisée pour les Algériens de tous bords politiques, des islamistes aux démocrates, en passant par les sans opinions, les familles ou les hommes non accompagnés. Cette émigration, toujours composée d'élites, se modifie peu à peu en gardant toutefois ses caractéristiques fondamentales. [photo : Mustapha Kerouch, arrivé au Canada avec ses parents en 1995 - source]

Cette crise incontestable de la nation algérienne a entraîné le départ de près d'un million de personnes selon les chiffres de la presse quotidienne du pays. Ils sont peut être exagérés, mais il est avéré que l'Algérie a connu une hémorragie manifeste d'une très grande partie de ses élites durant cette période. Presque 40 000 personnes (sans compter les clandestins) ont alors émigré au Canada ayant eu la chance d'être retenus à titre de résident permanent. L'évolution est constante durant ces dix ans et Immigration Canada à la demande des Services Immigration du Québec et du gouvernement québécois, a augmenté le recrutement de cette population. Francophone et éduquée, elle répondait aux critères québécois.

De 1992 à 1996, 5 256 Algériens ont été reçus officiellement par le Canada, ce qui représente à peu près l'équivalent de 30 ans d'immigration pour cette communauté. La période ultérieure connaît une augmentation encore plus significative avec près de 14 500 résidents permanents reçus par le Canada. Ces six années correspondent à l'instauration par les autorités fédérales du moratoire sur les expulsions ayant offert la possibilité à de nombreux Algériens de s'installer au Canada. L'Algérie est devenue un pays de recrutement en expansion sans bien sûr qu'il puisse être comparé à des pays fournisseurs comme la Chine notamment. Cependant les événements du 11 septembre 2001 et leurs conséquences ont entraîné une dégradation de l'image des pays où la religion musulmane est très fortement implantée et des pays stigmatisés par le discours sécuritaire canadien. Aux yeux de la population canadienne et québécoise, le rejet de cette immigration en est d'autant plus marqué. Toutefois, cette immigration, après avoir atteint un seuil de stabilité autour de 3 000 à 4 000 Algériens par an, ne peut que devenir et pour plusieurs années une source de recrutement intensif d'immigrants pour la province de Québec.

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fête de l'indépendance de l'Algérie, Montréal, 2002 (source)

L'implantation géographique de cette population, est dans des proportions bien plus importantes encore que la plupart des communautés au Canada, installée au Québec. Concentrée sur l'île de Montréal et sa proche banlieue elle est le fruit de la nature francophone et francophile de ces Algériens. Toutefois, la rencontre entre l'idée que se font les Algériens de la culture francophone québécoise et la réalité dans la société d'accueil amène nombre d'entre eux à modifier leur perception sur la nature française de cette province. Ils pensaient trouver une sorte de francité et d'Amérique française mais doivent se plonger dans une francophonie d'Amérique à bien des égards différentes de leurs idéalisations de départ. L'accroissement de la communauté algérienne durant la période 1996-2001 ne se conjugue pas avec une implantation régionale forte, bien au contraire. Le renforcement de l'attraction montréalaise et de son marché de l'emploi coïncide avec l'évolution de la nature de l'émigration algérienne au Québec. Les régions n'apportent pas à ces néo-québécois les conditions favorables d'une insertion sur le marché de l'emploi, capital pour une "intégration".

Avec l'afflux de la seconde moitié des années 1990, l'implantation géographique change également et l'attrait de la région montréalaise se transforme en attirance irrésistible. Cela traduit peut être aussi des changements perceptibles dans la société québécoise tout entière avec la désertification des régions rurales au profit de la métropole économique, Montréal. Cette tendance s'accentue au fil des ans et peut provoquer à plus ou moins long terme, des disparités et un dépeuplement de certaines contrées. De toute évidence, les politiques, développées par les autorités québécoises, d'incitations pour les immigrants à s'installer en province ne portent pas encore leurs fruits. Les Algériens qui, durant les premières décennies, s'installaient pour une petite partie hors de Montréal, ont alors modifié leurs stratégies et tendent à ressembler ainsi à l'immense majorité des immigrants au Québec qui se rassemblent à plus de 85 % à Montréal.

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Montréal (Canada)

 

les Algériens, dans leur grande majorité,

restent au Québec

La mobilité géographique au Canada est assez importante du fait des migrations inter provinciales. Toutefois, les Algériens restent dans leur grande majorité au Québec. On retrouve une toute petite communauté en Colombie Britannique où le climat est plus doux ainsi qu'en Ontario, province la plus riche du pays. Cette tendance à la concentration s'accentue avec le temps du fait de l'arrivée d'Algériens qui  s'installent là où la communauté est la plus présente. L'activité pétrolière qui a été intensifiée en Alberta ces dernières années a offert la possibilité aux Algériens de trouver des débouchés professionnels dans cette branche de l'industrie pétrochimique et une petite communauté est en train de s'organiser à Calgary, avec quelques milliers de personnes.

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Algériens de Calgary, province d'Alberta (source)

Cette timide diversification de l'implantation géographique s'explique pour une large part par la difficulté à s'intégrer dans le marché du travail, au niveau des compétences acquises par l'immigrant. Ainsi les Algériens, spécialistes et diplômés dans les hydrocarbures, peuvent facilement trouver des débouchés en Alberta. Le boom économique lié à l'exploitation des sables bitumineux aidant, cela attire alors une population en quête d'insertion professionnelle. Cette nouvelle tendance migratoire de la communauté algérienne au Canada est cependant sans commune mesure avec le monde québécois. Elle apparaît pourtant comme une orientation à ne pas négliger dans les prochaines études sur cette émigration car elle symbolise dans des proportions toutes relatives une part de l'échec de la politique d'intégration du Québec en matière d'immigration.

Dès les années 1960 et ce phénomène ira en s'accentuant, vont se créer des associations à buts variés symboliques de cette émigration éclatée. Cette proto-communauté est tout de même déjà marquée par la caractéristique principale de l'Algérie et de son émigration : la fragmentation et la division. Ainsi cette jc100_4538bmosaïque d'opinions se traduit par des dissensions fortes et l'accentuation des clivages idéologiques entre "berbéristes" et "non berbéristes", démocrates et islamistes, FLNistes et anti-FLN entre autres. La politique et les choix de société (démocratique ou religieuse si l'on veut tirer à grand traits les différenciations essentielles) engendrent la reproduction du modèle sociétal algérien où les relations personnelles, les liens familiaux et régionaux, les structures presque tribales parfois, se poursuivent et même dans certains cas s'accentuent. (source photo)

L'émigration algérienne est multiple dès les premières années d'installation et la dynamique de cette proto-communauté est incarnée par le monde kabyle algérien. Ce sont les premiers à développer un petit système associatif à Montréal. Ils souhaitent faire vivre la culture berbère dans l'émigration, afin de dynamiser la langue et la perpétuation de cette civilisation. La montée de l'islamisme et de son cortège de violences et d'interdits, durant la fin des années 1980, va peu à peu modifier le paysage associatif de l'émigration. Ce phénomène s'inscrit dans l'accroissement et la modification de la nature de la population migrante en provenance d'Algérie. Les centres d'intérêts se diversifient et apparaît parfois, pour ces nouveaux émigrés, un sentiment de joie mêlé à de la culpabilité d'avoir laissé famille, amis, dans l'enfer de la violence. Le besoin d'aider, de réagir, de ne pas rester sans rien faire, génère alors la création d'associations d'entraide pour les Algériens. (Ce sentiment se reproduira au sein de la société kabyle du Canada lors des évènements du Printemps Noir en 2001.) Les réactions sont diverses, et là encore, la multiplication des initiatives et la fragmentation du mouvement de solidarité sont à relever.

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Association des Algériens de Calgary (source)

Pas moins de neuf associations ont vu le jour pour porter secours et assistance aux Algériens restés au pays. Certaines furent très actives mais éphémères, n'arrivant par à surmonter les dissensions de fonctionnement, de conscience idéologique et de personnes. Cependant ce phénomène de soutien a apporté une visibilité de la communauté algérienne dans la société d'accueil et un intérêt différent porté sur elle par les élites politiques et militantes du Québec. Cette émigration des années 1990 s'implique alors dans les mouvements de solidarité et investit le champs des associations  communautaires pour prendre part, et de manière très dévouée pour certains, aux actions politico-humanitaires. L'exemple le plus marquant et typique de ce nouveau phénomène est la création du Comité Québec-Algérie. Des personnalités syndicales, politiques, artistiques, des professions libérales ont alors pesé de tout leur poids pour sensibiliser la population québécoise au drame algérien.

Ce tournant idéologique a été capital dans la perception des Algériens par les Québécois. L'accentuation du sensationnel, la mise en scène par la presse des actions islamistes, ainsi que la découverte des réseaux terroristes et l'exploitation policière et médiatique qui en ont été faites, ont transformé l'image stéréotypée de l'Algéro-Québécois en un supposé terroriste pour une grande partie de la population. Ce sentiment s'est notamment développé avec la deuxième vague importante d'émigration algérienne essentiellement composée de jeunes hommes durant la décennie 1990-2000. Ainsi la sensibilisation de l'opinion publique québécoise s'est réalisée dans une double perspective, (volontaire ou non, nous ne nous prononcerons pas sur la question). Cette implication d'une partie des élites a offert un dynamisme nouveau dans leimg_accueil_ru mouvement associatif algérien : de confidentiel qu'il était dans les années 1970-1980, il a réussi à percer le rideau médiatique et à obtenir un soutien capital à la cause algérienne.

La politisation de la crise algérienne au sein de l'émigration n'a pas contribué à souder la communauté, mais à la fragmenter et à apporter la suspicion. Les associations ont cependant œuvré durant cette décennie noire à l'accueil des réfugiés, à la mise en place des organisations et à l'élaboration au sein de l'émigration algérienne, de l'idée première de structuration communautaire. Les années 2000 n'ont pas vu se concrétiser cette aspiration mais connaissent cependant une volonté d'organisation tant par les autorités consulaires que par les membres de l'émigration eux-mêmes. Le foisonnement associatif de ces dernières années démontre cette tendance, mais également ce morcellement. Même les associations berbères se multiplient et n'arrivent pas à unir leur voix, tant sur des questions culturelles, que politiques. Ce mouvement associatif est le reflet de cette émigration algérienne, éclatée, politisée, fortement identifiée culturellement et gardant des liens émotionnels très fort avec son pays d'origine.

Les difficultés d'insertion professionnelle durant la décennie 1990 ont engendré des rancœurs à l'égard de la société d'accueil. Ainsi, recrutés pour leurs compétences, ces émigrés, à leur arrivée, ne se voient pas reconnaître la valeur de leurs diplômes. Les ordres professionnels se ferment à leurs demandes et nombre de ces personnes sont alors obligées de travailler dans un domaine largement différent. Montréal est la ville qui possède les chauffeurs de taxis les plus instruits et les plus diplômés au monde. Cette réalité mine les immigrants, car l'insertion dans la société d'accueil passe immanquablement par une insertion professionnelle réussie. Elle engendre également des dissensions dans le couple car très souvent l'homme se retrouvant au chômage, la femme s'émancipe et tente de faire vivre la famille en occupant des emplois tels que caissières… Cette situation provoque des frustrations et se termine souvent par un divorce. D'autresqueneige facteurs viennent parfois aggraver ce changement de vie. Le premier hiver est redouté mais très souvent perçu comme exotique, la magie de la neige, le tourbillon des flocons dans les tempêtes, tout apparaît assez nouveau, assez changeant.

Cependant, les autres hivers sont alors beaucoup plus compliqués à supporter, l'effet de surprise est parti et ne reste que le froid et beaucoup d'inconvénients ; le manque de soleil et le plafond nuageux quasiment quotidien éloignent davantage des rives méditerranéennes. Plusieurs Algériens nous ont dit, qu'ils ne pensaient pas, en ayant choisi le Québec découvrir une société complètement américanisée. Ils s'imaginaient qu'ils pourraient trouver quelques traces bien solides de la culture européenne et notamment française. Ils souhaitaient faire vivre une sorte de petite francophonie. La société québécoise est d'abord et avant tout une société nord-américaine, qu'on qualifiera de francophone et non une Amérique française. Cette distinction sémantique n'avait pas été perçue dans la traduction sociétale de ces émigrés. Leur surprise en fut d'autant plus importante. Les valeurs nord-américaines, construites autour de l'individualisme et du profit marquent profondément les relations humaines. Bien que se voulant "les plus latins des nord-américains", les Québécois ont adopté ce mode de gestion des relations humaines. L'omniprésence de l'argent, de sa valeur, du travail, transposent au second plan les valeurs humanistes et épicuriennes qui font défaut à la société québécoise. Les amitiés québécoises sont très difficiles à lier, le travail se substituant à beaucoup de choses.

Les Algériens sont alors assez étonnés et observent ces comportements avec l'œil du Huron. L'arrivée dans une grande ville telle que Montréal conduit effectivement à des changements importants ; et la perte des repères traditionnels s'exprime parfois par un certain vague à l'âme. La famille constitue un des piliers de l'identité algérienne, elle est construite autour d'une famille élargie à plusieurs générations et les liens de parenté se traduisent par des liens de solidarité très prononcés. L'émigré s'arrache alors à cet environnement familial et nombreux sont ceux qui ont tendance à vouloir reconstituer ce réseau en parrainant, en aidant et en faisant venir certains membres de leurs familles.

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Algériens de Calgary (source)

La société québécoise renvoie une image assez repliée sur elle-même et l'emploi du "nous" est en cela significatif. Nous avons eu plusieurs conversations avec des immigrants montréalais et le sentiment général reste très souvent le même. "Le sentiment que porte sur nous la société sera toujours celui d'un immigrant, nous ne faisons pas partie pour eux du "nous québécois", le "nous" des "francophones pure laine"". Qu'on soit ingénieur, homme politique ou simple ouvrier, cette impression traverse les classes sociales. Elle se double parfois de la sensation d'un racisme latent, non affirmé et revendiqué, mais bel et bien existant. L'immense émotion qu'ont soulevé au Québec les événements autour des accommodements raisonnables en témoigne. Cette commission, sillonnant la province pour recueillir l'avis des habitants sur la question de l'immigration et de l'identité québécoise donne lieu à des débordements verbaux très violents qui ne sont pas finalement si étonnant dans cette société cloisonnée.

Les Québécois "de souche", surtout ceux vivants en dehors de Montréal, se sont sentis petit à petit dépossédés de leur identité et de toute leur histoire, faite pour une grande part de résistance aux anglophones. Certains immigrants, usant des politiques mises à leur disposition, ont ainsi revendiqué des droits (tels que des principes religieux) mettant en cause la liberté commune. Les Québécois ont alors la sensation d'être les oubliés de leur propre histoire et amorcent un repli identitaire et culturel sur eux-mêmes qui se traduit aujourd'hui par les propositions et les discours recueillis auprès de la population, dans la commission Bouchard-Taylor, sur les accommodements raisonnables. Cette question identitaire cruciale pour l'avenir du Québec mériterait d'associer l'ensemble de la population, ainsi que d'élaborer des réflexions politiques et culturelles sur l'avenir du Québec. Il serait alors souhaitable pour une meilleure compréhension mutuelle de se replonger dans l'histoire de ce pays et de ces immigrants ce qui apporterait une mise en perspective historique bénéfique à la construction de la nation québécoise.

Cette recherche identitaire, où se mêlent regrets et espoirs déçus pour les uns, où les racines profondes des individus ne coïncident pas avec les principes affichés pour les autres, après avoir été transcendée, devrait aboutir à une cohésion inter ethnique favorisant l'intégration de tous les immigrants.

Marion Camarasa
docteure en histoire

 

Bibliographie
Il est à noter qu'aucune étude sur l'émigration algérienne au Canada n'avait été faite jusqu'à ce jour tant au Canada, qu'en Algérie et qu'en France.
* Académie Universelle des Cultures, Migrations et Errances,  Introduction par Paul Ricoeur, Grasset, Paris, 2000.
* AKTOUF Omar, Algérie entre l’exil et la curée, L’Harmattan, Paris, 1989.
* AMAR Marianne, MILZA Pierre, L'immigration en France au XXe siècle, Armand Colin, Paris, 1990.
* BENMALEK Anouar, Chroniques de l'Algérie amère, Pauvert, Paris, 2003.
* BENRABAH Mohamed, Langue et pouvoir en Algérie : histoire d'un traumatisme linguistique, Coll. Les Colonnes d'Hercule, Antaltica Séguier. Biarritz Paris, 1999.
* BISSOONDATH Neil, Selling illusions, the cult of multiculturalism in Canada, Penguin Books, Toronto, 1994.
* CHOUINARD Denis, L'ange de goudron, scénario du film, Lanctôt éditeur, Outremont, 2002.
* COTE Marc, L’Algérie espace et société, Coll. U, Masson-Armand Colin, Paris, 1996.
* FERHI Salah, "L’émigration algérienne aux Etats-Unis et la formation d’une élite", Hérodote, n°94, 3ème trimestre 1999.
* GILLETTE Alain et SAYAD Abdelmalek, L'immigration algérienne en France, Coll. Minorités, Editions Entente, Paris, 1984, 2ème ed.
* HIFI Belkacem, L'immigration algérienne en France, origines et perspectives de non-retour, Coll. Recherches universitaires et migrations internationales, L'Harmattan, Paris, 1985.
* KEPEL Gilles, Jihad, Expansion et déclin de l’islamisme, Ed. Gallimard, Paris, 2000.
* MARTINEZ Luiz, La guerre civile en Algérie, Coll. Recherches Internationales du CERI, Karthala, Paris, 1998.
* PATRY André, Le Québec dans le monde, Léméac, Montréal, 1980.
* RARRBO Kamel, L’Algérie et sa jeunesse, marginalisation et désarroi culturel, Coll. Histoires et Perspectives Méditerranéennes, L’ Harmattan, Paris, Montréal, 1995.
* ROUADJIA Ahmed, Grandeur et décadence de l'État algérien, Coll. Les Afriques, Ed. Karthala, Paris, 1994.
* SAYAD Abdelmalek, Histoire et recherche identitaire, suivi d'un Entretien avec Hassan Arfaoui, Éditions Bouchene, Saint-Denis (France), 2002.
* SAYAD Abdelmalek, La double absence. Des illusions de l'émigré aux souffrances de l'immigré, Coll. Liber, Ed. Seuil, Paris, 1999.

 

Biographie
1996 : Lycée Jules Fil, Baccalauréat mention scientifique, Carcassonne
1996-2004 : Université Toulouse le Mirail, Toulouse
• 1996-1999 DEUG et Licence d’histoire mention géographie
• 1999-2000 Maîtrise d’histoire mention Très Bien
• 2000-2001 DEA d’histoire et civilisations mention Très Bien
• 2001-2007 Doctorat d’histoire mention Très Honorable
• 2001 échange franco-québécois dans le cadre du CREPUQ

 

Articles et publications
Les Cahiers d'Histoire Immédiate, n° 20 Automne 2001 GRHI : Un Mouvement de soutien aux démocrates algériens
• Publication Internet : dans le cadre du GREC "les Algériens dans l'Ouest canadien" (site du GREC mentionné plus haut)
• Publications dans un ouvrage collectif, Le Canada Revisité, Canada revisited, dir. M. Kaltembach et M. Rocard, Edition Universitaire du Sud, Toulouse 2005.
• Publication d'un entretien sur le site Internet de l'Association des Algériens de Calgary 2007.

Colloques et Tables rondes :
• 2001 participation à la Table Ronde organisée par le GRHI La société civile et les associations en France au XXème siècle.
• Avril 2003 participation au Colloque du GREC à Toulouse : La réinvention de l'Ouest canadien
• mars 2004 participation au Colloque du GREC à Toulouse : Un nouveau regard sur les marges du Canada
• mars 2006 participation au colloque international  sur les Etudes Post Coloniales, Toulouse, dans le cadre du CAS (laboratoire Cultures Anglo-Saxonnes)
• intervention sur la chaîne communautaire CNJT Montréal dans l'émission la caravane du Maghreb Octobre 2007

 

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30 septembre 2007

Il y a cinquante ans : Albert Camus reçoit le Prix Nobel de littérature… (Benjamin Stora)

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Il y a cinquante ans :

Albert Camus reçoit le Prix Nobel

de littérature…

Benjamin STORA

 

«Je comprends qu’on discute mon œuvre. C’est à moi qu’elle paraît discutable, et en profondeur. Mais je n’ai rien à dire si on fait le procès de ma personne. Toute défense devient ainsi apologie de soi. Et ce qui frappant, c’est cette explosion d’une détestation longtemps réprimée (…) Je ne m’explique pas l’extrême vulgarité de ces attaques. (…) Ces messieurs veulent, appellent, exigent la servitude. Ils seront probablement servis. À leur santé.» (1) 

L’annonce

Le 16 octobre 1957, Albert Camus est attablé au premier étage d’un restaurant du Quartier latin lorsqu’un jeune chasseur vient lui annoncer qu’il a reçu le prix Nobel de littérature. Camus devient pâle, paraît bouleversé et commence à répéter inlassablement qu’il aurait dû aller à André Malraux. Il est vrai que le nom de Malraux avait été suggéré par divers groupements littéraires en France comme en Suède, et avait fait l’objet de nombreuses spéculations ; le Roi de Suède l’avait même reçu lorsqu’il était venu, sous les acclamations, donner une conférence sur Rembrandt à Stockholm. En cette année 1957, d’autres nomsCamus_proteste circulaient, comme ceux de Boris Pasternak, Saint-John Perse ou Samuel Beckett….  qui tous allaient recevoir plus tard le Prix Nobel.

C’est donc Albert Camus, à peine âgé de 44 ans qui aura le plus prestigieux des prix littéraires. L’annonce est un coup de tonnerre, car l’idée généralement admise est que le Prix récompense, couronne une œuvre déjà achevée, une carrière déjà accomplie. Il est vrai que vingt auparavant, Roger Martin du Gard avait été préféré à son aîné et maître André Gide, qui avait dû attendre encore dix ans pour se voir décerner le prix….
Mais Camus n’est le candidat d’aucun groupe extérieur, d’aucune chapelle littéraire. Bien au contraire, il doute de lui à ce moment, il fait aveu de stérilité, ne se croit plus capable de créativité. Il est aussi l’objet d’attaques venant de tous les milieux de droite comme de gauche…

Dans l’Express, François Mauriac fustige son jeune rival qui a pris position contre la peine de mort au moment où éclatent les affaires de torture commises pendant la «Bataille d’Alger» : «Abolir la peine de mort quand on rétablit la torture ? Un peu de logique, voyons, Camus !» (2)  Sur le plan littéraire, il publie un de ses plus beaux livres, L’Exil et le Royaume, et Gaëtan Picon écrit dans la revue Mercure de France en mai 1957 : «Ici nous sommes ramenés à l’entre-deux, à la confusion, au mixte discret de l’existence ordinaire». Le bruit de l’attribution du Prix court pourtant avec insistance… «Quand son éditeur américain, Blanche Knopf, rendit visite à Camus à Paris au mois d’août, au retour de Stockholm, elle lui raconta qu’elle avait entendu mentionner son nom à propos du prix. "Nous en avions tous ri – cela nous paraissait impossible", raconta t-elle plus tard». (3)

Les réactions.
Bien sûr, les réactions sont innombrables dès l’annonce de l’attribution. Pour les milieux conservateurs, Albert Camus n’a jamais hésité sur la question algérienne. Il est, au contraire, un dangereux ami des «rebelles», une sorte de gauchiste dangereux de l’époque. Les milieux proches aujourd’hui des pieds-noirs «ultras» (toujours favorables cinquante ans après l’indépendance algérienne aux thèses de l’Algérie française) ont oublié tout cela, préférant ne retenir que le Camus du silence avant sa mort…. L’hebdomadaire de droite Carrefour, observe qu’habituellement le prix Nobel est acamusldécerné après consultation du ministre des Affaires étrangères du pays concerné, mais que cette fois l’Académie suédoise a délibérément «favorisé un homme de gauche» plutôt qu’un partisan de l’Algérie française. «Quelle étrange et nouvelle forme d’ingérence dans nos affaires intérieures !».

Le commentaire le plus cruel venant de droite est celui d’Arts, où paraît en première page une caricature de Camus en tenue de cow-boy, avec des pistolets en mains, sous ce titre : «En décernant son prix à Camus, le Nobel couronne une œuvre terminée». L’auteur de l’article, Jacques Laurent (rédacteur en chef d’Arts, polémiste de droite et romancier populaire) écrit : «Les académiciens ont prouvé par leur décision qu’ils considéraient Camus comme fini…».
À l’autre extrémité de l’éventail politique, Roger Stéphane, dans France-Observateur, affirme plus ou moins la même chose: «On se demande si Camus n’est pas sur son second versant et si, croyant distinguer un jeune écrivain, l’Académie suédoise n’a pas consacré une précoce sclérose». Roger Stéphane qui avait servi de cible au mépris de Camus, croit tenir maintenant sa revanche. Il voit Camus très au-dessous de Malraux, Camus étant pour lui une sorte de Sartre domestiqué….

Dans Paris-Presse, Pascal Pia déclare que son ancien camarade n’est plus un «homme révolté» mais un «saint laïque» au service d’un humanisme suranné. Et dans l’ancien journal de Camus, Combat, le critique Alain Bosquet note que «les petits pays admirent les parfaits petits penseurs polis». Albert Camus reçoit de la part des communistes dans l’Humanité  une virulente critique, ce qui n’est pas étonnant compte tenu des positions de l’écrivain contre l’invasion soviétique de la Hongrie un an auparavant : «C’est le "philosophe" du mythe de la liberté abstraite. Il est l’écrivain de l’illusion.» (4)

Jean-Paul Sartre y va de sa formule assassine en disant de ce Nobel attribué à Camus : «C’est bien fait !».0002970815 Dans son autobiographie, La force des choses, Simone de Beauvoir écrit : «Devant un vaste public, Camus déclara : «J’aime la Justice, mais je défendrai ma mère avant la justice », ce qui revenait à se ranger du côté des pieds-noirs. La supercherie, c’est qu’il feignait en même temps de se tenir au dessus de la mêlée, fournissant ainsi une caution à ceux qui souhaitent concilier cette guerre et ses méthodes avec l’humanisme bourgeois.» (5)

Saint John Perse écrit : «C’est assez pour le Poète, d’être la mauvaise conscience de son temps.». Henriette Levillain propose de lire cette clausule comme une attaque adressée à Albert Camus (6). En effet, Perse, comme il l’avouait à Claudel dans des lettres datant des années 1940-1950, méprisait l’existentialisme de Sartre et la pensée de Camus, qui amoindrissaient l’homme, et se détournaient de la recherche du divin dans le monde pour se contenter d’en constater l’absurdité. Camus, à qui on avait reproché son silence sur la guerre d’Algérie, serait la «mauvaise conscience de son temps».

La société parisienne de dénigrement, comme la baptise Camus, ignore et ne s’intéresse pas au fait que ce prix Nobel enthousiasme l’Europe tout entière et la jeunesse. «Elle s’adonne à la dérision aux dépens d’un écrivain décrété mineur tandis que tous les dissidents de l’Est explosent de joie. Dans leur presse clandestine, leurs "samizdat" célèbrent le livre qui fut et demeure celui de leur délivrance projetée : L’homme révolté», note Jean Daniel (7).


Lisons à ce propos Milan Kundera parler de Camus, de ce Prix Nobel attribué, des jalousies et des livre_Kun_rideaumesquineries parisiennes, du mépris à l’égard de ses origines sociales, des accusations de vulgarité portées contre cet homme du Sud, de l’Algérie :
«Après l’anathème politique jeté contre lui par Sartre, après le prix Nobel qui lui valut jalousie et haine, Albert Camus se sentait très mal parmi les intellectuels parisiens. On me raconte que ce qui, en plus, le desservait, c’étaient les marques de vulgarité qui s’attachaient à sa personne : les origines pauvres, la mère illettrée ; la condition de pied-noir sympathisant avec d’autres pieds-noirs, gens aux «façons si familières» (si «basses») ; le dilettantisme philosophique de ses essais ; et j’en passe. Lisant les articles dans lesquels ce lynchage a eu lieu, je m’arrête sur ces mots : «Camus est un paysan endimanché. (…) un homme du peuple qui, les gants à la main, le chapeau encore sur la tête, entre pour la première fois dans le salon. Les autres invités se détournent, ils savent à qui ils ont à faire». La métaphore est éloquente : non seulement, il ne savait pas ce qu’il fallait penser (il parlait mal du progrès et sympathisait avec les Français d’Algérie) mais, plus grave, il se comportait mal dans les salons (au sens propre ou figuré) ; il était vulgaire. Il n’y a pas en France de réprobation plus sévère. Réprobation quelquefois justifiée, mais qui frappe aussi le meilleur : Rabelais.» (8)

L’éditeur Gallimard organise le 17 octobre une réception en l’honneur de Camus. Albert Camus arrive de bonne heure pour s’entretenir avec les journalistes, vêtu d’un élégant complet bleu marine à fines rayures, avec une cravate bleu sombre et une chemise blanche. On luimichelgallimard demande comment il a appris la nouvelle. «Avec beaucoup de surprise et de bonne humeur», répond-il.

Son nom avait été mentionné à plusieurs reprises cette année-là, mais il n’avait pas pensé que cela pût vraiment se produire. «Je pensais, en effet, que le prix Nobel devait couronner une œuvre achevée ou du moins, plus avancée que la mienne.» Il déclare également : «Je tiens à dire que si j’avais pris part au vote, j’aurai choisi André Malraux pour qui j’ai beaucoup d’admiration et d’amitié, et qui fut un des maîtres de ma jeunesse.» Plus tard, André Malraux, quoi qu’il ait pensé de l’attribution du prix décerné à Albert Camus, n’hésitera pas à le féliciter et à bien marquer qu’il est sensible aux propos tenus par Camus à son sujet : «Cette réponse nous honore tous les deux.»
Interrogé sur ses projets, il mentionne qu’il se consacre à son nouveau roman, dont le titre provisoire est Le premier homme, qu’il appelle un «roman d’éducation»….. Toujours l’Algérie, le tourment de la guerre et de ses origines, la fidélité aux siens et à la justice pour les «indigènes»….. Son plus beau livre, publié après sa mort.

KatebBenAknounLe 17 octobre, arrive une lettre de Kateb Yacine….

Mon cher compatriote,
Exilés du même royaume nous voici comme deux frères ennemis, drapés dans l’orgueil de la possession renonçante, ayant superbement rejeté l’héritage pour n’avoir pas à le partager. Mais voici que ce bel héritage devient le lieu hanté où sont assassinées jusqu’aux ombres de la Famille ou de la Tribu, selon les deux tranchants de notre Verbe pourtant unique. On crie dans les ruines de Tipasa et du Nadhor. Irons-nous ensemble apaiser le spectre de la discorde, ou bien est-il trop tard ? Verrons-nous à Tipasa et au Nadhor les fossoyeurs de l’ONU déguisés en Juges, puis en Commissaires-priseurs ? Je n’attends pas de réponse précise et ne désire surtout pas que la publicité fasse de notre hypothétique co-existence des échos attendus dans les quotidiens. S’il devait un jour  se réunir en Conseil de Famille, ce serait certainement sans nous. Mais il est (peut-être) urgent de remettre en mouvement les ondes de la Communication, avec l’air de ne pas y toucher qui caractérise les orphelins devant la mère jamais tout à fait morte.
Fraternellement, Kateb Yacine

Le discours
Le 10 décembre 1957, au moment de la clôture des cérémonies des remises des Prix Nobel, Albert Camus prononce un discours magnifique et prophétique sur l’avenir du monde privé de «ses dieux» et «victime d’unediscours_full folle technologie», sur le poids qui pèse sur les générations :
«[…] Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. Héritière d’une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd’hui tout détruire mais ne savent plus convaincre, où l’intelligence s’est abaissée jusqu’à se faire la servante de la haine et de l’oppression, cette génération a dû, en elle-même et autour d’elle, restaurer, à partir de ses seules négations, un peu de ce qui fait la dignité de vivre ou de mourir. Devant un monde menacé de désintégration, où nos grands inquisiteurs risquent d’établir pour toujours les royaumes de la mort, elle sait qu’elle devrait, dans une sorte de course folle contre la montre, restaurer entre les nations une paix qui ne soit pas celle de la servitude, réconcilier à nouveau travail et culture, et refaire avec tous les hommes une arche d’alliance. […]» (9)

Albert Camus dit que chaque génération, jusqu’à la fin de l’humanité, devra se battre contre l’instauration des «royaumes de la mort». Mais la génération à venir aura surtout à se battre pour éviter que le «monde ne se défasse». Comme Sisyphe, il lui faudra poursuivre l’effort, malgré l’atroce constatation que nous marchons sur les talons de la destruction, de la guerre et des fanatismes aux innombrables visages sous toutes les latitudes, tous points cardinaux confondus. Comment devancer les fléaux qui menacent ?

«Le discours que prononce Camus à Stockholm est d’une si grande importance que l’on pourrait en recommander la lecture, aussitôt après le Premier homme, son roman posthume, à ceux qui veulent s’initier à son œuvre», note justement Jean Daniel. Camus souligne qu’avec lui, c’est un Français d’Algérie qui reçoit cette distinction mondiale. Il veut rappeler que parmi cette population, désignée sous le nom de «pieds-noir» que l’on dit alors constituée de colons aisés et sans scrupules, il peut se trouver des êtres issus des milieux les plus pauvres et capables de faire honneur à l’humanité. Le Camus algérien est entièrement dans ce rappel (ou ce défi) et on l’y retrouve mieux encore que dans la fameuse réplique, d’ailleurs toujours tronquée quand on la cite, qui fut celle de Camus en réponse à des étudiants algériens résidant à Stockholm : «Entre ma mère et la justice, je préférerai toujours ma mère».

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Catherine Sintès, mère de Camus


La polémique

Cette phrase célèbre, «la mère contre la justice», signifiant simplement qu’il redoute que sa mère, modeste femme européenne d’Alger, soit victime des violences qui secouent la ville, le poursuivra jusqu’à sa mort... Cette phrase, passée à une malheureuse postérité, («ma mère contre la justice») n’est pas tout à fait exacte, si l’on en croit les Oeuvres complètes d’Albert Camus (10).

Rendant compte de la conférence de presse donnée par Albert Camus le 13 décembre 1957, Le Monde publiait dans son édition du 14 décembre 1957 l’article suivant :
«Interrogé sur un ton véhément par un jeune Algérien présent, il [Albert Camus] aurait alors répondu : «Je 82n’ai jamais parlé à un Arabe ou à l’un de vos militants comme vous venez de me parler publiquement... Vous êtes pour la démocratie en Algérie, soyez donc démocrate tout de suite et laissez-moi parler... Laissez-moi finir mes phrases, car souvent les phrases ne prennent tout leur sens qu’avec leur fin...» Constamment interrompu par le même personnage, il aurait conclu : «Je me suis tu depuis un an et huit mois, ce qui ne signifie pas que j’aie cessé d’agir. J’ai été et suis toujours partisan d’une Algérie juste, où les deux populations doivent vivre en paix et dans l’égalité. J’ai dit et répété qu’il fallait faire justice au peuple algérien et lui accorder un régime pleinement démocratique, jusqu’à ce que lajeudi_29_novembre_1956_2_ haine de part et d’autre soit devenue telle qu’il n’appartenait plus à un intellectuel d’intervenir, ses déclarations risquant d’aggraver la terreur. Il m’a semblé que mieux vaut attendre jusqu’au moment propice d’unir au lieu de diviser. Je puis vous assurer cependant que vous avez des camarades en vie aujourd’hui grâce à des actions que vous ne connaissez pas. C’est avec une certaine répugnance que je donne ainsi mes raisons en public. J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s’exerce aveuglément, dans les rues d’Alger par exemple, et qui un jour peut frapper ma mère ou ma famille. Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice.»

Amplifiée par la presse française de gauche, la polémique est énorme. La célèbre réplique de Camus à2020086921 l’étudiant algérien à Stockholm éclipse la réception du prix dans la capitale suédoise. Pendant «La Bataille d’Alger», et durant toute l’année 1957, Albert Camus a suivi avec attention, intensément, différentes «affaires algériennes». À plusieurs reprises, Yves Dechezelles et sa jeune assistante Gisèle Halimi lui demandent son appui pour sauver différents algériens musulmans condamnés à mort. Et, comme le souligne Herbert Lottmann dans sa biographie de Camus, «défendre un musulman accusé de terrorisme constituait un acte de bravoure»… (11)

Mais contrairement à d’autres intellectuels «libéraux» originaires d’Algérie, Albert Camus n’a pas pris de position tranchée sur l’indépendance de l’Algérie. Profondément attaché à sa terre natale, il tente d’adopter un discours plus nuancé, dénonçant les violences commises aussi bien par le FLN (12) que par les forces françaises. De fait, lui qui, dès les années 1930, dénonçait la misère des «indigènes» et l’oppression coloniale et qui était favorable à une décolonisation des esprits, vit comme un véritable déchirement la perspective d’un «divorce» entre l’Algérie et la France, semblant anticiper l’inévitable exode de la population européenne («pied-noire») au sein de laquelle il a grandi. Cela lui est amèrement reproché par les anticolonialistes «radicaux» français aussi bien qu’Algériens, tandis que les ultras le considéraient comme un «traître» favorable à l’indépendance. Ces derniers scandaient «Camus au poteau» lorsque l’écrivain voulut organiser une «trêve civile» en janvier 1956, avec l’accord du FLN et des libéraux d’Alger… (13). Profondément ébranlé par le drame algérien, l’écrivain pressent très vite la profondeur du déchirement entre les deux principales communautés. Il plaide pour le rapprochement, tente d’éviter l’irréparable, dit combien les «deux peuples se ressemblent «dans la pauvreté et une commune fierté» (14).

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En avril 1957, un lecteur du périodique anglais Encounter écrit à Camus pour lui demander d’expliquer ses positions sur «la campagne française en Algérie». La réponse paraît dans Encounter du mois de juin est un «résumé» des positions adoptées par Camus pendant la guerre d’Algérie. Il s’y déclare favorable à la proclamation par la France de la fin du statut colonial de l’Algérie (avec les deux collèges de vote réduisant les Algériens musulmans à la catégorie de sous-citoyens), à la constitution d’une nation autonome fédérée à la France sur le modèle suisse des cantons (c’était en quelque sorte la position exprimée par Ferhat Abbas après la Seconde Guerre mondiale), qui garantirait les droits des deux populations vivant dans ce pays. Mais il ne peut, explique-t-il aller plus loin. Il ne veut pas s’engager dans un soutien aux maquis algériens, approuver le terrorisme, la violence qui frappe aveuglement les civils, plus d’ailleurs les Musulmans que les Européens. Il ne peut protester contre la répression française déployée pendant la «Bataille d’Alger» et garder le silence  sur la violence exercée par les nationalistes algériens…

Jean Daniel revient sur ce silence et la position de Camus :
«Dans cette affaire algérienne, Camus, si proche en cela d’une Germaine Tillion, toujours "solidaire et solitaire", refuse qu’un écrivain puisse s’exclure de l’histoire de son temps. Mais il en arrive à penser, dès l’apparition du terrorisme et de la répression, qu’une certaine forme d’engagement s’impose. Toute dénonciation de la barbarie de l’un encourage celle de l’autre. Or il refusera toujours que la revanche puisse tenir lieu de justice, que le mal réponde au mal, que la violence soit encore accoucheuse d’histoire et que même Auschwitz puisse jamais justifier Hiroshima» (15).

 

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Lourmarin (Vaucluse)

 

Camus, de Lourmarin à Oran. La fin d’un exil ?

Le 12 juin 2005, à Oran s’est tenu le premier colloque en Algérie autour de la grande figure d’Albert Camus. En juin 2007, deux universitaires algériennes, Afifa Berhi et Naget Khadda, écrivent dans l’Introduction d’un recueil d’essais publiés autour de la figure de Camus, et publiés en Algérie :
«Éminemment universelles, la pensée et l’écriture d’Albert Camus sont en même temps passionnément arrimés à la terre d’Algérie. Pourtant l’intelligentsia algérienne, parmi lesquels il comptait bien des amis et de nombreux admirateurs, l’a boudé au lendemain de l’indépendance de l’Algérie. Indexé sur le nœud gordien de la question nationale à un moment où celle-ci se négociait par les armes, le différend, sans avoir été réellement apuré à ce jour, a cependant enregistré au cours de ces dernières années, un recul de la polémique, révélateur d’un apaisement des passions.»

L’écrivain «pied-noir» fait lentement retour dans l’espace public algérien. Celui qui avait été cloué au pilori pour avoir, en pleine guerre d’Algérie, déclaré «préférer sa mère à la justice» parle de plus en plus aux jeunes générations, des deux côtés de la Méditerranée. En mai 2006 le président de la République algérienne, Abdelaziz Bouteflika, déclare que la préférence ainsi donnée par Camus à la mère traduit un sentiment vraiment et profondément algérien…

yasmina_khadraDe nouveaux écrivains se revendiquent ouvertement de son héritage. Ainsi, prisonnier de labyrinthes absurdes, Yasmina Khadra, comme l’auteur de l’Étranger cherche l’explication des destins imperceptibles aux autres. Dans son dernier ouvrage, L’attentat, comme Meursault, l’innocent Amine au bout de son chemin est condamné à mort. «Privé, comme l’écrivait Camus des souvenirs d’une patrie perdue ou de l’espoir d’une terre promise.». Et dans un autre de ses livres, l’écrivain, Khadra, dans les pas de Camus, osait écrire : «Pourquoi faut-il, au crépuscule d’une jeunesse, emprunter à celui du jour ses incendies, puis son deuil ; pourquoi la nostalgie doit-elle avoir un arrière-goût de cendre ?».

 

Résonances

Une grande partie de l’œuvre d’Albert Camus est habitée, hantée, irriguée par l’histoire cruelle et compliquée qui emportera l’Algérie française. Ses écrits rendent un son familier dans le paysage politique et intellectuel d’aujourd’hui. À la fois terriblement «pied-noir», et terriblement algérien, il adopte cette position de proximité et de distance, de familiarité et d’étrangeté avec la terre d’Algérie qui dit une condition de l’homme moderne : une sorte d’exil chez soi, au plus proche. La sensation de se vivre avec des racines, et de n’être ni d’ici, ni de là (17). Lorsqu’on le voit être un étranger chez lui, avec cette présence énigmatique, fantomatique, lointaine des «indigènes» simple figurants fondus dans un décor colonial, cela signale aussi une étrangeté au pays, et à soi-même. Camus est, pour moi, d’abord notre contemporain pour ce rapport très particulier d’étrangeté au monde.

Il est aussi celui qui cherche, qui fouille dans les plis de sa mémoire les commencements d’une tragédie, chrocamusd’une guerre, et décide de n’être pas prisonnier des deux communautés qui se déchirent. Il sera donc un «traître» pour les deux camps. À l’intersection de deux points de vue, ceux qui veulent se réapproprier une terre qui est la leur à l’origine, les Algériens musulmans, et ceux qui considèrent que cette terre leur appartient désormais, les Français d’Algérie, Albert Camus annonce ce que peut être la position d’un intellectuel : dans l’implicationpeste passionnée, ne pas renoncer à la probité, dans l’engagement sincère, se montrer lucide. Ses Chroniques algériennes (1939-1958) révèlent ce regard critique et subtil.

Albert Camus est, enfin, celui qui refuse l’esprit de système et introduit dans l’acte politique le sentiment d’humanité. À ceux qui croient que seule la violence est la grande accoucheuse de l’histoire, il dit que le crime d’hier ne peut autoriser, justifier le crime d’aujourd’hui. Dans son appel pour une Trêve civile, préparée secrètement avec le dirigeant algérien du FLN Abane Ramdane, il écrit en janvier 1956 : «Quelles que soient les origines anciennes et profondes de la tragédie algérienne, un fait demeure : aucune cause ne justifie la mort de l’innocent».  Il pense que la terreur contre des civils n’est pas une arme politique ordinaire, mais détruit à terme le champ politique réel. Dans Les Justes, il fait dire à l’un de ses personnages : «J’ai accepté de tuer pour renverser le despotisme. Mais derrière ce que tu dis, je vois s’annoncer un despotisme, qui, s’il s’installe jamais, fera de moi un assassin alors que j’essaie d’être un justicier».

product_957309Les «années algériennes» de Camus résonnent toujours dans les conflits du présent, de la Tchétchènie au Moyen-Orient. Le tout-militaire affaiblit le politique et installe progressivement dans les sociétés une dangereuse culture de la force, de la guerre. À contre courant de la haine qui se déverse pendant la guerre d’Algérie, Camus a tenté de comprendre pourquoi ce couple, la France et l’Algérie, apparemment soudé, se brise à grands fracas. Y a-t-il jamais eu de l’intimité entre eux ? Il en doute, l’exprime, et se réfugie dans sa «communauté» celle des Européens d’Algérie, comme plusieurs témoignages le laissent penser.

À l’affût des âmes blessées, prenant comme toujours le parti de celui qui crée le trouble, Camus ne cesse d’intriguer. Rapport à la violence, refus du terrorisme, peur de perdre les siens et sa terre, nécessité d’égalité et cécité devant le nationalisme des Algériens : son œuvre apparaît comme un palais dans la brume. Plus le lecteur s’en approche, plus l’édifice se complique sans pour autant perdre sa splendeur.

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Benjamin Stora
dernier ouvrage publié : Les trois exils, juifs d’Algérie, Paris, Ed Stock, 2006.

Stora

 

notes

1) Lettre d’Albert Camus à Francine Camus, 17 septembre 1952.
2) L’Express, 12 juillet 1957. À ce moment, dans un article, «Réflexions sur la guillotine», Albert Camus avait soulevé le problème moral de la peine de mort.

3) Herbert R. Lottman, Albert Camus, Paris, Ed du Seuil, 1978, page 609.4) Alors que Camus se trouvait à Stockholm pour recevoir le prix, la revue de l’Union des écrivains tchèques, Literarni Novini, proclama qu’en décernant le prix à Camus l’Académie suédoise avait rejoint le camp de la guerre froide.
5) Simone de Beauvoir, La force des choses, Paris, Ed Gallimard, 1964, page 406). Saint-John Perse (1945-1960), Une poétique pour l'âge nucléaire, textes réunis par Mireille Sacotte et Henriette Levillain, Paris, Klincksieck, 2005.
7) Jean Daniel, Albert Camus, in Célébrations nationales 2007, Ed. Ministère de la Culture, page 124.
8) Milan Kundera, Le rideau, Paris, Ed Gallimard, 2005, pages 68 et 69.
9)  Albert Camus, Discours de Suède, collection folio, éd. Gallimard, 1958 (1997 avec une postface de Carl Gustav Bjurström).
10) Tome 2 (Essais) des Oeuvres complètes d’Albert Camus, dans la bibliothèque de la Pléiade (4e trimestre 1965, pages 1881-1883).
11) Herbert R. Lottman, op. cit., p. 607. Les témoignages de Gisèle Halimi et Yves Dechezelles que j’ai recueillis vont dans le même sens.
12) Albert Camus condamne ainsi le massacre à Paris des responsables du syndicat impulsé par les messalistes du MNA, commis en septembre et octobre 1957, le moment ou il reçoit le Nobel, ce qui l’isole davantage encore parmi l’intelligentsia engagée aux côtés du FLN.
13)  Le 29 janvier 1956, Albert Camus, en contact avec l’avocat des nationalistes algériens, Yves Dechezelles, organise à Alger une conférence pour promouvoir une «Trêve civile» où les belligérants s’engageraient à respecter les populations civiles. La réunion, à laquelle participe Ferhat Abbas avec l’accord du dirigeant du FLN, Abane Ramdane, ne donna rien. Sur ce sujet, voir le livre de Benjamin Stora et Zakia Daoud, Ferhat Abbas, Paris, Ed Denoël, 1995, Ed Casbah, Alger, 1999. 

14) Dans L’Express du 14 mai 1955. Il s’agit du premier article de presse écrit par Camus depuis de longues années. Cet article marque sa rentrée dans le journalisme actif qu’il avait abandonné après avoir quitté la direction du premier Combat. C’est de Grèce, où il voyage en 1955, qu’Albert Camus inaugure sa collaboration à L’Express.
15) Jean Daniel, Célébrations nationales, art. cit., 2007. De Jean Daniel, voir également, Avec Camus, comment résister à l’air du temps, Paris, Ed Gallimard, 2006, 160 pages.

16) Albert Camus et les Lettres algériennes : l’espace de l’inter discours, en deux tomes, 493 pages, sous la direction de Afifa Berhri, Ed. Université d’Alger, juin 2007.
17) Sur ce point, voir le beau livre de Jean Jacques Gonzales, Camus, l’Exil absolu, Paris, Ed. Le Marteau sans maitre, 2007, 196 p.

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29 septembre 2007

Il faut dépasser les mémoires pour arriver à l'histoire (Patrick Rotman)

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Il faut dépasser les mémoires

pour arriver à l'histoire

Patrick ROTMAN
co-scénariste du film L'Ennemi intime

 

Le Figaro Magazine, samedi 29 septembre 2007

Rotman_interviewLe Figaro Magazine - De quelle manière avez-vous utilisé votre travail documentaire pour écrire le scénario de L'Ennemi intime ?
Patrick Rotman - Il n'était pas question de faire un panorama de la guerre d'Algérie. Il me semblait plus intéressant de la montrer à travers la vie d'un microcosme, d'une petite section, en puisant dans mon vivier de témoignages, d'histoires et d'anecdotes. Le lieutenant Terrien, que joue Benoît Magimel, je l'ai rencontré. C'est un homme brisé, broyé par cette guerre. Quarante ans après, il pleure encore en racontant son histoire. J'avais son visage en tête quand j'écrivais. Ce qui m'a plu, c'est d'aller voir ce qui se cachait derrière les apparences, de montrer le côté profondément humain de ces hommes, leurs souffrances, le sentiment de défaite qu'ils intériorisaient.

Avez-vous songé à une seconde version du film, qui aurait montré cette histoire du point de vue algérien, comme Clint Eatswood avec a bataille d'Iwo Jima ?
Patrick Rotman - Il m'a fallu beaucoup de temps pour entrer dans la complexité de cette guerre, pour me glisser dans la tête d'un soldat français en Algérie et traduire tout cela en mots, en états d'âme, en18783369 situations. Je suis incapable de me mettre à la place d'un jeune Kabyle. À chaque peuple d'écrire son histoire.

Vous avez consacré trente ans de votre vie à la guerre d'Algérie. Pourquoi ce sujet vous passionne-t-il autant ?

Patrick Rotman - Je n'ai aucun lien personnel ou familial particulier avec l'Algérie. Mais cet événement m'a toujours fasciné. En lisant les livres d'Yves Courrière, j'ai senti que ce drame constituait une coupure essentielle dans notre Histoire. Il coïncide avec un changement de République et le retour de De Gaulle aux affaires. Et puis, comme toutes les périodes charnières, c'est un moment d'observation priviliégié pour un scénariste. Les passions sont à vif, les tempéraments se révèlent.

Votre regard sur cette période a-t-il changé ?
Patrick Rotman
 - Il y a trente ans, mon regard était influencé par le contexte idéologique assez simpliste de l'époque. Pour moi, le dernier joyau de l'Empire aspirait naturellement à son indépendance et les Algériens menaient une guerre de libération anticoloniale. Mais cette dimension, juste, est réductrice. en recueillant des centaines de témoignages et en délaissant les schémas idéologiques, je me suis davantage intéressé au rapport des hommes à l'Histoire qui les embarque, les domine. Cette guerre coloniale était aussi une guerre civile, et même une double guerre civile. Ce télescopage de conflits interdit de porter un regard univoque sur l'événement. Il y a tant de mémoires juxtaposées dans cette guerre : les harkis, les pieds-noirs, les Algériens, les combattants du FLN... chacun a sa perception, sa vision. Si on veut essayer de comprendre quelque chose, il faut assimiler, dépasser toutes ces mémoires pour arriver à l'Histoire. Le cinéma le permet.

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Je ne comprends pas ce que signifie

la repentance

La manière dont cette guerre est présentée aujourd'hui en Algérie est-elle fidèle à la réalité ?
Patrick Rotman - Les événements historiques sont toujours instrumentalisés ou mythifiés. L'État algérien indépendant s'est construit sur l'idée d'un peuple tout entier dressé derrière le FLN libérateur. Cette mythologie-là a fonctionné et fonctionne toujours en Algérie. La vérité en est évidemment très éloignée. Les atrocités commises par le FLN sont un sujet tabou en Algérie.

Que pensez-vous de ceux qui, en France, utilisent cette tragédie pour réclamer un acte de repentance nationale ?
Patrick Rotman - La repentance relève du domaine religieux et je ne suis pas religieux. C'est commode de s'ériger, cinquante ans après, en grand tribunal de l'Histoire. En revanche, il faut comprendre le comportement des hommes, rechercher la vérité dans toutes ses dimensions. Le climat me semble plus propice aujourd'hui, nous sommes entrés dans le temps deRotman_interview l'Histoire et on peut raconter cette guerre sans déchaîner les passions. Bien sûr que la torture a existé en Algérie, et il faut le dire, tout en rappelant que les Renseignements étaient le nerf de cette guerre. Mais la repentance, je ne comprends pas bien ce que cela signifie.

propos recueillis par Sébastien Le Fol
Le Figaro Magazine, 29 septembre 2007

 

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18 septembre 2007

Algérie (1954-1962) : Une guerre sans «non» ? (Tramor Quemeneur)

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Henri Maillot mort le 5 juin 1956, Jean Müller mort le 27 octobre 1956

 

soutenance de thèse

Une guerre sans «non» ?

Insoumissions, refus d’obéissance et

désertions de soldats français pendant

la guerre d’Algérie (1954-1962)

Tramor QUEMENEUR

 

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Thèse préparée sous la direction de
Benjamin STORA, Professeur d’Histoire contemporaine
à l’INALCO.

La soutenance se déroulera le
lundi 15 octobre à 9 heures,
à l’Université de Paris 8 – Saint-Denis,

Salle des thèses- Bâtiment A - Salle 010

Le jury sera composé de :
- Jean-Charles JAUFFRET
Professeur d’Histoire contemporaine à l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix-en-Provence et à l’Université Paul-Valéry de Montpellier
- Daniel LEFEUVRE
Professeur d’Histoire contemporaine à l’Université Paris-VIII
- Abdelmajid MERDACI
Professeur de sociologie à l’Université Mentouri de Constantine
- Benjamin STORA
Professeur d’Histoire contemporaine à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales
- Danielle TARTAKOWSKY
Professeur d’Histoire contemporaine à l’Université Paris-VIII
- Michel WIEVIORKA
Directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales



Résumé succinct

Trois périodes de refus se dégagent de la quantification des désertions, des insoumissions et des refus d’obéissance de soldats français pendant la guerre d’Algérie. En 1955 et en 1956, les «manifestations de rappelés» posent la question de la désobéissance, qui se cantonne cependant à un niveau individuel. De 1957 à 1959, les réfractaires contestent dans le cadre militaire, s’organisent en exil pour les insoumis et les déserteurs, ou en prison pour les objecteurs de conscience et les «soldats du refus» communistes. Le débat public explose en 1960 avec la découverte de Jeune Résistance, composée de réfractaires. Des intellectuels les soutiennent en rédigeant la Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie dite «Manifeste des 121». Les réfractaires deviennent de plus en plus nombreux, contre la guerre d’Algérie ou en faveur de «l’Algérie française» avec l’Organisation armée secrète. Enfin, l’Action civique non-violente se mobilise en faveur des objecteurs de conscience.

Bellecour19611
place Bellecour à Lyon, source


Présentation détaillée

Qui sont les réfractaires français de la guerre d’Algérie (1954-1962) ? Le terme générique de réfractaire regroupe trois catégories juridiques d’illégalités – les désertions, les insoumissions et les refus d’obéissance – définies dans le Code de justice militaire. Les Français de métropole et d’Algérie, regroupés dans les archives militaires dans la catégorie «Français de souche européenne» (FSE), servent de population de référence.

Le nombre de réfractaires a fait l’objet de controverses dès la guerre d’Algérie, c’est pourquoi chacune des formes de désobéissance est quantifiée d’après les statistiques militaires, tant en nombres absolus que relatifs. Ainsi, les insoumissions et les refus d’obéissance sont analysés par rapport aux recrutements de l’armée française, et les désertions par rapport aux effectifs mensuels de l’armée française en Algérie. Cette étude permet d’appréhender l’évolution de chacune des formes de désobéissance au cours de la guerre. Les limites, tant en terme de définitions que de statistiques, sont ensuite présentées. Une géographie de chaque forme de refus est également dressée, pour la France métropolitaine et pour l’Algérie. Enfin, une brève étude comparative par rapport aux réfractaires algériens de l’armée française et aux légionnaires déserteurs est effectuée. Cette première partie permet de dégager l’existence de trois périodes de refus de participation à la guerre d’Algérie.

La première période concerne «le temps des rappelés». Deux phases marquent une contestation collective importante de la part des soldats. La première se déroule à la fin de l’année 1955. Différentes manifestations de soldats scandent cette période ; la question de la désobéissance surgit au même moment, dans les débats intellectuels et dans les publications militantes. Cette première phase de contestation de la guerre d’Algérie contribue à la chute du gouvernement à la fin de l’année 1955 et à la victoire du Front républicain en janvier 1956. Mais, au printemps 1956, de nouvelles mesures de maintien et de rappel sous les drapeaux entraînent une deuxième phase de contestation des rappelés encore plus importante que celle de 1955. L’évolution des manifestations de 1956 permet d’étudier dans quelle mesure il est question de la désobéissance au cours de ces manifestations et de remarquer que les violences augmentent au fur et à mesure que la contestation se prolonge et que les rappelés se sentent de plus en plus isolés. La fin de leur contestation collective au cours de l’été 1956 conduit à ce que les désobéissances se cantonnent à un niveau individuel. Les désobéissances qui sont alors étudiées constituent des « parcours précurseurs ». Trois d’entre eux (Henri Maillot, Noël Favrelière et Alban Liechti) ont été érigés au rang de figures emblématiques. En regard, des désobéissances beaucoup moins connues sinon anonymes, dites «ordinaires», peuvent aussi révéler des caractères originaux.

La deuxième période qui s’ouvre de 1957 à 1959 peut être qualifiée de «temps du témoignage et de l’organisation». Le «témoignage» passe d’abord par la réalisation de «micro-désobéissances», commises par des soldats qui restent dans le cadre militaire, sans quitter la légalité. Ces «micro-désobéissances» se caractérisent essentiellement par une volonté des soldats qui les commettent de rendre compte à des tiers de leur désaccord par rapport à la guerre d’Algérie. Parallèlement à ces «micro-désobéissances», des soldats désobéissent. Les insoumis et les déserteurs, au départ isolés, commencent à se regrouper. A cet égard, certains font figure de «structurateurs» ou d’«organisateurs». Ainsi, des réfractaires créent Jeune Résistance à la fin de l’année 1958 et commencent à tisser un réseau de soutiens à l’étranger. De leur côté, certains objecteurs témoignent de leur refus de participer à la guerre d’Algérie : ils font ainsi figure de «diffuseurs». Louis Lecoin tente aussi de structurer les objecteurs de conscience en menant une campagne en faveur d’un statut. Au même moment, des soldats communistes refusent de participer à la guerre en Algérie, ce qui amène leur parti à développer une campagne qui démarre en 1957, s’intensifie en 1958, avant de prendre fin en 1959.

La troisième période est marquée par «le temps du débat». La diffusion de l’information au cours de la période précédente et la structuration de réseaux entraînent un débat très important au début de l’année 1960. Des insoumis et des déserteurs sont en effet arrêtés et d’autres relatent leurs parcours dans des livres, ce qui amène la société française à s’interroger sur la désobéissance dans la guerre d’Algérie. Certains intellectuels français approuvent cette désobéissance, ce qui conduit à la publication du «Manifeste des 121» en septembre 1960, au moment où s’ouvre le procès du «réseau Jeanson», jugeant des Français soutenant le FLN. Ce débat important amène des jeunes de plus en plus nombreux à désobéir sans pour autant se regrouper. Au contraire, Jeune Résistance se délite, s’enfonçant dans une action de type révolutionnaire. En cela, elle s’oppose à l’Organisation armée secrète caractérisée par des désertions et des actions violentes. Parallèlement, des non-violents se regroupent dans l’Action civique non-violente, se mobilisant contre la torture, contre les camps de regroupement et enfin en faveur de réfractaires qui choisissent l’emprisonnement. Leurs actions non-violentes suscitent aussi un débat public, qui se poursuit en 1962 et qui aboutit à l’adoption du statut des objecteurs de conscience en décembre 1963.

Tramor Quemeneur

 

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19 octobre 2007

L’Union démocratique du Manifeste algérien, 1946-1956 (Malika Rahal)

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L’Union démocratique du Manifeste

algérien (1946-1956)

soutenance de thèse de doctorat par Malika RAHAL

 

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L'Union Démocratique du Manifeste algérien (1946-1956)image
Histoire d’un parti politique
L’autre nationalisme algérien

thèse menée sous la direction de
Benjamin Stora, professeur d’histoire contemporaine à l’INALCO

Ferhat Abbas en 1950

 

 

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Élections
législatives, scrutin du 17 juin 1951 : proclamation
de l'U.D.M.A.
(source : Caom, base Ulysse)

 

La soutenance se dérouleraarton334
le 20 novembre 2007 à 14 heures
à l’Institut d’histoire du temps présent
59-61, rue Pouchet, Paris 17e
(métro Brochant ou Guy Môquet)

 

 

 

Le jury sera composé de :

- Omar Carlier, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Paris VII
- Mohammed Harbi, professeur de science politique à l’Université de Paris VIII
- Catherine Mayeur-Jaouen, professeur d’histoire contemporaine à l’INALCO
- Michel Offerlé, professeur de science politique à l’ENS-Ulm
- Benjamin Stora, professeur d’histoire contemporaine à l’INALCO
- Henry Rousso, directeur de recherches à l’Institut d’histoire du temps présent (CNRS)

 

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31 octobre 1958

 

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13 octobre 2007

Politiques et pratiques coloniales dans les empires allemands et français (1880-1962)

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Politiques et pratiques coloniales

dans les empires allemand et français

1880-1962

Appel à contributions


XIIe Rencontres franco-allemandes
organisées par le Groupe franco-allemand d’histoire sociale des XIXe et XXe siècles
avec le soutien du WZB, du CNRS et de la FMSH
et d’autres institutions partenaires

Berlin 18 et 19 septembre 2008


L’histoire coloniale a été récemment au cœur de polémiques politiques mais aussi scientifiques très vives en France. Or, parallèlement à ces enjeux mémoriels, les chercheurs en sciences sociales avaient multiplié ces dernières années les recherches ouvrant de nouveaux champs et de nouveaux questionnements. Même si l’empire colonial allemand a connu une durée plus brève, les travaux scientifiques renouvellent également des approches plus classiques, l’interrogation sur l’origine des violences génocidaires comme des formes prises par la domination nazie s’intégrant à ce champ. Ils nous semblent donc intéressant de faire dialoguer ces deux historiographies.

Différents thèmes seront abordés au cours de cette rencontre en ne se limitant pas à une approche d’histoire culturelle de la colonisation mais en tentant de comprendre des phénomènes tout à la fois politiques, sociaux, économiques, militaires, juridiques que scientifiques. Aucune exclusive n’est ici posée et nous espérons avoir des propositions qui concernent aussi bien les statuts et droits des colonies et des colonisés, les pratiques de violences coloniales, les formes d’administration, le rôle économique des territoires coloniaux, la place tenue par les militaires, les religieux ou les scientifiques, les processus de décolonisation. La diversité des territoires et des formes d’occupation et de domination coloniales peut être illustrée. On accorde aussi une importance particulière aux analyses en terme de genre qui ont enrichi les historiographies coloniales récemment.

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Rufisque (Sénégal), école primaire de jeunes filles, 1946 (source Caom)

La question coloniale constitue ici à la fois un terrain pour des interrogations sur les politiques publiques menées dans le cadre colonial, sur la vie politique locale et métropolitaine et sur la manière dont les formes impériales interrogent les régimes politiques dans leur fonctionnement et dans leurs principes. La question des conséquences de ces expériences coloniales, celle des usages des mémoires de la colonisation et les enjeux historiographiques qui y sont reliés seront également interrogés dans le cadre de ces rencontres.

Créé en 1986, le groupe franco-allemand d’histoire sociale des XIXe et XXe siècles organise des rencontres de doctorants, post-doctorants et jeunes chercheurs autour de thèmes qui permettent de confronter les historiographies allemandes et françaises. Fondé par Patrick Fridenson, Heinz-Gerhard Haupt, Hartmut Kaelble, Yves Lequin, vite rejoint par Hinnerk Bruhns, le groupe s’est enrichi au fil des années par des chercheurs qui ont organisé des rencontres dans ce cadre et comptent aujourd’hui en plus des fondateurs : Alain Chatriot, Christoph Conrad, Dieter Gosewinkel, Hervé Joly, Thomas Lindenberger, Sandrine Kott et Jörg Requate.

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conférence aux indigènes de Tanga, Afrique orientale allemande

Les dernières rencontres ont eu pour thème : Communication politique et société civile en Allemagne et en France (XIXe-XXe siècles) (avril 2002, Göttingen), Les Figures de l’État 1870-1945, Lieux, réseaux et pratiques en Allemagne et en France (septembre 2003, Paris), «Les trente glorieuses». Boom économique, foi dans le progrès et transformation sociale, 1950-1975 (mai 2005, Bielefeld), Pratiques politiques communistes en Europe occidentale et dans les démocraties populaires (mai 2007, Paris).

Structuré habituellement avec des rapporteurs (spécialistes du sujet ou au contraire «généralistes»), l’objectif de ces rencontres est de favoriser au maximum le débat intellectuel et d’encourager des relations scientifiques personnelles entre collègues français et allemands. La discussion et les débats se déroulent dans les deux langues, les nombreux collègues bilingues assurant des traductions partielles quand la situation l’exige mais l’idée reste que chacun s’exprime dans sa langue et la mise en circulation des textes suffisamment à l’avance permet d’engager un dialogue fécond. Formé initialement d’historiens ce groupe s’est toujours ouvert à des participants sociologues, politistes et anthropologues. Le nombre de contributions retenues est autour d’une vingtaine et la rencontre se déroule sur deux  jours.

Merci de faire parvenir vos réponses (une page maximum de présentation de votre contribution avec une courte présentation de votre statut et votre cursus) avant le 15 janvier 2008 à Alain Chatriot (CNRS, CRH-AHMOC, Paris) chatriot@ehess.fr ou Dieter Gosewinkel (WZB, Berlin) gosewinkel@wzb.eu. Les organisateurs sélectionneront les propositions avant le 30 mars 2008 et les textes seront impérativement demandés pour le 1er septembre 2008 ; ils pourront être en allemand ou en français et devront comporter un résumé traduit dans chacune des deux langues. Les contributions comparées ou proposant des regards croisés sont naturellement appréciées compte tenu du cadre de ces rencontres.


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le camion postal Boghé-Tidjikja devant le poste d'Aleg, Mauritanie, 1946 (source Caom)


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texte en langue allemande



Koloniale Politik und Praktiken

Deutschlands und Frankreichs

1880 – 1962

Ausschreibung


Diapositive112. deutsch-französisches Kolloquium
organisiert von der deutsch-französischen Gruppe zur Sozialgeschichte des XIX. und XX. Jahrhunderts
mit Unterstützung des Wissenschaftszentrums Berlin für Sozialforschung, des CNRS und der Stiftung Maison des Sciences de l’Homme
sowie anderer Partnerinstitutionen


Berlin, 18 und 19 September 2008


Die Kolonialgeschichte ist kürzlich Gegenstand sehr lebhafter politischer, aber auch wissenschaftlicher Polemik in Frankreich gewesen. Parallel zu diesen Auseinandersetzungen um die koloniale Erinnerung hat während der letzten Jahre die sozialwissenschaftliche Forschung neue Felder und Fragestellungen eröffnet. Wenn auch das deutsche Kolonialreich von kürzerer Dauer als das französische war, nehmen auch hier wissenschaftliche Arbeiten klassische Ansätze auf, die sich mit der Frage nach dem Ursprung genozidaler Gewalt und den Herrschaftsformen des Nationalsozialismus verbinden. Es erscheint uns daher sehr lohnend, diese beiden Historiographien miteinander ins Gespräch zu bringen.

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hutte-hôtel à Mombo, Afrique orientale allemande

Verschiedene Themen sollen in dem Kolloquium behandelt werden. Ohne Beschränkung auf einen kulturhistorischen Zugang zum Kolonialismus sollen seine politischen, sozialen, ökonomischen, militärischen, juristischen und wissenschaftlichen Aspekte untersucht werden. Ohne Themen ausschließen zu wollen, hoffen wir auf Vorschläge, die die Rechtsnormen und Rechte der Kolonien und Kolonisierten, die Praktiken kolonialer Gewalt, die administrativen Formen und wirtschaftliche Rolle der Kolonialgebiete, die Bedeutung des Militärs, der Kirchen und Wissenschaftler sowie die Prozesse der Dekolonisation behandeln. Die Verschiedenheit der räumlichen Gegebenheiten sowie der Formen kolonialer Besatzung und Herrschaft sollen illustriert werden. Besonders wichtig erscheinen uns Zugänge, die in letzter Zeit die Kolonialgeschichtsschreibung erneuert und bereichert haben (z.B. die Geschlechtergeschichte, die Geschichte kolonialer Zugehörigkeiten etc.).

Die koloniale Frage umfasst daher ein Feld zur Erforschung der Kolonialpolitik, des politischen Lebens auf der lokalen Ebene und im Mutterland, schließlich die Frage, wie Formen kolonialer Herrschaft die politischen Regime in ihrer Funktionsweise und in ihren Prinzipien veränderten. Auch die Fragen nach den Wirkungen der kolonialen Erfahrungen, nach dem Umgang mit der Erinnerung an die Kolonialzeit und nach historiographischen Streitfragen werden Gegenstand der Konferenz sein.

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Die 1986 gegründete Gruppe deutscher und französischer Wissenschaftler, die die Sozialgeschichte des 19. und 20. Jahrhunderts erforschen, organisiert Treffen von Doktoranden, Post-Doktoranden und jüngeren Forschern zu gemeinsamen Themen der deutschen und französischen Geschichtsschreibung. Gegründet von Patrick Fridenson, Heinz-Gerhard Haupt, Hartmut Kaelble und Yves Lequin, denen sich bald Hinnerk Bruhns anschloß, hat sich die Gruppe im Lauf der Zeit erweitert: um Alain Chatriot, Christoph Conrad, Dieter Gosewinkel, Hervé Joly, Thomas Lindenberger, Sandrine Kott und Jörg Requate.

Die letzten Treffen hatten folgende Themen : Politische Kommunikation und Zivilgesellschaft in Frankreich und Deutschland (19. und 20. Jahrhundert) (April 2002, Göttingen), Figurationen des Staates 1870 – 1945. Orte, Netzwerke und Praktiken in Deutschland und Frankreich (September 2003, Paris), „Die Trente Glorieuses“. Wirtschaftlicher Boom, Fortschrittsglaube und soziale Transformation 1950 – 1975 (Mai 2005, Bielefeld), Politische Praktiken des Kommunismus in Westeuropa und in den Volksdemokratien (Mai 2007, Paris).

Unter Einbeziehung von Kommentatoren (Experten zum Thema oder – im Gegenteil – ‚Generalisten’ ) zielen die Kolloquien darauf ab, möglichst nachhaltig die intellektuelle Debatte und die wissenschaftlichen wie persönlichen Debatten zwischen deutschen und französischen Kollegen zu fördern. Die Diskussionen und Debatten laufen in beiden Sprachen ab, während eine Reihe zweisprachiger Kolleginnen und Kollegen von Fall zu Fall die Übersetzung leistet. Die Idee ist aber, dass jeder in seiner Sprache spricht und die rechtzeitige Verbreitung der Texte vor der Veranstaltung eine lebhafte Debatte ermöglicht. Die ursprünglich von Historikern gegründete Gruppe stand immer Teilnehmern aus der Politikwissenschaft, der Soziologie und der Anthropologie offen. Die Zahl der vorgestellten Beiträge liegt bei zwanzig. Das Kolloquium geht über zwei Tage.

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Wir bitten darum, uns Vorschläge (maximal eine Seite inhaltliche Darstellung, eine kurze Beschreibung der gegenwärtigen Tätigkeit und des wissenschaftlichen Werdegangs) vor dem 15. Januar 2008 zuzusenden, und zwar an Alain Chatriot (CNRS, CRH-AHMOC, Paris) chatriot@ehess.fr oder an Dieter Gosewinkel (WZB, Berlin) gosewinkel@wzb.eu. Die Organisatoren werden bis zum 30. März 2008 eine Auswahl unter den eingegangenen Vorschlägen treffen. Die Texte für die Präsentation werden unbedingt bis zum 1. September 2008 erbeten. Sie können entweder in deutscher oder französischer Sprache abgefasst sein und müssen ein Resumé in beiden Sprachen enthalten. Beiträge, die vergleichen oder das jeweils andere Land behandeln, sind angesichts des Veranstaltungsrahmens selbstverständlich besonders willkommen.

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Saïgon, consultation à l'hôpital indigène, 1921/1935 (source Caom)



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12 octobre 2007

Colloque franco-japonais “Le passé colonial, mémoire pour l’avenir”

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Colloque franco-japonais

"Le passé colonial, mémoire pour l’avenir"

les 8 et 9 décembre 2007


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Dans l’auditorium de la Maison franco-japonaise (Ebisu, Tokyo)
Avec traduction simultanée en français-japonais
Oraganisation : Fondation Maison franco-japonaise, Bureau français de la Maison franco-japonaise
Collaboration : Institut franco-japonais de Tokyo, Université de Niigata, Université Chûô
Patronage : Journal Asahi


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Samedi 8 décembre

13h30 Ouverture par Françoise Sabban (EHESS, directrice française de la MFJ)


13h35-15h30  Première séance
Pourquoi le passé colonial aujourd’hui ?

Higuchi Yôichi (Académie du Japon, président de la MFJ), Les lois mémorielles vues par un constitutionnaliste japonais

Gilles Manceron (Ligue des droits de l’Homme), Marianne et ses colonies : l’oeuvre et l’idée coloniales de la République française

Yamamuro Shinichi (Univ. de Kyoto), L’émergence d’un Empire-Nation et les failles du colonialisme japonais

Modérateur : Hirano Chikako (Univ. Musashi)

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le premier ministre japonais, Shinzo Abe, en visite à Yakusuni en avril 2005


16h-18h  Deuxième séance
Présence française et expansion japonaise en Asie

Pierre Brocheux (Univ. de Paris 7), L’impérialisme culturel en Indochine française et "les armes retournées"

Lionel Babicz (chercheur à la MFJ), L’annexion de la Corée et le système colonial japonais

Kobayashi Hideo (Univ. Waseda), La Mandchourie et la Sphère de coprospérité de la Grande Asie de l’Est

Modérateur: Tsuboi Yoshiaki (Univ. Waseda)


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Maison franco-japonaise


Dimanche 8 décembre

13h30-15h30 Troisième séance
La guerre des mémoires : passé colonial et nationalismes

Benjamin Stora (INALCO), Entre la France et l’Algérie : Sortir d’une guerre des mémoires

Takahashi Tetsuya (Univ. de Tokyo), Yasukuni, au-delà du débat sur la responsabilité de guerre

Oguma Eiji (Univ. Keio), Caractéristiques du colonialisme et du nationalisme japonais

Modérateur : Arnaud Nanta (CNRS-EHESS)

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Koizumi au sanctuaire de Yasukuni, en 2001 et 2006

 

16h-18h Quatrième séance
Ecriture de l’histoire et transmission de la mémoire

Françoise Vergès (Univ. of London), Héritage de l’esclavage colonial et du colonialisme : la ligne de couleur en France, race et citoyenneté

Yoshimi Yoshiaki (Univ. Chûô), "Les femmes de réconfort", faits historiques et polémique

Kimijima Kazuhiko (Univ. de Tokyo Gakugei), L’ouvrage conjoint Histoire des échanges nippo-coréens : une  conscience historique à l’oeuvre

Modérateur : Arnaud Nanta (CNRS-EHESS)

18h Conclusion par Miura Nobutaka (Univ.Chûô, MFJ)

NB. Les noms japonais  se présentent dans l’ordre d’un nom de famille suivi d’un prénom.

* *

Les conférenciers invités par la Maison franco-japonaise ou par son Bureau français en marge du colloque :
Gérard Noiriel (EHESS), 6 novembre, sur les usages publics de l’histoire
Hélène Lafont-Couturier (CNHI), 6 décembre, sur la Cité nationale de l’histoire de l’immigration
Jean-Louis Margolin (Univ. d’Aix-en-Provence), 20 décembre, sur la collaboration, complices de l’empire japonais


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6 septembre 2007

Les dérives de l'anticolonialisme (Yves Montenay)

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Les dérives de l'anticolonialisme

Yves MONTENAY


résumé
L’objet de cette communication d’histoire des idées politiques (et non de recherche historique) n’est pas l’anticolonialisme, mais ses dérives. Nous pensons qu’elles ont été facilitées par la primauté du couple «mentor métropolitain–étudiant indigène» par rapport à d’autres acteurs locaux (économiques, populaires, religieux), qui conceptualisaient moins et avaient moins de relais en métropole.
Ce «couple» a ensuite subi les pressions de la politique soviétique qui ont partiellement «instrumentalisé» l’anticolonialisme. Une première dérive a été alors l’apologie de certains régimes post-coloniaux et a contribué à leur échec économique. D’où une deuxième instrumentalisation, notamment par les nouveaux dirigeants, pour expliquer ces échecs par le passé colonial. Ces deux dérives ont amené certains anticolonialistes à cautionner des «inexactitudes» historiques et des comportements à l’opposé de leur éthique d’origine. Ils ont ainsi contribué à fonder une «sensibilité» qui complique l’analyse historique et économique, et est très présente dans «l’altermondialisation».

 

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Charles-André Julien :
"Il n'y a pas d'histoire colonialiste,
il n'y a pas d'histoire anticolonialiste"

Charles-André Julien, socialiste de longue date et ami de Léon Blum disait : «On considère comme une faute inexpiable ce qu'a été le phénomène colonial et l’on craint qu'une critique de l'ancien colonisé ne soit considérée comme une persistance de l'esprit colonial". Et il ajoute : "C'est pour cela que, jamais, je ne me suis prêté à ce que l'on appelle l'histoire anticoloniale. Il n'y a pas d'histoire colonialiste, il n'y a pas d'histoire anticolonialiste, il y a l'Histoire. Croire qu'il faut absoudre les abus actuels de pays qui l'ont subie, je ne peux pas le souffrir. Le plus grand service que l'on puisse rendre aux pays anciennement colonisés, c'est la vérité.» (Le Monde, 16 août 1981).
C’est dans cet esprit qu’est voulue cette communication, qui se situe dans le mouvement actuel de réexamen des dérives de l’anti-colonialisme.

 

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Une « culpabilité » qui pèse sur l’analyse
Le sentiment de culpabilité a été développé par Gide dans Le voyage au Congo et dans La route mandarine de Roland Dorgelès. Il a été tellement répété depuis, avec une pertinence inégale, qu’il finit par insupporter d’aussi peu «réactionnaires» que Pascal Bruckner (Le Sanglot de l’Homme Blanc), qui pointe la perversion du tropisme occidental vers le Sud : «Ils se sont persuadés que la solidarité avec les pays sous-développés exige qu’ils admirent et non qu’ils corrigent l’infortune de ces pays» (p. 41) : «On se cloître avec délice dans la certitude de notre ignominie» (p. 118). Ce que nous examinerons ici n’est pas de savoir si ce sentiment est justifié, mais son poids sur l’analyse historique. Un premier exemple est celui de «l’humiliation».

L’humiliation «coloniale»
Un enseignant d’histoire et géographie du secondaire français, cité ici en tant que l’un des leaders d’opinion dans une sorte de forum regroupant environ 2000 de ses collègues, résumait l’opinion d’une grande partie d’entre eux en écrivant : «Ce décalage entre le discours (intégration, égalité, école républicaine, mission civilisatrice) et la réalité (rapport hiérarchique, humiliation, dévalorisation de soi) est, me semble-t-il, consubstantiel à la colonisation».

De même, les musulmans insistent sur cette humiliation, qui est un des moteurs de leurs réactions actuelles. Ils considèrent comme un drame la colonisation et se demandent comment ils ont pu devenir «les esclaves de ceux qui avaient été leurs esclaves». Cette impression permanente a des causes bien plus anciennes et profondes que la colonisation, mais elle est «captée» par la vulgate actuelle et nourrit le sentiment de culpabilité occidentale.

Or l'humiliation (ainsi que la morgue et le mépris qui en sont la cause) n’est pas un phénomène créé par la colonisation. Elle est consubstantielle aux rapports entre le fort et le faible, dont la colonisation n'est qu'un cas particulier, et pas le pire. Dans un pays pauvre, ce rapport est plus écrasant, car le faible n’y est pas menacé dans son confort, mais dans sa liberté, sa santé ou sa vie. La période coloniale a mis en place des rapports intermédiaires, qui sont indignes vus de métropole, mais qui sont un progrès localement : les périodes pré et post coloniales (ou néo-coloniales) sont pires dans de nombreux pays que la période coloniale, comme l’illustrent la hogra en Algérie, ou les brutalités dans certains pays situés plus au sud.

Mais l’opinion publique du Nord a sa vue influencée par les «occidentalisés», pour qui le décalage entre valeurs métropolitaines et comportement local de certains colonisateurs était le plus sensible. Traités en égaux par leurs enseignants métropolitains, ils étaient à juste titre extrêmement humiliés de redevenir «indigènes» dans certains milieux coloniaux, au point de souvent militer dans les «mouvements de libération», d‘autant que ces derniers étaient dans la mouvance des idées de leurs enseignants. Mais la colonisation terminée, ils se sont souvent réfugiés dans cette métropole proclamée détestable, illustrant ainsi que leur situation "au pays" à l'époque coloniale était meilleure (ou moins mauvaise) qu'ensuite.

 

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École de Kaya (Haute-Volta), travaux pratiques, mise en place d'un jeune citronnier
source : Caom, base Ulysse

 

Or ce sont ces occidentalisés qui ont transmis l’image dominante de la colonisation, du simple fait qu’ils «savaient écrire», puis diffuser leur opinion grâce à leurs contacts avec les métropolitains, en particulier avec les enseignants avec qui ils avaient gardé un rapport privilégié. On entend très souvent (y compris par Hassan II ou un anticolonialiste virulent comme Ahmadou Bâ) : "les colons me méprisaient, par contre mes profs ..." . C'est plus que sympathique, mais privilégie cette source très minoritaire qui conduit à oublier que l'humiliation et l'oppression étaient (et sont souvent redevenues) des données de base des sociétés du Sud, considérées comme "naturelles" avant l'ouverture coloniale. Par ailleurs, il s'agit des réactions des "occidentalisés" du milieu intellectuel, celles des milieux économiques, occidentalisés ou non, étant différentes. Mais leur témoignage a moins d'occasion de passer. En particulier, l’on caricature encore aujourd’hui les relations colons/employés, notamment en négligeant le témoignage des ouvriers agricoles du Zimbabwe.

J’ai ainsi noté les réactions d’un haut fonctionnaire colonial et celles d’industriels qui, lisant la littérature anti-coloniale, se sont sentis profondément humiliés et déclarent : «nous n’avons pas été de tels monstres».Michel_Jobert_rivi_re_grenades Mais qui a entendu cela ? Ce ne sont pas des gens qui écrivent des livres. Remarquons à cette occasion le témoignage de Michel Jobert, dans La rivière aux grenades [photo ci-contre], qui raconte comment a été modernisée l’agriculture marocaine par des colons ayant la conviction d’être utile au développement du pays. Il ne s’agissait pas d’une conviction abstraite puisqu’un exploitant agricole, même vivant dans une belle maison, est en symbiose et souvent en sympathie avec ses ouvriers (qui se savent privilégiés, comme on l’a constaté au Zimbabwe) et les villageois du cru. Cet exploitant apportait un certain bien-être à des communautés villageoises jusqu’alors misérables et victime de la famine et des maladies. La baisse rapide de la mortalité en témoigne d’ailleurs. Les patrons «blancs» de PME et leurs ouvriers ont partagé des expériences analogues. Mais «l'air du temps» faisait que les enseignants ne voyaient qu’«exploitation» dans ces rapports sociaux.

L’influence du marxisme et de la guerre froide
L'idée que la colonisation faisait vivre l'Occident a été exposée par Lénine dans L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme (1917) : «Tant que le capitalisme reste le capitalisme, l'excédent de capitaux est consacré non pas à élever le niveau de vie des masses dans un pays donné - car il en résulterait une diminution des profits pour les capitalistes - mais à augmenter ces profits par l'exportation de capitaux à l'étranger, dans les pays arriérés». Ce petit texte, qui par ailleurs illustre deux erreurs de l’analyse marxiste, a lancé l’attaque de l’Europe par le Sud, via le contrôle de «mouvements de libération» et par l’instrumentalisation des mouvements anti-colonialistes du Nord, qui se rendent peu à peu ingénument complices de la mise en place de régimes contraires à leurs propres valeurs.

Mais le capitalisme survivant à la décolonisation, il fallut trouver de nouveaux arguments et cette 29702_0instrumentalisation prit une allure plus économique via la théorie du pillage, lancée par Pierre Jalée (Le Pillage du Tiers-monde, Maspero, 1965) et Samir Amin (L’accumulation à l'échelle mondiale, 1970), théorie encore très présente de nos jours. Le non-sens conceptuel et pratique de ce genre de thèses et leurs conséquences catastrophiques sur le développement du Sud ont été amplement constatés et démontrés. Elles ont fait néanmoins oublier la constatation, de Clemenceau à Jacques Marseille, que  la colonisation a été globalement une charge pour la France et qu’avoir un empire plus vaste n'a pas donné à la France un avantage important par rapport à l'Allemagne. De même, la Grande-Bretagne est entrée en décadence bien avant la perte de son empire. Et que dire de l'Espagne, durablement ruinée par ses conquêtes, après la brève euphorie de l'or inca ? Que dire aussi du Portugal, métropole si pauvre du dernier grand empire ? Enfin, la décolonisation n’a en rien «ruiné» la France, la Belgique ou la Hollande.

Pascal Bruckner (op. cit.) a rassemblé des citations et réflexions qui portent cette empreinte du marxisme et de la guerre froide. Ainsi, pour Edgar Morin, il importe de combattre «le système qui régit les démocraties occidentales, à savoir le capitalisme, et son stade suprême, l’impérialisme» (p. 26). De même : «En ces temps lointains tout ce qui n’entrait pas dans le schéma impérialisme/révolution, comme par exemple les deux guerres du Cachemire, le conflit indo-pakistanais, la guerre civile des seigneurs Shan contre le pouvoir birman, l’affrontement de l’Erythrée contre l’Ethiopie ou encore le génocide du Biafra, était déjà discrètement relégué aux basses-fosses du silence» (p. 42).

Ou encore cette interview donnée par Jean Genet au Monde Diplomatique en juillet 1974 : «Pourquoi les Palestiniens ? Il était tout à fait naturel que j’aille non seulement vers les plus défavorisés, mais vers ceux qui cristallisaient au plus haut point la haine de l’Occident » (p. 28). Autre exemple, cette déclaration de Claude Bourdet 19 février 1979 dans Témoignage Chrétien lors du renversement du Shah d’Iran par les mouvements islamistes : «Maintenant, tout est changé dans le Golfe Arabo-Persique. Peu importe le nouveau régime : de toutes les façons, l’Iran ne sera plus le gendarme des États-Unis et le complice d’Israël» (p. 61). Enfin : «Le glissement de l’anticolonialisme de l’après-guerre au tiers-mondisme des années 60 -voir plus bas- fut le passage de l’allergie à soi-même à l’effusion envers les tropiques régénérateurs» (p. 26).

bidonvilCe contexte est également illustré par la démarche (dont j’ai été témoin) d’Edgar Pisani, alors ministre, auprès d’un dirigeant du Crédit Lyonnais pour lui demander de financer la sidérurgie algérienne. « Pourquoi diable ? avait demandé le banquier, C’est probablement un mauvais risque » (ce qui s’est vérifié). «Eh bien, répondit Pisani, il faut aider ce pays à créer la base ouvrière dont il a besoin». Bref, l’air du temps voulait que les pays en voie de développement se constituent «une base» d’industrie lourde. Ce qui s’est révélé une catastrophe dans les pays mal gérés et une difficulté dans les pays mieux gouvernés comme la Corée du Sud.
Les militants anti-colonialistes ont ainsi peu à peu amenés à des attitudes contraires à leurs valeurs, sauf, pour les plus rigoureux, à «décrocher» et avoir l’amertume de douter de la validité de leurs combats concrets.

Le Zimbabwe
Le cas du Zimbabwe est intéressant quant à la confusion des valeurs entraînée par une lecture purement anti-colonialiste de l'histoire. Au moment de l'indépendance des autres pays africains, la minorité blanche de la Rhodésie du Sud prend le pouvoir. C’est le cas extrême du régime «néo-colonial». Le pays garde sa prospérité antérieure. Les blancs contrôlent les mines, une grande partie des terres et de l'industrie. Ils fournissent directement et indirectement une part très importante des emplois de la population noire. Les fermes blanches ont une bonne productivité et assurent la nourriture et les exportations du pays. La majorité noire a des petites exploitations sans cesse réduites par la croissance démographique, et malwelcome_to_zimbabwe exploitées. Il y a donc, comme en Afrique du Sud, une pression pour acquérir les terres des blancs : «la faim de terre».

Rappelons que ce régime est raciste de façon avouée et délibérée, d’où sa condamnation tant par Mugabe que par Londres. Contrairement à Mandela, qui aura à gérer une situation analogue (une minorité raciste ayant le pouvoir économique, mais assurant la prospérité du pays, et des rivalités tribales dans la majorité noire), Mugabe se révèle doublement raciste en écrasant la minorité noire du Matabeleland et en expulsant par la violence les fermiers blancs. Il s'agit en fait de donner les terres blanches à de soi-disant «héros de la guerre d'indépendance», en fait des barons du régime, absentéistes, ce qui laisse sans emploi les centaines de milliers d'employés et donc les millions de personnes qu’ils faisaient vivre.

Le «complexe colonial» se traduit par le fait que l’on s’est longtemps borné à critiquer la répression politique 20050608_zimbabwe_riotsexercée par Mugabe, et non le racisme, au nom duquel avait pourtant été combattu le régime de Ian Smith, qui assurait au moins l’ordre public et la prospérité. Par ailleurs, remplacer les blancs par des amis ne résout en rien «la faim de terre». Or le «mugabisme» a été longtemps présenté avec indulgence : on ne parle pas de «racisme» mais de nationalisme. La répression accrue depuis l’année 2000 et surtout la famine ont fini par attirer l’attention. Mais il reste encore une trace de l’indulgence de naguère : «Les fermes industrielles, installés sur de vastes espaces fertiles, appartiennent à 70% d'entre elles aux blancs, qui représentent 1% de la population (les agriculteurs français avec 100 % des terres représentent 4 % de la population) … C'est sur cette injustice foncière que le président a fondé sa réforme agraire». Bref, un affameur raciste et violent ne peut être tout à fait mauvais, puisque anticolonialiste ! A-t-on demandé leur avis aux Zimbabwéens

L’attribution du sous développement à la colonisation
Pour beaucoup, il reste en effet impensable de ne pas excuser les nombreux échecs de dirigeants du Sud par la colonisation : «À la fin du XIXe siècle, le monde arabe a failli basculer dans une modernité inspirée par l’Occident, mais riche également des sources scientifiques et culturelles de sa propre civilisation (coup583_a de chapeau diplomatique sans signification précise). Cette renaissance -la Nahda- a échoué parce que l’Europe et la France, devenues coloniales, ont trahi «les élites» : la domination européenne a remplacé la domination ottomane.» («Renaissance arabe et avenir de l’Europe» Jean-Louis Guigou, Le Monde, 10 février 2004).

Et cette domination européenne est enseignée et médiatisée de manière lacunaire. Ainsi, le citoyen français en saura plus sur les tortures de son armée pendant la «bataille d’Alger» que sur cette bataille elle-même, encore moins sur cette guerre dans son ensemble, pratiquement rien sur la présence française des 130 années précédentes et moins encore sur l’économie de l’Algérie coloniale !

Cette économie n’est plus guère évoquée que très idéologiquement, comme le faisait, par exemple, le quotidien algérien El Moudjahid des années 1980 avec ses phrases du genre : "Aux yeux de l'Histoire, il est bien établi que le sous-développement de tous les pays du tiers-monde est une somme de privations, de spoliations et d'usurpations découlant de plusieurs siècles d'occupation et d'exploitation coloniales". La désinformation est d’autant plus profonde que dans les médias français s’étalent les opinions officielles de ceux qui ont intérêt à charger la colonisation de tous les péchés, et à la faire servir d'alibi à leurs échecs.Irrigation Leur prose rencontre peu de démenti pour des raisons diplomatiques, mais aussi parce que les esprits ont été longuement imprégnés par toute une littérature, allant de la critique justifiée à un délire chargeant la colonisation de tous les traumatismes venant de la modernisation ou de conflits qui n’y étaient pas liés.

Ainsi, pour excuser leurs échecs et obtenir des «compensations financières», beaucoup de dirigeants et d'intellectuels du tiers-monde ressassent les méfaits de la colonisation et entretiennent délibérément le sentiment de culpabilité occidentale. Tout cela porte préjudice en premier lieu au Sud, en faussant l’analyse du sous-développement et donc le choix des remèdes.

Jean-Claude Guillebaud, après beaucoup d'autres, raconte dans Les Années orphelines (Fayard, 1979) cet aveuglement qui pourrait se résumer dans le syllogisme : "l'URSS est anticolonialiste, l'anticolonialisme est une bonne chose, donc tout ce que fait l'URSS dans ce domaine est bon". La façon dont furent si placidement acceptés la normalisation vietnamienne et le massacre cambodgien ne s'explique pas autrement. Il s'agissait d'une politique "progressiste", donc "bonne".

Cela occulte le fait que la ruine actuelle est due au «socialisme» de beaucoup de gouvernements du Sud, parfois simple alibi pour mettre la main sur les biens des «capitalistes» nationaux et étrangers, se débarrasser de concurrents politiques, voire pour se lancer dans l’épuration ethnique. Dans la seule Afrique, l'industrie égyptienne a été ruinée, ainsi que les agricultures algériennes, guinéennes, éthiopiennes, angolaises et mozambicaines ; les étudiants éthiopiens, ainsi que les cadres guinéens et béninois ont été massacrés ou se sont exilés. L’URSS, via les troupes cubaines, a activement contribué à la disparition du tiers de la population de la Guinée-Équatoriale et à d’interminables conflits en Éthiopie et en Angola, laissant ces pays dans l’état que l’on sait !

En Asie, une catastrophe «socialiste» a également eu lieu au Nord–Vietnam APRÈS la fin de la colonisation française et au Sud-Vietnam après le départ des Américains. Comme en Chine, il a suffi que l’on quitte le image005«socialisme» agricole pour que chacun mange à sa faim, et, toujours comme en Chine, que l’on quitte quelques années plus tard le socialisme dans l’entreprise pour que fleurissent boutiques et ateliers, ce qui illustre bien que la colonisation n’était pour rien dans ces décennies de dégringolade. La famine n’a été évitée en Algérie, exportatrice agricole à l’époque coloniale, que par l’argent du pétrole. Quant à la Corée du Nord, son écroulement toujours actuel ne vient pas de sa colonisation par le Japon, mais de son virage socialiste postérieur.

À partir des années 1960, une sorte de credo, dit «tiers-mondiste», s’est répandu. Le colonialisme étant censé avoir été la source des problèmes, il fallait à la fois obtenir des compensations et faire le contraire : «Imposons l’aide au développement, cette aide sera investie par l’État qui pilotera le développement. L’acteur est l’État car il est indépendant et anti-capitaliste et peut s’opposer aux capitalistes locaux et étrangers». L’échec a poussé les États tiers-mondistes à l’autarcie pour se mettrev_2707300179 à l’abri du «centre» capitaliste (cf. Samir Amin «Que la périphérie se coupe du centre»). Cela aboutit à la taxation de l’agriculteur, à la ruine et au déclin général tant de l’agriculture que de l’industrie faute de marché local. Aujourd’hui, la situation est très différente, les populations connaissent le mode de vie occidental et ont mesuré l’ampleur de l’échec de l’État. Par ailleurs, est apparue la privatisation de l’aide par les migrants. Enfin, la guerre froide étant terminée, les rentes stratégiques qui soutenaient certains États tiers-mondistes ont disparu.Mais la situation reste bloquée, car toute réforme revient à demander au prédateur de lutter contre leur propre intérêt.

Le sous-développement par l’élimination des cadres
Cette polarisation sur de (supposés) mécanismes économiques a occulté un fait historique bien plus simple et massif : l’élimination des cadres pendant comme après la décolonisation. Cadres coloniaux, mais aussi et surtout nationaux, tués, emprisonnés ou poussés à l’exil par la crainte ou la concrétisation de l’épuration ethnique (Pieds-noirs, Portugais et mulâtres de l’Angola et du Mozambique, Indiens d’Afrique orientale, chrétiens du Nord Vietnam ou d’Indonésie et autres «minorités»), par l’épuration politique ou sociale envers les intellectuels, bourgeois et professions libérales de ces mêmes pays. Et ce fut suivi d’une «deuxième vague»  au Laos, Cambodge, Sud-Vietnam, Bénin, Syrie, Egypte (en 1956), Irak, Tunisie, et même, dans une moindre mesure, au Maroc...

Etait-ce inévitable ? Bien sûr que non. Dans les pays entraînés dans la guerre froide, comme ceux de l’Indochine, les colonies portugaises ou l’Éthiopie, il s’agissait de mettre au pouvoir un parti totalitaire et dévoué à l’URSS, et d’éliminer tous les opposants, y compris éventuels. Avec des variantes, c’est également ce qui est arrivé en Algérie, et il est intéressant de constater que le remarquable succès de Mandela (notamment l’émigration limitée des cadres «blancs») ne s’est opéré qu’après la perte du soutien de l’ANC par l’URSS puis la disparition de cette dernière.

Le résultat de tout cela est le contraste éclatant avec les pays à comportement pragmatique pendant et après leur décolonisation, dont la plus belle réussite est celle de Singapour, au niveau de vie aujourd’hui européen. Cet État naguère misérable et sans ressources naturelles a non seulement rassuré les cadres étrangers dès l’indépendance, mais a continué à encourager leur arrivée ensuite. Bref il a protégé et fait fructifier l’héritage colonial.

Haiti_Port_au_Prince_23aout2006_1S'abriter derrière la colonisation pour expliquer le sous-développement et masquer ses propres exactions et échecs devrait donc maintenant faire sourire. Il est de plus en plus délicat d'expliquer les catastrophes actuelles par ce qui s'est passé il y a maintenant très longtemps. La colonisation s’est terminée dès 1804 pour Haïti, aujourd’hui moins développée que jamais, au début du XIXe siècle pour l'essentiel de l’Amérique Latine, en 1947 pour l'Inde et le Pakistan, en 1949 pour la Chine (départ des étrangers d'un pays qui n'avait jamais été vraiment colonisé), en 1956 pour le Maroc et Tunisie, voire l’Égypte, en 1962 pour l'Algérie, de 1960 à 1964 pour la plupart des pays d'Afrique. Or, avec un gouvernement «normal», même les plus grandes blessures cicatrisent vite.

L’on répète néanmoins que, de l’époque précoloniale à la mondialisation, tous les problèmes viennent du Nord, à commencer par la saignée humaine de la traite et de la conquête coloniale avant la 1ère guerre mondiale. Ces faits sont quelque peu sortis du contexte, la traite ayant été à son maximum en Afrique Occidentale avant la colonisation, les notables africains apportant aux comptoirs européens «leurs compatriotes», tandis qu’en Afrique Orientale, la traite arabe qui existait de toute éternité, devenait extrêmement violente et dévastatrice, et c’est au contraire la colonisation qui l’a arrêtée.

De même, la très réelle violence coloniale est souvent censée être à l’origine des violences actuelles. C’est une vision angélique de la période précoloniale. Daniel Rivet, dans Le Maghreb à l’épreuve de la colonisation (Hachette Littérature, Paris 2002), rappelle que la férocité de Savary pendant la conquête de l’Algérie a été précédée par une situation éloignée du paradis précolonial apparaissant en creux dans l’enseignement français (et parfois explicitement ailleurs) : «Épidémies, famines, vendettas familiales, guerres entre villages enchaînent les populations dans des misères sans fin. Le pouvoir ne procure nulle part aucun secours. Quatorze dey d’Alger sur vingt-huit prennent le pouvoir sur le cadavre de leur prédécesseur après un complot. Etranges préfigurations du renversement de Ben Bella, du meurtre de Boudiaf, de la subordination de Bouteflika aux janissaires d’aujourd’hui devant la Kabylie en feu. Parmi tant d’erreurs, de fautes, le nouveau maître imposait un impôt plus lourd mais moins injuste. Il arrêtait aussi l’arbitraire et la corruption parmi les agents du pouvoir» (présentation de Gilbert Comte).

De même, le découpage artificiel des territoires et les problèmes de frontières, les capitales excentréesSoutenir_demunis01_01 situées dans les ports plutôt qu’à l’intérieur, les réseaux de transfert orientés vers l’extérieur, la confusion des pouvoirs, la violence et le mépris des dirigeants à l’égard des indigènes, la répression sanglante des rebellions, sont certes une part de la vérité historique. Mais les uns, purement techniques, auraient sans doute existé sans la colonisation, et les autres étaient présents avant comme après, ce qui n’est d’ailleurs pas une excuse pour le colonisateur. L’exode des cerveaux est dû au moins autant aux mauvaises politiques intérieures, voire aux brimades exercées envers certaines minorités (ethniques, religieuses, bourgeoises…) qu’à la mondialisation.

Dire qu’une cause de la crise est que les économies ont été exposées de plein fouet à la concurrence internationale reflète une opinion politique. L’opinion politique inverse, à savoir que le sous-développement vient d’avoir coupé du monde et trop protégé les monopoles locaux pourrait être également défendue. De même, la montée des mafias et des trafics illicites serait reliée aux privatisations, dérégulations et libéralisation : on pourrait soutenir exactement le contraire. De même pour les convoitises suscitées pour les richesses minérales et les ingérences politiques et économiques : voir tel ou tel régime soutenu pour cause de guerre froide n’est pas vraiment lié à la mondialisation ; d’ailleurs les États voisins ont fort bien remplacé, en pire, les puissances coloniales, notamment en RD Congo. Quant au traitement de la crise de la dette et des plans d’ajustement structurel, il s’agit d’un sujet très controversé et pour lequel les responsabilités locales sont au moins aussi importantes que celles du FMI.

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Bref, cela fait 40 ans que l’on assiste à un non-développement de l’Afrique alors que l’Asie accumule les records. Or, à la fin de la période coloniale, le revenu par habitant des pays d’Afrique était supérieur à celui de l’Asie. L’ouverture de cette dernière n’y est pas pour rien, notamment celle aux entreprises internationales, ainsi que le respect corrélatif du droit nécessaire pour les conserver (et qui bénéficie aux acteurs nationaux). Bref la recette asiatique est le contraire du tiers-mondisme. Joan Robinson, connue pour ses opinions altermondialistes a eu l’honnêteté de rapporter ce propos d’un dirigeant du Sud : «Le malheur d'être exploité par les capitalistes n'est rien comparé au malheur de ne pas être exploité du tout».

Un discours plus nuancé
Ce petit exemple d’écoute d’un «non théoricien» symbolise un début d’évolution des idées mise à la disposition du grand public et en particulier des enseignants. Dans un projet de manuel scolaire, l’on remarque un glissement de "la culpabilité coloniale" à "l'origine coloniale des problèmes", ce qui est un changement discret mais profond. Discret parce qu'il reste dans la rubrique "responsabilité coloniale" de ce projet.
L'exemple le plus net est celui de «l'explosion démographique» : la colonisation est certes souvent à son origine. On peut même dire qu'elle en est "responsable", puisqu'il y a eu une politique délibérée de baisse de la mortalité (Certains tiersmondistes emportés par leur élan disent que les populations locales n'ont fait que bénéficier indirectement de mesures destinées aux colons, ce qui ne résiste pas à l'examen : approvisionnement des zones de disette, formation de sages-femmes - très important pour diminuer la mortalité des mères-, vaccination –parfois musclée- et bien d'autres). Mais cette responsabilité est bien sur "positive" (et, par ailleurs, la théorie et l’expérience montrent que cette « explosion » n’est pas un obstacle pour un gouvernement «normal»).

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Un autre exemple du glissement de l’usage du terme "responsabilité coloniale" est celui des "pieds rouges" et assimilés. C'est certes parce que la France avait été la métropole que ses chercheurs et universitaires "révolutionnaires" ont été écoutés par leurs anciens élèves et ont si catastrophiquement conseillé certains régimes du Maghreb à Madagascar. Mais les idées en question étaient bien sur à l'opposé de celles des acteurs économiques coloniaux, qui ne sont en rien responsables des catastrophes inspirées par le climat tiersmondiste de l'époque.

Dans une veine voisine, on peut citer Frères et sujets, la France et l’Afrique en perspective, de Jean-PierreA17464 Dozon (Flammarion, 2003). Pour cet anthropologue africaniste le «monde franco-africain qui, aussi problématique fût-il ou soit-il encore, ne se réduit pas aux turpitudes de la Françafrique», terme de «l’anticolonialisme de la 25e heure». Il rejoint Hannah Arendt, qui releva dans son essai sur l’impérialisme que les Français traitaient leurs colonisés « à la fois en frères et sujets ». Il évoque les «cités créoles» que furent les comptoirs sur la côte sénégalaise, comme Saint-Louis, les administrateurs-ethnographes, tel Faidherbe ou Delafosse, et les carrières métropolitaines de Blaise Diagne, Félix Eboué, Léopold Sédar Senghor ou Félix Houphouët-Boigny. Il fait répondre au «besoin d’Afrique» de la métropole un «désir de Franc », à la fois sincère et intéressé.

L’on peut également citer Pourquoi l’Afrique meurt, de Stephen Smith, correspondant du Monde en Afrique (Calmann-Lévy, octobre 2003), exemple d’«afropessimisme sérieux». Son récit exonère largement le Nord, mais l’analyse est prudemment balancée entre condamnation de principe et exonération pratique du colonialisme. Autre témoignage de l’évolution des idées, l’article de Sylvie Brunel sur l’esclavage dans L’histoire d’octobre 2003.

Tout cela commence à se refléter dans les milieux universitaires français. En témoigne «Histoire coloniale et construction des savoirs sur l’Afrique», conférence de Marie–Albane de Suremain à la «Journée de Marly» du 4 février 2004 (voir www.ac-versailles.fr/ pedagogi/gephg/default.htm pour les nombreuses sources citées) : «Tandis que le grand public est alimenté par des essais ou récits où alternent afropessimisme et nostalgies, l’«histoire coloniale» progresse. Il ne s’agit certes pas d’un "révisionnisme" plus ou moins déguisé qui s’attacherait à redorer le blason de la colonisation». (Des historiens ont établi que) «l’impérialisme était porté par des minorités étroites, ou imposé par en haut de façon plus ou moins efficace, sans susciter d’adhésion massive». (D’autres) «ont pratiqué une histoire centrée sur les «résistances» africaines à la domination (et) ont eu tendance à substituer à la geste coloniale, une geste anti-coloniale». (D’autres encore ont eu) «une approche marxiste insistant sur les structures, construite autour de l’opposition centre-périphérie et la mise en dépendance des colonies par les métropoles (…) modèles qui ont montré leurs limites.». Or «qu’on s’attache aux colonisateurs ou aux colonisés, on escamote systématiquement la moitié des acteurs et on est amené à décrire de façon caricaturale l’autre moitié du problème, qu’il s’agisse des indigènes ou du système colonial (…) c’est s’interdire a priori de comprendre des interactions qui ne se limitent ni à l’affrontement pur, ni à de "coupables" collaborations». Suit un passage sur «la mission civilisatrice», ramenée au début de scolarisation et à la politique sanitaire coloniale, pour remarquer, «qu’il est facile de l’opposer à la réalité de la domination coloniale dans ses aspects les plus brutaux».

La notion de «supériorité occidentale» est rejetée avec horreur, induisant implicitement comme souvent de l’indiscutable égalité juridique et morale, qui devrait être universelle, un déni de la supériorité occidentale, qui n’est pas seulement technique et qui est le fondement séculaire des questions coloniales. Occulter diplomatiquement ce constat fausse toute approche des problèmes du Sud, alors qu’il est abordé sans complexe par nombre d’Asiatiques, qui, du coup, érodent rapidement cette supériorité. Pour résoudre un problème, il ne faut pas commencer par le nier.

On voit la prudence avec laquelle est abordé dans les milieux universitaires ce nécessaire tournant historique. On retrouve là l’insuffisance des informations pouvant venir des acteurs économiques, mais aussi la pression des habitués des proclamations anticoloniales.
On peut remarquer en effet la présentation d’un livre récent par Le Monde Diplomatique et La Quinzaine Littéraire : 1944 -1950 : la IVe République et la mise au pas des colonies françaises (Yves Bénot, préface de François Maspéro, La Découverte avril 2001), qui insiste sur (en substance) «les pages sanglantes de l'histoire de France et la répression sauvage pour préserver la cohésion de l’empire».

Ou encore un extrait de cet article tout récent : «le Président de la République a oublié que plusieurs millions d’ indigènes (en Algérie) se sont vu refuser l’égalité avec les autres Français au motif qu’ils étaient musulmans. Cette question aurait exigé des paroles solennelles (comme celles) à propos de la responsabilité de Vichy sous la déportation des juifs. (Il y a là) une blessure indicible que la loi sur les signes religieux n’est pas près d’apaiser» («Chirac et la laïcité», Philippe Bernard, Le Monde, 21-22 décembre 2003).

 

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"Gonaïves, Haïti, 2004 : plus de 2000 morts. La seule tempête tropicale Jeanne
n'explique pas tout. La pauvreté, un urbanisme délirant, une déforestation définitive
sont aussi quelques-uns des ingrédients qui expliquent à quel niveau
de vulnérabilité ce pays est arrivé." (université de Bretagne-Sud,
source)
 
 

Les récentes péripéties haïtiennes ont été l’occasion du message aux enseignants français du secondaire : «Un historien, Philippe Pierre-Charles, mit en évidence le fait que le jeune État haïtien fut contraint de payer à la France, une somme colossale, équivalente au budget de l'ancienne puissance coloniale, ce qui enleva dès le départ, toute possibilité d'un éventuel développement à ce nouveau pays,  qui dans les 2 siècles précédents, avait pourtant fait la richesse de la métropole : 75% du commerce extérieur de la France, se faisait avec les colonies de Saint Domingue et des Antilles françaises !» (H-Francais, déjà cité,14/01/04 ). Rappelons que le président Aristide faisait alors miroiter à son peuple le remboursement de cette somme augmentée de 2 siècles d'intérêts.

Ce courant de pensée fait ainsi preuve à la fois de sa permanence et de son incompréhension de la nature et des causes de la situation haïtienne et plus généralement de celles du développement, lequel n'est pas une question d'argent. Le sous-développement haïtien vient plutôt de l'élimination par le meurtre ou l'exil de ses cadres blancs, puis mulâtres puis noirs, ainsi que le retour permanent de dirigeants prédateurs et incompétents, ce qui est intimement lié. Pour la même raison, l'arrivée dans le pays d'une très forte somme ne changerait rien, comme l’illustrent le gâchis des pluies d’or reçues par l'Angola et bien d'autres pays pétroliers. Enfin, dire que "le pays avait pourtant fait la richesse de la métropole" est une formulation qui confond une entité implicitement permanente («le pays») et le rôle individuel des producteurs haïtiens qualifiés (les colons et certains de leurs collaborateurs, esclaves ou non), et surtout celui du respect des institutions leur permettant de «fonctionner» : une organisation humaine détestable, sauf par rapport à ce qui a suivi. De plus, cette formulation ramène "la richesse de la métropole" à sa consommation de sucre, qui était certes un facteur important, mais tout de même secondaire par rapport à "la richesse" générée par le travail d'une vingtaine de millions de métropolitains en ce début de révolution industrielle !

En conclusion, «il faut fonctionner sur le mode de la responsabilité plutôt que sur celui de la culpabilité. Il faut régler notre rapport à ce passé sans l’occulter, ni l’exagérer» (Daniel Rivet aux rencontres Averroès). Autant les études spécialisées sur «les horreurs coloniales» sont légitimes (on en aimerait toutefois de moins traditionnelles, par exemples axées sur des acteurs économiques), autant en tirer (ou même en sous-entendre) des présentations globales de l’histoire coloniale fausse l’Histoire tout court, et donc l’analyse des problèmes d’aujourd’hui.

Yves Montenay
site d'Yves Montenay
mai 2004

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8 octobre 2007

De sang mêlé (Théâtre de l'Épée de Bois (23 octobre - 11 novembre 2007)

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un spectacle tiré du livre

de Dominique Rolland, Sang mêlé

du 23 octobre au 11 novembre

au Théâtre de l'Épée de Bois (Paris)


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le spectacle

Ce spectacle propose un travail scénique autour de la question du métissage : librement adapté de l’ouvrage ethnographique et auto-biographique de Dominique Rolland, De sang mêlé (éditions Elytis 2006), il suit le parcours de quelques personnages qui se croisent pendant plus d’un siècle, dans le plus ancien café de Hanoï, demeuré célèbre en raison de sa légendaire tenancière, la mère De Beire.

Dominique Rolland est maître de conférences à l’INALCO (Institut national des langues et civilisations orientales). Spécialiste de l’Indochine, elle a écrit De sang mêlé comme une polyphonie autour de la question du métissage et du colonialisme. Elle a écrit également publié le récit de son séjour sur le terrain à Madagascar, Glissements de terrain, en 2007.

«À travers des histoires de vie, se découvre la façon dont la colonisation a posé la relation entre citoyens et indigènes, qui place les métis dans un impossible entre-deux. Le texte propose en contrepoint une réflexion sur les questions plus actuelles de la mémoire coloniale, de ses silences et de ses amnésies, et de la difficile édification des identités qui en sont issues.»

Jean-Claude Penchenat
source

Par la Compagnie Abraxas.

                              

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Dominique Rolland, par son éditeur

portrait

Dominique Rolland est ethnologue et professeur à l'INALCO (institut national des langues et civilisations orientales).

Spécialiste de l'Indochine, elle a écrit et composé De sang mêlé (Editions Elytis), un travail de mémoire qui explore la question du métissage et du colonialisme. Un retour aux sources, puisque le Vietnam est le pays de naissance de sa mère. Elle nous ouvre les portes d'une culture de toute une génération devenue adulte dans les années 1960-1970.

Elle nous présentera également Glissements de terrain (Editions Elytis) paru récemment, qui revient sur son passage personnel dans une vallée retirée du sud-est de Madagascar.

source




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De sang mêlé, le livre vu par son éditeur

De sang mêlé, chroniques du métissage en Indochine
Dominique Rolland
Format 170 x 240 mm broché, 384 pages avec iconographie - ISBN 2-914659-54-7 - 21€

De sang mêlé est une musique.

Ni essai ni roman autobiographique, mais probablement un peu des deux, le livre de Dominique Rolland est une polyphonie de voix, de chroniques témoignant d’un passé qui exacerbe toujours les passions : le colonialisme en Indochine.

Il aborde donc naturellement la question du métissage. La rencontre entre Français colonisateurs et peuples colonisés a engendré des figures variées de ce métissage. Qu'elles soient biologiques ou simplement culturelles, marquées dans leur sang ou seulement par les traditions, elles portent toujours avec difficulté cette identité double : la métisse est une enfant sans terre.

Ce n’est donc pas au hasard que le titre du livre de Dominique Rolland est à double sens : la condition de métisse se dilue inévitablement dans deux cultures au point que les identités se troublent. Les sangs se mêlent et les identités s'emmêlent.

De sang mêlé est aussi une confrontation entre l’Indochine passée et le Viêt-nam contemporain ; où l’on voit le touriste déambuler, en chasse du poncif de la photo de rizière avec quelques chapeaux coniques de belles congaï affleurant l'eau ça et là ; où l’on croise la parole de quelques vieux Vietnamiens encore usés à la francophonie ; où l'on observe les cicatrices des guerres, l’agitation de la ville, le cours de la vie…

De sang mêlé est ce regard croisé que peut porter avec justesse l’enfant métis sur le passé tourmenté du pays. D'universelle, l’histoire devient alors personnelle, avec ses espoirs, ses tourments et cette irrésistible envie de comprendre.

De sang mêlé est cette musique-là.

Dominique Rolland est professeur à l’INALCO (institut national des langues et civilisations orientales). Spécialiste de l’Indochine, elle a écrit De sang mêlé comme une polyphonie autour de la question du métissage ; question posée par le colonialisme au début du siècle dernier. Elle prépare actuellement un autre ouvrage illustré, sur une figure de l’exploration de l’empire d’Annam : le docteur Sallet (Elytis, à paraître).

- revue de presse

source

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liens

- le blog de Dominique Rolland

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Dominique Rolland



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2 septembre 2007

En mémoire de Jean Chesneaux (Pierre Brocheux)

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En mémoire de Jean Chesneaux

Pierre BROCHEUX

L’historien Jean Chesneaux nous a quittés le 23 juillet. Historien connu et reconnu pour ses travaux sur l’Extrême-Orient plus précisément sur la Chine contemporaine (il a consacré sa thèse de doctorat au mouvement ouvrier chinois au début du XXe siècle), il n’a pas limité son horizon à la seule Chine, il a porté un intérêt constant à la péninsule indochinoise, particulièrement au Viet-Nam. Jean Chesneaux n’était pas un savant de cabinet bien que son parcours universitaire soit passé par les étapes et les épreuves requises pour faire une brillante carrière : l’agrégation d’Histoire et le doctorat ès Lettres. Pierre Renouvin, maître des études d’histoire à la Sorbonne, nous le cita en exemple lorsqu’il accueillit  les étudiants de première année  en octobre 1952.

Jean Chesneaux était aussi un homme d’action : militant de la JEC, il était entré jeune dans un réseau de la résistance anti-allemande, il fut incarcéré à Fresnes à 19 ans et fut sauvé de la déportation par la libération de la France. En 1946, il partit pour un voyage d’études en Asie, de l’Égypte jusqu’en Chine ; il fit un bref séjour à Saïgon déjà plongé dans la guerre d’Indochine. Là bas, pendant plus de quatre mois il connut l’hospitalité de la prison centrale pour avoir rendu visite au comité de la résistance vietnamienne dans la Plaine des joncs. Après un séjour dans la Chine en proie à la guerre civile, il revint en France en 1948. De son intérêt pour le pays il nous a laissé une Contribution à l’histoire de la nation vietnamienne ; ce livre de facture classique mais solide, n’a pas vieilli. L’engagement anticolonialiste de son auteur n’oblitérait pas une méthode de travail exigeante, Jean Chesneaux aimait à nous recommander «ne faites pas de l’anticolonialisme à quatre sous». Expulsé vers la France il poursuivit son action anticolonialiste en militant au Parti communiste français jusqu’à ce que les désillusions vis-à-vis du «socialisme réel», le conflit sino-soviétique et finalement la crise de mai 1968, ne le conduisirent à la rupture avec le PCF.

Son engagement dans les luttes sociales et culturelles qui suivirent, le trouvèrent aux côtés des «gauchistes» mais avec une capacité de distanciation permanente. Il eut une carrière d’enseignant riche et novatrice, d’abord à l’École pratique des Hautes études puis à la faculté des lettres de Paris, enfin à l’université Paris 7 dont il fut l’un des fondateurs en 1970. C’est ce rôle de formateur de jeunes historiens de l’Asie orientale et plus largement de ce que l’on appelait le Tiers-monde que je retiens. Il prit une retraite anticipée pour se permettre d’aller plus loin que l’historiographie empirique et de se consacrer à la réflexion philosophico-politique sur notre avenir, l’avenir de nos sociétés étant lié à ses yeux de façon indissociable à celui de notre planète, d’où son engagement écologiste. Il consacra les dernières années de sa vie à voyager, non pas pour rechercher un ailleurs idéal, et confortable mais pour élargir son approche à l’humanité plurielle avec le but d’élaborer un «humanisme générique» c’est-à-dire reconnu par tous les hommes, une façon de dépasser l’universalisme européo-centré, le combat anticolonialiste n’avait été que la première étape d’une vie bien remplie.

Pierre Brocheux

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source

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- entretien avec Jean Chesneaux


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