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études-coloniales
21 août 2007

Les tribulations sarkoziennes en Afrique et l’histoire à l’école (Bernard Girard)

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Les tribulations sarkoziennes en Afrique

et l’histoire à l’école

Bernard GIRARD,

professeur d’Histoire-géographie à Laval

 

Il ne viendrait probablement pas à l’esprit d’un chef d’État africain d’évoquer dans un discours officiel «l’homme européen», «l’homme américain» ou «l’homme asiatique», un homme fantasmé, imaginaire, enfermant derrière une figure unique, dans un stéréotype, la diversité du genre humain.

[Commentaire] Certes, plusieurs passages du discours présidentiel sont marqués par une tendance à la généralisation, par un essentialisme voilant la réalité historique. Mais ce défaut n'est pas propre à "l'homme européen". Combien d'auteurs africains parlent-ils de "l'homme blanc"...? Les exemples seraient légion. Senghor l'a fait - de manière très positive. Mais le colonel Khadafi, au 8e sommet de l'Union africaine en février dernier, déclarait sans mesure : "Il fut un moment où l’homme blanc se croyant supérieur, nous a traités comme des animaux". Le site Africamaat, qui se revendique des ouvrages de Cheikh Anta Diop parle du "Démon blanc" à qui il faut faire la guerre parce qu'il est un "ennemi de l'Afrique"... (Michel Renard)

C’est pourtant à ce genre de généralisation abusive que s’est livré Sarkozy dans son discours de Dakar, poussant même la caricature et l’ignorance jusqu’à nier que ce fameux «homme africain» ait pu avoir une histoire : «Le drame de l’Afrique, pérore-t-il, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Jamais il ne s’élance vers l’avenir, jamais il ne lui vient à l’idée de sortir de la répétition pour s’inventer un destin.» On se sait s’il faut avoir honte ou franchement rire de ces paroles pontifiantes qui révèlent, au-delà d’un formidable orgueil, une profonde méconnaissance de l’Afrique mais aussi, tout bonnement, de l’histoire.

Plusieurs écrivains africains lui ont répondu par une lettre ouverte (Libération, 10 août 2007), leçon d’histoire fort divertissante : «Il nous reste simplement à tomber d’accord pour définir le sens de ce mot histoire. Car quand vous dites que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire, vous avez tort. Nous étions au cœur de l’histoire quand l’esclavage a changé la face du monde. Nous étions au cœur de l’histoire quand la colonisation a dessiné la configuration actuelle du monde. Le monde moderne doit tout au sort de l’Afrique et quand je dis monde moderne, je n’en exclus pas l’homme africain que vous semblez reléguer dans les traditions et je ne sais quel autre mythe et contemplation béate de la nature. Qu’entendez-vous par histoire ? N’y comptent que ceux qui y sont entrés comme vainqueurs ? Laissez-nous vous raconter un peu cette leçon d’histoire que vous semblez fort mal connaître.» À la décharge de Sarkozy, on pourra toujours dire qu’il n’est sans doute pas le seul à fort mal connaître l’histoire de l’Afrique. Cette histoire d’un continent séparé de l’Europe par une petite quinzaine de kilomètres (la largeur du détroit de Gibraltar), reste superbement ignorée par les Français et tout spécialement par les programmes scolaires.

 

Les propos du Président révèlent l’inadaptation

de certains programmes scolaires français

Alors que plusieurs millions de citoyens français ont leurs ancêtres proches en Afrique, alors que, sauf découverte contraire des paléontologues, l’Afrique reste le berceau de l’humanité et que, d’une certaine façon, nous sommes tous des Africains, l’Éducation nationale persiste à mépriser l’histoire de l’Afrique, comme si elle n’existait pas ou n’était pas digne d’intérêt. Constatation qui vaut également pour les autres parties du monde. À la rigueur — et c’est là une singulière limite — les élèves feront connaissance avec les civilisations étrangères lorsque l’Europe établit un contact avec elles mais c’est toujours l’Européen qui impose son regard : les Amérindiens n’apparaissent dans la conscience des élèves que lorsqu’ils sont «découverts» par Christophe Colomb, comme les Chinois sous la plume de Marco Polo. Il est vrai que le point de vue sur l’Afrique a commencé à s’ouvrir depuis quelques années : sous diverses influences et malgré bien des oppositions — cf. l’inénarrable amendement parlementaire sur les «effets positifs de la colonisation» — la colonisation et l’esclavage ne sont plus des sujets tabous.

[Commentaire] Qu'est-ce qu'un "tabou" ? C'est ce dont on ne doit pas parler par crainte ou par pudeur, c'est aussi un interdit à06d5_1 caractère religieux. Dans ce cas la colonisation et l'esclavage n'ont jamais été des sujets "tabous"... Deux exemples pour rétablir la vérité.
Le manuel Malet-Isaac de 1937, destiné à l'enseignement primaire supérieur, couvre l'histoire contemporaine de 1852 à 1914 sur 410 pages de texte serré. La leçon X s'intitule "la formation d'un nouvel empire colonial français" (p. 135 à 159). De nombreuses connaissances sont délivrées, centrées sur les différentes phases de la conquête. Évidemment, l'idéologie sous-jacente est celle de la bonne conscience coloniale : "Comme dans tous les empires coloniaux, la question indigène soulève de graves difficultés. Dans les colonies comme l'Afrique occidentale, les noirs à demi civilisés ont acepté facilement la domination française qui, malgré certains abus, s'est montrée généralement bienfaisante. Par contre, les peuples plus civilisés de l'Indochine et de l'Afrique du Nord se sont montrés plus réfractaires. On ne peut espérer se les concilier que par une politique d'éducation et de collaboration, en respectant leurs croyances et leurs traditions, en allégeant les charges qui pèsent sur eux, et en les faisant participer aux profits de l'oeuvre économique" (p. 147).
Autre exemple. Le manuel de l'éditeur Delagrave pour la classe de Première, en 1972, couvre l'histoire contemporaine, 1848-1914 ; il l'est l'oeuvre de J.-M. d'Hoop, maître-assistant à la faculté des Lettres et sciences humaines de Paris, et de R. Hubac, inspecteur général (445 pages de texte dense). Les chapitres "l'expansion européenne dans le monde", "l'empire colonial français" et "la colonisation européenne" vont de la page 329 à la page 383. On ne cache pas les conquêtes, ni la répression, ni la "pacification". Mais il est vrai que l'horizon reste "la diffusion de la civilisation européenne dans le monde" (p. 339), qui ne nie pas cependant les "résistances".
Pourquoi donc créer des légendes sur de prétendus "tabous", sinon pour apparaître soi-même comme un courageux pourfendeur de chimériques "interdits"...?
(MR)

On observera néanmoins qu’ils interviennent bien tardivement dans le cursus scolaire, présents surtout dans les programmes de lycée bien davantage que dans ceux de collège ou de l’école primaire. Faire découvrir l’Afrique lorsque les marchands d’esclaves ou les colons y mettent les pieds n’est d’ailleurs pas dénué d’une certaine ambiguïté dont il n’est par sûr que les écrivains auteurs de la lettre ouverte à Sarkozy, comme les historiens qui militent sur ces thèmes, arrivent à se départir totalement. Car d’une certaine manière, raconter l’histoire de l’Afrique à partir du Code noir ou des premières incursions portugaises au XVe siècle, apparaît étrangement réducteur pour un continent qui a connu l’homme de Toumaï et les Australopithèques. Est-ce à dire que les Africains ne pourraient décidément avoir d’autonomie, d’existence propre, en dehors de leur rencontre avec des peuples extérieurs ?

On peut se demander si cette fixation exclusive sur la période coloniale n’aboutit pas, d’une certaine manière, à conforter l’image sarkozienne et les clichés complaisamment véhiculés sur «l’homme africain [qui] n’est pas assez entré dans l’histoire». Parce qu’il ne serait pas entré dans le champ de vision des autres ? Les errements de l’enseignement de l’histoire à l’école n’expliquent évidemment pas tout et ne sont pas responsables à eux tout seuls des aberrations ou de l’inanité de la politique étrangère d’un pays. ­Disons simplement qu’ils y aident.

L’histoire à l’école reste encore trop exclusivement centrée sur l’histoire de France [contre-vérité aberrante pour qui connaît un peu les programmes scolaires : voir note ci-dessous], construction romancée et en grande partie imaginaire destinée, selon la formule qui avait cours il y a encore peu de temps, «à faire naître chez l’enfant une conscience nationale» (1). Comme s’il n’y avait rien de mieux à faire que de corseter labloch_etrange_defaite_l25 conscience enfantine dans le cadre étriqué de la nation. [Voilà bien une formule convenue... et assez ignorante  de la réalité historique de la nation française... L’historien Marc Bloch, fondateur des Annales, écrivait qu’en mai 1940, “sur les hommes qui en ont fait leur chant de ralliement, la Marseillaise n’avait pas cessé de souffler, d’une même haleine, le culte de la patrie et l’exécration des tyrans. (…) Je n’ai jamais cru qu’aimer sa patrie empêchât d’aimer ses enfants ; je n’aperçois point davantage que l’internationalisme de l’esprit ou de la classe soit irréconciliable avec le culte de la patrie ” (L’étrange défaite, examen de conscience d’un Français). MR] Cadre étriqué et pernicieux : on peut penser que les réflexes de méfiance, de xénophobie ou de racisme, profondément enracinés chez beaucoup de Français, trouvent au moins en partie leur source dans un récit historique, celui véhiculé par les programmes scolaires, qui ne montre l’étranger que sous l’angle du danger, lors des guerres et des invasions. Leur désintérêt marqué pour les enjeux internationaux, qui laisse la place libre aux discours farfelus des dirigeants — comme ­celui de Sarkozy à Dakar — ou les initiatives les plus extravagantes, par exemple la vente d’un réacteur nucléaire et de missiles à un dictateur connu pour sa complaisance envers le terrorisme, peut s’éclairer à la lueur de la profonde ignorance de l’histoire du monde dans laquelle ils sont éduqués.

Bernard Girard
Libération, page "Rebonds", lundi 20 août 2007
© Libération

 

(1) Suzanne Citron, le Mythe national (éditions Ouvrières, 1987).

 

note sur les programmes scolaires
Les programmes de collège couvrent toute la période du néolithique au 11 septembre 2001. En classe de 6e, seules deux pages concernent la Gaule. Les élèves apprennent l'histoire de l'Égypte ancienne, des Hébreux, de la Grèce et de la Rome anciennes. En classe de 5e, sont traitées les civilisations de Byzance, de l'Islam et de l'Occident chrétien, puis de la Renaissance. En 4e, la dimension européenne domine les leçons d'histoire, et en 3e on étudie les deux guerres mondiales et le monde jusqu'en 1989 et même jusqu'en 2001…
Au lycée, en classe de 2e, il n'y a que 3 chapitres sur 10 (…!) qui évoquent la France, et en 1ère, une partie du programme sur trois… Ne parlons pas de la Terminale.
Il y a belle lurette que le "centrage" sur l'histoire de France a été abandonné...

Michel Renard

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5 octobre 2007

Les vérités qui dérangent

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guerre d'Algérie

les vérités qui dérangent

Pierre BARON et Georgette ELGEY

 

Comme souvent, les images sont trompeuses. La beauté minérale des paysages du film L'Ennemi intime (tourné au Maroc) contraste cruellement avec l'oppressante réalité des événements.

Nous sommes en 1959. les opérations militaires s'intensifient. Notamment dans les hautes montagnes kabyles. Un décor somptueux, digne d'une descente en enfer. Collective et vertigineuse. Un engrenage qui aura raison d'un régime, la IVe République, et qui laissera des deux côtés de la Méditerranée des blessures toujours ouvertes photo_L_Ennemi_intime_2007_11presque cinquante ans plus tard. Contrairement aux poilus de la Grande Guerre qui abreuvaient leur entourage de leurs souvenirs, les combattants français de la guerre d'Algérie ont choisi pendant des décennies de ne pas parler de leur passage sous les armes. Sans doute certains avaient-ils été confrontés à des événements qu'ils ne pouvaient accepter. Sans doute d'autres ne pouvaient-ils supporter le rappel de tant d'efforts finalement inutiles. Puis est venu le temps où témoignages et études affluent. On veut savoir. Et, à tort, on croit trop souvent savoir.

Lorsqu'on interroge les responsables des archives départementales sur les recherches le plus souvent menées par nos concitoyens, on apprend que la guerre d'Algérie figure, avec l'Occupation, comme la période la plus demandée. On peut se dire que, le temps passant, les hommes vieillissant, les plaies auraient fini par se refermer, celles des pieds-noirs, celle des harkis comme celles des indépendantistes. Mais on peut aussi se dire que la part de manipulation, la (haute) dose de contrevérités, de propagande etphoto_L_Ennemi_intime_2007_7 de mensonges d'État à laquelle ont été soumises l'opinion française et la population algérienne ne font rien pour arranger les choses. Image obsolète. Car il y a déjà longtemps que les archives, y compris militaires, se sont ouvertes, et que les historiens qui se sont simplement donné la peine de faire leur métier savent. Et qu'ils le font savoir du reste dans leurs nombreuses publications.

Pour autant les consciences ne sont apaisées. Et pour cause. Démontrer que Jeanne d'Arc n'a jamais été une bergère ou que Vercingétorix fut autant victime des autres tribus gauloises que de César ne dérange pas grande monde. Mais apprendre, faits à l'appui, que la torture n'est pas l'apanage des seuls soldats français, qu'un grand nombre d'appelés n'ont pas entendu un seul coup de feu pendant leur service militaire ou que l'opinion française, y compris ses représentants à l'Assemblée nationale a, de 1954 à 1956, considéré l'affaire algérienne comme une simple photo_L_Ennemi_intime_2007_3succession de faits divers, voilà qui fera pousser des cris d'orfraie à tous les tenants de la vérité officielle. À commencer par les plus hauts responsables algériens venus donner des leçons de droits de l'homme aux élus du Palais-Bourbon ou parlant à propos de cette guerre du "génocide commis par les Français". À continuer par certains adeptes de la repentance qui osent affirmer que l'armée française en Algérie a copié le modèle des SS.

Eh bien, non. L'idéologie n'a rien à faire dans ces pages. Celles-ci nous sont dictées par la simple honnêteté intellectuelle, par le simple respect des travaux menés ces dernières années par les historiens et les chercheurs. On peut toujours exploiter jusqu'à la nausée le filon de la repentance. À condition de vouloir démêler le vrai du faux. Pour nous, la sortie en salles (le 3 octobre) du film de Florent-Emilio Siri est enRotman_interview cela une aubaine. Tant elle permet d'éclairer factuellement un certain nombre de thèmes, de balayer des idées reçues, de sortir d'un manichéisme puéril qui a trop longtemps sévi. Comme le dit si judicieusement Patrick Rotman, le scénariste du film : "L'idée de militantisme est une aberration".

L'Ennemi intime, film de guerre ? Non : film sur ce que la guerre fait des hommes, quelle que soit leur cause. En dépit de nos réserves, ce n'est pas là son moindre mérite. Notamment pour les enfants ou les petits-enfants des combattants des deux camps. Cette œuvre nous incite à comprendre ce qui s'est vraiment passé plutôt que de lancer l'anathème ou d'entendre siffler La Marseillaise dans un stade de football, à l'occasion d'une rencontre… amicale.

Pierre Baron
ennemidirecteur de la rédaction d'Historia
Georgette Elgey
membre du comité éditorial

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4 octobre 2007

L'instrumentalisation des historiens (Paul Schor)

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L'instrumentalisation des historiens

est inacceptable

Paul SCHOR

 

Le Monde - 4 octobre 2007 - Point de vue

photo_schorHistorien, spécialiste de l'histoire de l'immigration et des minorités aux États-Unis, je figure sur la liste des chercheurs ayant accepté de participer à l'Institut d'études sur l'immigration et l'intégration et à son "groupe de travail". Cet institut doit être installé au sein du Haut Commissariat à l'intégration (HCI) par le ministre de l'immigration et de l'identité nationale, Brice Hortefeux, le 8 octobre.

Une note technique du HCI donne la liste des membres du "groupe de travail" et fixe les missions de cet institut, présidé par Hélène Carrère d'Encausse, dont on se souvient des propos violemment racistes sur la polygamie. Il s'agit, je cite, de "constituer un guichet unifié des études sur l'immigration et l'intégration donnant des moyens élargis à la recherche et finançant des recherches d'université (...) et de laboratoire ; de déterminer des champs et des sujets pertinents". Plus spécifiquement, le groupe de travail est censé "dégager les grands axes de recherche en cours ou souhaitables et de les soumettre au Conseil scientifique", lequel sera chargé de "valider ou d'orienter les grands axes de recherche et de veiller à la neutralité et à la qualité des recherches qui seront rendues publiques".

Bien qu'une lettre du 19 septembre du HCI accompagnant la note technique indique que cet institut sera indépendant, cet objectif louable semble contredit par cette autre mention : "Cet institut a pour vocation de constituer un guichet unifié rassemblant des chercheurs, des universitaires, des administrations et des entreprises privées qui commanditent des recherches sur ces questions." On ne sait ce que signifie un "guichet unifié" pour la recherche, mais il y a lieu d'être inquiet pour l'indépendance de la recherche sur ces questions.

Au vu des orientations actuelles du ministre de tutelle - qui a provoqué au printemps la démission en bloc des historiens de la Cité de l'immigration -, on ne peut que s'interroger sur la manière dont ce futur institut choisira les recherches à subventionner et sur le sens qui sera donné à la "neutralité et la qualité" de ses recherches. Pour ma part, il est inconcevable, vu certains des noms qui figurent sur cette liste et la façon dont les missions sont définies, de voir le mien y être associé. J'y vois une contradiction directe avec l'indépendance du travail universitaire mais aussi avec les orientations scientifiques et théoriques partagées par la majorité des chercheurs travaillant sur ces questions. Leur travail ne consiste pas à valider le programme sur lequel le gouvernement actuel a été élu ni à ériger de manière officielle avec leur caution scientifique l'immigration en problème pour la société française.

La circulation de ces documents par voie électronique parmi les chercheurs est d'autant plus susceptible de porter atteinte à la réputation scientifique et professionnelle de ceux qui y figurent soit à leur insu soit contre leur gré.

J'ai ainsi eu la désagréable surprise d'apprendre par des collègues choqués ou perplexes que je ferais partie du groupe de travail de cet institut, sans avoir jamais été officiellement sollicité. Il va de soi que si je l'avais été, j'aurais refusé de participer à cette aventure et d'assister à son installation par un ministre pour qui les immigrés sont par définition un problème et une menace pour l'identité nationale de mon pays. La désinvolture du procédé alliée aux inquiétudes soulevées par les missions et la personnalité des dirigeants de cet institut ne peuvent qu'accroître le divorce entre les chercheurs spécialistes de ces questions et un ministre en quête de relais d'opinion à sa botte.

Que mon nom et ma fonction soient utilisés pour légitimer la persécution dont sont aujourd'hui victimes les immigrés dans ce pays me révolte autant en tant que chercheur qu'en tant que citoyen.

Paul Schor
université Paris-X et CENA-EHESS

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3 octobre 2007

Les étrangers en France, 1919-1939 (journée 12 mars 2008 à l'université Paris VIII-Saint-Denis)

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Les étrangers en France, 1919-1939

Journée d’étude

organisée par le département d’histoire de l’Université Paris 8

en partenariat avec la Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration et

l’association Études coloniales


Mercredi 12 mars 2008ext_para_col1_image_69_tres_grand_format_03

Université Paris 8
2, rue de la Liberté, 93526, Saint-Denis,
M° Ligne 13, Saint-Denis Université

Programme

9 h - Introduction : les étrangers en France, quelques données statistiques,
       géographiques et sectorielles
, Daniel Lefeuvre, Université Paris 8

9 h 30 - Les étrangers au travail, Danièle Rousselier-Fraboulet, Université Paris 13

10 h 30 - Immigrants et indépendants. Parcours et contraintes, Claire Zalc, CNRS

11 h 30 - Les travailleurs polonais en France, Janine Ponty, Université de Besançon

12 h 30 - déjeuner

14 h - Les réfugiés politiques en France dans l’entre-deux-guerres, Éric Vial,
         Université de Grenoble

15 h - L’opinion publique et les étrangers en France dans l’entre-deux-guerres,
        Ralph Schor, Université de Nice

16 h - L’État et les étrangers en France dans l’entre-deux-guerres, Vincent Viet, CNRS


- légende photo en haut, à droite : Expulsion de familles polonaises à Leforest (Pas-de-Calais) en 1934.
  © CHM Lewarde
(source)

 

Renseignements et inscriptions : cliquer ici

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- Cité Nationale de l'Histoire de l'Immigration


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28 juin 2007

Protectionnisme et expansion coloniale

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Protectionnisme et expansion coloniale

Henri BRUNSCHWIG (1960)

 

Ce fut Bismarck qui, le premier, en 1878, proposa au Reichstag un tarif protectionniste. Il était, à ce moment-là encore, résolument hostile à l'expansion coloniale. Aucun des députés qui intervinrent dans la discussion n'y fit allusion et l'Allemagne ne s'y décida que cinq ans plus tard, en avril 1884. Lorsqu'en juin 1885, Bismarck définit son système colonial, il ne mentionna pas davantage le protectionnisme, pas plus redditionque Jules Ferry en juillet de la même année.

Ferry avait inauguré la politique impérialiste de la France par l'expédition de Tunis, en 1881. Mais ce fut seulement en 1892 que la France s'engagea dans le protectionnisme par le vote du tarif Méline. À ce moment, le tarif Mac Kinley (1890) avait déjà fait passer les Etats-Unis dans l'orbite protectionniste, mais ils attendirent ensuite huit ans pour se livrer à l'impérialisme en enlevant aux Espagnols leurs colonies de Cuba, de Porto-Rico et des Philippines (1898). Et ce ne furent pas les milieux économiques qui préconisèrent ces interventions. Quant à l'Angleterre, à la Belgique et aux Pays-Bas, ils ne renoncèrent pas au libre-échange, ce qui ne les empêcha pas d'acquérir des colonies.
Cette simple confrontation des dates induit en méfiance à l'égard de la filiation du protectionnisme à l'expansion coloniale.

Jules Ferry explique que la fermeture des marchés des États devenus protectionnistes obligeait ceux qui ne l'étaient pas à rechercher des débouchés ailleurs. Mais sur quoi se fondait-il ? La vérification était cependant facile : l'Allemagne appliqua son tarif protectionniste à partir de 1879. La France resta libre-échangiste jusqu'en 1892. Reportons-nous au Tableau général du Commerce de la France : nous y voyons que le commerce général de la France avec l'Allemagne passa de 882,8 millions de francs en 1878 à 883,9 en 1879, à 945,5 en 1880, à 981 en 1881 et à 993,2 en 1882.

Si nous considérons le rapport entre importations et exportations, nous constatons que la France continua d'importer plus qu'elle n'exportait. Les deux courbes restent parallèles jusqu'en 1885. Ensuite, la France rétablit peu à peu l'équilibre et, de 1892 à 1908, elle exporte plus qu'elle n'importe. À cause du tarif Mélinecouverture de 1892 ? Peut-être, mais à partir de 1910 et malgré le relèvement de ce tarif, le commerce fut de nouveau déficitaire pour la France. Les tarifs douaniers sont des armes à double tranchant et leur action ne peut être que très brève ; des négociations, qui les émoussent, s'imposent ensuite, si l'on veut éviter des guerres douanières dommageables aux deux partenaires.

La courbe des échanges entre la France et l'Allemagne est grossièrement parallèle à celle entre la France et l'Angleterre ; celle-ci accuse seulement des mouvements d'une plus grande amplitude. L'Angleterre, cependant, resta libre-échangiste.

Si l'on considère enfin la courbe du commerce général de la France au cours de cette période de 1875 à 1914, on y trouve bien des chutes, correspondant aux crises économiques générales, dont n'avons pas à traiter ici. Mais, des arguments en faveur de la thèse selon laquelle le débouché colonial est venu pallier les déficiences du commerce ? Point. L'expédition de Tunisie eut lieu en 1881, au moment où le commerce général atteignit les chiffres les plus élevés depuis 1870. La conquête de Madagascar en 1895, les interventions  au Maroc après 1905, se situèrent à des moments où le commerce était en pleine expansion. Seule la conquête du Tonkin, entre 1883 et 1885, correspondit à une période de baisse. Dans l'ensemble, il apparaît que l'expansion coloniale ne s'inscrivit pas sur la courbe du commerce extérieur.

Henri Brunschwig,
Mythes et réalités de l'impérialisme colonial français, 1871-1914,
A. Colin, 1960, p. 82-83

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les conquêtes coloniales

ne doivent rien au capital financier

Jacques MARSEILLE (1984)

 

Rien ne prouve que Jules Ferry avait un plan d'ensemble quand il décida en 1881 et 1882 l'intervention de la France en Tunisie et au Tonkin. Il faudra attendre 1885 pour qu'il justifie a posteriori la nécessité économique des conquêtes coloniales. (p. 12 éd. Points-Seuil, p. 21 éd. 2005)

(… selon) Jacques Freymond : (…) "Si l'on considère la France, on doit constater que les Français ont été moins sensibles aux appels de Jules Ferry qui jugeait les colonies nécessaires au placement des capitaux de la métropole, qu'au mirage de l'alliance russe. En 1902, sur un total d'environ 30 milliards de francs placés à l'étranger, l'Europe à elle seule en a reçu 21 milliards et l'on estime à 2 ou 3 milliards la somme totale des placements dans les colonies françaises".

Le faible pourcentage que représentaient les empires coloniaux dans le commerce et les placements de2020108941 capitaux métropolitains suffirait donc à démontrer la faiblesse de l'analyse marxiste et à prouver que les conquêtes coloniales ne devaient rien au capital financier. (p. 28 éd. Points-Seuil, p. 21, p. 40-41 éd. 2005)

Jacques Marseille,
Empire colonial et capitalisme français, (1984),
éd. Points-Seuil, 1989 et éd. "Bibliothèque de l'évolution
de l'humanité", Albin Michel 2005



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"Solution Pautauberge", entreprise pharmaceutique spécialisée dans les sirops

 

 

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25 septembre 2007

Cérémonie d’hommage national aux Harkis

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Cérémonie d'hommage national

aux harkis

discours de François FILLON, Premier ministre,

Invalides, le 25 septembre 2007

 

 

Mesdames et messieurs,

Avec force, avec solennité et émotion, je veux réaffirmer aujourd’hui, au nom du Gouvernement français, la reconnaissance de la Nation envers les Harkis.

Musulmans d’Algérie, ils ont entendu l’appel de la République française, et ils ont pris les armes, aux côtés ou au sein des troupes régulières.

Par fidélité, par loyauté, avec abnégation, ils ont accepté de mener sur leur sol un combat cruel et incertain.

Dans cette guerre masquée, ils se sont déclarés soldats. Ils sont devenus harkis, tirailleurs, spahis, moghaznis [moraznis], assès.

Ils ont rejoint les Groupes mobiles de sécurité, les groupes d’autodéfense, les sections administratives spécialisées.

L’histoire les a dressés contre d’autres hommes qui, la veille, étaient leurs frères.

Dans ce conflit, la République a considéré leur vaillance, leur courage, le dévouement que le sens de l’honneur leur inspirait.

Mais elle a fermé les yeux sur leur jeunesse, leur vulnérabilité, la précarité extrême de leur situation personnelle et familiale, le fardeau d’incertitude que le règlement de la guerre déposait sur leurs épaules et sur celles de leurs descendants.

Trop longtemps, la France a baissé les bras devant l’obligation contractée à l’égard des Harkis. Parce que le sacrifice de leurs biens, de leurs terres, de leurs droits et de leur sécurité, parfois de leurs vies, dépassait toute mesure, elle n’a pas su le reconnaître.

De son impuissance, elle a fait un abandon. Au moment où les Harkis s’en remettaient à elle, elle les a conduits par les chemins de l’oubli vers les camps de transit de Lascours, de Rivesaltes, de Saint-Maurice-l’Ardoise, de La Rye, de Bias, de Bourg-Lastic, de Sainte-Livrade. Elle les a écartés dans une soixantaine de "hameaux forestiers", cantonnés dans les 42 "cités urbaines". Elle a prolongé leur angoisse, leur détresse, leur déchirement.

Depuis 2001, la Journée nationale des Harkis interdit cette démission de la mémoire. Elle célèbre leur fidélité et leur bravoure. Elle aide à honorer cette communauté large, à faire connaître et comprendre la dette que la France lui conserve.

Pour que la France rende aux Harkis ce premier et légitime hommage, pour que la loi du 11 juin 1994 soit votée à l’unanimité au Parlement, il a fallu plus de 30 ans.

Aujourd’hui, nous devons poursuivre sur cette voie. Nous avons besoin d’une réconciliation sincère des mémoires, d’un apaisement véritable des esprits et des coeurs. Une fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie sera créée à cet effet en 2008. Ces questions lui seront confiées. Des historiens indépendants effectueront ce travail.

À cet instant, dans tous les départements français, les Harkis reçoivent un juste hommage, et celui-ci doit rejaillir sur leurs enfants et petits-enfants. Ici, aux Invalides, où résonnent les cris de gloire et de douleur de l’histoire militaire française, c’est l’hommage du Gouvernement que je leur rends devant vous.

Vive la République, vive la France !

source

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harkis

 

Tentes2
tentes dans un camp de harkis en métropole après 1962 (source)

 

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Dreux (Eure-et-Loir), plaque d'hommage aux harkis (source)



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12 septembre 2007

Critique du livre L'Illusion coloniale (Jean-Pierre Renaud)

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L'illusion coloniale (Tallandier, 2005)

un livre d'Éric Deroo avec la collaboration de Sandrine Lemaire

Jean-Pierre RENAUD

 

1156Un très beau livre d’images qui s’inscrit dans la suite des beaux livres d’images qui semblent à la mode et ont l’ambition de faire revivre le passé colonial de la France.
Un titre très ambitieux : deux cents pages pour couvrir deux siècles et demi d’histoire coloniale (1750-1962).
Un titre ambigu à l’exemple du beau livre d’images intitulé Images d’Empire (La Documentation française-La Martinière- 2003) dont l’immense majorité des clichés ne datait pas de l’Empire, mais de Vichy ou de la Quatrième République, et donc de l’Union française.
Ici, dans le déroulement chronologique des images au cours de la période 1750-1962, le commentaire n’explique pas le titre du livre, pourquoi l’Illusion coloniale ? La tâche était d’ailleurs impossible.

Le commentaire des images s’inscrit dans la ligne de pensée et d’écriture du collectif de chercheurs, dont fait partie l’historienne Sandrine Lemaire, collectif qui a produit une série d’ouvrages sur la Culture coloniale, la Culture Impériale, et la Fracture Coloniale.

Ne nous attardons pas sur au moins deux des erreurs historiques du commentaire, la conquête de Madagascar par Gallieni en 1895 (p. 43) et le fait que l’École coloniale ait donné naissance à l’ENA (p. 83).

Quant au commentaire lui-même, s’il est vrai qu’il est difficile de justifier, chaque fois par des chiffres précis, beaucoup d’affirmations et de jugements sur les périodes successives examinées et illustrées, l’absence complète de mesure et d’évaluation donne une grande fragilité historique à la plupart des affirmations. Lesquelles n’ont pas été démontrées dans les livres du collectif.

Relevons quelques unes d’entre elles pour éclairer le lecteur :

La fabrique de l’opinion (p. 70) avec la propagande coloniale, une multitude de relais, la radio et le cinéma sont mobilisés et financés par l’Etat, des milliers de publications et de supports.

Les femmes (p. 129) et la notation, un des sujets les plus reproduits dans les cartes postales coloniales, avec l’inévitable référence aux érotiques mauresques. Représentation des femmes des colonies qui n’est pas celle reconnue par les meilleurs spécialistes.

L’Agence économique des colonies, recréée par le régime de Vichy en 1941, elle bénéficie de moyens1156 considérables, (p. 156),  mais aucun chiffre précis n’est avancé sur ces moyens et sur leur poids relatif dans les valeurs économiques de l’époque ?

Permanence des images héritées de la colonisation (p. 214) : cette interprétation est un des fils conducteurs du commentaire et est, en cela, tout à fait fidèle à l’interprétation historique donnée à l’histoire coloniale par ce collectif de chercheurs, avec une généalogie historique non encore démontrée, mais répétée au fil des discours, entre cette histoire, une fracture coloniale supposée, et en définitive la crise des banlieues, et pourquoi pas l’existence de nouveaux indigènes de la République.

 Jean-Pierre Renaud, 22 mai 2007
paru dans le numéro 12 de la revue
de l'association AROM  amitié-réalité-outre mer
auteur du livre Le vent des mots...

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- L'Illusion coloniale, Éric Deroo
avec la collaboration de Sandrine Lemaire, Tallandier, 2006
.

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Éric Deroo

 

 

 


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20 octobre 2007

Le capitaine Cassou, un film de Francis Boulbès

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kasbah de la vallée de Boulemane

 

le capitaine Cassou

angle de vue sur le protectorat de la France au Maroc.

Francis BOULBÈS

 

Depuis 35 ans que je fréquente les Aït Seghrouchen du Tichoukt, j'ai maintes fois entendu parler du Captaine Cassou. Mais quand j'ai décidé de réaliser ce film, j'ai compris qu'il était indispensable de remonter beaucoup plus haut dans l'histoire, et rappeler toute la relation franco-marocaine dans la première moitié du XXe siècle, avec un fil directeur : 45 ans de protectorat, 40 ans de guerres. Marocains et Français face-à-face ou côte à côte, de la guerre du Rif aux événements précédant l'indépendance, en passant par la Tunisie, l'Italie, la Corse, la Provence, les Vosges, l'Indochine, l'Algérie. Les guerres sont inséparables de l'histoire du protectorat, surtout si l'on parle des Berbères. C'est le propos de la première partie du film.

Dans une deuxième partie, les Berbères racontent le capitaine Cassou, Officier des Affaires Indigènes en poste dans ces montagnes dans les années 1940 : sa personnalité (forte), son œuvre (étonnante), le souvenir qu'il a laissé chez ceux qui l'ont connu (surprenant). Evoqué à soixante ans de distance, le capitaine Cassou est devenu un personnage de légende, comme les officiers qui ont combattu ces Aït Seghrouchen dans les années 1920 : Laffite, Bournazel...  Mais le portrait vrai, dans le film, est celui du petit peuple des montagnes marocaines. Et ce qui n'y est pas dit, mais qui en est le message fort, c'est l'incroyable attachement que les vieux Berbères ont gardé pour la plupart des officiers français, et en particulier pour ce capitaine qui était dur (très dur), mais juste disent-ils, et qui vraiment travaillait pour améliorer le sort des paysans, ce qui a rarement été le cas pendant les cinquante années qui ont suivi l'indépendance, dans l'Atlas marocain qui ne fait pas partie du "Maroc utile", selon l'expression consacrée. Entre autres réalisations, une seguia de 12 kilomètres perchée dans des endroits impossibles, une vraie rivière pour laquelle on a percé les montagnes, bâti à flanc de falaise, permet d'irriguer un secteur paysannat de 5.000 ha. C'est encore, et même pour les enfants, la "seguia de Cassou".

Le film n'est pas une apologie du protectorat, ce n'en est pas non plus un blâme. J'y parle des hommes. On y voit aussi ceux qui sont allés s'instruire au combat contre la colonisation dans l'Egypte pré-nassérienne, et qui sont devenus des héros ou des martyrs pour leurs compatriotes. Je veux croire qu'on peut enfin essayer de montrer les différents points de vue, et déjà qu'on pourrait commencer vraiment à parler de ces moments de notre histoire.

Francis Boulbès

 

 

Synopsis
Dans une première partie, le film retrace l'histoire franco-marocaine dans la première moitié du XXe siècle, avec un fil directeur : 45 ans de protectorat, 40 ans de guerres. Marocains et Français face-à-face ou côte à côte, de la guerre du Rif aux événements précédant l’indépendance. Les guerres, même les plus lointaines comme celle d’Indochine, sont inséparables de l’histoire du protectorat.   

Dans une deuxième partie, un personnage de légende : le capitaine Cassou, «officier des Affaires Indigènes» en poste dans le Moyen Atlas dans les années 40. Sa personnalité, son œuvre, le souvenir qu'il a laissé chez ceux qui l’ont connu. Plus qu’un portrait de Cassou, qui est évoqué à 60 ans de distance, le film présente un portrait du petit peuple des montagnes marocaines, et un angle de vue sur la relation franco-marocaine.

le film- 1 h 20
* Rappel de l’histoire du protectorat
- Guerre dite de pacification. Images de la guerre du Rif. Présentation d’une tribu qui a tenu la dragée haute aux troupes françaises pendant 4 ans. Interviews de survivants de cette guerre et de plus jeunes qui perpétuent la légende des combattants berbères, récit des combats, images des lieux des combats, figures légendaires (Bournazel, Laffitte). Interview d’un colonel ayant participé aux combats de 1932 à 1934 (99 ans).

- Campagnes 1943-45, Italie, Alsace. Images de la guerre, interview d’anciens combattants. Rappel de l’Indochine.

- Événements de l’indépendance 55-56, images des lieux, interviews de responsables des émeutes, de l’épouse (présente sur place) et des enfants du capitaine chargé de la répression. Interview de l’épouse du médecin chargé de relancer l’activité de l’hôpital d’Oued Zem, où tout le personnel soignant avait été massacré.

* La légende du Capitaine Cassou
- Présentation de ceux qui vont parler de lui (une dizaine). Un personnage et ses réalisations présentés par ceux qui l’ont connu : Cassou grand bâtisseur (infrastructures agricoles locales).

- Evocation du roi Moulay Ismaïl (XVIIe siècle), images de sa capitale Meknès, comparaison mi-sérieuse mi-ironique avec Cassou sur divers points :
-    le travail (témoignages, images)
-    le physique, la prestance (témoignages, passage amusant)
-    la cruauté (témoignages, images)
-    les femmes (témoignages, images, passage amusant)
-    la mégalomanie (images, commentaire)
-    les qualités d’un homme (témoignages)

* Conclusion : la France et le Maroc, une histoire d’amour ? Témoignages.   

 

- le site de Francis Boulbès

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de g. à d., lieutenant Franqui, caïd Mtiani, commandant Decome
et capitaine Colonna d'Ornano au Maroc
(source)

 

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4 février 2007

je suis "tombé" sur un site intitulé "Etudes coloniales" (internaute de Sétif)

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...je suis "tombé" sur un site intitulé

"Etudes coloniales"...

un internaute de Sétif (Algérie)

 

Au cours de mes recherches sur le thème de l'Algérie il m'arrive de découvrir des sites qui apportent un éclairage nouveau (ou inédit) sur la période coloniale et post coloniale.
C'est ainsi qu'à ma grande surprise je suis "tombé" sur un site intitulé "Etudes coloniales".
Dans un premier temps, j'ai pensé qu'il s'agissait d'un site "à la gloire de l'œuvre colonisatrice". Puis, poussant plus loin mes investigations, j'ai dû nuancer mon jugement.
En effet, ce site mentionne des ouvrages divers dont la présentation, soit par leurs auteurs soit par leurs éditeurs, ne manque pas de surprendre.
Je les livre donc à votre propre analyse sans m'engager sur leur valeur ou leurs vertus.

GALLISSOT René. Algérie : Engagements sociaux et question nationale. De la colonisation à l’indépendance de 1830 à 1962. Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier. Maghreb, Les Éditions de l’Atelier, Le Maitron, Paris, 2006.

James MAC DOUGALL, History and the Culture of Nationalism in Algeria, Cambridge University Press, Cambridge, 2006. Cet ouvrage est commenté par Gilbert Meynier, lui-même auteur d'un ouvrage intitulé : "L’Algérie des origines. De la préhistoire à l’avènement de l’Islam".

Enfin, en dehors du site intitulé "Etudes coloniales" (que j'ai parcouru assez rapidement) j'ai lu avec un vif intérêt une autobiographie de Mohamed ARABDIOU, intitulée : "Au fil des jours …. Une vie". En voici les coordonnées (Google) : Mohamed Arabdiou
Ils avaient un terrible collaborateur « Si Mohamed le marocain ». ... Il s’agit de Si Mohamed Tlemçani qui fut très heureux et peut-être soulagé ,de voir ...
algerie2003.free.fr/1954_1962

"Maibo", 20 Janvier 2007, à 22:10:17

http://www.setif.info/forum/topic-1616.0.html

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images anciennes de Sétif

 

 

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la mairie

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la mosquée

 

 

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la porte de Constantine


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rue Saint-Augustin

 

 

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rue du 19e Léger (vers 1910)

 

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rue du 19e Léger

 

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la fontaine monumentale

 

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rue d'Isly et église (à gauche, marquée d'une croix, l'école)

 

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Sétif



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- Jean-Louis Planche, Sétif, histoire d'un massacre annoncé, Perrin, 200.



 

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9 mai 2007

Opposé à la repentance, M. Sarkozy participe à la commémoration de l'abolition de l'esclavage (Le Monde)

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Opposé à la repentance,

M. Sarkozy participe à la commémoration

de l'abolition de l'esclavage

Le Monde, 9 mai 2007

 

Nicolas Sarkozy, le président élu, participera, jeudi 10 mai, au côté de Jacques Chirac, à la cérémonie de commémoration de l'abolition de l'esclavage et de la traite négrière. Le même Nicolas Sarkozy n'a pourtant eu de cesse de dénoncer le "mode exécrable" de la "repentance", qui "exige des fils qu'ils expient les fautes supposées de leurs pères et de leurs aïeux". Une pierre dans le jardin de M. Chirac, qui a fait du "devoir de mémoire" une constante de ses deux mandats.

"La présence, importante, de M. Sarkozy à la commémoration de l'abolition de l'esclavage, est tout à fait symbolique de l'esprit qu'il veut donner à sa présidence. Pour lui, il n'y a qu'une histoire de France qu'il faut savoir regarder sans sombrer dans la repentance : on peut commémorer sans se flageller", soutient Yves Jego, instigateur, au sein de l'UMP, du Cercle de la diversité républicaine. Pour lui, "la rupture (avec M. Chirac) se joue davantage sur le modèle économique et social, sur les rapports de la France aux autres, que sur la mémoire historique".

Secrétaire nationale de l'UMP chargée de la francophonie, Rama Yade, émanation des "minorités visibles" proche du futur président, explique l'insistance de M. Sarkozy à dénoncer la repentance "par son amour de la France. Pour lui, insiste-t-elle, si l'on hait la France, on se renie en tant que Français. Il veut rassembler le pays autour de cette idée". Dans les discours de M. Sarkozy, le thème de la repentance est, de fait, toujours associé à "la détestation de soi", au "communautarisme", à la "concurrence des mémoires".

 

"Disqualifier l'histoire"

Aux yeux de nombreux historiens, cela conduit cependant à une vision réductrice de l'histoire de France. "L'anti-repentance est une grille de lecture pour repenser l'histoire de France. M. Sarkozy veut construire une vision globale de l'Histoire de France, en gommant toutes ses aspérités, en laissant dans l'ombre la complexité des événements, les rapports de pouvoirs, les luttes sociales qui les ont forgés. Cela permet de ramener l'identité nationale à une essence, alors même qu'elle est en construction permanente", juge Nicolas Offenstadt, vice-président du Comité de vigilance face aux usages publics de l'Histoire (CVUH), collectif d'historiens créé au moment de la polémique sur la loi du 23 février 2005. Pour lui, "l'anti-repentance s'inscrit dans le prolongement du discours sur le rôle positif de la colonisation" inscrit dans cette loi.

Pour Emmanuelle Saada, historienne travaillant sur les thèmes de la colonisation, de l'immigration et de l'identité, "cette présentation des mémoires comme étant toujours dans l'affrontement, la confrontation au profit d'une histoire consensuelle, est un déni de l'histoire. C'est une façon de disqualifier, de nier l'histoire de nombre de personnes, qui a pourtant été fondamentale dans l'histoire de France".

"Les discours de M. Sarkozy pousse les Français dans une attitude de dénégation de pans entiers de l'histoire", appuie le sociologue du métissage créole, Michel Giraud, qui souligne l'attente pourtant forte de toute une partie de la population à aborder sereinement toutes les facettes de l'histoire. "La demande qui s'exprime n'est pas un appel à la repentance, ne consiste pas à ce que la France batte sa coulpe. S'exprime, en revanche, un besoin culturel et social de comprendre et de savoir, qui ne relève pas d'un mouvement idéologique", confirme Françoise Vergès, politologue, auteur de "La mémoire enchaînée, question sur l'esclavage". Et d'insister : "Répondre à cette demande d'une histoire partagée où chacun puisse se reconnaître contribue à l'apaisement et non à l'affrontement."

 

Laetitia Van Eeckhout, 9 mai 2007 
article paru dans l'édition du Monde datée 10.05.07

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commentaire

- "L'anti-repentance est une grille de lecture pour repenser l'histoire de France. M. Sarkozy veut construire une vision globale de l'Histoire de France, en gommant toutes ses aspérités, en laissant dans l'ombre la complexité des événements, les rapports de pouvoirs, les luttes sociales qui les ont forgés. Cela permet de ramener l'identité nationale à une essence, alors même qu'elle est en construction permanente", juge Nicolas Offenstadt.

- L'anti-repentance peut être aussi une grille de lecture de l'histoire, non parasitée par les injonctions mémorielles et le politiquement correct. Et qui, précisément, est en mesure de restituer la complexité des événements, sans ramener la période coloniale à une essence exposée au seul jugement moral a posteriori. Ce qu'a montré Daniel Lefeuvre dans son ouvrage, Pour en finir avec la repentance coloniale.

Michel Renard

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29 août 2007

Pierre Messmer, un colonial décolonisateur (1916-2007)

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Pierre Messmer

un colonial décolonisateur

 

Pierre Messmer est décédé le 29 août 2007.

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biographie de Pierre Messmer éditée sur le site de l'Ordre de la Libération

Pierre Messmer est né le 20 mars 1916 à Vincennes, son père était industriel.

Après des études secondaires aux lycées Charlemagne et Louis-le-Grand, Bachelier en 1933, il est breveté de l'Ecole nationale  de la France d'Outre-mer (1934-1937), docteur en droit (1938) et diplômé de l'Ecole des langues orientales.

Élève administrateur des colonies, EOR à Saint-Cyr, Pierre Messmer effectue son service militaire de 1937 àmessmer_1 1939 au 12e Régiment de tirailleurs sénégalais (12e RTS).

Il effectue un stage d'observateur en avion à Tours et est replié dans le Puy de Dôme, à quelques kilomètres de la base d'Aulnat, lorsque, entendant, le 17 juin 1940, le discours du maréchal Pétain à la radio, il décide immédiatement, avec le lieutenant Jean Simon, de tout faire pour continuer le combat.

Tous deux prennent la direction du sud de la France et, au moyen d’une moto puis en auto-stop, arrivent à Marseille, d'où ils parviennent, grâce à la complicité du commandant de marine marchande Vuillemin, à se faire embarquer comme hommes d'équipage à bord d'un cargo italien, le Capo Olmo, qui se prépare à partir en convoi pour l'Afrique du Nord.

Au cours du voyage, le commandant  Vuillemin, Pierre Messmer et Jean Simon, avec quelques camarades embarqués clandestinement mais contre l'avis des officiers du bord, déroutent le Capo Olmo vers Gibraltar après avoir convaincu l'équipage.

Le bâtiment rallie ensuite Liverpool, le 17 juillet 1940, apportant à la France libre, outre une trentaine de volontaires, une précieuse cargaison de matières premières et d'avions Glenn Martin en pièces détachées dont la vente permettra de payer les frais de fonctionnement de la France Libre pendant près de trois mois.

Pierre Messmer s'engage alors dans les Forces françaises libres et est affecté, à sa demande, à la 13e Demi-brigade de Légion étrangère (13e DBLE). Chef de section à la 3e compagnie commandée par Jacques de Lamaze, il participe aux opérations de Dakar et du Gabon entre septembre et novembre 1940.

Il se distingue ensuite lors de la campagne d'Erythrée où, sa section étant déjà fortement éprouvée, il s'empare, dans la nuit du 13  au 14 mars 1941, des pentes du Sud du Grand Willy. De nouveau, le 8 avril, à Massaoua, il enlève à la mitraillette et à la grenade, par une habile manoeuvre, deux fortins ennemis puissamment armés, capturant trois officiers et 70 marins.

Deux fois cité, il est décoré de la Croix de la Libération par le général de Gaulle au camp de Qastina en Palestine à l'issue de la campagne d'Erythrée, le 27 mai 1941. Il combat ensuite lors de la douloureuse campagne de Syrie comme commandant de la 3e compagnie.

En septembre 1941, Pierre Messmer est promu capitaine.

book_6Au sein de la 1ère Brigade française libre commandée par le général Koenig, la 13e DBLE participe ensuite à la campagne de Libye et à la défense de Bir-Hakeim [27 mai-11 juin 1942]. Au cours du siège de Bir-Hakeim, Pierre Messmer qui commande une compagnie du 3e Bataillon de Légion, relève dans des conditions difficiles et au contact de l'ennemi, une autre compagnie particulièrement éprouvée. Il parvient ainsi à maintenir, malgré  de furieux assauts ennemis, l'intégrité de la position.

Au cours de la bataille d'El Alamein, dans la nuit du 23 au 24 octobre 1942, il entraîne sa compagnie à l'assaut de la position solidement défendue de Nag-rala, infligeant de lourdes pertes à l'ennemi. Par la suite, son activité suit toutes les campagnes de son unité.

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En juillet 1943, après la campagne de Tunisie, Pierre Messmer est envoyé en mission aux Antilles où règne une agitation militaire et civile importante.

De retour en Angleterre en octobre 1943, le capitaine Messmer suit un stage parachutiste dans le but d'être envoyé en France mais finalement, en janvier 1944, il est affecté, à Londres, à l’État-major du général Koenig, nommé commandant en chef des Forces françaises en Angleterre et des Forces françaises de l’Intérieur.

Le capitaine Messmer débarque en août 1944 en Normandie ; il dirige vers Paris le convoi de l'Etat-major et entre dans la capitale, dont Koenig a été nommé gouverneur militaire, le 25 août en même temps que la 2e DB.

En janvier 1945, promu commandant, il est envoyé à Calcutta pour y créer une Mission militaire de liaison administrative en qualité de commissaire de la République par intérim.

Parachuté le 25 août 1945 au Tonkin pour y créer une nouvelle mission, il est fait prisonnier par le Viet-Minh. Après deux mois de captivité, il s’évade dans des conditions particulièrement difficiles et rejoint les forces françaises.

Secrétaire général du comité interministériel de l'Indochine en 1946, il est ensuite directeur de cabinet d'Émile Bollaert, haut-commissaire en Indochine.
             
Il redevient ensuite administrateur en chef de la France d'Outre-mer en 1950, puis gouverneur de Mauritanie (1952) et de Côte d'Ivoire (1954-1956).

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Le puits de Freiwa (subdivision de Nouakchott), Mauritanie,1955

 

Haut-commissaire de la République au Cameroun en 1956-1958, puis Haut-commissaire en AEF puis en  AOF en 1958 et 1959, Pierre Messmer est ministre des Armées de 1960 à 1969, ministre d'Etat chargé des DOM-TOM (1971-1972) et Premier ministre de juillet 1972 au mois de mai 1974.

Pierre Messmer est également député UDR puis RPR de Moselle (1968-1988), conseiller régional (1968-1992) et président du Conseil régional de Lorraine, conseiller général de Moselle (mars 1970-mars 1982) et maire de Sarrebourg pendant 18 ans (1971-1989).

Il préside le groupe RPR à l'Assemblée nationale de 1986 à 1988.

Pierre Messmer est par ailleurs membre de l'Académie des sciences d'Outre-mer depuis 1976 et membre, depuis 1988, de l'Académie des sciences morales et politiques avant d'en devenir le secrétaire perpétuel (1995-1998). Il est également Chancelier de l'Institut de France (1998-2005) puis chancelier honoraire.

Par ailleurs président de l'Institut Charles de Gaulle (1992-1995) puis de la Fondation Charles de Gaulle (1995-1998), Pierre Messmer est élu, le 25 mars 1999, à l'Académie française au fauteuil de Maurice Schumann.

En octobre 2001, Pierre Messmer succède au général d'armée Jean Simon à la présidence de la Fondation de la France libre.

Par décret du Président de la République du 6 juin 2006, Pierre Messmer est nommé Chancelier de l'Ordre de la Libération en remplacement du général d'armée Alain de Boissieu décédé.

Pierre Messmer est décédé le 29 août 2007 à l'Hôpital du Val-de-Grâce à Paris.  


• Grand Croix de la Légion d'Honneur
• Compagnon de la Libération - décret du 23 juin 1941
• Croix de Guerre 39/45 (6 citations)
• Médaille de la Résistance
• Médaille des Evadés
• Médaille Coloniale avec agrafes "Erythrée", "Libye", "Bir-Hakeim"
• Médaille Commémorative 39/45
• Officier de l'American Legion
• Commandeur du Nichan Iftikhar (Tunisie)
• Commandeur de l'Ordre Royal du Cambodge
             

Principales publications :

              • Le Régime administratif des emprunts coloniaux, Paris 1939
              • De la répression des fraudes commerciales, Strasbourg 1954
              • Les écrits militaires de Charles de Gaulle, avec Alain Larcan, Paris, 1985
              • Après tant de batailles, Mémoires, Paris, 1992 (Prix Louis-Marin 1993)
              • Les Blancs s'en vont, récits de décolonisation, Paris 1998
              Le Rôle et la place de l'Etat au début du XXIe siècle, Paris 2001
              La Patrouille perdue, Paris 2002
              • Ma part de France. Entretiens avec Philippe de Saint-Robert, Paris 2003

source

 

 

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1960, en Algérie avec les Harkis

 

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5 mai 2007

Si, l'histoire de la colonisation a été travaillée (CCV)

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Si, l'histoire de la colonisation

a été travaillée...

Catherine COQUERY-VIDROVITCH

Message commenté :  Une histoire française : Dictionnaire de la colonisation (L'Express)

Si, l'histoire de la colonisation a été travaillée

"Curieusement, le travail historique sérieux sur cette épopée est pauvre… Même le brillant ouvrage de Pierre Nora, Les Lieux de mémoire (Gallimard), ne lui consacre qu'un chapitre"

Je suis pour ma part choquée que ce journaliste, qui cite Les Lieux de Mémoire de 1985, ignore en revanche les travaux sérieux sur la question, dont en particulier (et entre autres) l'histoire, initiée par Jacques Marseille, en 2 gros volumes, par 7 historiens spécialistes, de la France coloniale publiée par Colin en 1991 et rééditée en livre de Poche en 1996 (Agora-Pocket, 3 vol.). Si peu lus qu'ils sont épuisés…

CCV

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première édition

- Histoire de la France coloniale, des origines à 1914, Jean Meyer, Jean Tarrade, Annie Rey-Goldzeiguer, Jacques Thobie, éd. Armand Colin, 1990.

- Histoire de la France coloniale, 1914-1990, Jacques Thobie, Gilbert Meynier, Catherine Coquery-Vidrovitch, Charles Robert-Ageron, éd. Armand Colin, 1990.

 

en poche (actuellement indisponible)

- Histoire de la France coloniale, tome 1, la conquête, éd. Pocket, 1999

- Histoire de la France coloniale, tome 2, l'apogée, éd. Pocket, 1999

- Histoire de la France coloniale, tome 3, le déclin, éd. Pocket, 1999



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25 août 2007

Un cas d’école «au carré» sur la conquête du Soudan (Jean-Pierre Renaud)

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debout à gauche, Archinard au fort de Kita (Mali, ex-Soudan)



Un cas d’école «au carré» sur la

conquête du Soudan

Jean-Pierre RENAUD


cas d’école historique dans la méthode et dans l’interprétation, avec

la prise de Mourgoula en 1882 et de Koundian en 1889 : discipline,

fait accompli, et liberté de commandement ?


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La Revue Historique des Armées a fait paraître dans son dernier numéro (n° 247, juin 2007) un article du lieutenant Benjamin Leroy,  intitulé : "Les troupes de marine en Afrique à la fin du XIXème siècle, le cas du Soudan français" (p. 114-123).

La lecture de cet article soulève beaucoup de questions, mais nous porterons pour le  moment notre attention uniquement sur une des affirmations de l’auteur, quant aux opérations militaires qu’il cite pour illustrer l’indiscipline des officiers coloniaux et leur pratique du fait accompli.

 

 

 

Citons le passage concerné :

"L’expansion coloniale est donc le fait des troupes de marine qui, peu à peu, imposent leur autonomie. À chaque campagne, la France s’engage plus loin dans la conquête, souvent sous l’impulsion des commandants supérieurs ou des officiers qui agissent sans en référer au ministère ou au gouverneur, parce qu’il faut une décision rapide ou parce qu’ils l’ont délibérément voulu. Avec une attitude de mépris et d’indiscipline calculée envers Paris, ils placent plusieurs fois le ministère et le gouverneur devant le fait accompli pour obliger le gouvernement à entériner l’avance coloniale. Comme c’est le cas avec les affaires de Mourgoula, en décembre 1882, de Koundian, en 1889, et avec la prise de Tombouctou par le lieutenant de vaisseau Boiteux". (page 119)

Qu’en a-t-il été exactement pour autant que l’on puisse proposer une approximation de la vérité historique ?


Le cadre géographique et historique :

La première affaire citée, Mourgoula, se situe le 22 décembre 1882, à l’occasion de la deuxième campagne du commandant supérieur Borgnis-Desbordes. Il en fit trois. La deuxième affaire citée, Koundian, eut lieu le 18 février 1889, au cours de la première campagne du commandant supérieur Archinard. Il en fit quatre.

1882, au tout début de la conquête du Haut Sénégal vers le bassin du Niger. Cette année là, le gouvernement donna le feu vert aux troupes de marine pour atteindre le Niger, et fonder un poste à Bamako. Cette avance continua à ébranler l’empire Toucouleur d’Ahmadou installé à Ségou, sur le fleuve Niger. Ahmadou était le fils d’Hadj El Omar, vaincu par Faidherbe dans le Fouta.

En 1889, la France était solidement installée sur le fleuve Niger et avait signé avec Samory, fondateur récent d’un nouvel empire dans le haut Niger, un traité qui lui laissait les mains libres sur la rive gauche du fleuve. La partie politique et militaire se jouait à présent entre la France et Samory.

Le tata de Koundian faisait toujours partie de l’empire Toucouleur d’Ahmadou.

La forteresse de Mourgoula, située entre Kita et Bamako, distance entre les deux d’environ 200 kilomètres, contrôlait la rivière Bakhoy, voie d’accès naturelle vers Bamako, donc d’intérêt stratégique pour un chef militaire La citadelle était tenue par un vassal féodal d’Ahmadou. Ce tata très bien fortifié, doté de trois enceintes de défense, faisait partie du dispositif militaire de contrôle des voies de communication et des territoires de l’empire déclinant d’Ahmadou, avec les forteresses de Ségou, Nioro, Mourgoula, et Dinguiraye.

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la porte principale du fort de Kita (Mali, ex-Soudan), capitaine Archinard debout

Koundian était située sur le Bafing, voie d’accès naturelle vers le haut Niger, donc vers l’empire de Samory et sa capitale, à un peu plus de cent kilomètres de Kita. Dans la perspective d’une confrontation avec Samory, souhaitée par Archinard, le contrôle du tata de Koudian revêtait également un intérêt stratégique.

La stratégie de conquête du Soudan imposait donc le contrôle de ces tatas, pacifique ou non, à partir du moment où le gouvernement aurait pris la décision d’aller sur le Niger, et d’étendre ses conquêtes en amont (Samory) ou en aval  (Ahmadou) de Bamako.

Nous laisserons de côté le cas de Tombouctou, où l’indiscipline du lieutenant de vaisseau se manifeste dans un contexte de relations et d’ambitions qui complique sérieusement l’analyse du fait accompli.

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Kayes, ex-Soudan, à l'époque coloniale (carte postale ancienne)

 

Question : les prises de Mourgoula et de Koundian sont-elles à ranger dans la catégorie des faits accomplis par les deux commandants supérieurs Borgnis Desbordes et Archinard ?

L’auteur fait sans doute référence, sans la citer, au texte du grand historien Henri Brunschwig qui dans son livre Le partage de l’Afrique Noire, écrivait :

"Au cours de ces vingt ans, les militaires du Soudan imposèrent leur politique de conquête aussi bien aux Africains qu’au gouvernement français. Ils n’hésitèrent pas à engager des opérations malgré les instructions qui le leur interdisaient. Borgnis Desbordes, par exemple, s’empara par surprise, en décembre 1882, de Mourgoula, dont l’émir était ami de la France, et que le ministre de la Marine Jauréguiberry, avait explicitement ordonné de ménager. Archinard de même, en 1889, prit Koundian, dont le traité de protectorat, signé l’année précédente par Gallieni avec Aguibou de Dinguirraye, reconnaissait la souveraineté de ce dernier : mais le lieutenant colonel avait besoin d’un succès pour être inscrit au tableau d’avancement" (éd. Flammarion, p. 38).

En ce qui concerne Mourgoula, la réalité est un peu différente, et je me demande encore si Brunschwig n’a pas confondu l’épisode de Kéniera avec celui de Mourgoula. Car une colonne commandée par Borgnis Desbordes passa une première fois à proximité de la forteresse en février 1882, sans anicroche, lorsqu’elle se dirigeait vers Kéniera, au-delà du fleuve Niger, au secours des chefs de ce village. C’était la première fois qu’une colonne française franchissait le Niger. La colonne arriva trop tard. Samory avait brûlé le village et emmené les habitants en captivité.

Folle entreprise, dont la conclusion fut heureuse, et qui s’inscrivait effectivement dans la catégorie des faits non seulement accomplis, mais imprudents dans le contexte de l’époque.

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Bafoulabé (Mali, ex-Soudan), la Résidence

 

Je me suis également demandé s’il n’y avait pas eu une confusion avec la destruction du village de Goubanko, en février 1881, destruction qui dépassait les instructions données, mais qui pouvaient avoir une explication dans la nécessité absolue d’obtenir du ravitaillement, que les habitants de Goubanko  refusaient de céder. Ce ravitaillement était devenu vital pour la colonne, à plus de mille deux cents kilomètres de Saint Louis, compte tenu des pertes subies, lors de son transport sur le fleuve Sénégal.

Car la prise de Mourgoula le 22 décembre 1882 se fit sans coups de fusils (1) (Person, p. 402, sans source indiquée), uniquement parce que Borgnis Desbordes, à la tête d’une colonne militaire puissante, marchant vers le Niger et son objectif Bamako, sur instructions du gouvernement, négocia la reddition de son almamy et l’évacuation de la place par ses troupes. Person notait d’ailleurs que les Toucouleurs avaient pris possession de ce pays quarante ans auparavant.

Toutes les sources consultées concordent à ce sujet, et l’expression «s’empara par surprise, en décembre 1882, de Mourgoula», est pour le moins ambiguë, mais nul n’est à l’abri d’erreurs ponctuelles, fusse le grand historien mis en cause à ce sujet. Kanya Forstner (2) écrit que Borgnis Desbordes expulsa la garnison Toucouleur et détruisit les fortifications (p. 94) et plus loin (p. 97), il utilise le mot «capture». Le lieutenant Gatelet (3) (p. 45) relate ces faits dans son récit, rédigé à partir des rapports d’opérations des officiers.

Dire que la chute de cette forteresse fut un fait accompli des troupes de marine ne semble pas une formulation exacte, en tout cas pas dans le sens donné au concept de fait accompli, avec son élément de violence, et parallèlement avec celui d’une liberté de commandement nécessaire à un chef militaire.

Alors qu’il y eut bien fait accompli, avec usage de la force des armes avec la prise du tata Toucouleur de Koundian par Archinard en 1889. Marchand, le célèbre Marchand de Fachoda, en qualité de sous lieutenant, s’y illustra lors des combats qui précédèrent le contrôle du tata.

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pirogue d'Européen sur le Niger (carte postale envoyée en 1909)

 

Ce "fait accompli"  soulève d’autres questions relatives :

1°) Aux relations très ambiguës qu’entretenait Archinard avec le personnel politique, qui soulèvent la question de fond : à savoir fait accompli de tel ou tel ministre, ou de tel clan colonial, ou celui du chef militaire qui exerce le commandement sur place ?

2°) À la problématique de l’obéissance militaire et de la liberté de commandement nécessaire à tout chef militaire.

Car, il convient de rappeler le contexte stratégique de l’époque en matière de communications, grandes difficultés de communication verbale dans la chaîne de commandement (ordres et comptes rendus) et matérielle (hommes, armement et ravitaillement), avec pour conséquence une grande et nécessaire liberté de commandement. Il ne faut jamais oublier que les colonnes du Soudan ne pouvaient compter que sur leurs propres forces pour réussir, et quelquefois survivre. Kita était à plus de douze cents kilomètres de Saint Louis, et à plus de trois cents kilomètres de Kayes, qui ne pouvait être ravitaillé par chalands qu’en période de hautes eaux du Sénégal.

Or la prise de cette citadelle Toucouleur entrait parfaitement dans le champ de la deuxième observation, puisqu’il était nécessaire de contrôler la voie d’accès vers les territoires du haut Niger, et vers l’empire de Samory, dont incontestablement Archinard voulait la destruction.

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l'Almamy (chef religieux et militaire)
Samory-Touré (1830-1900)

 

Le plus surprenant dans cette affaire de citation d’exemples vrais ou supposés de faits accomplis militaires est que le grand historien Brunschwig aurait pu choisir d’autres exemples beaucoup plus éclatants d’insubordination, à rattacher au proconsulat d’Archinard, la prise de Kankan en 1891, celle de Ségou, la même année, puis celle de Djenné et de Bandiagara, l’année suivante.

Mais avec la complicité incontestable des hommes politiques, puisque tout le monde savait à Paris, Saint Louis, et Kayes, qu’il s’était procuré de gros canons de 95 pour aller prendre la forteresse de Ségou.

Une analyse minutieuse du déroulement de la conquête du Soudan marque une frontière, celle de 1888, date à laquelle Gallieni céda son commandement à Archinard.

Mais la véritable question, mentionnée plus haut, qui se pose à ce sujet est celle de savoir s’il s’agissait de faits accomplis militaires, ou politiques, ou mi-politiques, mi-militaires, avec la problématique difficile de la liberté de commandement délicate à apprécier à des milliers de kilomètres de Paris. Et même dans le cas extrême d’Archinard, il est possible de plaider en faveur de l’une des trois hypothèses.

Et pour conclusion, une question : est-ce que cette lecture de l’histoire, la citation que nous venons d’analyser, apporte une plus-value à la recherche historique sur la conquête du Soudan ?

Jean Pierre Renaud, Le vent des mots, le vent des maux, le vent du large
- Rôle de la communication et des communications
dans les conquêtes coloniales de la France- 1870-1900

 

Sources - (1) Yves Person, Samory (trois tomes), 1968 (2) Kanya-Forstner, The conquest of western Soudan A study in French  military impérialism (3) Lieutenant Gatelet, Histoire de la conquête du Soudan Français, 1901.

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- résumé de l'article de Benjamin Leroy (Revue Historique des Armées, n° 247, 2007)

La conquête du Soudan s’est déroulée dans des conditions particulières et cela en fait un cas à part dans l’histoire de la colonisation française car les motivations économiques sont pratiquement absentes. Le moteur de cette expansion est le nationalisme débridé des officiers des troupes de marine ; motivée par la volonté de contribuer à «la plus grande France» en lui donnant un nouveau morceau de terre. Les officiers des troupes de marine entretiennent un lien privilégié avec le Soudan et, sous plusieurs aspects, cette colonie apparaît même comme leur «chose». Ils n’ont jamais eu ailleurs une telle liberté d’action que sur ce territoire qu’ils dirigent sans partage durant les vingt premières années de la conquête. Avec une attitude de mépris et d’indiscipline calculée envers Paris, les officiers pratiquent volontiers la politique du fait accompli pour obliger le gouvernement à entériner la conquête. À bien des égards, et à l’instar des territoires militaires en Algérie, c’est le «règne du sabre», selon l’expression de l’époque, qui est le mode de gouvernement. Dans ce territoire les civils n’ont  pas leur place et les relations sont souvent tendues avec les militaires. Mais cela va progressivement prendre fin avec la mise en place du gouvernement général de l’AOF en 1899.

 

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Djenné, la mosquée

 

 

- sur la bataille de Goubanko, cf. la communication de Martine Cuttier, (2004)

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Jean-Pierre Renaud
- Le vent des mots, le vent des maux, le vent du large,  éd. JPR, 2006.
-  Courriel des éditions JPR : commande@editionsjpr.fr

 

 

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3 mai 2007

Un dictionnaire pour décoloniser les esprits (Hervé Nathan)

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sur la route de Moussoro (Fort-Lamy), Tchad, 1935-1945 (base Ulysse, Caom)

 

Un dictionnaire

pour décoloniser les esprits

Hervé NATHAN

 

La loi du 23 février 2005 sur "l'enseignement positif de la colonisation" aura un enfant posthume et… involontaire : le Dictionnaire de la colonisation française, dirigé par Claude Liauzu, un des histoiriens qui lancèrent la pétition contre la loi scélérate. Le "dico" veut rompre avec la "mémoire", manipulée et manipulable, au profit de l'histoire. Le livre, écrit par une équipe pluridisciplnaire où l'on retrouve, outre Benjamin Stora, des chercheurs de gauche, de droite, issus du Maghreb ou de France, est un peu un catalogue des idées non reçues dans les enseignements officiels, ou les récits apologétiques.

Le premier article est ainsi consacré à Ramdane Abbane, le plus brillant idéologue du FLN algérien qui fut assassiné au Maroc en 1957, "sur ordre des dirigeants du FLN". On apprend qu'en 1954 la Ligue des Droits de l'Homme demanda… le rétablissement de l'ordre en Algérie après l'insurrection de la Toussaint !

Les pages les plus terribles sont consacrées aux rapports entre la colonisation et la République. D'où il ressort que la France a littéralement appris le racisme de son expérience coloniale. Il suffit de relire le Tour de France par deux enfants, manuel censé inspirer l'amour de la patrie aux enfants de la République qui enseigne que "la race blanche est la plus parfaite" et la race noire a "les bras très longs".

Mais, si le colonialisme fut largement accepté par les Français, il fut toujours un enjeu d'affrontement entre républicains. Il y eut les pour (Gambetta, Ferry), qui pensaient apporter la civilisation aux peuples attardés, et les contre, comme Clemenceau ou Anatole France qui écrivait : "Les peuples que nous appelons barbares ne nous connaissent que par nos crimes. […] Allons-nous armer sans cesse contre nous en Afrique et en Asie d'inextinguibles colères et des haines insatiables, et nous préparer des millions d'ennemis ?" Reste à savoir si la colonisation a été positive ou négative. Le dictionnaire aidera chacun à s'en faire une idée. Claude Liauzu reconnaît que la France laissera deux legs à ses ex-colonies : la naissance de l'État moderne et la notion d'individu. C'est déjà ça.

Hervé Nathan
Marianne, n° 523, 28 avril 2007

 

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équipe de travailleurs sur la route de Mouila-Onoï, Gabon
(base Ulysse, Caom)

 

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13 août 2007

en attendant la rentrée...

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quelques livres d'histoire coloniale

pour les vacances


(suspension estivale de la publication d'articles)

 

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- Pour en finir avec la repentance coloniale, Daniel Lefeuvre, Flammarion, septembre 2006.

Après celle de la guerre d'Algérie, une nouvelle génération d'anticolonialistes s'est levée, qui mène combat pour dénoncer le péché capital que nous devons tous expier : notre passé colonial, à nous Français. Battons notre coulpe, car la liste de nos crimes est longue Nous avons pressuré les colonies pour nourrir notre prospérité, les laissant exsangues à l'heure de leur indépendance ; nous avons fait venir les "indigènes" au lendemain des deux guerres mondiales pour reconstruire la France, quitte à les sommer de s'en aller quand nous n'avions plus besoin d'eux ; surtout, nous avons bâti cet empire colonial dans le sang et les larmes, puisque la colonisation a été rien moins qu'une entreprise de génocide : Jules Ferry, c'était, déjà, Hitler ! Contrevérités, billevesées, bricolage... voilà en quoi consiste le réquisitoire des Repentants, que l'auteur de ce livre, spécialiste de l'Algérie coloniale et professeur d'histoire à l'université Paris-8, a entrepris de démonter, à l'aide des bons vieux outils de l'historien - les sources, les chiffres, le contexte. Pas pour se faire le chantre de la colonisation, mais pour en finir avec la repentance, avant qu'elle transforme notre Histoire en un album bien commode à feuilleter, où s'affrontent les gentils et les méchants.

 

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- Dictionnaire de la colonisation française, dir. Claude Liauzu, Larousse, avril 2007.

Jamais la colonisation, un demi-siècle après les guerres d'Indochine et d'Algérie, jamais l'esclavage - 150 ans après l'abolition - n'ont été aussi présents dans la vie publique. Le temps des colonies apparaît comme un passé qui ne passe pas, l'enjeu de conflits de mémoires, sur fond de malaise de la mémoire officielle. Ce dictionnaire veut être pour un large public, loin de tout manichéisme, un ouvrage de référence en présentant des informations sûres, les débats et les points de vue représentatifs des études françaises et étrangères, les renouvellements des connaissances. Il étudie les aspects multiples de la situation coloniale qui a imprimé sa marque dans les domaines les plus divers. Comment comprendre notre monde sans donner toute sa place à ce phénomène majeur ?

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Marc_Michel_couv

 

- Les Africains et la Grande Guerre : l'appel à l'Afrique (1914-1918), Marc Michel, Karthala, 2003.

Pendant la Grande Guerre, 200 000 "Sénégalais" d'AOF ont servi la France, plus de 135 000 sont venus combattre en Europe,30 000 d'entre eux, soit un sur cinq, n'ont jamais revu les leurs... Dans le malheur de la guerre, ces sacrifiés ne le furent ni plus ni moins que leurs frères d'armes, les fantassins de la métropole. Néanmoins, leur sacrifice constitue encore aujourd'hui un élément très sensible des relations entre la France et l'Afrique. La "cristallisation" des pensions, autrement dit le gel de la dette contractée par la métropole, reste au coeur du contentieux. C'est l'histoire de cet engagement des Africains au service de la France que retrace d'abord ce livre.

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Tananarive (Madagascar), bibliothèque du Gouvernement général, 1930/1947
source : base Ulysse du Centre des Archives d'outre-mer

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Micouleau_Sicault_couv

 

- Les médecins français au Maroc, combats en urgence (1912-1956), Marie-Claire Micouleau-Sicault, L'Harmattan, 2000.

De 1912 à 1956 la présence française au Maroc a représenté pour de jeunes médecins qui commençaient leur carrière, l'accomplissement d'un destin qu'ils consacrèrent avec passion au soulagement des souffrances de populations décimées par les épidémies et la malnutrition infantile. Cette histoire est celle de l'aventure extraordinaire de ces jeunes équipes médicales qui ont su construire au Maroc un vrai réseau sanitaire, dans le respect de la culture et des traditions du pays.

Marie-Claire Micouleau-Sicault - Née à Rabat, professeur de Lettres classiques, fille du Dr G. Sicault, directeur de la santé publique au Maroc sous le Protectorat, j'ai été témoin de la création de la première politique de santé publique du tiers-monde.

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- Sétif, 1945 : histoire d'un massacre annoncé, Jean-Louis Planche, Perrin, 2006.

Le 8 mai 19445, deux faits mineurs survenus à Sétif et à Guelma déclenchent le plus grand massacre de l'histoire de la France contemporaine, en temps de paix : au moins 20 000 et probablement 30 000 Algériens sont tués par les Européens. Grâce au dépouillement des archives des ministères de l'Intérieur, de la Guerre et de Matignon, à de multiples entretiens avec des témoins, des acteurs et des journalistes, l'historien Jean-Louis Planche reconstitue le processus de cette "Grande Peur", survenue dans le département d'Algérie le moins politisé. Il montre, à l'origine, l'imbrication entre les conséquences immédiates de la guerre mondiale (notamment la présence américaine), les ravages du marché noir qui a déstructuré la société coloniale et une épuration politique manquée. Il explique comment on passe d'une psychose complotière à une peur de l'insurrection générale, puis à une répression aveugle. Il analyse le rôle des partis politiques prompts à instrumentaliser l'affaire, au moment où ils se déchirent pour le contrôle du pouvoir dans la France d'après guerre. Résultat : deux mois tragiques pour le Constantinois et une chape de plomb qui, soixante ans après, continue de peser sur les relations franco-algériennes et de hanter la mémoire nationale. Ce livre lève enfin le voile.

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- Le vent des mots, le vent des maux, le vent du large, Jean-Pierre Renaud, éd. JPR, 2006. -  Courriel des éditions JPR : commande@editionsjpr.fr

Ancien élève de l'École nationale de la France d'Outre-Mer (ENFOM) et ancien haut fonctionnaire du ministère de l'Intérieur, Jean-Pierre Renaud publie Le vent des mots, le vent des maux, le vent du large. Dans cet ouvrage de 553 pages, l'auteur expose le rôle de la communication et des communications dans les conquêtes coloniales de la France entre 1870 et 1900 (Afrique, Tonkin, Madagascar en terminant par Fachoda). À chacune des étapes de la colonisation française, il souligne le rôle tantôt auxiliaire, tantôt prépondérant  des moyens de communications.

 

* Lyautey à propos de la deuxième affaire de Lang Son (1885) : "La moralité, c'est que le télégraphe est un engin dangereux et que le premier acte de tout général en chef qui opère à 3 000 lieues devrait être de couper le fil, aussi bien pour se libérer des harcelantes instructions de la métropole que pour se garantir contre ses propres entraînements."

cité par Jean-Pierre Renaud, op. cit., p. 531

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- Les colonies dans la Grande Guerre. Combats et épreuves des peuples d'outre-mer, Jacques Frémeaux,  éd. Napoléon 1er, 2006.

Entre 1914 et 1918, la nation, plongée dans la Première Guerre mondiale, n'a guère mesuré l'ampleur des efforts et des sacrifices de ce qui était alors son empire colonial. De nos jours encore, ces efforts et ces sacrifices sont largement méconnus. Jacques Frémeaux entend ici remédier à cette
ignorance. Dans les histoires générales de la France contemporaine, l'empire colonial n'occupe le plus souvent qu'une place limitée, circonscrite à quelques paragraphes, au mieux à un chapitre unique. C'est sans doute une preuve des faibles rapports que la masse des Français ont entretenus avec l'épisode colonial. Lorsque la question bénéficie de plus longs développements, c'est, le plus souvent, à l'occasion de débats sur l'immigration en France ou sur le devenir des anciennes colonies, trop actuels pour ne pas biaiser les faits. Il n'est question ni de bâtir une légende dorée, ni de nourrir des rancœurs, mais d'aider, si possible, les descendants des combattants et des travailleurs de toutes origines, à mieux connaître les éléments communs de leur histoire, et, par-delà les clichés et les caricatures, à mieux se comprendre.

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1796

 

- Les Instituts coloniaux et l'Afrique, 1893-1940. Ambitions nationales, réussites locales, Laurent Morando, Karthala, mai 2007.

De nombreux ouvrages et travaux historiques sont parus en France et à l'étranger depuis plus de trente ans concernant l'idée coloniale en France. Ils concernent presque exclusivement les institutions parisiennes du "parti colonial" : groupes coloniaux de la Chambre des députés et du Sénat, différents comités, Union coloniale et associations de moindre importance. Parallèlement à ces associations parisiennes, des Instituts coloniaux sont créés en province à Marseille (1893). Bordeaux (1901), Nancy (1902), Nice (1927), le Havre (1929) et Montpellier (1931). Les Chambres de commerce de Lyon et Nantes créent en 1899 et en 1902 des enseignements coloniaux supérieurs. L'Institut colonial français fondé en 1920 est la seule création parisienne. Ces Instituts coloniaux n'ont fait l'objet que d'études ponctuelles ou partielles. A part l'Institut colonial français, ces associations locales, créées le plus souvent par leurs chambres de commerce respectives, ont été au service des intérêts commerciaux et industriels métropolitains en relation avec l'outre-mer. Leur objectif fut de développer la propagande en faveur de l'Empire colonial français et de favoriser sa mise en valeur rationnelle. Ces institutions, très inégales par leurs moyens, leurs structures et leurs rayonnements, ont été des centres de documentation administrative et économique, de propagande, de recherches scientifiques et techniques, ainsi que de réflexion sur les doctrines de la mise en valeur économique de l'Empire colonial français. Leur vocation, essentiellement pratique, a été à la fois universitaire, commerciale et industrielle. Quelles ont été les continuités, les évolutions et les ruptures qui ont jalonné le parcours des Instituts coloniaux ? Quelle hiérarchie peut-on établir concernant leurs moyens, leurs structures, leurs spécialisations et la puissance de leur rayonnement ? Sont-ils parvenus à susciter l'adhésion d'une majorité de Français à l'idée coloniale ? Les ont-ils fait accéder à une véritable "conscience impériale" ? Ont-ils été capables d'orienter ou même de définir des choix nationaux favorables à l'impérialisme colonial ?

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Bonnes vacances...

 

 

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1 mai 2007

Réponse au compte rendu d'Éric Roussel (Claude Liauzu, Vincent Joly, Maria Romo-Navarette)

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Réponse au compte rendu d'Éric Roussel (Figaro)

à propos du Dictionnaire de la colonisation française 

Claude LIAUZU, Vincent JOLY, Maria ROMO-NAVARETTE

 

Qu’un livre de 646  pages et 700 notices contienne des erreurs, qu’il soit nécessaire de les corriger est une évidence ; affirmer que cet «ouvrage multiplie erreurs, lacunes et approximations» n’est pas juste et appelle une réponse.

Sur Boisson, nommé par la gauche, il sert fidèlement Vichy, en particulier en septembre 1940 quand il fait ouvrir le feu contre les gaullistes et les poursuit de sa haine jusqu’à son éviction en 1943, alors que Félix Eboué rallie la France libre,.

Sur Pierre Mendès France et la «trahison» de sa politique tunisienne, il faut lire le chapitre IV – «Carthage dépassé et trahi» - dans La politique de Carthage rédigé par Simone Gros en 1958 sous la dictée de PMF. On trouve les références dans les archives de PMF, utilisées par la thèse de Maria Romo-Navarrette que Éric Roussel ignore, et c’est dommage !

Les critiques de celui-ci concernant la notice de Gaulle (qui souligne l’évolution de sa pensée dans le volume restreint imparti) sont contradictoires avec la reconnaissance par le même du fait que «les développements d’ordre événementiel (guerre d'Indochine, guerre d'Algérie) apparaissent honnêtes et de bonne facture».

Quant au PCF, que Éric Roussel affirme ignoré dans ce dictionnaire, il fait l’objet de 27 occurrences ! Sétif en 1945, l’état d’urgence, le vote des pouvoirs spéciaux sont traités par des notices. L’ambiguïté du parti communiste face à la guerre d’Algérie est étudiée sans complaisance (pp. 322, 324, 326), et dans les notices Alger Républicain et Henri Alleg etc., contrairement à ce que laisse entendre le compte rendu.

Surtout, cette critique du Figaro (qui ne concerne que les aspects politiques métropolitains des années 1936-1962 pour un livre allant de la fin du XVIIIe aux décolonisations et traitant les réalités françaises mais aussi les pays colonisés) laisse de côté toutes les mises au point sur les principaux dossiers économiques et sociaux (traites, esclavage, capitalisme et colonisation, démographie, mutations sociales...) et les aspects nouveaux (le corps, les dimensions culturelles, l’histoire des femmes...) qui n’avaient pas été intégrés jusqu’ici dans une synthèse sur la colonisation.

Enfin, elle ne signale pas que ce livre se veut délibérément pluraliste et a donné la parole, avec comme seul critère leur compétence, à 70 spécialistes, dont 30 non métropolitains. Nous espérons que les lecteurs du Figaro auront connaissance de cette mise au point. Car notre objectif, refusant les guerres de mémoires et tout parti pris idéologique, est d’apporter des réponses aux problèmes que se pose une société en crise, en montrant la place du passé colonial dans le devenir de la société française.

Claude Liauzu,
Vincent Joly, Maria Romo-Navarrette

 

La guerre à Madagascar, Gali
Affiche en couleurs illustrée. Publicité pour le livre de H. Galli,
La guerre de Madagascar. Sur fond de carte de Madagascar, Un soldat
des troupes coloniales plante le drapeau français tricolore à Tananarive. 1897

(source : Caom, base Ulysse)

  

- Dictionnaire de la colonisation française, dir. Claude Liauzu, éd. Larousse, 2007. 

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27 juin 2007

des professeurs d'histoire parlent

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Ferry et Clemenceau (en 1893), le cargo Chandernagor affrêté
par l'État pour le transport de militaires lors de l'expédition de Madagascar en 1885

 

des professeurs d'histoire

parlent du sujet de Bac sur la colonisation

 

baccalaureat

merci de vos précisions

Je suis en train de corriger le bac et je vous remercie de toutes vos précisions. C'est très utile pour nous professeurs, vos collègues, pour appréhender le sujet.

Hélas, j'en suis à une vingtaine de copies et force m'est de constater qu'effectivement les élèves se contentent de paraphrase... J'avais étudié ce texte en classe avec mes élèves cette année et je l'avais opposé au discours complet de Ferry, du même mois. Je ne corrige pas mes élèves bien sûr, mais j'ai comme dans l'idée que, même en l'ayant étudié, les réponses ont été orientées par les questions et que la réflexion personnelle ne peut être très construite. Ainsi, toutes mes copies se ressemblent, vaste paraphrase entre un clémenceau humaniste et un ferry colonialiste et raciste.
J'essaie donc de prendre du recul, de me contenter de noter "le bac"... mais c'est assez frustrant de demander si peu aux élèves de Terminale et c'est assez douloureux de constater qu'en effet la rigueur historique n'a pas été des plus solides dans le choix du questionnement (on aurait pu justement se servir du propos de Clemenceau pour faire comprendre qu'il parlait au nom de quelqu'un d'autre et qu'il pouvait être subjectif... Hélas la 4eme question adopte clairement et purement un point de vue manichéen... avec toutes les conséquences mémoriales que cela aura pour nos élèves qui retiendront ce texte référence)

cordialement
Christophe, prof au lycée Chrestien de Troyes (à Troyes)

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Posté par chris10, mercredi 20 juin 2007 à 10:21

 

Cela fausse, de toute évidence, le sens des documents

Très intéressant. Les coupes et les déformations de texte sont classique pour le bac, c'est d'ailleurs installé depuis très longtemps. Cela fausse, de toute évidence, le sens des documents.
Je ne sais pas quelle audience les diverses remarques épinglées de ci et de là peuvent avoir sur la rédaction des épreuves mais je continue à croire qu'il serait bon que cette démarche soit amplifiée.
Voulez-vous simplement en rester là ou essayer de porter un peu plus haut ces remarques ? Il faudrait d'abord voir si de tels errements se retrouvent dans les autres disciplines.Histoire_au_bac_pour_les_nuls
Cordialement.

Hugues Vessemont
Lycée Montesquieu Herblay
(auteur de L'histoire au bac pour les nuls, ouvrage sérieux malgré tout....)

Envoyé par courriel le mercredi 20 juin 2007

Pour revenir sur vos critiques

Bonjour monsieur,
Merci de votre analyse du document dont j'approuve entièrement le fond.

Je suis l'auteur de la correction que vous avez reprise, et j'approuve vos deux premières critiques. Je viens d'écrire un billet sur mon blog pour reprendre votre analyse, revenir sur les deux erreurs et nuancer la troisième.
Je vous sais gré d'avoir corrigé votre première version à la suite de l'intervention de M. Augris.
Une question seulement : pourquoi n'avoir repris et critiqué que ma seule correction alors que bien d'autres circulent sur le net ?

À bientôt

Hugo Billard
professeur d'histoire-géographie au lycée Coubertin de Meaux
http://lewebpedagogique.com/histoire

Posté par Hugo Billard, jeudi 21 juin 2007 à 12:17

Cassagnac n'était pas monarchiste…Cassagnac

…mais comme toute sa famille, un bonapartiste constant… et bien connu. Merci à Michel Renard de faire la rectification nécessaire.
Bien cordialement

Posté par Boutan, samedi 23 juin 2007 à 20:23

 

 

 

Cassagnac était bonapartiste...

... bien sûr, le fait est aisément vérifiable. Ce que je n'avais pas fait, me fiant9782707149374 sans plus de précaution à la note relative à ce personnage figurant dans le livre de Gilles Manceron, 1885. Le tournant colonial de la République (La Découverte, 2007, p. 51).
Merci pour votre lecture attentive. J'ai rectifié.

Bien cordialement aussi.

Michel Renard
Posté par Michel Renard, samedi 23 juin 2007 à 23:43

 

 

ceci dépasse le BAC

Je suis enseignante d'histoire et je crois enseigner une matière qui doit permettre à tout un chacun de mettre les faits et les evenements en perspective. Ceci devient de plus en plus difficile vule quotat horaire d'une part et d'autre part notre discipline n'est plus considérée comme un élément fondamental pour former "l'honnête homme" mais comme un des éléments qui doit servir à avoir le Bac, une marchandise à consommer !
Par ailleurs depuis quelques années le fait colonial revient en force et pas toujours pour une amélioration de sa perception mais utiliser à des fins de bourrage de crâne parla droite qui nous gouverne et cela ne va pas s'améliorer - je laisse chacun deviner pourquoi -
vos remarques me rassurent MERCI A VOUS


Posté par cosmete, dimanche 24 juin 2007 à 18:03

 

 

Bientôt tous commissaires politiques ?

Je crois que les commentaires précédents (Le site noir et Cosmète - prof (?) qui écrit avec beaucoup de fautes et qui se trompe totalement sur le problème traité ici) illustrent très bien le manichéisme qui règne sur le sujet. Le site noir croit que resituer les discours dans leur contexte (en tenant compte de l'évolution sémantique) pour comprendre les raisons qui ont motivé Ferry dans sa politique coloniale revient à cautionner le colonialisme (etc, etc...)!!
J'ai fini mon paquet de copies et j'ai heureusement eu le plaisir de lire quelques candidats qui remarquaient que les propos de Ferry étaient rapportés par Clemenceau qui pouvait les déformer... J'ai bien entendu valorisé ces remarques, mais les consignes de correction ne m'ont pas expressément invité à le faire !
Je suis d'ailleurs "tombé" sur votre blog en cherchant les discours originaux, tant il me semblait curieux que Ferry ait pu prononcer que "(sa) politique, c'était la guerre!", paroles que je voyais nettement mieux émaner de la bouche du Père-la-Victoire.
Merci, en tout cas, d'avoir éclairé ma lanterne, avec beaucoup de connaissances et de rigueur.

PS : avec ce sujet, l'EN fait d'une pierre deux coups (accélérer la transformation deMao l'enseignement de l'Histoire en "éducation politique" pseudo-citoyenne et... donner des points aux candidats !! De la paraphrase et de l'indignation faussement argumentée : il fallait être vraiment très faible pour ne pas récolter 4 points sur 8...)

 

Posté par geister, mercredi 27 juin 2007 à 04:00

 

quelques remarques d'un correcteur

Professeur en lycée je découvre avec intérêt votre site et me permets quatre remarques.

1) Je viens d'achever la correction de mes 98 copies (moyenne 9,18). Un tiers a pris le document en question et les notes ne sont pas brillantes (moins de 3 sur 8). J'avance 2 explications : - des réponses difficiles à évaluer (peu de référence précises; beaucoup de paraphrases) - les élèves qui ont pris ce doc ont généralement pris l'étude de doc qui inspire aussi les candidats limités en connaissances. Aussi suis-je amené à penser que les élèves les plus sérieux ont préféré le doc Plan Marshall pour lequel les connaissances à mobiliser étaient plus faciles à repérer.
Cependant, mises à part quelques "perles" rares (2 copies)sur le racisme de Ferry, les candidats ont respecté les consignes de prudence dans leurs jugements données par leurs professeurs

2) Je ne peux que constater et comprendre la faiblesse de la contextualisation économique et politique dans les réponses. La colonisation est programmée en Terminale S pour expliquer la logique de la décolonisation, dans un temps chronologique qui, pour le reste des thèmes, ne concerne que l'après 1945. Aussi, nous ne pouvons, dans l'heure consacrée "aux temps des conquêtes coloniales" qu'évoquer les passerelles avec les chapitres sur l'âge industriel et l'affirmation de la IIIe République étudiés.... l'année précédente, en première ! Il est regrettable que le processus de colonisation ne soit pas analysé dans son complexe contexte et soit ainsi programmée en TS, privilégiant, de fait, une vision "déterministe" de l'histoire. Le programme de Première L/ES est, quant à lui, mieux construit : la colonisation est intégrée dans l'âge industriel.

3) Achevant une thèse en histoire économique, je suis assez étonné que les facteurs économiques soient minorés par les historiens de la colonisation dans les années 1880-1885. Les pays d'Europe n'attendent pas 1892 pour se livrer à une véritable "guerre des tarifs" pour reprendre une expression de l'époque (Molinari Journal des débats, juillet 1885). La France, encore 2e puissance exportatrice en 1882 (au moins 20% de notre production industrielle était exportée d'après P. Verley), voit se fermer nombre de marchés depuis 1873, tandis que le climat social se dégrade en France dès la fin de 1883 ; la recherche de débouchés "coloniaux" pouvait donc apparaître logique à des gouvernements qui se sont appuyés sur l'économie pour faire accepter la République (Plan Freycinet entre autres). Une solution commerciale jugée d'ailleurs simpliste qui enflamma la polémique (voir Yves GUYOT, Lettres sur la politique coloniale, 1885). La question des débouchés dans le débat colonial semble donc avoir toute sa place en 1885.

[sur ce sujet : protectionnisme et expansion coloniale]

4) À noter enfin que la violence verbale et caricaturale de Clemenceau à l'égard de Ferry peut aussi se comprendre à l'aune d'une campagne électorale pour les élections législatives (octobre 1885). Nous avons vu récemment que ce genre de débats pouvait être outrageant. Et pour se faire une idée des réelles convictions anticolonialistes de Clemenceau, il serait intéressant de connaître le bilan ou les positions de sa politique coloniale lorsqu'il dirige la France de 1906 à 1909. Avez-vous des références à ce sujet?

Merci en tout cas pour la haute qualité de votre site.

Benoît NOËL
Lycée HQE (Léonard de Vinci), Calais

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Posté par benoel, mercredi 27 juin 2007 à 07:43

 

- quelle histoire coloniale au Bac ? (13 juin 2007)

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13 juin 2007

quelle histoire coloniale au Bac ?

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quelle histoire coloniale au Bac ?

 

Le mercredi 13 juin 2007, les candidats au Baccalauréat, série S, ont trouvé dans le sujet de l'épreuve d'Histoire-Géographie, le texte suivant à expliquer.

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Explication d'un document d'histoire
Sujet I

Georges Clemenceau répond

au discours de Jules Ferry sur la colonisation
(1)

M. Georges Clemenceau :

Messieurs, à Tunis, dans l'Annam, au Congo, à Madagascar, partout… et ailleurs, nous avons fait et nous ferons des expéditions coloniales ; nous avons dépensé beaucoup d'argent et nous en dépenserons plus encore ; nous avons fait verser beaucoup de sang français et nous en ferons verser encore. On vient de nous dire pourquoi. Il était temps ! (…)

Au point de vue économique, la question est très simple ; pour Monsieur Ferry (…) la formule court la rue : "Voulez-vous avoir des débouchés ? Eh bien, faites des colonies!, dit-on. Il y aura là des consommateurs nouveaux qui ne se sont pas encore adressés à votre marché, qui ont des besoins ; par le contact de votre civilisation, développez ces besoins, entrez en relations commerciales avec eux ; tâchez de les lier par des traités qui seront plus ou moins bien exécutés." Voilà la théorie des débouchés coloniaux. (…)

Lors donc que pour vous créer des débouchés, vous allez guerroyer au bout du monde, lorsque vous faites tuer des milliers de Français pour ce résultat, vous allez directement contre votre but : autant d’hommes tués, autant de millions dépensés, autant de charges nouvelles pour le travail, autant de débouchés qui se ferment (Nouveaux applaudissements) (…).

"Les races supérieures ont sur les races inférieures un droit qu'elles exercent, ce droit, par une transformation particulière, est en même temps un devoir de civilisation".
Voilà en propres termes la thèse de M. Ferry, et l'on voit le gouvernement français exerçant son droit sur les races inférieures en allant guerroyer contre elles et les convertissant de force aux bienfaits de la civilisation. Races supérieures ! Races inférieures, c'est bientôt dit ! Pour ma part, j'en rabats singulièrement depuis que j'ai vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande parce que le Français est d'une race inférieure à l'Allemand. Depuis ce temps, je l'avoue, j'y regarde à deux fois avant de me retourner vers un homme et vers une civilisation, et de prononcer : homme ou civilisation inférieurs. (…)

"Ma politique, c'est la théorie, non pas du rayonnement pacifique, mais du rayonnement par la guerre. Ma politique, c'est une succession d'expéditions guerrières aux quatre coins du monde. Ma politique, c'est la guerre !" (Ferry)
Non pas la guerre en Europe – je ne veux pas donner aux paroles de monsieur Jules Ferry un sens et une portée qu'elles n'ont pas -, mais enfin, la politique qu'il nous a exposée, c'est une série d'expéditions guerrières en vertu desquelles on fera plus tard des actes commerciaux profitables à la nation conquérante. (…) Mais nous dirons, nous, que lorsqu'une nation a éprouvé de graves, très graves revers en Europe, lorsque sa frontière a été entamée, il convient peut-être, avant de la lancer dans des conquêtes lointaines, fussent-elles utiles – et j'ai démontré le contraire – de bien s'assurer qu'on a le pied solide chez soi et que le sol national ne tremble pas.

Source : Discours prononcé par Georges Clemenceau à la Chambre des députés
30 juillet 1885.

(1) En juillet 1885, les deux députés, G. Clemenceau et J. Ferry, s'opposent à la Chambre des députés, dans un débat sur la question coloniale.

 

Questions

1. À quel moment de l'histoire de la colonisation se situe ce débat parlementaire ?

2. Selon Georges Clemenceau, quels sont les arguments de Jules Ferry pour justifier les expéditions coloniales ?

3. Quelles sont les positions défendues ici par Georges Clemenceau ?

4. Comment peut-on qualifier les positions de Jules Ferry et de Georges Clemenceau dans le débat sur la question coloniale ?

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cliquer sur l'image pour l'agrandir

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quelques remarques sur un sujet de Bac

quand l'Inspection Générale "bidouille" un texte historique

 

Les lycéens, candidats au baccalauréat, ont peut-être été désappointés par ce document. Il en va ainsi pour tout examen ou concours... Mais leurs professeurs, et tout honnête historien, ont quelques bonnes raisons de se sentir offensés. Car le rédacteur de ce sujet (l'Inspection Générale...?) a "bidouillé", comme dit l'un de mes collègues, un texte dont la nature est pourtant largement connue.

On a donné à expliquer un discours de Clemenceau, typographiquement arrangé pour en inférer une interprétation politiquement correcte, du genre : la colonisation, c'est raciste, guerrier, égoïste et méchant... Ferry est un vilain, Clemenceau un gentil...

L'étude scolaire de l'histoire est censée former à l'esprit critique. Elle ne vise ici, par ce genre d'exercice, qu'à la restitution d'une "bouillie" de bons sentiments.

Analyse de ce sujet

1) Sur la forme du texte.

Il est curieux d'avoir adopté une typographie non conforme à l'édition originelle. Dans le sujet de Bac, on a ajouté des guillemets qui encadrent les propos de Ferry tels que les rapporte Clemenceau. Or, ces guillemets n'existent pas. Clemenceau ne s'astreint pas à une citation exacte. Il résume, à sa manière et en les exagérant, les propos de Ferry.

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cliquer sur l'image pour l'agrandir... et la reproduire

Ainsi, l'ancien Président du Conseil et ministre des Affaires étrangères n'a jamais dit "ma politique, c'est la guerre". D'ailleurs, à ce moment du discours de Clemenceau, deux députés prennent la parole dont le bonapartiste Paul de Cassagnac qui lance : "Oui, M. Jules Ferry a fait la théorie de la guerre !". À quoi, Ferry réplique : "Vous poussez ma théorie aux derniers excès, Monsieur, vous en faites une caricature".
En greffant des guillemets au texte de Clemenceau, on fait croire au candidat que Ferry est bien l'auteur des propos évoqués. On l'induit donc en erreur et on oriente à dessein son commentaire.

- le discours (avec coupures) prononcé par Jules Ferry
à la Chambre des députés, le 28 juillet 1885.

 

2) Sur le contenu du texte

Il existe deux transcriptions du discours de Clemenceau qui diffèrent. Notamment à propos de la formule "races supérieures, races inférieures" citée de cette manière dans le sujet de Bac, c'est-à-dire par la succession de deux termes distincts ("supérieures, inférieures"). Or il existe une autre transcription.
Pour Gilles Manceron, peu suspect de complaisance pour la politique coloniale de Ferry..., qui vient de publier 1885 : Le tournant colonial de la République (La Découverte, fév. 2007) avec l'édition (non complète) des débats parlementaires, la formule est : "Races supérieures, races supérieures ! C'est bientôt dit !" (redondance du mot "supérieures"). Il précise que ces textes sont "tels qu'ils ont été publiés à l'époque dans le Journal Officiel" (p. 25-26).
L'historien Raoul Girardet, dans son livre L'idée coloniale en France de 1871 à 1962 (1972, Poche-Pluriel, 1979, p. 92) évoque la même formulation : "Races supérieures, races supérieures, c'est bientôt dit !".
Mais Charles-Robert Ageron écrit : "Races supérieures, races inférieures ! C'est bientôt dit !" (L'anticolonialisme en France de 1871 à 1914, Puf, "dossier clio", 1973, p. 59). Alors... quelle est la bonne version... et comment les rédacteurs du sujet ont-ils choisi une version plutôt qu'une autre ?

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deux versions du même texte... quelle est la bonne ?

Mais, cela fait-il une différence ? En réalité, le discours de Clemenceau du 30 juillet 1885 révèle des appréciations qui relativisent son "anticolonialisme" et la profondeur de son désaccord avec Ferry (mais elles ne figurent pas dans le sujet de Bac) :

- certes, sa condamnation du distinguo "civilisations supérieures/civilisations inférieures" est nette ; mais s'adresse-t-elle vraiment à Jules Ferry ? Celui-ci utilise la distinction sans hétérophobie, sans penser qu'il y a, par essence, des peuples supérieures et d'autres, par essence, inaptes au progrès, voire même à éliminer pour cette raison ;

- le député républicain radical partage, avec Ferry et beaucoup d'autres, une vision du développement de la civilisation inévitablement inégalitaire, processus dont il faut tempérer les effets par l'action morale et politique : "il y a la lutte pour la vie qui est une nécessité fatale, qu'à mesure que nous nous élevons dans la civilisation, nous devons contenir dans les limites de la justice et du droit" ;

- dans sa critique de l'abus de la force, il établit lui-même une démarcation hiérarchique entre la "civilisation scientifique" et les "civilisations rudimentaires" ;

- enfin, on connaît sa réplique : "mon patriotisme est en France" ; ce qui autorise à penser son désaccord avec les républicains opportunistes (Ferry, Paul Bert...) en termes de conflit d'opportunité justement : "avant de me lancer dans des expéditions militaires, qui sont la caractéristique de votre politique, M. Jules Ferry, j'ai besoin de regarder autour de moi. (...) N'est-ce pas triste de penser que c'est en 1885, quinze ans après 1870, que nous sommes obligés de venir rappeler ces choses à la tribune française."

Les extraits choisis du discours de Clemenceau ne laissent pas apparaître toutes ces contradictions. Les candidats risquent d'opposer les deux personnages d'une manière caricaturale, plus inspirés par certaines modes intellectuelles que par la confrontation avec une réalité historique dont l'altérité dans le temps et la singularité ne seront pas appréhendées.

 

Ferry va apparaître comme un colonialiste "raciste"...

Ferry va apparaître comme un colonialiste "raciste" alors que l'un de ses arguments justifiant l'expansion coloniale est le pendant de son action scolaire en France. C'est la même logique qui préside à la politique d'éducation gratuite et obligatoire pour tous, et au "devoir de civilisation des races inférieures".

Le passage sur les débouchés coloniaux, sans être examiné à la lumière de références économiques réelles, sera réduit à une vulgaire politique de "trafiquant"... Le qualificatif de "néo-mercantilisme" qui pourrait lui être accolé est pourtant démenti par la chronologie :

- "La politique expansionniste de Ferry, qui s'affirme dès 1880, est chronologiquement très antérieure à l'adoption par la France d'une législation protectionniste, qui ne date que de 1892, et les débats qu'elle a suscités, aussi bien au Parlement que dans l'opinion, continuent à se situer dans des perspectives libre-échangistes. De surcroît, aucune concordance significative ne peut être relevée entre la courbe du commerce extérieur et le développement de la politique de conquête coloniale : “l'expédition de Tunisie eut lieu en 1881 au moment où le commerce général atteignit les chiffres les plus élevés depuis 1871“ ; plus tard la conquête de Madagascar de 1895, les interventions au Maroc en 1905 “se situèrent à des moments où le commerce était en pleine expansion“ (Henri Brunschwig, Mythes et réalités de l'impérialisme français, 1960). Dans la pensée de Ferry et des hommes de son école, les considérations politiques, les préoccupations de rang et de puissance, doivent être considérées comme prioritaires. En l'occurence ce n'est pas l'argumentation patriotique qui doit être considérée comme l'alibi des impératifs économiques, mais bien davantage la théorisation économique qui sert à légitimer les desseins nationalistes" (Raoul Girardet, L'idée coloniale en France de 1871 à 1962, éd. Pluriel, 1979, p. 87.

L'historien Charles-Robert Ageron développe les mêmes arguments dans son livre France coloniale ou parti colonial ? (Puf, 1978).

 

3) Sur les questions

Il est méthodologiquement contestable de tenter d'évaluer (question n° 2) les positions d'un personnage tel que Ferry à l'aune de leur seul résumé polémique par son contradicteur Clemenceau. Pourquoi ne pas avoir offert à la perspicacité du candidat le discours de Ferry lui-même...? Bien sûr, le résumé-déformation des positions de Ferry par Clemenceau peut présenter un intérêt. Mais est-ce une analyse appropriée à l'examen du baccalauréat, pour des élèves qui auront consacré quelques courts instants seulement à l'étude de cette période...?

Il en va de même de la question n° 4. Qualifier les positions de Ferry alors qu'elles ne sont pas directement connues n'est pas de grande rigueur historienne. On imagine le résultat : Ferry est un raciste (il parle de "races"...) doublé d'un militariste et Clemenceau est un humaniste antiraciste et pacifiste...

Or, l'usage du vocable "races", en 1885, n'est pas automatiquement l'indice d'une pensée raciste. Le terme est synonyme de peuple, de famille, de nation... Parler de "races inférieures", n'implique pas de jugement péjoratif sur les individus, c'est la conséquence d'une théorie évolutionniste du progrès de la civilisation, c'est tout simplement prendre acte de l'avance des sociétés européennes en matière technologique, intellectuelle, économique, sociale (accès d'un nombre croissant d'individus à des moyens d'existence garantissant la dignité et l'émancipation). Et cette avance crée, dans l'esprit d'un républicain, les devoirs de l'étendre. Le 28 juillet 1885, c'est ce que déclare Ferry :

- "Ces devoirs, messieurs, ont été souvent méconnus dans l'histoire des siècles précédents, et certainement, quand les soldats et les explorateurs espagnols introduisaient l'esclavage dans l'Amérique centrale, ils n'accomplissaient pas leur devoir d'hommes de race supérieure. (Très bien ! très bien !)  Mais, de nos jours, je soutiens que les nations européennes s'acquit­tent avec largeur, avec grandeur et honnêteté, de ce devoir supérieur de civilisation. (...) Est-ce que vous pouvez nier, est-ce que quelqu'un peut nier qu'il y a plus de justice, plus d'ordre matériel et moral, plus d'équité, plus de vertus sociales dans l'Afrique du Nord depuis que la France a fait sa conquête ? Quand nous sommes allés à Alger pour détruire la piraterie, et assurer la liberté du commerce dans la Méditerranée, est-ce que nous faisions œuvre de forbans, de conquérants, de dévastateurs ?"

On peut, aujourd'hui, critiquer les illusions de cette vision et noter qu'une grande partie de la réalité coloniale échappait à cet horizon. On peut aussi ajouter qu'elle accompagnait une politique de puissance et que les moyens employés pouvaient se retourner contre l'objectif proclamé. Mais on ne peut la qualifier de raciste, dans le sens que ce terme a revêtu au XXe siècle.

D'ailleurs, si on prend le soin de lire l'intégralité du discours de Clemenceau, on verra que sa protestation véhémente à l'évocation des "races supérieures" s'accommode chez lui-même d'un usage du mot "race". La "race jaune" est dite compétente en matière de diplomatie ; la "race française" est dite avoir du génie...

Michel Renard
professeur d'histoire
au lycée de Saint-Chamond (Loire)
blog "Études Coloniales"

 

- voir : des professeurs d'histoire parlent du sujet de Bac sur la colonisation

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Jules Ferry en 1883 (© Arch. dép. Vosges)

 

quelques erreurs glanées sur internet

Sur un site dénommé lewebpedagogique, et animé par un professeur d'histoire-géographie, on trouve cet élément de correction du sujet Clemenceau/Ferry sur la colonisation :

Le risque majeur ici est celui de la paraphrase. Il fallait pour chaque question utiliser une citation courte (quelques mots), pas plus, mais aller jusqu’au fond de votre réflexion : en 1885 la France veut accentuer sa présence en Afrique et développer sa colonisation de l’Indochine (le Tonkin notamment).
Jules Ferry était ministre des colonies (il n’était plus ministre de l’Instruction publique) et demandait alors au Parlement une rallonge budgétaire pour la conquête de l’Indochine. L’occasion d’un échange passionné entre une vision du genre «fardeau de l’homme blanc» (Kipling), celle de Ferry et d’une grande partie des élites et de la population, et une vision plus modérée, hostile au développement plus avant de la colonisation perçue comme facteur de troubles en France et en Europe, celle de Clemenceau (qui siège alors à gauche, il était maire de Montmartre pendant la Commune de Paris en 1871 et appartient au groupe des Républicains radicaux, ceux qui veulent aller plus vite dans la républicanisation du pays).
La position de Jules Ferry est bien sûr coloniale et impérialiste, celle de Clemenceau n’est pas totalement anticoloniale mais hostile à la manière dont se développe l’impérialisme colonial officiel, et ses arguments sont assez nationalistes («bien s’assurer qu’on a le pied solide chez soi, et que le sol national ne tremble pas») : l’idée de Revanche contre l’Allemagne prédomine dans le discours anticolonial, et assez peu encore le discours moral antiraciste.

Tout n'est pas faux... mais.. :

1) Jules Ferry n'est pas "ministre des Colonies" en juillet 1885, seulement député.

2) Ferry ne demandait pas "une rallonge budgétaire pour la conquête de l'Indochine" - n'étant plus ministre, il ne le pouvait... L'ordre du jour de la séance débutée le samedi 25 juillet 1885 était l'ouverture d'un crédit extraordinaire pour les dépenses occasionnées par les événements de Madagascar.

3) "L'idée de Revanche contre l'Allemagne domine dans le discours anticolonial"... Non, c'est un élément, mais pas le principal. L'hostilité à la colonisation, à cette époque, est avant tout le fait des économistes, des libéraux. En 1885, l'économiste Charles Gide résume les objections des libéraux  l'égard des colonies : "Au point de vue financier, la fondation des colonies ne peut donc être une bonne affaire : elle sera une opération toujours coûteuse, souvent ruineuse, surtout si l'on considère que l'époque à laquelle la colonie atteint sa maturité et termine la période improductive de son existence est justement celle où elle songe à se séparer de la métropole" ("À quoi servent les colonies", Revue de Géographie, 15 octobre 1885, cité par Charles-Albert Ageron, L'anticolonialisme en France de 1871 à 1914, Puf, "dossier clio", 1973, p. 46).

Michel Renard

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Jules Ferry

 

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12 juin 2007

soutenances de thèse : David Lambert et Marie Coudé

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deux soutenances de thèse en Sorbonne :

David Lambert et Marie Coudé


sorbonne
salle Louis Liard à la Sorbonne



David Lambert

- David Lambert, Le Monde des prépondérants : les notables français de Tunisie et du Maroc de la fin du XIXe siècle jusqu'en 1939, Université Paris-I, sous la direction de Daniel Rivet, soutenance : mercredi 13 juin 2007, 9 h. 30, Université Sorbonne Paris-I.


quelques images de la Tunisie à l'époque coloniale


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Tunis à l'époque coloniale, devant la mosquée


Tunisie___colonies_fran_aises
un mélage d'imagerie et connaissances


Tunis_th__tre_et_caf_
Tunis, le théâtre et le café


Tunis_la_douaune
Tunis, la Douane


Tunis_la_R_sidence
Tunis, la Résidence


Tunis_quartier_europ_en
Tunis, quartier européen, place de la Gare du Sud


gafsa_tunisie_remise_de_la_cravache_au_caid_longo_
Gafsa, remise de la cravache au caïd Longo


Tunis_palais_de_Justice
Tunis, palais de Justice


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Marie Coudé

- Marie Coudé, Les Relations politiques et économiques entre la France et ses établissements de l'Inde, de 1947 à 1963, sous la direction de Jacques Marseille, soutenance : mercredi 27 juin, 9 h 30, Université Paris-I Sorbonne.


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Pondichéry


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Louis Bonvin, Gouverneur
des Établissements français de l'Inde, 1938-1945

 

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Pondichéry, Karikal, Mahé, Chandernagor et Yanaon


rappel historique, 1890-1956

En 1740, Dupleix, gouverneur des établissements de la Compagnie française des Indes fondée par Colbert en 1664, cherche, à partir de Pondichéry et avec l’aide de soldats indiens, les cipayes, à étendre l’influence de la France sur le sud de l’Inde. Il parvient à contrôler la plus grande partie du Dekkan. Mais la Compagnie trouve ces conquêtes plus nuisibles qu’avantageuses ; le soutien de Louis XV, empêtré dans des guerres européennes, lui manque et surtout, la France n’a pas la maîtrise des mers.

Pourtant, au même moment, La Bourdonnais à partir de l’île Maurice (de France) et de l’île de la Réunion (Bourbon), avait fait des Mascareignes une base susceptible d’aider Dupleix. Ils sont tous deux désavoués et rappelés. Pendant la guerre européenne qui suit, Guerre de Sept Ans, Pondichéry est pris par les Anglais et le traité de Paris, en 1763, ne laisse à la France que cinq comptoirs : Pondichéry, Karikal, Mahé, Chandernagor et Yanaon qui furent rendus à l’Inde en 1956.

source : asnom


carte


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30 avril 2007

Les identités corporelles au Vietnam : 14 et 15 mai à Lyon

10 juin 2007

Une thèse sur les maghrébins de Tunisie (Abdelkrim Mejri)

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une thèse sur les maghrébins de Tunisie

 

Ce blog particulièremet intéressant et prometteur pourrait servir à merveille la recherche historique fancophone, arabophone et maghrébo-française ; à ce titre, il serait très utile pour tous ceux qui s'intéressent aux thèses relatives au Maghreb d'en faire un écho dans études-coloniales ; la priorité sera accordée aux thèses manuscrites et qui ne sont pas encore publiées ; je commence donc par annoncer la soutenance d'une thèse de doctorat d'État en histoire contemporaine à l'université de Tunis.

Cette thèse est préparée par le chercheur M. MEJRI Abdelkrim, maitre-assistant à l'université de la Manouba (Tunisie), dirigée par l'historien et le professeur émérite M. Mohamed Hédi CHERIF, elle porte le titre suivant :

LES COLONIES MAGHRÉBINES EN TUNISIE (1830-1929)

elle sera soutenue le mardi 12 juin 2007 à la Faculté des Sciences Sociales et Humaines de l'Université de Tunis devant un jury composé de :

        - M. Khélifa CHATER, président
        - M. Mohamed Hédi CHERIF, encadreur
        - M. Mohieddine HADHRI, rapporteur
        - M. Lazhar GHARBI, rapporteur
        - M. Abdesslem BEN HAMIDA, membre

Posté par Ahmed, dimanche 10 juin 2007 à 10:52

correspondance : Ahmed JDEY

 

 

- Abdelkrim Mejri : biobiblio

- Les socialistes français et la question marocaine, 1903-1912, L'Harmattan, 2004.

 

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présentation éditoriale

À l'égard de la colonisation du Maroc, plusieurs tendances se sont manifestées au sein du parti socialiste (Jaurès, les guesdistes et Gustave Hervé). Depuis la crise de Tanger de 1905, la position de ces trois tendances évolua en fonction des circonstances. Cet ouvrage fournit un éclairage d'un très grand intérêt sur les débats menés au sein du parti socialiste sur le Maroc et d'une manière plus large sur la question coloniale. Un demi-siècle plus tard, sous la IVème République, les mêmes divergences se manifestèrent au sein de la SFIO sur le Maroc, et avec plus d'acuité sur le problème algérien.

 

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7 juin 2007

Bidi Mohamed, né le 19 novembre 1933 à Guelma

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Bidi Mohamed, né le 19 novembre 1933

à Guelma en Algérie

 


demande de renseignement
[à propos du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier - Maghreb]

Salut. Je voudrais savoir si le nom Bidi Mohamed qui figure dans la liste est celui de Bidi Mohamed né le 19 novembre 1933 à Guelma en Algérie.

Le demandeur est son fils

Merci de me répondre.

Posté par bidi, jeudi 7 juin 2007 à 11:10

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Bonjour,

La notice du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier - Maghreb relative à BIDI Mohamed ne précise pas sa date de naissance. Voilà cette notice :

BIDI Mohamed

Né à Mila sans le Constantinois vers 1930, membre du MTLD, le pendant nationaliste à la CGT du Constantinois, de son camarade de classe, Lakhdar Kaïdi, communiste.

À l'école primaire entre ville ancienne et ville coloniale, Mohamed Bidi a pour camarade de classe Lakhdar Kaïdi [voir notice], plus jeune de deux ans, qui deviendra secrétaire général communiste de la CGT-UGSA, Maamar Dif qui sera lui aussi communiste comme son frère Mahfoudh Dif [voir notice] plus âgé. Ces trois garçons ont été exclus de l'école pour avoir écrit au tableau : "Vive l'Étoile nord-africaine" ; on était en 1934. Leur peine fut en réalité retardée pour (leur permettre) d'obtenir le certificat d'études et de poursuivre dans le secondaire. En ces années, suivaient aussi l'école à Mila, Abdelhamid Boussouf, dont la grande famille oscillait entre le Dr Benjelloul et Ferhat Abbas, et Lakhdar Bentobbal de famille locale plus modeste qui sera adepte du MTLD ; tous deux seront des figures majeures de la guerre de libération. L'autorité morale qui régnait sur Mila était celle du Cheikh M'Barek El Mili précisément, représentant les Oulémas.

Après la Deuxième Guerre mondiale, Mohamed Bidi est devenu employé de banque à Constantine ; il est syndiqué à la CGT. Après 947, il appartient au bureau de l'Union Départementale CGT du Constantinois. Il se tourne vers le MTLD tout en restant en amitié avec Lakhdar Kaïdi ; l'algérianisation des commissions, comités et bureaux de la CGT fait que les deux anciens camarades se retrouvent promus à la direction syndicale de l'Est. Communiste, Lakhdar Kaïdi devient ensuite secrétaire général de la CGT transformée en UGSA. Mohamed Bidi est, en second, la caution nationaliste. En 1952, il fait partie de la délégation de syndicalistes qui sont allés en République populaire de Chine à l'invitation des syndicats communistes chinois. Mohamed Bidi reste partisan de maintenir la participation syndicaliste algérienne dans la maison unitaire qu'est l'UGSA ; ce n'est qu'après sa création en 1956 qu'il ralliera l'UGTA.

sources : B. Bourouiba, Les syndicalistes algériens - N. Djabi, Kaïdi Lakhdar. Une histoire du syndicalisme algérien, entretiens, Chihab-éditions, Alger, 2005.

René Galissot
Dictionnaire biographie.
.., p. 139

- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier - Maghreb. Algérie : engagements sociaux et question nationale. De la colonisation à l'indépendance, 1830-1962, dir. René Galissot, éd. de l'Atelier, 2006.

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Guelma aujourd'hui (source)

 

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6 juin 2007

inspecteur de la Sûreté dans les années 1930 au Maroc

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inspecteur de la Sûreté

dans les années 1930 au Maroc


Bonjour,

J'ai des difficultés pour restituer le parcours de mon grand-père, né en Algérie et ayant occupé la fonction d'inspecteur de la Sûreté dans les années 1930 au Maroc. Qui peut m'indiquer où se trouvent les archives de ce personnel de l'administration française ?

Merci.
Azzedine Sedjal
sedjal@gmail.com

 

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la police franco-marocaine à Oujda
carte postale ancienne ayant voyagée en 1908

 

Bonjour,

Merci de votre message.

Il faut s'adresser aux services des Archives dipomatiques françaises, et plus particulièrement au Centre des archives diplomatiques de Nantes (inventaires en ligne).

Mais, si ces services ne vous répondent pas précisément, il n'y a d'autre solution que d'y aller soi-même parce que la règle des recherches en archives est que la responsabilité de toute recherche revient à l'intéressé lui-même.

Bonne continuation.

Michel Renard
"Études Coloniales"

 

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le poste de police à Oujda

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2 juin 2007

Du bon usage politique du passé colonial (Gilbert Meynier)

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Du bon usage politique du passé colonial

Gilbert MEYNIER

 

La mémoire commune de l’histoire de l’immigration en France ne sait plus guère aujourd’hui que l’implantation des Italiens en France fut douloureuse, et parfois sanglante, à Marseille en 1881, à Aigues Mortes en 1893, à Lyon en 1894… Mais les vexations et le racisme dont les Italiens avaient été victimes en France se prolongèrent plus tardivement pour les Algériens : le différend franco-algérien s’exacerba, devant les blocages coloniaux, jusqu’à l’insurrection de novembre 1954. La mémoire des Algériens et des originaires d’Algérie en France est plus à vif du fait de la discrimination coloniale érigée en système, de la cruauté et des traumatismes de la guerre de 1954-1962 – et la conquête, au XIXe siècle, avait été plus sanglante encore ; sans compter les répressions sanglantes de multiples insurrections ; sans compter, pour les Algériens immigrés, les massacres d’octobre 1961 à Paris. Les blessures du passé sont à vif, et sans commune mesure avec celles de la mémoire souffrante des Français d’origine italienne.

Mais aussi, l’intégration des Italiens en France s’était produite au temps du capitalisme moderne – de 1870 à 1960. Alors que, pour les Maghrébins, le processus décisif en fut engagé au  dernier tiers du XXe siècle : à un moment où commença à triompher, le capitalisme post-moderne . On gagne maintenant de plus en plus d’argent, non pas selon les rigoureuses procédures du capitalisme industriel telles qu’Adam Smith, puis Max Weber, les avaient énoncées et analysées, mais par la spéculation financière, par les transferts de capitaux, par la constitution de rentes et de statuts : un «artiste», français, suisse ou belge, gagne aujourd’hui bien plus qu’il y a seulement vingt ans ; il est admis que tels intellectuels médiatiques fassent payer leurs conférences, jusqu’à des associatifs bénévoles qui les invitent.

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Ainsi va l’orchestration des divers «communautarismes» : Tarik Ramadan est à l’islam ce que Bernard-Henri Lévy est à la philosophie : deux vedettes, produits et acteurs d’un système rentier. Et que dire de la ritournelle du «choc des civilisations», qui oppose «l’Islam» et «l’Occident» comme des essences opposées, et qui est le bien commun des frères ennemis Bush et Ben Laden. Les stock-options et les parachutes dorés se sont banalisés.
À l’autre bout de la chaîne sociale, à leur niveau, en France, les bénéficiaires des régimes spéciaux de retraite tentent de leur côté de préserver leurs petits – et transitoires – privilèges. Emmanuel Todd a comparé les actuels États-Unis avec l’Empire romain finissant : produisant de moins en moins en son centre, prospérant en vivant sur l’empire , conçu comme machine rentière. La dégénérescence du vieux capitalisme productif a entraîné depuis quelques lustres la précarisation du travail, le délitement des solidarités nationales – école, sécurité sociale…–  qui, il y a peu, structuraient l’intégration.

Les répliques à cette évolution furent souvent des réactions catégorielles et de repli statutaire, des protestations enserrées par des réactions partielles et locales – je dirais localistes : nationalistes, soviet_anthem_postercommunautaires, crispées sur des acquis, mais sans conception globale de ce qui les détruit –, ne prenant pas la mesure des formidables mutations mondiales. Aujourd’hui seuls les capitalistes néo-modernes gardent une vision universaliste. On ne chante plus L’Internationale au parti socialiste, mais La Marseillaise.

La classe ouvrière est en voie de disparition. Avec elle s’étiolent les banlieues rouges du PC : Marie-George Buffet a fait 1,93 % des voix aux présidentielles. Dans sa campagne, elle n’a pas une seule fois prononcé le mot, obscène, de «capitalisme», médiatiquement affadi en «libéralisme» politiquement correct, cela au prix d’un contresens manifeste : le capitalisme n’a jamais été aussi peu libéral qu’il l’est aujourd’hui, écrasé qu’il est sous le poids de quelques sociétés à objectifs principalement financiers, et non proprement économiques au sens productif du terme. Nous vivons de ce point de vue la fin de la modernité. Presque aucun(e) candidat(e) n’a mentionné les questions qui poignent le monde, à son échelle, précisément, mondiale. On en est resté au localisme-refuge à accents nationaux, au ministère de l’identité nationale…, cela au moment où le national se délite et requiert une refondation en phase avec l’actualité – chez nous elle s’appelle l’Europe.

Mais le fait que, le 20 janvier 2000, le principe d’une taxation des flux financiers inspirée par la taxe Tobin (un prélèvement de 0,5% sur les transferts de capitaux) ait été refusé à six voix près (229/223 voix) par le Parlement européen est passé inaperçu : Les députés de la liste Lutte Ouvrière – Ligue Communiste Révolutionnaire avaient voté contre – Alain Krivine s’était abstenu. Si à eux cinq ils avaient voté pour, le résultat du vote aurait été inversé. Arlette Laguiller, il est vrai, avait raconté que le capitalisme, cela ne se réforme pas, cela se détruit.

 

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Saïgon, 1946. Pousse-pousse rue Catinat (source)

 

Pour en revenir au passé colonial, il a bel et bien laissé des traces sur les discriminations actuelles. Mais ces dernières sont aujourd’hui prorogées par des duretés qui appartiennent bien au présent, quand bien même des rebonds de mémoire peuvent les relier au passé. Aujourd’hui, la fixation sur le passé ne constitue-t-elle pas un dérivatif ? Le système prévalent n’est plus colonial, il n’est plus national. Il creuse dramatiquement les écarts entre sociétés développées et sociétés sous-développées, et entre les humains de ces sociétés respectives. Ce système post-moderne nourrit les idéologies de statut (par exemple «communautaristes») et leur donne forme politique. Lui est-il indifférent que la source de tous les maux ait tendance à rester ancrée dans le passé – colonial en l’occurrence ? Les hérauts des victimes tendent à faire d’un réel passé traumatique l’antécédent obligé et l’explication unique des angoisses et des traumatismes du présent. Il n’y a pas que les islamistes qui soient, ainsi que le pense le philosophe égyptien Fouad Zakariya, «aliénés par le passé».

Dans l’histoire des sociétés, comme dans celle des individus, existent des mémoires-écrans derrière lesquelles tendent à être refoulés les strates du substrat antérieur de leur passé, occultées qu’elles sont par des mémoires plus récentes , et aussi parce qu’elles sont construites par des pouvoirs ou/et des groupes de mémoire (Pieds-Noirs, descendants d’esclaves, Indigènes de la République). Ce processus d’occultation existe aussi pour la perception du présent : on est trop démuni d’outils de compréhension pour en percevoir les duretés spécifiques. On les explique donc par des effets de vitesse acquise. Le mal-être du présent est ainsi idéologisé en fixation sur un temps révolu. Dans l’Algérie d’aujourd’hui, il y a aussi un mal-être qui est expliqué en référence au passé : par les islamistes, par la masse du peuple lui-même, par le pouvoir…

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© Christophe Herrmann, L'Africain (source)

En France de nos jours, se jouent des ping-pong mémoriels où les hérauts intéressés du capitalisme post-moderne mondial comptent les points, voire attisent le feu : est-il même certain que Sarkozy soit un colonialiste impénitent ? Il l’est peut-être, mais est-ce si important ? Ou ne brode-t-il pas sur un thème sensible qui bloque la réflexion ? Et les «racailles» et les «kärcher» n’auraient-ils pas été une construction politique délibérée ? De ce point de vue, les Indigènes de la République et leurs compagnons de route de l’anticolonialisme post bellum, quelque fondés qu’ils soient dans leurs dénonciations, saisissent-ils que leur fixation sur le colonial n’est pas forcément pour déplaire à des responsables politiques qui n’ont pas vraiment envie que l’on parle d’autre chose ? En tout cas pas qu’on analyse le système du capitalisme post-moderne dont une personnalité comme Sarkozy est le génial représentant : il a su entourer sa campagne électorale de formules nationalistes à même de s’attacher des électeurs désorientés et rassurés par le retour à un tel localisme. Ce faisant, il s’est appuyé sur ce que Gramsci appelait un «senso comune», un dérivatif idéologique dans lequel s’engouffrent les dénonciateurs exclusifs d’un présent/passé colonisé, intemporel et, comme la mer de Valéry, toujours recommencé.

Gilbert Meynier
Professeur émérite à l’Université de Nancy II,
CIMADE Lyon
texte à paraître prochainement dans l'hebdomadaire Réforme

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1 juin 2007

la colonisation française en Afrique noire : aspects économiques et sociaux (Marc Michel, 1985)

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Bobo-Dioulasso. Les indigènes voyagent dans le train,
Haute-Vota (1930/1960)


la colonisation française

en Afrique noire :

aspects économiques et sociaux

Marc MICHEL (1985)

 

"Le mouvement colonial français représente le stade suprême, non du capitalisme français, mais du nationalisme français", ont pu écrire Christopher Andrew et Sydney Kanya-Forstner dans un raccourci provocant et iconoclaste (1). Les travaux les plus récents sur l'Empire colonial français dans son ensemble paraissent leur donner largement raison (2). A fortiori en ce qui concerne l'Afrique noire française dont l'importance, l'utilité et la rentabilité économiques ne se sont révélées que tardivement dans ses relations avec la métropole et avec le monde.

D'ailleurs, longtemps confinée dans l'offre de ses hommes, l'Afrique noire n'acquit nullement une position de force lorsqu'elle remplaça, au XIXe siècle, les hommes par des produits qui, après tout, ne jouèrent qu'un rôle marginal dans la Révolution industrielle, pas plus que ses marchés, supposés extraordinaires, ne constituèrent des débouchés réellement décisifs. L'Afrique noire, comme le Tiers-Monde dont elle est tout de même une composante géographique essentielle, ne serait pas sortie de cette situation avant le début des années 1950 (3).

Les possessions françaises qui y étaient peu peuplées et peu favorisées malgré leur gigantisme ne pouvaient échapper à ces conditions générales, même si elles nouèrent progressivement des liens privilégiés maintenus au-delà des indépendances.

 

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Manoka. Société Nationale Camerounaise (SNC). Locomoteur
à moteur diesel sur voie de 0,60 m.
Exploitation forestière.
(1919/1945)
source : base Ulysse, Caom

 

Aussi, doit-on remarquer l'extraordinaire continuité du discours officiel de la colonisation à la décolonisation, de la "mise en valeur" au "développement", de Leroy-Beaulieu en 1891 à Albert Sarraut [photo] enAlbert_Sarraut 1923 et à René Pleven en 1944 (4). C'est la litanie du "non-développement" auquel il faudrait remédier par un effort de bonne volonté de la métropole, l'engagement de ses capitalistes et l'initiative de l'État. Très longtemps les réalités correspondirent au constat d'échec. En 1914, même si l'Empire était bien devenu le troisième partenaire commercial de la France, les colonies d'Afrique noire, elles, n'étaient pas sorties de "l'âge du comptoir", et plus de trente ans après les débuts de la "course au clocher", elles n'occupaient encore qu'une place dérisoire dans les échanges et les investissements de la métropole (5). Il ne faut donc pas s'étonner de la faiblesse, voire de l'inexistence des réalisations (ports, chemins de fer, pistes...) à la veille de la Première Guerre mondiale. Les années 1920 furent, certes, marquées par un élan de l'effort public des gouvernements locaux (puisque la métropole s'était dérobée) et de l'action privée. Fut-il brisé ou "remodelé" par la Crise (6) ?

Celle-ci eut, en effet, des conséquences à longue portée ; elle relança l'initiative de l'État métropolitain, réorienta les investissements et souda économiquement, monétairement les colonies françaises d'Afrique noire à la métropole en vue de l'établissement de ce que Sarraut appela "l'autarchie" (7). En ce sens, la crise préluda aux grandes mesures de l'après Seconde Guerre mondiale qui tendirent tout à la fois à renforcer le "bloc franco-africain" dans l'Union française et à associer les "territoires" d'Afrique et de Madagascar à une Europe reconstruite, où la France serait ainsi affermie. Dans ces conditions, la décolonisation acceptée et négociée à la fin des années 1950 fut assortie d'une véritable politique compensatoire destinée à garantir l'intégration de l'Afrique francophone dans le monde occidental (8).

 

"mission civilisatrice" et "coopération"

Un autre leit-motiv du discours officiel fut celui de l'Homme, celui de la "mission civilisatrice de la France", du "progrès" à la "coopération", là aussi un langage décelable depuis Leroy-Beaulieu jusqu'à Sarraut et de Sarraut au général De Gaulle à Brazzaville et à Georges pompidou définissant les principes de la "coopération" en 1964 (9). Que de bonnes intentions ! Et que de lenteurs, dira-t-on, dans les réalisations si l'on en juge par l'état de l'enseignement en 1919 (10) ou de la santé en 1939 (11).

Profitant de l'acquis, tout de même considérable, et d'une évolution qui fut peut-être moins affectée par la guerre qu'on ne serait porté à le croire, aiguillonnés par l'extérieur, sincèrement persuadés de la nécessité de changer les choses et convaincus de l'avenir de "l'association", les responsables d'après 1945 entraînèrent la France dans l'effort qu'elle n'avait pas effectuée jusque-là. Cela n'alla pas sans mal car beaucoup partagèrent vite la conviction qu'il valait mieux choisir "la Corrèze que le Zambèze", parodiant ainsi la retentissante prise de position de Raymond Cartier en 1956. En tout cas, les responsables métropolitains firent alors de l'Afrique noire francophone le lieu privilégié de l'aide au développement et les réalisations progressèrent effectivement à un rythme particulièrement accéléré dans les années 1950. On ne peut que remarquer que cet ultime effort "colonial" se fit en pleine décolonisation.

Au cœur de cette transformation du tissu social se posait la question fondamentale des fins dernières de la colonisation française en Afrique noire. On peut se demander, à cet égard, à partir de quand et comment elle s'était posée clairement. "La suzeraineté européenne ne devra pas être temporaire dans la majeure partie de l'Afrique" et "toutes les colonies ne sont pas destinées à s'émanciper", croyait Leroy-Beaulieu en 1891. Avait-on changé d'avis après la première Guerre mondiale ? Révéler l'indigène à lui-même, "c'est là une fin véritable de notre venue en ces pays", affirmait le gouverneur général Carde en 1930. Ce fut aussi le langage de Brazzaville en 1944 : acheminer les populations africaines vers l'accomplissement de leur "personnalité propre". En réalité, le discours officiel français à l'égard de l'Afrique noire fut une variation continuelle sur les thèmes de l'assimilation et de l'association qui masqua jusqu'au bout un esprit d'intégration que René Pleven reconnaissant à Brazzaville en soulignant que la préoccupation constante de cette conférence était "l'incorporation des masses indigènes dans le monde français".

 

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30 janvier 1944, discours de De Gaulle à Brazzaville ;
à gauche, René Pleven

Cette attitude qui imbriquait les dimensions du culturel et du politique, dut, par la force des choses, se modifier avec les indépendances. Mais, fondamentalement, elle continua à inspirer la conception officielle des relations avec les pays où s'était forgé "cet art de vivre ensemble, qu'ont créé, au cours d'une histoire qui ne fut pas sans difficultés, les Africains et les Malgaches d'une part, les Français de l'autre" (13).

Alors bien sûr, on se demande quelle fut la réponse africaine à cette solliciation continuelle. Il y eut naturellement un premier temps de résistances, résistances à l'agression physique de la conquête, résistances à l'agression sociale de l'installation de l'État colonial. Mais, elles eurent aussi, naturellement, leur correspondance dans une collaboration dont les dimensions et la signification socio-culturelle furent peut-être plus importantes encore pour l'avenir (14). Cette collaboration, dans sa phase assimilationniste, culmina dans doute avec Blaise Diagne (15). À son tour, elle suscita des rejets d'abord intellectuels puis politiques et enfin parfois passionnels mais ces rejets n'ont pas gommé l'imprégnation socio-culturelle - le problème de l'héritage colonial étant, finalement, la mesure entre le rejet et l'adhésion.

Marc Michel, professeur à l'université en Provence
in L'Afrique noire depuis la conférence de Berlin,
publications du Cheam (diff. Documentation française), 1985, p. 121-124.

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- source de la photo-titre : base Ulysse, Caom

_______________________________

(1) Andrew C. et Kanya-Forstner S., "The french Colonial Movement during the Third Republic. The unofficial mind of imperialism, Transactions of the Royal Historical Society, 5th series, vol. 26, 1976, p. 148.
(2) Marseille Jacques, Empire colonial et capitalisme français. Histoire d'un divorce, A. Michel, 1984.
(3) Bairoch Paul, "Le bilan économique du colonialisme, mythes et réalités", in Histoire et sous-développement, éd. par Leiden Center for the History of European Expansion et la Maison des Sciences de l'Homme, Paris, 1980, p. 35-39.
(4) Leroy-Beaulieu Paul, De la colonisation chez les peuples modernes, 3e éd. 1891 ; Sarraut Albert, La mise en valeur des colonies françaises, 1923 ; Discours de René Pleven à l'ouverture de la Conférence Africaine de Brazzaville, le 30 janvier 1944.
(5) Michel Marc, L'Appel à l'Afrique, contributions et réactions à l'effort de guerre en A.O.F. 1914-1918, Publications de la Sorbonne, 1982 ; et Coquery Catherine, "L'économie coloniale en Afrique noire : le financement et la “mise en valeur“, 1900-1940. Méthodes et premiers résultats", in Eighth International Economic Congress, Budapest, 1982, republié dans les Études africaines offertes à Henri Brunschwig, École des Hautes Études en Sciences Sociales, 1982.
(6) L'Afrique et la crise de 1930 (1924-1938), colloque de l'université Paris VII publié par la Revue française d'Histoire d'Outre-Mer, n° 232-233, 3e et 4e trim., 1976.
(7) Marseille J., op. cit., p. 187 et sq ; et Poquin J.-J., Les relations économiques extérieures des pays d'Afrique noire de l'Union française (1925-1955), A. Colin, 1957.
(8) Michel Marc, "La coopération intercoloniale en Afrique noire, 1942-1950 : un néo-colonialisme éclairé ?" in Relations Internationales, n° 34, été 1983, p. 155-171.
(9) Discours sur la coopération prononcé par Georges pompidou, Premier ministre, devant l'Assemblée nationale, 10 juin 1964.
(10) Bouche Denise, L'enseignement dans les territoires française de l'Afrique occcidentale. Mission civilisatrice ou formation d'une élite ? Thèse d'État, Paris, 1974.
(11) Domergue-Cloarec Danielle, La santé en Côte d'Ivoire, 1900-1962. Mythes et réalités, thèse d'État, Poitiers, 1984.
(12) Articles de Raymond Cartier dans Paris-Match en août et septembre 1956. Sur l'opinion, voir Ageron Ch.-Robert, "L'opinion publique face aux problèmes de l'Union française", communication au colloque sur les Prodromes de la décolonisation de l'empire français (1936-1952), 4-5 octobre 1984, Institut d'Histoire du Temps Présent.
(13) Les accords de coopération entre la France et les États africains et malgache d'expression française, La Documentation française, 1964, préface de Jacques Foccart.
(14) Sur les problèmes des "résistances" et des "collaborations", voir en particulier les Études Africaines offertes à Henri Brunschwig, op. cit., 5e partie (articles de Jean Suret-Canale, Chhristophe Wondji et Charles Owana sur l'Afrique francophone) et surtout Brunschwig Henri, Noirs et Blancs dans l'Afrique noire française, Flammarion, Nouvelle bibliothèque scientifique, 1983.
(15) Sur Diagne et les "évolués" assimilationnistes, voir Johnson W.-R., The emergence of Black Politics in Senegal, The Struggle for Power in the Four Communes (1900-1920), Stanford, 1971 ; et Crowder Michael, Senegal, A study in French Assimilation, Methuen, 1967. Sur l'A.E.F., Mbokolo Elikia, "Forces sociales et idéologies dans la décolonisation de l'A.E.F.", in Journal of Africain History, 22 (1981), p. 393-407.

Sur les suites politiques, Benoist Joseph-Roger (de), L'Afrique Occidentale Française de 1944 à 1960, Les Nouvelles Éditions Africaines, 1982.

 

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Boutilimit (Mauritanie), la visite au dispensaire (1930/1960) - source : Caom

 

 

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