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études-coloniales
31 mai 2007

Note au sujet des territoires coloniaux de l'Allemagne (Gérard Molina, 2005)

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Note au sujet

des territoires coloniaux de l'Allemagne

Gérard MOLINA (2005)

 

M. Gérard Molina (Paris) conteste, dans l’article intitulé «Commémorations» (Le Monde diplomatique, mars 2005), la formulation selon laquelle l’Allemagne aurait été «oubliée» en matière de colonies.

L’Allemagne est venue tard à la colonisation, mais, après la conférence de Berlin (1884-1885), elle établit rapidement sa sphère d’influence sur quatre vastes territoires d’Afrique (Togo, Cameroun, Sud-ouest africain et Afrique orientale allemande), ce qui en fit la troisième puissance sur ce continent. C’est le traité de Versailles (1919) qui la jugea «indigne de coloniser» et lui retira tous ses territoires. Il ne s’agit pas ici d’érudition, car l’Afrique servit de laboratoire aux politiques de ségrégation, d’espace vital et d’extermination.

Au début du XXe siècle, les colonies allemandes étaient les seules en Afrique à interdire les mariages entre Blancs et Noirs, y compris les métis chrétiens. C’est dans sa colonie du Sud-ouest africain (l’actuelle Namibie) que l’Allemagne accomplit en 1904-1905 un génocide contre les tribus hereros, qui se rebellaient régulièrement. Après la mise à mort de plus des trois quarts des 70 000 Hereros, les 16 000 survivants ne durent leur salut qu’à l’exil vers d’autres contrées. Quand on connut en métropole l’ordre d’exterminer les Hereros, l’émotion de l’opinion obligea le gouvernement de Berlin à le désavouer, mais c’était trop tard. Une même politique ethnocidaire fut déclenchée contre les Namas, descendants des Khoïkhoï ou «Hottentots».

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Lothar von Trotha

(...) Souligner ces faits ne doit pas conduire à relativiser la singularité de la Shoah, mais montre que celle-ci ne surgit pas comme un événement incompréhensible devant lequel tout essai d’explication serait a priori impossible, voire obscène. Hannah Arendt, très au fait de l’histoire allemande moderne, reconnut explicitement ce lien : «Les premiers à comprendre l’influence décisive de l’expérience sud-africaine furent les leaders de la foule qui, tel Carl Peters, décidèrent qu’ils devaient eux aussi faire partie d’une race de maîtres. Les possessions coloniales africaines offraient le sol le plus fertile à l’épanouissement de ce qui devait devenir l’élite nazie.»

Gérard Molina
agrégé de philosophie
Le Monde Diplomatique
, avril 2005,
page 2 (en ligne)

 

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Die Kriegsgeschichtliche Abteilung des Großen Generalstabs veröffentlichte 1907 eine umfangreiche Dokumentation über "Die Kämpfe der deutschen Truppen in Südwestafrika", deren 1. Teil dem "Feldzug gegen die Hereros" gewidmet war, während der 2. Teil den "Feldzug gegen die Hottentotten" dokumentierte (Bundesarchiv, Bibliothek).

La guerre des troupes allemandes dans le Sud-Ouest Africain.
L'expédition contre les Hereros
, Berlin, 1906

 

liens

- l'Allemagne et le Sud-Ouest africain, la répression de la révolte des Hereros (en langue allemande)

 

- The Revolt of the Hereros, Jon M. Bridgman, University of California Press, 1981 

6834

 

 

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29 mai 2007

La femme égyptienne vue par les peintres orientalistes

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David Roberts (1796-1864), Ghawazi dansant au Caire

 

La femme égyptienne

vue par les peintres orientalistes

 

Bonjour,

j'ai trouvé votre blog passionnant alors que je faisais des recherches en vue d'un mémoire de recherche intitulé :

"La femme égyptienne vue par les peintres orientalistes d'expression anglaise
(anglais et américains) au XIXe siècle"

sous-titre : "Vision réelle ou idéalisée ?", le tout rédigé en anglais, bien sûr.

J'ai essayé de commander, en vain, les livres Voyageurs et écrivains égyptiens en France au XIXe siècle et L'autre Egypte. Savez-vous où je pourrais me les procurer, d'occasion, si possible, car il semblerait qu'ils ne soient pas réedités ou impossibles à obtenir par mon libraire. Ils sont tout à fait adaptés aux aspects que je souhaite étudier, même s'ils ne sont relatifs qu'à la femme. J'ai déjà beaucoup de livres et de documents venant d'Internet mais je cherche toujours à affiner.

Je vous remercie par avance de l'aide que vous pourriez m'apporter en ce sens.

"Catounet"

 

réponse

Malheureusement, l'ouvrage d'Anouar Louca, Voyageurs et écrivains égyptiens en France au XIXe siècle (1970) qui reprend sa thèse de 1957, est rarement proposé à la vente d'occasion. Il est plus facile de le consulter en bibliothèque, par exemple à la BnF (chercher sa notice). Table des matières de cet ouvrage sur le blog "islam en France".

Autre__gypte__Anouar_Louca_couvPar contre, L'autre Égypte. De Bonaparte à Taha Hussein (rééd. 2006), est accessible à l'achat. Il est édité par l'Institut français d'archéologie orientale du Caire - IFAO.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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     Anouar Louca (1927-2003)

 

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28 mai 2007

Hommages à Claude Liauzu

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23 mai 2008 - Il y a un an, Claude Liauzu disparaissait. Nous honorons sa mémoire et songeons aux siens et à ses amis.



Hommages à Claude Liauzu

 

Plusieurs hommages à Claude Liauzu ont été "postés" sous forme de commentaires à la suite de l'annonce de son décès sur ce blog. Nous les publions ci-dessous.

 

Hommage à Claude

Je n'oublierai jamais le formidable soutien que Claude m'avait apporté dans mon combat (le sien aussi) qui m'opposait au Général Schmitt et le procès des guerres coloniales, de la torture...
Une sentinelle, gardienne des droits de l'homme, au sens le plus profond, nous quitte. Je poursuivrai avec mes moyens cette démarche de dignité qui l'animait.
Avec beaucoup d'émotions

Henri POUILLOT

Posté par Henri POUILLOT, lundi 28 mai 2007 à 09:18

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Disparition de Claude Liauzu

Bonjour,

Je viens d'apprendre ce matin, lundi 28 mai, la disparition brutale de Claude Liauzu.

J'étais en contact avec lui ces jours derniers en tant qu'éditrice chez Armand Colin pour un ouvrage à paraître en octobre. Au-delà de la qualité d'écriture, le sérieux et l'efficacité de cet historien que j'ai déjà eu à plusieurs reprises l'occasion de constater, c'est un homme chaleureux, modeste, enthousiaste et curieux de tout qui nous quitte. Je suis encore pour ma part sous le coup de l'émotion et ne pense pas m'en remettre de sitôt. Les belles personnes ne courent pas les couloirs des maisons d'éditon...

Nous devions nous voir les jours prochains pour déjeuner ensemble car il avait encore d'autres projets à nous faire partager.

Avant de le faire de façon officielle, j'adresse à sa famille mes plus sincères condoléances et partage sa douleur.

2208_1Corinne Ergasse, éditrice chez Armand Colin

Posté par Ergasse Corinne, lundi 28 mai 2007 à 11:10

   

universite_campus_jussieu

histoire

Ancien étudiant à Jussieu, c'est grace au séminaire de Claude (et Américo) que j'ai appris à étudier les mécanismes si complexes du racisme et de la peur de l'autre. Il nous manquera dans ce domaine si négligé en France des études post-coloniales.

Posté par timothée, lundi 28 mai 2007 à 11:55

   

L'Historien-Militant ne meurt pas

J'ai appris par votre site la mort de mon professeur Claude LIAUZU ; je suis l'un de ses étudiants tunisiensmedina_tunis de l'université de Tunis vers les années 70 du dernier siècle ; il était coopérant ; il nous a donné le meilleur de lui-même : pédagogie exemplaire, cours parfaitement structuré et problématique, langue facile, rapports profondéments humains ; il a donné sa thèse d'Etat à l'histoire coloniae de La Tunisie ; il a aimé le pays et ses habitants ; certaines rues de Tunis, certains cafés de la capitale ne lui sont pas étrangers ; il avait une grande familiarité avec cet espace tunisien ; il se situe dans la lignée de ses collègues français comme André NOUSCHI, André RAYMOND, Robert MANTRAN, et les autres aussi ; il a forgé, malgré vents et marées, sa vie d'historien et de militant ; il a grandi dans les difficultés, non seulement personnelles, mais celles des peuples et des pays qu'il a connus et dont il voulait écrire une histoire décolonisée ; il l'a fait avec dignité, conviction et le devoir d'un historien qui n'est pas comme les autres. Sa mort ne peut en aucun cas nous faire oublier Claude LIAUZU, l'Hhmme, l'Historien et le Militant de toutes les grandes causes.

Ahmed JDEY
Historien, Universitaire, Université de Tunis, Tunisie

Posté par Ahmed, lundi 28 mai 2007 à 13:04

   

Hommage à Claude Liauzu

Ancien étudiant de Claude à Paris 7 dans les années 1990, il fut l'un de mes deux directeurs de thèse, puis quelqu'un avec qui j'ai beaucoup travaillé, comme beaucoup ici sans doute, sur les questions de conscience nationale ou sur la guerre et la mémoire. Claude fut pour moi une figure encourageante, une présence nécessaire. C'était une homme chaleureux et un grand historien. Il me manque terriblement.

1039230_property_imageDataArnaud Nanta, historien du Japon, CNRS

Posté par Arnaud Nanta, lundi 28 mai 2007 à 19:35

 

Regrets

J'apprends à New York la mort de notre collègue Claude Liauzu qui fut non seulement historien de la colonisation mais le témoin vigilant des dangereux dérapages racistes, anti-islamiques et populistes de celui qui est aujourd'hui président de la République. Il nous manquera. Je veux dire à sa famille toute ma sympathie.

Valensi_LucetteLucette Valensi, historienne

Posté par Valensi Lucette, lundi 28 mai 2007 à 23:47

 

Il savait rassembler

Ce que j'aimais beaucoup, et dont j'ai bénéficié, une belle qualité rare, qui va nous manquer : il savait rassembler sur des projets inventifs des gens qu'il rencontrait ici ou là, des spécialistes reconnus mais pas seulement : aussi des gens sans importance, que personne n'aurait remarqués, et qui lui paraissaient avoir un petit quelque chose qui valait la peine.
Il avait toujours une idée de livre collectif, de colloque, entre deux pétitions et trois réunions. Il agrégeait des personnalités et des genres hétérogènes, des vieux militants de l'époque des vrais combats anticolonialistes, et des étudiants de licence, des mandarins et des associatifs, des érudits et des pétitionnaires. Il n'avait pas peur de l'hétérogénéïté et au contraire, y puisait le sens de l'action. Tout le monde s'en trouvait bien.
SophieErnstPour moi, il aura été l'ami des années difficiles, dont la générosité m'a aidée à tenir.

Posté par Sophie Ernst, mardi 29 mai 2007 à 21:05

 

parti trop tôt

Etudiante de Claude Liauzu dans les années 74-75,à l'université de Tunis, je tiens à exprimer ma peine profonde pour la perte de cet enseignant qui fut pour beaucoup d'entre nous un guide dans nos premiers pas de recherche. Son engagement pour les causes qu'il croyait justes n'avait pas de limites. On s'en souviendra.

Tunis_11Leila Temime Blili

Posté par LEILA BLILI, samedi 2 juin 2007 à 23:31

un immense regret de ne pas l'avoir connu

C'est un peu paradoxal puisque nous ne nous sommes jamais rencontrés mais la mort de Claude Liauzu m'a beaucoup touchée. Il devait venir à Verdun au Centre mondial de la Paix, en compagnie de Daniel Lefeuvre, pour parler de l'histoire de la colonisation avec des lycéens. Nous nous sommes simplement parlé au téléphone pour préparer cette rencontre, qui n'a pas pu avoir lieu, je comprends maintenant hélas pourquoi. Lors de cette échange, sa chaleur humaine, sa générosité, son ouverture d'esprit et vers les jeunes m'avaient beaucoup impressionnée.
J'aurais vraiment aimé le connaître.
Je le remercie de m'avoir écouté et aidé à préparer ce débat.
visupoch50Je tiens à exprimer à sa famille toutes mes condoléances.

Posté par S. Le Clerre, dimanche 3 juin 2007 à 22:32

Je suis triste

J'ai bien connu Claude et Josette quand nous étions étudiants à Aix. Quand leur premier enfant est né, je lui ai "refilé" la poussette du mien ....(nous étions tous un peu fauchés). Claude m'a souvent vendu Clarté, je me suis inscrite grâce à lui au Mouvement de la Paix, mais il a su ne pas insister pour me faire adhérer au P.C... Je les ai ensuite complétement perdus de vue, mais j'ai suivi "de loin" les actions menées par Claude. En voyant sa photo, je retrouve la "passion" qui animait alors ce garçon, et j'ai du mal à l'imaginer autrement que courant pour défendre ses idées. À Josette, à son fils ainé qui a l'âge du mien, et à ses autres enfants j'adresse l'assurance de toute ma sympathie .

aix050bDanielle Bertrand, agrégée d'histoire .

Posté par DanielleBERTRAND, mardi 5 juin 2007 à 12:13

 

 

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l'historien Claude Liauzu (1940-2007)

 

- diffusion d'une émission de Claude Liauzu sur RFI : 27 mai 2007 (deux fichiers à télécharger)

 

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24 mai 2007

Claude Liauzu est décédé - La colonisation a-t-elle été positive ou négative ? (Claude Liauzu, mars 2007)

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Claude Liauzu est mort


L'historien Claude Liauzu, qui venait de publier Le Dictionnaire de la colonisation française, est décédé mercredi 23 mai au matin, d'une crise cardiaque dans son sommeil.

Nous exprimons à Josette Liauzu, son épouse, notre profonde affliction et notre désarroi devant cette disparition brutale, et l'assurons de nos sentiments affectueux.

Daniel Lefeuvre, Marc Michel, Claire Villemagne, Michel Renard

jeudi 24 mai 2007

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Avant de prendre sa retraite - il était encore professeur émérite - et d'animer les combats que l'on sait, Claude Liauzu, avait été professeur d'histoire contemporaine à l'université Denis Diderot-Paris VII. Il était né en 1940 à Casablanca et avait enseigné à Tunis comme coopérant.

hommages à Claude Liauzu


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Claude Liauzu, le 8 mai 2007 sur France 24



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- "Tunisie - Le dynamisme d'une société confrontée à la modernité", Le Monde Diplomatique, décembre 1985 (transcrit et posté par "Radical")

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La colonisation a-t-elle été positive

ou négative ?

Claude LIAUZU (mars 2007)


13076076_pLa polémique sur le terme "mise en valeur" dans un dictionnaire (*), est significative du poids des mots et des enjeux que les groupes de mémoires leur attribuent. Ce terme, employé par Sarraut, ministre des Colonies, signifie effort d'infrastructure et d'investissement destiné à la production coloniale. Il a été présenté comme positif par les défenseurs du système et contesté comme conçu exclusivement au profit de la colonisation par ses contempteurs.

Bardés de certitudes, les uns alignent kilomètres de routes et de chemins de fer, mètres cubes de bâtiments, statistiques de la vaccination ; les autres dénoncent les crimes contre l'humanité, l'esclavage, les massacres, la torture, le racisme. La sensibilité de la société est telle que les lois dites mémorielles se multiplient et s'opposent, toutes décidant du vrai et du faux, du juste et de l'injuste, au risque de voir des majorités politiques sujettes à variation changer notre passé à chaque législature. Tel n'est pas l'objet de l'histoire.

Cela ne signifie pas que les historiens se réfugient derrière une impossible neutralité, qu'ils n'aient pas d'opinions ; et celles des auteurs de ce dictionnaire sont diverses, choix délibéré, le seul critère ayant été leur compétence dans leur spécialité. Leur rôle n'est pas de dire le bien ou le mal, il n'est pas de condamner ni de couvrir de lauriers leurs ancêtres, mais de comprendre toute la complexité historique. Confrontés à des sensibilités très différentes, voire opposées, les historiens ne sont pas détenteurs de la Vérité absolue, ils doivent proposer des repères, aider le lecteur à comprendre le passé.

Et ce n'est pas une mince affaire. Il faut écarter la tentation de l'anachronisme qui consiste à juger hier avec les critères d'aujourd'hui. Les supplices subis par les esclaves doivent être étudiés en les comparant avec ceux infligés par l'Inquisition, par les bourreaux de Sa Majesté, par ceux de Chine ou d'Istanbul. L'esclavage a été une pratique courante depuis l'Antiquité et dans la plus grande partie du monde. La question de savoir si telle abomination du passé est un crime contre l'humanité est une question politique, juridique, peut-être morale ou philosophique, mais pas historique. Ce type de jugement, les lois qui l'imposent peuvent avoir des effets pervers en entravant un libre débat scientifique.

À l'opposé de beaucoup d'ouvrages se réclamant d'un anticolonislisme dans l'air du temps - mais anachronique et bien peu éclairant cinquante ans après la fin des grands conflits - ou d'un culte nostalgique du bon vieux temps des colonies, celui-ci a choisi : à l'encontre de trop d'auteurs qui ne disent rien de leur parti pris, il faut préciser le nôtre, ne pas penser à la place du lecteur.

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bâteau en rade de Tamatave (Madagascar), 1940 - source

Ces précautions étant prises, la première évidence, et le premier problème, à expliquer, c'est la certitude partagée par la plupart des contemporains du bien-fondé de l'expansion, la parfaite bonne conscience répandue dans les manuels scolaires depuis Jules Ferry et Lavisse jusqu'à la fin des années 1950. Ce qui est évident aussi, c'est l'amnésie qui a suivi le refoulement de l'événement traumatique des décolonisations, surtout dans la dernière décennie. On n'a pas assez réfléchi à ces variations des mémoires.

Cependant, avec le temps, tout passe, et si l'histoire n'est pas dépassionnée, il n'y a plus d'enjeux politiques directs comme dans les années 1950-1960. Les générations nées après 1962 n'ont pas le même point de vue que celles ayant vécu la période coloniale. Dans les pays indépendants, l'immense majorité de la société, née après le désenchantement qui a suivi les fêtes des indépendances, ne peut plus considérer les nationalismes comme l'ont fait ceux qui ont traversé la "nuit coloniale". Elle est beaucoup plus critique envers eux, envers les pouvoirs qui en sont issus.

Cette situation incite à prêter attention à des réalités négligées, à ne plus se limiter à la période attribuée à la "grande histoire" des nations. Les États sont dans leur rôle quand ils se dotent d'une politique publique de la mémoire, mais la mondialisation qui va s'accélérant rend beaucoup plus sensible aux interdépendances avant que la colonisation accélère le maillage du monde. Cet immense phénomène, où l'expansion coloniale a joué un rôle moteur, est au coeur de ce livre, car c'est la principale question posée par cinq siècles d'histoire, pour ne pas remonter au-delà de 1492.

Claude Liauzu, "La colonisation en questions",
in Dictionnaire de la colonisation française,
Larousse, mars 2007, p. 13-15.


(*) En septembre 2006, Le Petit Robert a été attaqué pour sa définition de la colonisation.


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Histoire de France, cours élémentaire, 1969 (E. Pradel et M. Vincent, éd. Sudel)


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16 mai 2007

Le dictionnaire politique et culturel du colonialisme (L'Humanité)

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le dictionnaire politique et culturel

du colonialisme

Jean CHATAIN (L'Humanité)

 

L’ouvrage mis au point par Claude Liauzu avec des spécialistes internationaux éclaire cent cinquante années de colonisation.

Dictionnaire de la colonisation française,
ouvrage collectif, sous la direction de Claude Liauzu, éditions Larousse, 2007, 648 pages, 28 euros.

«Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. (...) Elles ont un devoir de civiliser les races inférieures.» Cette pétition au racisme triomphant est aujourd’hui volontiers passée sous silence en France [1], mais demeure en revanche célèbre en Afrique comme aux Antilles. Elle date de 1885 et fut prononcée par le ministre Jules Ferry devant l’Assemblée nationale, à laquelle il était demandé une rallonge budgétaire censée permettre le dernier coup de collier pour la conquête de Madagascar. Le même ajoutait, afin de lever les ultimes hésitations : «Les colonies sont, pour des pays riches, un placement des capitaux des plus avantageux. (...) La fondation d’une colonie, c’est la création d’un débouché.» Les premières phrases s’inscrivent dans une tradition aussi ancienne que le colonialisme, celle qui, sous Louis XIV, permettait à Bossuet de menacer d’excommunication toute personne mettant en doute le bien-fondé de l’esclavage aux Antilles et du Code noir le régissant, par exemple. Dépouillées de leur habillage chrétien de règle sous l’Ancien Régime, elles prétendaient donner formulation anthropologique à la politique de conquête ainsi proposée aux élus de la nation. Les secondes en éclairaient crûment la véritable finalité afin de les convaincre que l’on discutait de choses sérieuses et dignes de toute leur attention. L’appel fut d’ailleurs entendu.

Réunissant plus d’une soixantaine de chercheurs (ce qui explique certaines variations de tonalité d’un article à l’autre), ce monumental ouvrage élaboré sous la direction de l’historien Claude Liauzu se veut oeuvre pédagogique dans un domaine où les propagandes actuelles (voir certaine loi UMP de février 2005 vantant le «rôle positif» de la présence française outre-mer et sommant les enseignants d’en rendre compte) prolongent souvent les anciennes et continuent de brouiller les cartes et les enjeux. «La passion autour de cette question, explique l’historien, prouve que la colonisation n’appartient pas à un passé mort.» Au fil de sept cents entrées, le dictionnaire explore tous les aspects du passé colonial, il fait d’ailleurs appel à des chercheurs «nés après le désenchantement qui a suivi les fêtes de l’indépendance», ainsi qu’à des historiens des DOM-TOM et des anciennes colonies : Maghreb, Madagascar, Vietnam, Afrique.

Un objectif de lucidité atteint avec ce travail de référence englobant la période de l’après-Révolution française. Une limitation dans le temps que l’on peut d’ailleurs regretter puisque l’expansion coloniale s’était amorcée vers le début du XVIIe siècle (la traite négrière inscrite dans le commerce triangulaire Europe-Afrique-Amérique connaissant son apogée au XVIIIe). En dépit de cette réserve, d’ailleurs formulée dans le texte de présentation, cette publication constitue un précieux outil de travail pour tous ceux qui refusent d’être dupes de la mémoire officielle.

Jean Chatain
article paru dans L'Humanité du 16 mai 2007

 

 

note en forme de réponse à Jean Chatain

[1] Voilà vraiment une formule convenue... qui est une absolue contre-vérité. La phrase de Ferry sur le "devoir de civiliser les races inférieures" figure, depuis des années, dans tous les manuels scolaires au chapitre qui traite de la colonisation. Elle est rebattue sans aucune explication de son contexte. Et même si il est connu qu'elle a recontré des contradicteurs à l'époque (Clemenceau et d'autres...), la tendance est à la lire aujourd'hui dans un contexte post-Deuxième Guerre mondiale, post-Tribunal de Nuremberg, c'est-à-dire à affecter au mot "race" un sens qu'il n'avait pas du tout à l'époque. Jean Chatain se trompe donc. La censure ne vise pas la phrase de Ferry, archi citée, mais l'effort d'intelligibilité historique qui permettrait de la comprendre avec la mentalité de 1885.

Quant au "racisme" de Jules Ferry, il est partagé - faut-il donc le rappeler chaque fois... - par l'homme qui en 1905 fonda... L'Humanité ! L'antiracisme et l'anticolonialisme attribués à Jaurès doivent être tempérés par son approbation de l'occupation de la Tunisie, par le fait qu'il a toujours soutenu Jules Ferry dans l'affaire du Tonkin... Même après son ralliement au socialisme en 1893, son attitude "anticoloniale" n'est pas évidente. En 1898 il écrit : "Si quelques fous songeaient à dépouiller la France de son domaine colonial, toutes les énergies françaises et toutes les consciences droites dans le monde se révolteraient contre une pareille tentative" (9 novembre).

En 1903, il déclare à la Chambre : "Oui il est à désirer, dans l'intérêt même des indigènes du Maroc comme dans l'intérêt de la France, que l'action économique et morale de notre pays s'y prolonge et s'y établisse" (20 novembre). Jules Ferry aurait dit la même chose... et Eugène Étienne, du parti colonial, partageait de telles vues.

Et si Ferry avait dit "races inférieures" (sans qu'il n'y ait ni le mépris ni le "racisme" dont ces termes furent porteurs plus tard), Jaurès, lui, parlait de "peuples enfants". La croyance en un "devoir de civilisation" était commune à Ferry et à Jaurès.

Michel Renard

 

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Jules Ferry n'était pas "raciste" (ici, 3e à partir de la droite)

 

 

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28 mars 2007

Madagascar, photos à identifier (appel à expertise)

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Madagascar, photos à identifier

appel à expertise, Frédéric RIPOLL

 

Bonjour,

Je suis responsable au sein du Muséum d’Histoire Naturelle de Toulouse de l’ensemble des fonds photographiques parmi lesquels un fonds ancien prestigieux qui vient d’être traité après 5 ans de travail.

Dans ce fonds, constitué au tournant du siècle dernier par Eugène Trutat (1840-1910), figurent des lots assez mystérieux qu’on ne peut lui attribuer, entre autres un ensemble important de plaques négatives au format 13X18 présentant pour la plupart des portraits de malgaches.

Seule mention : «Madagascar. Femme (ou Homme ; enfant…. ). M.Jullien»

Je serais heureux de pouvoir identifier l’auteur des images de Madagascar qui sont magnifiques, afin de lui rendre un juste hommage.

Frédéric Ripoll
photographe
Département information et réseaux
Muséum d'Histoire naturelle de Toulouse

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contact :Frederic.RIPOLL@mairie-toulouse.fr

 

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Madagascar, homme

 

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Madagascar, femme

 

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Madagascar, enfants

 

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Madagascar, Monsieur Jullien

 

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- référence à Eugène Trutat sur le site Gallica.bnf avec nombreuses photos

- mention du fonds ancien de la photothèque du Musée de l'Homme avec des cotes consacrées à Trutat et à Madagascar

Michel Renard

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Commentaires

Je tiens un blog sur Madagascar, et ce jour de 29 mars est pour moi l'occasion de découvrir ce blog, étonnant pour moi qui d'habitude n'ai pas beaucoup de patience sur le thème de l'histoire. Impossible de ne pas s'arrêter sur ces photos, est-ce possible que je relaye l'info sur mon blog ?

Posté par Tattum, jeudi 29 mars 2007 à 22:05

 

 

Réponses

Bien sûr. À charge de nous informer en cas de découvertes...
Merci.
Études Coloniales

jeudi 29 mars 2007 à 22:53

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2 mai 2007

Réponse à Éric Roussel (Pierre Brocheux)

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la domination coloniale, une histoire

conflictuelle mais aussi transactionnelle

réponse à Éric Roussel (Figaro)

Pierre BROCHEUX

 

Je réagis à une recension du Dictionnaire de la Colonisation française publiée par Éric Roussel dans le Figaro (si je ne me trompe) et qu' Études coloniales a reproduite. Mais je limite mon intervention à l'objection faite par Éric Roussel à propos d'une notice que j'ai rédigée sur le Parti communiste indochinois.

Éric Roussel estime que nous aurions mieux fait d'accorder plus de place au PCF qu'à un long développement sur le PCI. À cela je réponds que :

1/ il est question du PCF dans 27 entrées du dictionnaire (et je n'hésite à dire que le "critique" a lu le dico en diagonale) ;

2/ M. Roussel ignore-t-il que la France et l'Indochine ont une histoire partagée et par conséquent le mouvement communiste indochinois (en fait vietnamien) et celui de France également ? En fait il a une conception archaïque et dépassée de la colonisation française conçue comme un processus univoque où les dominants sont les seuls acteurs et les dominés seulement des figurants. Au contraire, la domination coloniale fut un moment fort d'une histoire conflictuelle mais aussi transactionnelle, en un mot d'une histoire dialectique. Mais au fond, M. Roussel continue de penser sans doute, comme pas mal de gens en France, que les communistes vietnamiens étaient des agents de Moscou et de Pékin et par conséquent, ils ne nous intéressent pas.

Je rappelle quelques faits : Ho Chi Minh peut être considéré comme un des fondateurs du PCF (congrès de Tours 1920), le PCI fondé en 1930 fut jusqu'en 1931, une section du PCF jusqu'à ce qu'il soit admis membre à part entière dans la Troisième Internationale. Jusqu'à la seconde guerre mondiale, le PCI entretenait des relations privilégiés avec le PCF, la majorité des élèves de l'Université des travailleurs d'Orient, à Moscou, venaient de France et certains d'entre eux y retournèrent vivre. La puissance du Front populaire de France trouva sa réplique en Indochine, les mêmes décrets de 1938 qui frappèrent le PCF en 1939 frappèrent aussi le PCI. Pendant la guerre d'Indochine, il y eut une liaison permanente entre le PCF et la résistance vietnamienne. Ni l'influence chinoise ou soviétique n'ont extirpé complètement l'influence française : la République socialiste du VN a commémoré le bicentenaire de la Révolution française de 1789 comme peu d'autres pays  au monde l'ont fait.

Pierre Brocheux

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le dernier livre de l'auteur

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Manifestation à Paris en 1950 pour la fin de la guerre d'Indochine (source)

 

 

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17 avril 2007

l'envahissante guerre des mémoires (Claude Liauzu)

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l'envahissante guerre des mémoires

Claude LIAUZU

 

Éric Savarese, Algérie, la guerre des mémoires, Non lieu, 2007 ; Benjamin Stora. Entretiens avec Thierry Leclère, La guerre des mémoires. La France face à son passé colonial, l’Aube,2007.

Deux livres, parmi beaucoup d’autres, sortis au même moment et consacrés à ce problème méritent attention. Jamais depuis un demi-siècle on n’avait autant parlé du passé colonial. Après Vichy et la Shoah, il envahit, on le sait, la vie publique.
Le livre d’Éric Savarese s’achève sur une question : comment en finir avec la guerre des mémoires ? Il souligne en sociologue le caractère récent, l’actualité de ce problème, cet enchevêtrement de passés qui passent mal et des questions du présent, de la crise actuelle de la société française. Dans son premier chapitre, il tente un bilan des études historiques. Sa distinction entre l’histoire, qui étudierait les événements, et l’anthropologie centrée sur la situation coloniale, est discutable : cette notion due à Balandier a été en effet utilisée (insuffisamment) par notre discipline. Les frontières entre sciences de la société le cèdent aujourd’hui aux approches pluridisciplinaires.

Les chapitres 2 à 4 sont consacrés à l’analyse des mémoires algériennes et à celles des pieds noirs en particulier. Dans ce domaine qu’il a contribué à fonder, Éric Savarese est très intéressant. La conclusion insiste avec force sur l’importance d’une redéfinition des usages de l’histoire. Comment ne pas être d’accord avec ce travail fondé sur une longue réflexion et une documentation abondante ?

Une connaissance intime, une sensibilité personnelle, des questions pertinentes de Thierry Leclère : il en résulte un dialogue vivant, clair, agréable à lire avec Benjamin Stora sur des questions difficiles, controversées.

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Benjamin Stora à la Librairie "Atout Livre" (Paris 12e), le 31 mars 2006 - source

Même s’ils ne sont pas toujours d’accord avec Benjamin Stora, des historiens se retrouvent dans sa déontologie : ne pas ignorer les rapports entre notre travail et les guerres de mémoires, ne pas réduire ces rapports à une dépendance. Le temps est venu  de prendre position, de défendre le métier en le renouvelant, en réaffirmant sa fonction sociale.
Confrontés aux guerres de mémoires et aux enjeux publics de ces guerres, aux liens entre présent et passé, le sociologue, l’historien et le journaliste montrent qu’il est possible de diffuser un savoir spécialisé sans cultiver l’histoire-spectacle, la mise en scène, les mots qui pèsent trop lourd et les images choc.

Une occasion de concrétiser ces objectifs est fournie par la controverse concernant le projet de mémorial de l’Algérie française et de l’OAS soutenu par la municipalité de Perpignan (mais qui a valeur générale pour Nice, Marignane, Toulon, Montpellier, Aix, etc.). Un groupe d’historiens spécialistes du Maghreb  propose un contre-projet. Ce petit groupe, dans le respect de la pluralité des interprétations, proposera non la Vérité mais des repères et des garde-fous aussi bien contre ceux qui instrumentalisent l’histoire au service du «rôle positif» de la colonisation que contre ceux qui en font un procès anachronique et manichéen. Notre fonction est de comprendre et faire comprendre le passé et ses rapports avec le présent.

Claude Liauzu

 

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Algérie, 1954-1962 - Algérien !.. Choisis...  la vie avec la France,
la mort par le fellaga. L'armée française te protège.
Avec elle chasse le fellaga
(source : base Ulysse Caom)

 

- Éric Savarèse : bio-biblio
savarese

 







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7 mai 2007

Pour une nouvelle approche de la guerre d'Algérie en France

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Pour une nouvelle approche

de la guerre d'Algérie en France



Samedi 2 juin 2007

de 9 h à 17 h 30

amphithéâtre Dupuis, université Paris I, CHS, 9 rue Malher,

75004 Paris - M° Saint-Paul


38Il s'agit de faire l'histoire de la guerre d'Algérie en France dans l'objectif de réévaluer le rôle de l'espace métropolitain que l'historiographie présente trop souvent comme secondaire - base arrière du nationalisme ou siège d'une intense "bataille de l'écrit". Les travaux publiés surinvestissent la région parisienne au risque de réduire cette histoire à celle de la guerre à Paris. Cette journée d'études présente les recherches réalisées par les correspondants de l'IHTP.

avec : Raphaëlle BRANCHE, Sylvie THÉNAULT, Anne-Marie PATHÉ, Mireille CONIA, Danielle CHEVALIER, Gérard BOURDIN, Bertrand HAMELIN, Marc COPPIN, Alain TROGNEUX, Michel DLOUSSKY, Rémy FOUCAULT, Anne PASQUES, Alain MONCHABLON, Hélène CHAUBIN, Émmanuel BLANCHARD, Émilie ÉLONGBIL, ARTHUR GROSJEAN.

Institut d'Histoire du Temps Présent (IHTP)

Matinée (9h–13h)

Présidence : Fabrice d’Almeida (IHTP)
Discutante : Danièle Voldman (CHS)

9h – 9h45 : Introduction
• Raphaëlle Branche et Sylvie Thénault : «Cerner le vécu de la guerre en métropole : bilan d’une enquête»
• Anne-Marie Pathé : «Un renouvellement des sources ?»

9 h 45 – 11 h 15 : Découvrir
• Mireille Conia :«Les actions de solidarité envers les soldats» 
• Danielle Chevallier : «Les obsèques de soldats»
• Gérard Bourdin : «Les parrainages et jumelages, 1956-1962»

11h30 –13h00 : S’exprimer
• Bertrand Hamelin : «Les étudiants sont-ils des intellectuels ?» 
• Marc Coppin et Alain Trogneux : «Les réactions à certains événements marquants ayant lieu en Algérie»
• Michel Dloussky : «Référendum et élections»

Après-midi (14h –17h30)

Présidence : Annie Fourcaut (CHS)
Discutant : Denis Peschanski (CHS)

14h – 15h30 : S’opposer
• Anne Pasques : «L’École normale de Chartres pendant la guerre»
• Alain Monchablon : «L’Union des Grandes Écoles et la guerre d'Algérie»
• Hélène Chaubin : «L’OAS dans l’Hérault»

15h45 – 17h30 : Surveiller, Réprimer
• Emmanuel Blanchard : «Contrôler, enfermer, éloigner : la répression policière et administrative des Algériens de métropole»
• Émilie Elongbil : «Le centre d’hébergement de la Part-Dieu»
• Arthur Grosjean : «Le camp de Thol»

programme complet - cliquer ici    16

         





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6 mai 2007

Histoire de la colonisation après les élections présidentielles (Claude Liauzu)

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L'histoire de la colonisation

otage des présidentielles : et après ?

Claude LIAUZU
Historien, professeur émérite Université Paris VII René Descartes,
directeur du Dictionnaire de la colonisation française (Larousse)

 

 

t_jacquesMartial 10 mai : la commémoration de l'esclavage et de son abolition devrait être relativement consensuelle, si l'on oublie les difficultés opposées à Christiane Taubira lors de la préparation de sa loi de 2001 et les retards dans son application.

Cette loi a eu le mérite d'attirer l'attention sur les insuffisances des programmes scolaires, sans imposer une vérité officielle. Malheureusement une instrumentalisation de son contenu a suscité une campagne honteuse contre un historien.

8 mai : c'est le 62e anniversaire des manifestations de Sétif et Guelma. Le jour où on fête la Libération, elles tournent à l'émeute et entraînent le massacre de dizaines de milliers d'Algériens. La dernière chance d'une évolution pacifique est perdue, et l'on s'achemine vers les sept ans de sale guerre, qui furent aussi une guerre civile où sombra la IVe et dont naquit la Ve, d'un coup de force, on l'oublie. L'ambassadeur de France a reconnu la gravité des faits en 2005, les travaux des historiens ont établi avec assez de précision les faits. Mais le silence officiel de Paris sur les crimes demeure.

Dans un discours à Lyon le 5 avril 2007, Nicolas Sarkozy déclarait : «...Je déteste la repentance qui veut nous interdire d'être fiers de notre pays...» Or, il faut rappeler aussi que sous le terme de « repentance »medium_Sarkozy_Reuters c'est toute critique du passé colonial, vichyste, antisémite qui est exclue par le nouveau président. Pire, dans sa lettre du 16 avril au Comité de liaison des associations de rapatriés, monsieur Sarkozy, qui lui promettait tout, prêchait pour un retour au «rôle positif» de la colonisation. «Vos ancêtres ont traversé la Méditerranée pour servir la France et pour bâtir un monde nouveau. Chacun peut porter sur leur oeuvre le jugement qu'il souhaite. Mais la France doit leur en être et vous en être à jamais reconnaissante.» Dans une phrase ambiguë, il affirme même qu'il est hors de question de «réécrire notre histoire avec l'Algérie», comme si cela relevait d'un pouvoir régalien. Une fois de plus, après la loi du 23 février 2005, les mêmes prétendent dicter leur copie aux historiens. Les mêmes restreignent l'accès des chercheurs aux archives, au point que des documents qui étaient consultables avant 2002 ne le sont plus.

Les historiens doivent crier casse-cou. Casse-cou contre l'article 3 de la loi du 23 février 2005 «portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés», qui crée une «Fondation pour la mémoire de l'Algérie et des combats d'Afrique du Nord», dont les fonctions prévoient des interventions dans l'enseignement. Singulier si l'on pense aux guerres de mémoires qui continuent à opposer rapatriés, harkis, anciens du contingent, activistes de l'OAS, immigrés et anticolonialistes ! Singulière fondation sur laquelle un rapport déposé en juin 2005 n'est toujours pas publié. Le risque est grand de voir les maigres crédits attribués aux universitaires détournés vers cette Fondation, où des associations représentant des nostalgiques extrémistes de l'Algérie française chercheraient, comme pour le Mémorial de la France d'Outre-mer à Marseille, à imposer leur point de vue et leur pouvoir. Fondation portée par un ministre des Anciens Combattants qui traite les historiens ayant protesté contre la loi de 2005 de «spécialistes auto-proclamés» et de «pseudo historiens».

anatole_france_1_sizedCasse-cou encore contre ceux qui oublient la belle formule d'Anatole France selon qui nous devons notre compassion aux victimes et la vérité aux vivants. Ce n'est pas mépriser la douleur des familles des victimes du 26 mars 1962 rue d'Isly à Alger que d'expliquer les conditions de ce drame. C'est à la demande des commandos de l'OAS, encerclés dans Bab el Oued, que la population d'Alger a cherché à imposer la levée du blocus du quartier par l'armée. Les tirs ont éclaté dans des conditions obscures faisant 46 morts et 200 blessés dont 20 mourront. La demande par des associations de rapatriés d'accorder le statut de «morts pour la France» à ces victimes est d'autant plus inacceptable qu'on a refusé ce statut à des enseignants chargés des centres d'éducation sociale, assassinés par l'OAS le 15 mars 1962, tels Feraoun, Ould Aoudia et Max Marchand. Il n'y a pas de bonnes et de mauvaises victimes. Il est temps d'en finir avec les manichéismes ! Les participants de la rue d'Isly ont été victimes aussi bien de provocations de l'OAS que du cynisme de la politique gaulliste.

Casse-cou aussi contre ceux qui s'obstinent, sous prétexte d'anticolonialisme, à assimiler coloniser et exterminer, à réduire la colonisation à un crime contre l'humanité, le colonisé au statut de «victime absolue» c'est-à-dire à considérer le FLN et le pouvoir algérien comme au-dessus de toute critique.

L'élection du candidat de la droite risque d'être saluée par des feux d'artifice de la banlieue de la «racaille», que les stéréotypes exploités dans la campagne présentent comme les quartiers où «on» voile ses femmes, «on» égorge le mouton dans son appartement, où «on» excise les fillettes. Douce France !

Autre chose est possible. Les citoyens doivent rappeler (et se rappeler d'abord) le modèle de rigueur moraleCARTE_NOUVELLE_CALEDONIE et l'effort de vérité et de justice qu'est le Préambule des accords de Nouméa en 1998. Il soulignait que la colonisation a été une domination étrangère imposée aux populations autochtones, qu'elle a été destructrice des sociétés et des cultures. Mais, sans céder à la démagogie de la «colonisation positive», il refusait de faire des Français de Nouvelle-Calédonie des boucs émissaires en montrant la diversité des raisons de leur émigration, de leur condition et de leurs comportements. Peut-être notre classe politique, si elle en a le temps, devrait-elle lire le manuel d'école primaire issu de ces accords et qui s'efforce d'aider les enfants des diverses communautés à élaborer un devenir commun.
Le gouffre entre les études historiques et la crise des mémoires de notre société (comme de la société algérienne) appelle un effort de notre métier, et d'abord l'exigence de la liberté totale de la recherche et de l'enseignement, d'un travail en commun des spécialistes des deux rives.

 

Claude Liauzu

- débat sur ce texte sur le site Marianne.fr

 

 

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8 mai 2007

trois ouvrages sur le Maroc entre 1830 et 1912 (Daniel Rivet, 1985)

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trois ouvrages sur le Maroc

entre 1830 et 1912

Daniel RIVET (1985)

 

L'essentiel de ce que les Marocains ont été, de ce qu'ils ont dit et de ce qu'ils ont fait durant le long répit qui s'accumule sur près de trois quarts de siècle, entre la conquête de l'Algérie et 1912, a été cerné et mis en lumière dans trois ouvrages surtout, sans l'appui desquels les pages qui suivent n'eussent jamais été écrites.

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Vingt ans après sa parution, le Maroc et l'Europe de J.-L. Miège continue de s'imposer comme une sorte d'encyclopédie du Maroc au XIXe siècle, rythmée - avec une précision parfois surchargée de micro-histoire - par le double récitatif, souvent entrecroisé, de l'événement et de la conjoncture économique.

Les Origines sociales et culturelles du nationalisme marocain d'A. Laroui constituent un point de passage obligé pour comprendre comment s'articulait, avant d'entrer en crise à partir de la seconde moitié du siècle, un "système marocain". Sans doute l'analyse philologique du discours de l'élite par l'auteur, inspirée de Benedetto Croce, tend-elle à s'essouffler au fil de la démonstration. mais sa morphologie des groupes sociaux, influencée par le concept wébérien, d'idéal-type, est éblouissante d'intelligence. On ne peut plus dessiner le canevas de la société marocain précoloniale sans s'adosser à ce schéma. Même si on lui reproche de privilégier l'élite urbaine au détriment des profondeurs rurales du pays et de négliger du coup l'apport des anthropologues anglo-saxons, en premier lieu E. Gellner et Clifford Geertz.

Parce qu'il débrouille, avec un art du raccourci et un sens de la synthèse exemplaires, la trame des événements qui s'enchaînent entre 1860 et 1912 et qu'il caractérise avec beaucoup de finesse le divorce qui s'accuse entre l'État et la société marocaine, le Prelude to Protectorate in Morocco. Precolonial Protest and Resistance, 1860-1912 d'Edmund Burke III complète, nuance, enrichit l'éclairage de Laroui sur la trajectoire du Maroc au XIXe. S'impose en particulier son approche de la révolte contre le makhzen, non seulement fronde des privilégiés ou fureur paysanne mais mouvement composite à plusieurs étages et temps sociaux, voué par conséquent à la négation plutôt qu'à l'affirmation et donc à l'éclatement rapide.

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D'autres ouvrages (1) contribuent à diversifier notre vision de ce long XIXe marocain dont le bruit et la fureur reçoivent une signification nouvelle à partir du moment où on n'y voit plus seulement la préhistoire annonciatrice du Protectorat, mais une période de transition au sens mêlé, confus, incertain : un moment historique non plus univoque mais pluridéterminé. Cette longue période de réaction à la "précolonisation" cristallise en effet des "lignes d'orientation, des zones de filtrage" (Laroui) à partir desquelles les Marocains se détermineront sous le Protectorat qui ne s'imprime pas à la surface de la société colonisée comme sur une page blanche.

Daniel Rivet, Lyautey et l'institution du Protectorat français au Maroc, 1912-1925
[thèse 1985], tome 1, éd. L'Harmattan, 1996, p. 83-84.




(1) Cf. en particulier J. Berque, L'intérieur du Maghreb, Gallimard, 1978 ; G. Ayache, Études d'histoire marocaine, Société marocaine des éditeurs réunis, Rabat, 1979 ; P. Pascon, Le Haouz de Marrakech, 2 T., Larose et Maisonneuve, 1978.




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Fez, intérieur de l'Arsenal ; Le Maroc Illustré, 1913

 

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Sousse

 

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Telouet

 

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14 avril 2007

Une histoire française : Dictionnaire de la colonisation (L'Express)

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1946, Brazzaville, transport d'ivoire ; wagons de la compagnie
de Chemin de Fer Congo-Océan
(source Caom)

 

Une histoire française :

le Dictionnaire de la colonisation française

par Jean-Sébastien STEHLI

 

D'horizons très divers, des historiens ont entrepris une relecture de cette période controversée. Le résultat de ce travail très attendu, présenté sous la forme d'un dictionnaire, est magistral.

On croyait bien en avoir fini avec la colonisation et, au contraire, elle n'a 12090153jamais été si présente depuis la fin de l'aventure coloniale française, il y a plus de quarante ans : vote de la loi de 2001 condamnant l'esclavage comme crime contre l'humanité, journée de commémoration du 10 mai, controverse autour du «rôle positif» de la présence française outre-mer, polémique autour de la définition de la colonisation dans le dictionnaire Le Petit Robert, souvenir soudain de la révolte des Malgaches, en mars 1947, ouverture du musée consacré aux arts premiers, à Paris, et triomphe du film Indigènes, primé à Cannes. Le passé colonial s'immisce jusque dans le débat actuel sur l'identité française qui agite la campagne présidentielle.

Ce débat - passionné, houleux, parfois strident - sur notre histoire outre-mer, ne cesse de prendre de l'ampleur. Mais, jusqu'à présent, il a surtout opposé deux camps : celui qui exigeait que l'État français fît acte de repentance en réparation des crimes de la colonisation et celui qui, au contraire, voulait que les côtés «positifs» de celle-ci fussent célébrés. Curieusement, le travail historique sérieux sur cette épopée est pauvre. Des pans entiers de l'histoire coloniale restent inexplorés. Rien, par exemple, sur la colonisation vue par les conscrits envoyés au-delà des mers depuis 1830. Pas de chiffres sur le nombre de Français ayant participé à la colonisation. Même le brillant ouvrage de Pierre Nora, Les Lieux de mémoire (Gallimard), ne lui consacre qu'un chapitre.

Le remarquable Dictionnaire de la colonisation française, rédigé sous la direction de Claude Liauzu - lui-même enfant de la colonisation, né à Casablanca en 1940 - tente de mettre un peu d'ordre dans ce gourbi. «La passion autour de cette question, explique l'historien, prouve que la colonisation n'appartient pas à un passé mort.» Avec 70 auteurs, dont des historiens éminents, tel Benjamin Stora, mais aussi des sociologues et des linguistes, au fil de 700 entrées, ce dictionnaire explore tous les aspects de notre passé colonial, en mettant en garde: «Les historiens ne sont pas les détenteurs de la vérité absolue.» Ils doiventFatou_Ciss_ aider les lecteurs à comprendre le passé.

Mais Liauzu ne s'est pas cantonné au débat franco-français. Il a fait appel à des chercheurs «nés après le désenchantement qui a suivi les fêtes de l'indépendance», ainsi qu'à des historiens des DOM-TOM et des anciennes colonies - Maghreb, Madagascar, Vietnam, Afrique. «Les problèmes qui se posent en France se posent de l'autre côté, explique Liauzu. Les historiens n'y sont pas plus à l'aise

Surtout, l'ouvrage contourne l'écueil du politiquement correct. «Il faut éviter la tentation de l'anachronisme, qui consiste à juger hier avec les critères d'aujourd'hui», affirme Claude Liauzu. Les opposants à la colonisation sont très minoritaires tout au long du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe. En dehors des intérêts économiques qui sous-tendent les conquêtes, la grande majorité des intellectuels européens, de Jules Ferry à Karl Marx, veut propager les idéaux des Lumières. D'ailleurs, nombre de leaders des guerres d'indépendance sont les enfants de l'école républicaine. Il faut se méfier également des cycles de l'Histoire, qui veulent que celle-ci soit d'abord racontée par le colonisateur, puis qu'elle adopte le point de vue des vainqueurs des guerres d'indépendance. Depuis une petite dizaine d'années, «le balancier est revenu vers la France, qui redécouvre un passé enfoui». Ce dictionnaire démontre avec limpidité que le pays colonisateur, tout autant que les colonisés, est transformé par l'expérience coloniale.

L'originalité de ce pavé, qui se dévore comme un roman d'aventure, est de nous entraîner, de Hanoi à Tahiti et de Tombouctou à la casbah d'Alger, dans un récit qui présente le positif et le négatif, l'histoire avec une majuscule et la petite histoire, sans romantisme mais sans jugements moraux non plus. On croise Tintin et les Pieds Nickelés, Zidane, fils d'un Kabyle, Banania et son slogan «Y'a bon», et encore tous les mots venus des pays lointains ou les plats qui sont arrivés sur notre table. Le dictionnaire fourmille de sujets passionnants et inattendus, sur le corps, les femmes (et aussi sur les Européennes qui ont épousé des chefs de la rébellion), la place de l'outre-mer dans l'inspiration des artistes, les statues et les monuments aux morts des colonies.
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Mais ce Dictionnaire de la colonisation française est un véritable livre d'histoire. Pour les sujets importants - l'esclavage, l'école, la guerre d'Algérie, le gouvernement colonial, la guerre d'Indochine - Liauzu et son équipe prennent le temps d'explorer toute la complexité de la question. L'histoire de la colonisation est également une histoire d'hommes et l'ouvrage les met en scène : Abd el-Kader - en prenant soin de nous donner toutes les facettes de ce personnage complexe - Savorgnan de Brazza, Hô Chi Minh, Gambetta, Faidherbe, Malraux, Dumont d'Urville ou encore Elisée Reclus [photo ci-contre]. 220 biographies au total. On ressort de la lecture de ce livre - dans lequel il faut se laisser entraîner d'une entrée à une autre, sans but - avec des odeurs, des saveurs et des sons qui résonnent dans notre imaginaire, mais surtout des idées plus claires sur ce qu'a été l'aventure coloniale afin de ne plus en être prisonnier.

L'Express du 12 avril 2007

Dictionnaire de la colonisation française
Collectif, éd. LAROUSSE
sous la direction de Claude Liauzu.
648 pages, 26 € (170,55 FF)

 

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Moundou (Tchad), 1er avril 1959, marchand de poissons
auteur : Lancereaux (Paul), ingénieur agricole du ministère
de la  France d'outre-mer
(source : Caom)

 

 

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30 août 2006

origines géographiques des connexions à "Études Coloniales" (2)

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la bannière d'Études Coloniales, depuis le lundi 28 août 2006

 

 

origine géographique

des connexions à "Études Coloniales"

journée du 30 août 2006

 

Le mercredi 30 août 2006, à 22 h 50, l'origine géographique des connexions à ce blog étaient les suivantes :

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cliquez sur la photo pour l'agrandir

cf. l'article du 15 mai dernier

 

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12 avril 2007

toute histoire coloniale peut être relue et commentée... (Pierre Joxe)

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toute histoire coloniale

peut être relue et commentée...

Pierre JOXE

 

interview de Pierre Joxe, président de l'association France-Algérie

(...)

- Pour construire l’avenir, pour mieux asseoir une coopération dense, la jeunesse a besoin de connaître l’histoire, de savoir ce qui s’est passé entre les deux pays. Qu’est-ce qui empêche l’Etat français de reconnaître les méfaits de son passé colonial en Algérie, comme cela a été le cas par exemple pour Madagascar ?
Pierre Joxe - Vous nommez Madagascar, vous avez raison. La guerre était à peine pierre_joxefinie, j’avais 12 ans, quand on a appris les massacres de Madagascar. On était horrifiés. Madagascar a été une crise horrible qui a duré quelques mois, mais qui, malheureusement, a été étouffée. La décolonisation à Madagascar et en Afrique noire a été ensuite accélérée par les lois-cadres Deferre de 1956. Au même moment, en Algérie, en 1944, 45, 46, 47 il y a eu ce qu’on a appelé des troubles, un début de guerre d’indépendance, mais la fiction que l’Algérie était composée de trois départements français a fait que pendant longtemps ce «droit-là» dominait. La décolonisation de l’Afrique noire a été beaucoup plus rapide, pacifique, que celle du Maghreb. Je ne parle pas de l’Indochine, c’est Dien Bien Phu qui a amené au pouvoir Mendès France, lequel a signé les accords de Carthage pour l’indépendance de la Tunisie, a engagé les discussions au Maroc et, lorsqu’en 1956 les élections ont amené la victoire du Front républicain, nous pensions tous que l’indépendance de l’Algérie allait suivre. Malheureusement, on s’est trompés.

Pourquoi est-ce qu’on a tellement dissimulé la réalité coloniale de la France en Algérie ? Je pense, en partie, parce que les forces politiques et économiques colonialistes, car il ne faut pas oublier qu’il y avait des intérêts économiques très puissants derrière la colonisation, ont tellement engagé la France et le peuple français, – puisqu’il y a eu pendant plusieurs années de guerre jusqu’à 500 000 garçons du contingent en Algérie – que cela a rendu difficile l’élucidation. Ceux qui avaient été les anticolonialistes des années 50, comme moi, étaient considérés comme «l’anti-France». Quand j’étais étudiant, je me souviens qu’on était injuriés, les rares professeurs à la Sorbonne ou à la faculté de droit qui prenaient position contre la guerre d’Algérie, et encore plus contre la torture, contre les camps de regroupement, étaient raillés et traités de mauvais Français. Il a fallu attendre 30 ans pour que commencent à apparaître de plus en plus de films, de livres et même récemment un dictionnaire de la colonisation française qui a été publié par un certain nombre d’universitaires.


- Lors d’une récente conférence de presse sur France Algérie, vous avez dit que les accords de Nouméa sont transposables. Le sont-ils pour le cas algérien comme le préconisent des historiens spécialistes de la colonisation ?
Ce ne sont pas les accords de Nouméa qui sont transposables, c’est le texte de préambule qui les accompagne qui peut l’être, c’est ce que j’ai dit. Quand on lit dans ce préambule que «les Kanaks ont été repoussés aux marges géographiques, économiques et politiques de leur propre pays, ce qui ne pouvait chez un peuple que provoquer une révolte», c’était une façon de dire que la révolte était légitime. Dire que la colonisation a porté atteinte à la dignité du peuple kanak, peut être dit pour le peuple algérien. Je pense que toute histoire coloniale peut être relue et commentée à la lumière de ce genre d’approche, et à ce moment-là personne ne perd son honneur. Les commémorations qui se préparent autour du personnage de Abdelkader – un personnage assez peu connu en France – seront une occasion de revisiter l’histoire de la colonisation de l’Algérie.

- Revient-il au législateur et au politique de dire comment l’histoire doit être enseignée ?
Aussitôt la loi du 23 février 2005 adoptée, l’association France Algérie a pris une position, signée de son président de l’époque Bernard Stasi, dont je rappelle qu’il a été lui-même ministre des DOM-TOM, et en Algérie en 1959, en même temps que moi, condamnant absolument son article 4, sur les «bienfaits de la colonisation». Depuis, les idées ont évolué, puisque le gouvernement, qui aurait pu s’opposer à ce texte à l’Assemblée, ne l’a pas fait, le président de la République, qui aurait pu demander une deuxième délibération, ne l’a pas fait, il a demandé quand même au Conseil constitutionnel de déclasser le texte, plus précisément un alinéa de l’article 4, celui qui, à certains égards, est offensant pour la vérité, ce que nous avons fait. Nous n’étions interrogés que sur cet alinéa. À partir du moment où ce n’était plus du domaine législatif, le gouvernement l’a abrogé. Il a été effacé juridiquement. Politiquement, nous savons bien qu’il y a des gens qui pensent toujours la même chose. L’association France Algérie est pour une histoire libre. La filière de Lyon de France Algérie, présidée par Mme Zohra Perret, a été un des organisateurs du colloque sur ce sujet, qui a eu lieu à l’École normale de Lyon l’année dernière. La recherche historique repose sur des documents, des analyses, sur la liberté des chercheurs, pas sur des injonctions législatives.


- Les lois d’amnistie n’ont-elles pas constitué un frein à la reconnaissance de crimes commis pendant la guerre de libération de l’Algérie ?
Vous touchez un point sensible, j’étais contre les lois d’amnistie, j’ai eu aussi un différend avec François Mitterrand lorsqu’il y a eu un projet de loi de réhabilitation des généraux fascistes, factieux, de l’OAS. Cela a été une crise assez forte à tel point que la loi n’a jamais été mise au vote, Mitterrand l’a fait passer par un système dit du 49-3. L’article 49, paragraphe 3 de la Constitution, permet de considérer une loi comme votée s’il n’y a pas une motion de censure contre le gouvernement. Je considérais que dire qu’on réhabilitait des généraux qui avaient tourné les armes et qui avaient cherché à tourner les hommes contre la République parce qu’ils n’étaient pas d’accord avec la politique du général de Gaulle, c’était inacceptable.
(...)

Pierre Joxe (extraits),
propos recueillis par Nadjia Bouzeghane
El Watan (Alger), 10 avril 2007



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Atar (Mauritanie), une maison de ville - source : base Ulysse Caom

 

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30 mars 2007

du 1er au 7 avril 2007 : relâche

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source : Caom, base Ulysse



du 1er au 7 avril 2007 : relâche

sur le blog d'Études Coloniales


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source : Caom, base Ulysse


Du samedi 1er avril au samedi 7 avril 2007 :

- le calendrier ne sera pas mis à jour

- aucun message ne sera publié

Merci de votre confiance et de vos visites.

La rédaction d'Études Coloniales


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source : Caom, base Ulysse



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source : Caom, base Ulysse


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source : Caom, base Ulysse



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29 mars 2007

"Les identités corporelles au Vietnam", programme définitif du colloque

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«Les identités corporelles au Vietnam,

d’hier à aujourd’hui :

métamorphoses et diversités»


14 et 15 mai 2007 à Lyon

programme définitif du colloque



Le 3 janvier dernier, nous avons édité la présentation du colloque : "Les identités corporelles au Vietnam, d'hier à aujourd'hui".

Voici maintenant le programme définitif.


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3 mars 2007

"Les collines de l'espoir" (Dély-Ibrahim, 1830-1962), roman d'Arlette Schneider

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Les collines de l'espoir,

un roman d'Arlette SCHNEIDER sur la commune

de Dély-Ibrahim (Algérie)

 

 

présentation de l'éditeur
Arlette Schneider, professeur de Lettres à Bordeaux, publie un remarquable ouvrage A_Schneiderdocumentaire, historique et anecdotique, portant sur l’un des plus grands moments de la colonisation française en Algérie, en 1830. Il s’agit de la prise d’Alger par la France, de la construction par le génie civil, du premier village français et la vie bucolique à Dély-Ibrahim jusqu’en 1962.

À travers Les collines de l’espoir, le lecteur, avec beaucoup de plaisir, se  trouve au cœur de l’action en 1830 puis en 1962. Le voyage mouvementé, passionnant et émouvant le conduit à travers le temps et l’espace.
La première partie, d’une façon documentée, traite la conquête française sous la France de Charles X et de Louis-Philippe ainsi que la situation socio-économique au sein de l’empire Ottoman en 1830.
Après avoir retracé l’occupation du sol en Algérie depuis les Phéniciens, en passant par les frères Barberousse, avec des qualités d’historienne, l’écrivaine explique en un style clair et concis comment  le projet  d’expédition française a mûri depuis le règne de Louis XIV  et sous Napoléon.
Au départ, les causes de la conquête française se veulent humanitaires. Mais, Arlette Schneider nous remémore le fait historique déclencheur de la prise d’Alger avec  le récit du coup d’éventail, ainsi que la prise du célèbre trésor d’Alger, un détournement d’argent et d’or qui rejoint le roman de fiction ou les histoires burlesques de Tintin.

La deuxième partie de l’ouvrage, autobiographique et anecdotique, aborde les origines du village et sa vie jusqu’en 1962. Les premiers pionniers arrivent de France, d’Allemagne, de Suisse et des îles Baléares. Plusieurs pages sont consacrés à l’exode de tous ces émigrés qui, par centaines, fuient la pauvreté, la maladie, le chômage et les insurrections. Au moyen de diligences et d’embarcations peu sûres, ils bravent les tempêtes avant de poser le pied sur «les collines de l’espoir».

D_ly_Ibrahim_1924
carte postale ancienne

Le côté artistique de l’écrivaine a mis en valeur des cartes postales, des photos, des reproductions de peintures, des poésies qui brodent admirablement les lieux de cette mémoire française. Le lecteur est chaleureusement invité à la magnifique promenade ensoleillée à travers laquelle il traverse les rues du village, Dély-Ibrahim. Ce sont des odeurs exotiques et des bouquets de couleurs. Il rencontre des femmes et des hommes, Européens et Musulmans dans un décor de paysages fabuleux, au pays des jardins, des cigognes, des vaches et des chevaux. Il partage la vie communautaire des villageois. Il vit intensément l’instant.
À la fin de l’ouvrage, le lecteur a le plaisir de poursuivre sa lecture par des documents authentiques des Archives Nationales que l’écrivaine a recueillis.

les grandes figures de l'histoire
À travers les 224 pages de récit illustré, le lecteur côtoie les grandes figures de l’histoire : le Consul français, Deval , le dey Hussein, le comte de Bourmont, le Général Berthezène, le Général Clauzel, Yves Boutin le Colonel du Génie qui fut envoyé en éclaireur et détective privé afin d’étudier le lieu précis du débarquement, le duc des Cars, le général Lamoricière et ses zouaves pontificaux, le maréchal Bugeaud dont l’œuvre fut considérable tant au point de vue de la colonisation civile que militaire et religieuse et enfin Abd-el-Kader qui poursuivit la guerre à la France.

«Avec simplicité et en employant toujours le mot juste», par les moyens de sa plume lyrique et des souvenirs colorés, Arlette Schneider a su admirablement recréé l’ambiance qui existait dans son village au cours des années soixante.

Arlette_Schneider_1958
Arlette Schneider
1958

A_SchneiderArlette Schneider a participé au forum du livre sur l’Algérie à Toulouse ainsi qu’à plusieurs salons littéraires. Née à Alger et avant de rejoindre la France en 1962, elle a vécu quinze ans dans le premier village français créé en Algérie, Dély-Ibrahim.
Reliant le pinceau à la plume, Arlette Schneider est membre d’Associations artistiques, poétiques et littéraires en Aquitaine. Elle rédige également des articles de journaux dans la revue universitaire : L’observatoire. Ses poèmes et nouvelles paraissent dans deux revues culturelles. Primée à plusieurs concours littéraires ; les membres du jury de «Arts et lettres de France», lui ont décerné un diplôme, au Concours International littéraire 2006,  dans la section Nouvelles avec «Une page de Mélanie», texte qui figure dans son ouvrage.

 

COUVERTURE_COLLINES_DE_L_ESPOIR



 

- voir aussi : "Bonjour cher Dély-Ibrahimois", Arlette Schneider, édité le 8 avril 2008

- présentation du livre d'Arlette Schneider

 

- Arlette Schneider et son livre, sur mitidjaweb (avec récit de l'auteure et bon de commande)

- sur Dély-Ibrahim : le site de Francis Rambert (nombreuses photos anciennes)

- la photo de classe de 5e, en 1958, au lycée Ben Aknon, avec M. Amouss, professeur de Lettres

- éditions Hugues de Chivré

 

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une image de Dély-Ibrahim au temps de l'Algérie coloniale



 

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26 avril 2007

Les colonies maltraitées (Éric Roussel)

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Les colonies maltraitées

Éric ROUSSEL

 

12197318_pVoulant être une référence, l'ouvrage multiplie erreurs, lacunes et approximations. Dommage.

REPENTANCE : loi entravant toute discussion historique sur tel ou tel aspect du passé. A priori, le climat ambiant n'est guère favorable à l'étude de la colonisation. Réunie autour de l'universitaire Claude Liauzu, une équipe vient pourtant de relever le défi. Entre ceux qui exaltent les côtés les plus positifs de l'épopée coloniale et d'autres, selon lesquels la France a mené une entreprise calamiteuse, voire criminelle, le parti pris des auteurs est celui d'un juste milieu. Dans une certaine mesure, le pari est tenu.

Signée par Frédéric Turpin, auquel on doit d'excellents travaux sur l'Indochine, la notice relative à François Mitterrand, ministre de la France d'Outre-Mer sous la IVe République, est notamment un modèle d'équilibre : si les tendances réformatrices et libérales du futur chef de l'État sont bien soulignées, son attachement aux structures coloniales ne l'est pas moins. Dans les grandes lignes, les développements d'ordre événementiel (guerre d'Indochine, guerre d'Algérie) apparaissent également honnêtes et de bonne facture.

D'où vient donc le sentiment d'insatisfaction suscité par cette entreprise ? Passons sur certaines erreurs. Fort sévère pour les militaires et les colons dans son roman La Rose de sable, Henry de Montherlant n'était nullement officier : tout au contraire, il avait refusé de le devenir avec obstination. Quant à Pierre Boisson, nommé gouverneur général à Dakar en juin 1940 par le socialiste Albert Rivière, ministre des Colonies du premier gouvernement Pétain, il devait sa carrière brillante à son loyalisme républicain : on voit donc mal en quoi il pouvait être tenu pour sûr par le régime de Vichy - qui d'ailleurs n'existait pas encore.

Passons aussi sur certaines lacunes. Pourquoi, par exemple, consacrer des développements au Parti communiste indochinois ou de la région de Madagascar et passer sous silence le Parti communiste français ? Il n'aurait pas été inutile de revenir sur le fait qu'en 1940, au lendemain de l'entrée en guerre de l'Union soviétique, le PCF refusa toute idée d'autonomie des départements algériens, qu'en 1945 il couvrit la répression des émeutes de Sétif, qu'en 1955, après les tragiques événements de la Toussaint 1954, il condamna une «rébellion irresponsable» et enfin, qu'un an plus tard, sous le gouvernement Guy Mollet, il vota les pouvoirs spéciaux demandés par le ministre résident, Robert Lacoste ?

Plus graves sont des interprétations erronées. Prétendre ainsi que l'indépendance de la Tunisie fut ressentie par Pierre Mendès France (PMF) comme une trahison de sa politique est pour le moins discutable. S'il est exact que le processus d'autonomie interne, enclenché par le discours de Carthage en juillet 1954, ne débouchait pas directement sur une émancipation complète du protectorat, il reste qu'en fait il aboutit à ce résultat et que PMF ne s'en indigna pas. Les Tunisiens, du reste, saluèrent toujours son initiative. Encore plus contestables sont les passages décrivant la politique du général de Gaulle en Algérie : trop succincts, ils ne rendent compte ni de la complexité de sa position ni de l'évolution de sa pensée.

Éric Roussel, Le Figaro, 26 avril 2007

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liens relatifs au livre critiqué

 

liens relatifs au livre critiqué

 

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liens relatifs à l'auteur de cet article

 

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Éric Roussel, à gauche

 

 

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15 avril 2007

archives de l'armée française sur le Maroc

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archives de l'armée française

sur le Maroc

demande d'information, par "Cheaziz"

 

recherche

Je cherche les archives de l'armée française sur le Maroc pour la période de 1930-1935. Si vous pouvez me dire l'organisme et l'adresse pour y aller faire des recherches. Merci à vous

Posté par cheaziz, jeudi 12 avril 2007 à 14:54

 

campagne_du_Maroc__1_
carte postale ancienne : campagne du Maroc, 1914 - colonne de Taza,
le général Lyautey félicitant les blessés du combat du 13 mai

 

réponse

L'organisme principal détenant des archives sur l'armée française au Maroc est le Service historique de la Défense (SHD). Et d'abord les fonds de l'Armée de Terre. Au sein de ces fonds, c'est la sous-série 3 H qui vous intéressera. Voici la présentation de cette sous-série sur le site du SHD :

 

Ce fonds comprend :

A. Des archives en provenance du 2e bureau et de la section d’Afrique du ministère de la guerre depuis l’envoi de la première mission d’instruction en 1877 jusqu’à la fin  des opérations de pacification en 1934.
B. Des archives en provenance du Maroc parvenues en deux versements : l’un vers 1935, l’autre en 1956 après l’indépendance ; elles ont été classées et regroupées par organisme.

Les journaux des marches et opérations, quand ils existent, ont été classés en tête. Puis on trouve successivement les collections de minutiers du courrier expédié et de bulletins de renseignements périodiques, ainsi que les dossiers d’affaires de chaque bureau. Des dossiers traitant des mêmes affaires existent à chacun des niveaux de décision, mais Lyautey puis Noguès ayant cumulé les fonctions de résident général et de commandant en chef, les attributions du cabinet et de l’état-major se recoupent pendant leur commandement.
Les archives des bureaux des affaires indigènes sont classées à part et font l’objet d’un inventaire particulier en cours de rédaction. Elles sont très importantes en raison des attributions politiques accordées aux régions. De nombreuses et importantes études envoyées par ces services aux 2e et 3e bureaux des états-majors de Rabat ou des régions restent classées dans les dossiers de ceux-ci et peuvent être en déficit dans le bureau d’origine.

Instrument de recherche              

Le répertoire numérique détaillé est partiellement publié :
- Répertoire des archives du Maroc, série 3 H, 1877-1960 par le chef d’escadrons Arnaud de MENDITTE et Jean NICOT, Vincennes, fasc. 1, 1982 ; fasc. 2, dactylographié.
- Guide des sources de l’histoire du Maroc au Service historique de l’armée de Terre, par Thierry SARMANT et Michel ROUCAUD, Vincennes, 2000.

Plan de classement

La sous-série 3 H comprend quatorze subdivisions :

3 H 1-153 : Section d’Afrique, puis section d’études du 2e bureau de l’état-major de l’armée, 1877-1934 : ces dossiers traitent notamment des relations avec le Maroc avant le Protectorat
(3 H 1), des frontières et des relations avec le Maroc espagnol
3 H 154-313 : Cabinet militaire de la Résidence, 1910-1958
3 H 314-752 : Commandement supérieur des troupes du Maroc
3 H 314-331 : Journaux des marches et opérations, 1907-1960
3 H 332-339: Cabinet, 1933-1961
3 H 340-384: 1er bureau, 1912-1962
3 H 385-496 : 2e bureau, 1911-1960
3 H 497-732 : 3e bureau, 1907-1960
3 H 733-752 : 4e bureau, 1947-1961
3 H 753-802 : Commandements et directions des armes et des services
3 H 803-1175 : Régions et territoires de 1912 à 1935 : Fez, confins algéro-marocains, Meknès, Marrakech, Taza, Oujda ; s’y trouvent les archives des grandes unités formées pendant la campagne du Rif
3 H 1176-1362 : Divisions territoriales de 1935 à 1956 : Fez, Meknès, Casablanca, Agadir, confins
3 H 1363-1399 : Divisions d’infanterie de 1956 à 1958
3 H 1400-1410 : Journaux des marches et opérations des petites unités pour l’ensemble de la période

Lyautey_oued_Ifran
carte postale ancienne : campagne du Maroc, 1914 - colonne de Kenifra,
le général Lyautey passe ses troupes en revue à l'oued Ifran

 

incontournable

- Guide des sources de l'histoire du Maroc au Service histoire de l'Armée de Terre, de Thierry Sarmant et Michel Roucaud, 2000.

 

On peut aussi lancer une requête "Maroc" sur le moteur de recherche interne du site du SHD et on obtient des dizaines de résultats très divers.

L'enceinte du Château de Vincennes abrite les fonds d'archives du Département de l'Armée de Terre (anciennement S.H.A.T.). L'adresse est :

Château de Vincennes
Avenue de Paris
94300 Vincennes
Tél : 01 41 93 20 95
Télécopie : 01 41 93 20 03

Métro : Château de Vincennes

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* Les archives du ministère des Affaires étrangères (MAE) comportent des fonds importants sur le protectorat français du Maroc puisque ce ministère exerçait la tutelle. L'état des fonds "Protectorat Maroc, 1912-1956" est disponible sous format pdf. Ces fonds sont consultables au centre de Nantes des archives du MAE.

réponse : Michel Renard

 

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carte postale ancienne : le général Lyautey donnant des ordres

 

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17 mars 2007

J'avais 19 ans lorsque je suis arrivé en Indochine en 1951 (Claude Pierré)

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J'avais 19 ans

lorsque je suis arrivé en Indochine

en 1951

un commentaire de Claude PIERRÉ

 

Indochine

J'avais 19 ans lorsque je suis arrivé en Indochine en 1951, comme militaire, sous-officier. J'ai donc participé à cette guerre, avec des supplétifs, ou je combattais dans le sud une guérilla, en employant les mêmes méthodes que l'ennemi. Une guerre féroce ou dans chaque camp on ne faisait pas de prisonniers.

Pourtant, maintenant avec le recul, on se rend compte que ce pays est magnifique, sa population courageuse et généreuse. Jamais nous n'aurions dû nous faire la guerre. Tous mes camarades militaires, sans exception, ont la nostalgie de ce pays. Non seulement du pays, mais aussi de sa population. Nous étions faits pour nous entendre et travailler ensemble. Ces gens, lorsqu'ils vous donnent leur amitié, c'est sans arrière pensée, et sincère. Aucune rancune, ni d'un coté ni de l'autre.

Personnellement, je connais ici, en France, de nombreux Vietnamiens. Ce sont mes meilleurs amis, et depuis de très nombreuses années. Avec eux, l'amitié ne s'émousse jamais. L'amitié est à vie.

Je ne suis jamais retourné au Vietnam, mais j'ai bien l'intention d'y aller un jour ou l'autre. Je pourrais parler de ce pays et des Vietnamiens pendant des heures, et si nous devons aider un pays, c'est bien celui-là.

Posté par Claude Pierré,
samedi 17 mars 2007 à 22:34

 

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Je ne suis jamais retourné au Vietnam...

 

 

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16 mars 2007

réplique à un argument de Catherine Coquery-Vidrovitch

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réplique à un argument de Catherine Coquery-Vidrovitch

un historien peut-il faire dire ce qu'il veut

aux statistiques ?


Michel RENARD

 

Dans un texte particulièrement virulent - mais c'est la règle du jeu puisque l'ouvrage de Daniel Lefeuvre7171747 l'était lui aussi...- l'historienne Catherine Coquery-Vidrovitch, grande spécialiste de l'Afrique coloniale, réplique au livre Pour en finir avec la repentance coloniale. Daniel Lefeuvre lui répondra certainement. En attendant, je souhaite réagir à l'un de ses arguments qui me semble le moins rigoureux. Il s'agit de cette assertion :
- "Faut-il rappeler à notre historien économiste que l'on peut faire dire aux statistiques ce que l'on veut, en particulier lorsqu'il s'agit de moyennes générales..."
Oui, on peut
faire dire aux statistiques ce que l'on veut, si l'on n'est pas un historien honnête. Mais Catherine Coquery-Vidrovitch ne se situe pas à ce niveau de polémique puis qu'elle gratifie son interlocuteur du titre "d'historien économiste distingué".

Elle aurait dû alors renoncer à ce genre d'affirmation qui relève d'un anti-positivisme (en vogue aujourd'hui) fleurtant avec un relativisme récusant toute vérité historique au profit de "points de vue", de "vécus", de "subjectivités fragmentaires"...

L'historien britannique Christopher Bayly vient de s'en prendre à certaines prétentions "soupçonnantes" du 6873142_pcourant post-moderniste ou post-colonial : "Il n'y a aucune raison justifiant que toutes les sciences humaines adoptent la même méthodologie. Ce genre de controverse peut se révéler tout à fait constructif. L'histoire a toujours quelque chose à gagner dès lors que l'on trouve sur un seul et même rayonnage des manières différentes d'écrire la même histoire, et dès lors que des questions du type : «que s'est-il passé ?» se voient opposer des questions comme : «qui l'a dit ?» ou «qu'est-ce que cela signifiait ?». (...) Pourtant une chose est claire. Même quand ils décrivent l'expérience spécifique des pauvres, des femmes asservies ou des «autochtones», les historiens post-modernes ou post-coloniaux font constamment référence à l'État, à la religion, au colonialisme, c'est-à-dire à des phénomènes très généraux et tenus pour tels dans leurs propres écrits. Par conséquent, les travaux post-modernes passent généralement sous silence le «métarécit» spécifique qui leur est sous-jacent, lequel est politique et moralisateur tant par ses origines que par ses implications" (La naissance du monde moderne (1780-1914), éd. de l'Atelier, janv. 2007, p. 28-29).

La question «que s'est-il passé ?» sera toujours posée à l'historien. Et il devra y répondre, comme ont tenté de le faire "l'école positiviste" et "l'école méthodique", par l'établissement d'une probabilité de vérité historique - "probabilité", parce que la "science historique" n'est pas une science exacte, même si elle se veut rigoureuse par ses méthodes. Ce qu'a fait Catherine Coquery-Vidrovitch tout au long de son oeuvre.

Alors pourquoi cet accent anti-positiviste contre les statistiques et leur traitement historien ? Jean Bouvier se retournerait dans sa tombe en entendant Catherine Coquery-Vidrovitch. Lui qui, sans faire des chiffres sa religion, les considérait comme la caractéristique de l'histoire économique, même si ils sont utilisables par d'autres branches de l'investigation historienne :
- "L'histoire économique a, en effet, ses méthodes propres. Elle est très souvent une histoire chiffrée. Elle vise à être quantitative, à mesurer les phénomènes qu'elle décrit, à dénombrer, à calculer des proportions, à établir des taux (...)". Ce que fait notamment Daniel Lefeuvre dans
Pour en finir avec la repentance coloniale.

t_bouvier_initiation1Dans son plaidoyer raisonné pour l'histoire chiffrée, Jean Bouvier ne l'idéalisait pas non plus : "En vérité, ces procédés ne sont à considérer que comme des moyens de travail et de recherche, procédés nécessaires d'enquête, de présentation, d'exposition. Les chiffres en eux-mêmes ne signifieraient rien si, derrière eux, on ne voyait les hommes (...)". Ce à quoi s'astreint Daniel Lefeuvre qui, en toute banalité historienne, s'attache à "établir les faits, (à) les replacer dans l'environnement qui les a produits, (à) en hiérarchiser l'importance, (à) en comprendre la portée", et "tant pis, dit-il, si cette affirmation me vaut d'être accusé de défendre une conception positiviste, pire, ringarde, de l'Histoire" (Pour en finir avec la repentance coloniale, p. 14).

Les statistiques ne sont donc qu'un élément de l'appareil de preuves chez Daniel Lefeuvre. Fidèle en cela à son maître Jean Bouvier pour qui : "La méthode quantitative, l'appareil statistique ne sont donc pas le privilège de l'histoire ni de l'analyse économique. Ils tendent à être les instruments d'investigation de l'histoire totale, et des sciences humaines en général" (Jean Bouvier, Initiation au vocabulaire et aux mécanismes économiques contemporains (XIXe-XXe siècle), Sedes, 1972, p. 23-24).

Les historiens rigoureux qui recourent aux statistiques ont dû définir leurs méthodes et circonscrire leurs fonds d'archives pour que, précisément, on ne fasse pas dire n'importe quoi aux séries chiffrées. Jacques10322687_p Marseille le notait en appendice méthodologique de sa thèse : "Source essentielle de cette étude, les sources statistiques constituent un ensemble particulièrement hétérogène qui exige du chercheur persévérance et prudence dans l'interprétation". Plus encore, J. Marseille explique comment il a dû constituer son propre fonds d'archives : "il nous a donc fallu «inventer» nos sources, reconstituer empiriquement un fonds «impérial» en cherchant dans les papiers des différents ministères de tutelle les fils directeurs permettant d'éclairer les stratégies des milieux d'affaires d'une part et la nature de leurs relations avec les pouvoirs publics de l'autre" (Empire colonial et capitalisme française. Histoire d'un divorce, (1984) éd. Points-Seuil, 1989, p. 427). Catherine Coquery-Vidrovitch disait elle-même quelque chose de semblable dans l'introduction de sa thèse.

 

 

Ce que disait Catherine Coquery-Vidrovitch en 1972

Comme tous les historiens qui ont abordé le matériau économique, Catherine Coquery_Vidrovitch_couvCoquery-Vidrovitch relevait, dans l'introduction de sa thèse le "gros écueil" que constitua "l'imprécision des sources" : cartographie et statistiques. À propos de ces dernières, elle écrivait :

- "Toutes les sources de la période sont sujettes à caution. Les séries fondamentales sont constituées par les statistiques annuelles d'importations et d'exportations, en valeur et en tonnage, regroupées dans deux publications : les Statistiques coloniales pour l'année..., 1890 à 1914 et 1931, et les Renseignements généraux sur le commerce des colonies françaises, 1914-1918 (2 vol. succincts) et 1920-1928. Aucune publication spécialisée ne semble avoir couvert les années suivantes, et il faut se reporter, pour le détail, au Supplément statistique du J.O.A.E.F. (1924-1926), au Bulletin économique de l'A.E.F. ou, pour une vue d'ensemble, à la Statistique générale de la France et à l'Annuaire statistique de l'A.E.F. Nous avons relevé, par année et par produit, les principaux chiffres. Mais les problèmes furent innombrables.

Les valeurs en francs se sont avérées inutilisables : calculées à partir des cours approximatifs de l'année précédente, elles étaient le plus souvent falsifiées - généralement sous-estimées - puisqu'elles servaient à établir le montant des droits de douane. En fonction de ces chiffres, les fluctuations de prix à l'unité apparaissent, d'une année sur l'autre, aussi importantes qu'inexplicables. Quant aux estimations en tonnage, elles restent approximatives. Outre d'évidentes «coquilles», on rencontre parfois des incohérences. Tantôt le chiffre correspond au volume des produits fournis par la seule colonie, tantôt à celui des exportations ayant transité par le territoire (cette remarque est surtout valable pour le Gabon et, dans une moindre mesure, pour le Moyen-Congo). D'une année sur l'autre, les colonnes changent, les regroupements par colonies ou par produit également (l'Oubangui-Chari est parfois joint au Moyen-Congo, parfois confondu avec le Tchad ; l'okoumé fait partie tantôt des «bois communs», tantôt des «essences précieuses»...).

Comme les limites administratives ont varié, il faudrait opérer, chaque fois, une pondération (par exemple lorsque, après 1922, la côte méridionale du Gabon fut cédée au Moyen-Congo). Seuls les chiffres concernant l'ensemble de l'A.E.F. présentent une certaine continuité. Mais, là encore, le moindre regroupement fait problème. L'entreprise paraissait parfois désespérée, tant les résultats étaient contradictoires, tant les documents d'époque eux-mêmes s'accordaient pour souligner le caractère approximatif des évaluations disponibles. Un rapport de 1928 constatait déjà ces difficultés : la confrontation aux statistiques générales, des renseignements fournis par les états mensuels des produits du cru exportés par la colonie, quand ils étaient disponibles, se soldait presque toujours par des différences. Le défaut d'archives à la Direction du Service des Douanes interdisait déjà toute vérification. Quant à la confrontation entre l'activité concessionnaire et celle du commerce privé, elle est impossible de façon régulière, aucun service central n'étant alors chargé de collecter ces données.

Il n'empêche qu'à force de mettre en regard toutes nos sources (recueils imprimés, rapports locaux, renseignements fournis par les entreprises intéressées, etc.), nous pensons avoir pu donner des activités de l'Afrique équatoriale une image aussi proche que possible de la réalité et redresser, autant que faire se peut, les erreurs résultant de la méconnaissance profonde que les Européens de l'époque avaient du pays." (Le Congo au temps des grandes compagnies concessionnaires, 1898-1930, (1972) rééd. EHESS, 2001, p. 19-20).

Magnifique critique méthodologique pour un usage rigoureux des statistiques. C'est à ce prix - acquitté par Catherine Coquery-Vidrovitch, comme par Jacques Marseille et Daniel Lefeuvre - qu'on ne fait pas dire "ce qu'on veut" aux statistiques.

Michel Renard

 

Coquery_Vidrovitch_couv
la thèse de Catherine Coquery-Vidrovitch (1972,
rééditée en 2001 par l'EHESS

 

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11 avril 2007

Boukri Boualem (né en 1899) : recherche

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recherche de renseignements sur

Boukri Boualem né en 1889



renseignements

voila je cherche mon grand-père Boukri Boualem il été un goumier à la guerre 14/18 France /Allemagne ; il nous ont dit qu'il été tué (?) à Cayenne et transferé à l'hôpital à Arras : il est né en 1889.

Posté par boukri djemaa, dimanche 8 avril 2007 à 19:51

 

 

contact : Boukri Djemaa 


______________________________________________

 

L'interrogation de la base "Mémoire des hommes", Les morts pour la France de la guerre 1914−1918, ne fournit de renseignements que pour d'autres Boukri :

 

SrvImg_1



SrvImg_2



SrvImg

 

Il faut donc chercher ailleurs : Service historique de l'armée de Terre (SHAT, à Vincennes), Centre des Archices d'Outre Mer (Caom à Aix-en-Provence).

association "Études Coloniales"

 

goumier_marocain
goumier marocain

 

 

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10 avril 2007

Enjeux publics et fonction sociale de l’histoire

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"guerre des mémoires"

Enjeux publics et fonction sociale

de l’histoire



10773428

Université de Nanterre,
Salle des colloques, bâtiment K

en partenariat avec la BDIC et la revue Sciences Humaines :
mercredi 9 mai 2007, de 14h à 18h


Table ronde autour
- de Matériaux pour l’histoire de notre temps, coordonné par Régis Meyran («Les usages publics de l’Histoire en France»),
- du Dictionnaire de la colonisation française, sous la direction de Claude Liauzu, Larousse, 2007,
- de Comment sortir des guerres de mémoires ? de Thierry Leclère et Benjamin Stora, éd. de l’Aube, 2007.

1094

On a assisté depuis peu en France à un retour en force de la vieille opposition entre histoire et mémoire. Le passé envahit le présent, les descendants s’identifient aux acteurs de ce passé et les guerres de mémoires traversent la société française, au point que certains parlent de « tyrannie des mémoires. C’est la leçon qu’il faut tirer de la multiplication des lois «mémorielles» prétendant imposer une vérité de telle ou telle famille politique, de tel ou tel groupe de pression sur le passé, ou des nombreuses initiatives qui vont dans le même sens.

Se pose du coup la question des usages publics de l’histoire. Peut-on, pour comprendre la situation, la remettre dans son contexte à la fois historique et sociologique ? Trois publications tentent de faire le point, et insistent sur l’importance de la vulgarisation de l’Histoire, qui offre peut-être un moyen de pacifier la «guerre des mémoires».

FRCAOM08_9FI_00623R_P
la "mémoire" est parfois requise par la rigueur historienne...
source : base Ulysse


Présidence : Geneviève Dreyfus-Armand, directrice de la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC)

Régis Meyran : Enjeux actuels de l’instrumentalisation du passé en France

Claude Liauzu : Pourquoi un dictionnaire de la colonisation ?

Hélène Almeida-Topor : Le point de vue de la Société française d’histoire d’outre-mer (SFHOM )myriam_cottias02_125

Myriam Cottias (photo ci-contre) : La question noire

Thierry Leclère et Benjamin Stora : Comment sortir des guerres de mémoires ?

Sophie Ernst : Généalogie de l’enseignement de la colonisation

Entrée libre - La durée des interventions sera limitée pour permettre un large débat Contact : Régis Meyran (01 40 37 26 65), meyranr@yahoo.fr

à l'université de Nanterre

mercredi 9 mai 2007, de 14h à 18h


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8 mars 2007

L'impossible unité africaine (Jean-Paul Ngoupandé)

 

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L'impossible unité africaine

Jean-Paul NGOUPANDÉ

 

Une lecture même superficielle d'une carte de l'Afrique centrale conduit à une évidence : toute la région du Darfour et de ses environs est sous-peuplée. S'agissant de la République centrafricaine, plus d'un tiers des Darfour_soudan_carte220623 000 km2 de territoire est quasiment vide. Tout au plus 70 000 habitants pour au moins 200 000 km2 : encore aujourd'hui, on peut parcourir 100 km sans rencontrer le moindre village. Au Tchad et au Soudan, des régions comme le Salamat ou le Bhar el Ghazal ont subi le même sort.

Le Darfour a été, depuis au moins six siècles, au coeur d'un vaste et florissant commerce d'esclaves noirs en direction des pays arabes. Bien entendu, le Darfour ne fut pas le seul centre de razzias esclavagistes en direction du Proche et du Moyen-Orient. Mais il est clair qu'il a fortement marqué la région. Dans mon pays, les Bandas, l'un des principaux groupes ethniques centrafricains, ont été les plus touchés ; d'où la dispersion qui fait qu'on trouve un peu partout, y compris dans le Sud-Ouest forestier, des rameaux bandas ayant cherché un refuge très loin de leurs terres d'origine. Dans la tradition orale, les légendes font une claire allusion à cette fuite sans fin, et les noms des localités et des cours d'eau portent la marque de cette longue errance. Des grottes aménagées pour servir de refuges contre les razzias arabes sont encore visibles. Dans la conscience collective, les traumatismes de cette chasse au bois d'ébène sont présents de façon tenace. Les exactions actuelles des janjawids ne peuvent que réveiller des souvenirs douloureux pour les populations concernées.

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Au-delà de ce cas précis, le très lourd contentieux de la traite moyen-orientale continue de peser sur les relations entre le monde arabe et les Noirs d'Afrique, et constitue l'un des principaux freins à l'intégration africaine. L'Organisation de l'unité africaine (OUA), fondée à Addis-Abeba en mai 1963 par les pères de l'indépendance, avait en son temps suscité un grand espoir, vite déçu par les pesanteurs de l'histoire et les divisions qu'elles sécrètent. Parmi ces pesanteurs, on pouvait déceler les rapports ambigus entre Afrique noire au sud du Sahara et Afrique du Nord, essentiellement arabe et blanche. Durant la guerre froide, des soupçons d'instrumentalisation de l'OUA à des fins qui n'étaient pas les leurs ont poussé certains dirigeants subsahariens comme le maréchal Mobutu à proposer la création d'une Ligue des États africains noirs.

L'OUA avait alors obtenu, sous la pression de pays nord-africains comme l'Algérie et l'Égypte, que tous les États membres rompent leurs relations diplomatiques avec Israël après la guerre du Kippour. Or un nombre non négligeable de ces pays subsahariens entretenaient des relations de coopération fructueuse avec l'État hébreu, dans des domaines aussi variés que la sécurité, l'agriculture ou la formation. L'Union Africaine, qui a pris la suite de cette première organisation continentale, n'a pas non plus réussi à créer l'indispensable osmose. Entre le nord et le sud du Sahara, l'ère des méfiances, des soupçons et des sous-entendus est loin d'être surmontée, malgré les proclamations officielles.

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Ces dernières années, on parle beaucoup, et à juste titre, de la traite atlantique. Les Européens ont eu l'honnêteté et le courage d'admettre que le commerce triangulaire fut un crime contre l'humanité. La loi Taubira en France est un bon exemple. Sur la traite moyen-orientale, au contraire, c'est un épais silence qui recouvre le drame, silence nourri par des faux-semblants et des arguments d'autorité. Quiconque aborde ce sujet est soupçonné de chercher à minimiser la traite atlantique. La solidarité africaine demeure le prétexte idéal au refus plus ou moins conscient de briser le sujet tabou des razzias arabes. Dans les années 1960 et 1970, au sein du mouvement étudiant africain en France, les rares personnes qui osaient évoquer la traite moyen-orientale étaient immédiatement accusées de faire le jeu du sionisme.

Certes, en comparaison avec la puissante organisation que fut le commerce triangulaire, la traite moyen-orientale peut apparaître comme une activité relevant de l'informel, donc de moindre ampleur. C'est complètement faux. Les razzias n'ont jamais été un jeu d'enfants, ne serait-ce que par leur durée. Elles ont commencé bien avant l'islamisation de l'Afrique subsaharienne. L'islam n'est pas en cause, bien entendu. Les Négro-Africains victimes des atrocités commises par les janjawids sont aussi des musulmans. Je ne comprends donc pas les cris d'orfraie qui sont poussés dès qu'est soulignée la connotation raciale du conflit du Darfour. Il est pourtant aisé de comprendre que le mépris affiché pour la vie du Noir est une survivance de l'époque de l'esclavage à visage découvert. La traite moyen-orientale fut, comme le commerce triangulaire, une activité très lucrative fondée sur la chosification du Noir. En quoi le comportement des janjawids prouve-t-il que leur regard sur leurs compatriotes négro-africains a changé ?

Contrairement à l'autre saignée, cet esclavage arabe - pour le désigner avec exactitude ! - n'a pour ainsi dire jamais cessé puisqu'on en parle peu dans les pays concernés, à l'exception notable de la Mauritanie, qui a officiellement aboli l'esclavage en... 1981 ! Mais on sait bien que l'application intégrale de cette loi tarde à se concrétiser, comme le suggère le débat électoral en cours dans ce pays. De temps en temps parviennent, un peu partout en Afrique subsaharienne, des échos, jusqu'alors invérifiés, de "disparitions" de jeunes Négro-Africains à l'occasion du pèlerinage de La Mecque. Plus concrètement, en revanche, les images de "l'accueil" réservé ces derniers mois aux jeunes subsahariens dans les pays nord-africains contribuent à approfondir la fracture que les responsables politiques s'efforcent de taire. Or il est impossible de bâtir une union solide et durable en faisant l'impasse sur les traumatismes de l'histoire parce qu'ils ont la peau dure.

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Attente de l'approvisionnement en eau, Darfour, Soudan (source)

Le drame du Darfour relève de ces traumatismes que l'Afrique contemporaine doit absolument exorciser pour parvenir à la réalisation de l'indispensable intégration. De la part des pays arabes africains, seule une condamnation ferme, sans l'ombre d'une ambiguïté, des atrocités commises par les janjawids est de nature à lever les méfiances et à consolider notre foi en ce projet exaltant.

Oui, nous sommes condamnés à vivre ensemble, Africains noirs et blancs, sur ce continent qui est notre bien commun.

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Jean-Paul Ngoupandé
essayiste, ancien premier ministre
de la République centrafricaine
Le Monde, 28 février 2007

 

 

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camps de déplacés" au Darfour (source)

 

 

- "L'Afrique suicidaire" (2002), Jean-Paul Ngoupandé

 

 

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27 mars 2007

"L'insurrection de Madagascar du 29 mars 1947"

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"L'insurrection de Madagascar

du 29 mars 1947"

exposition, débats, vidéos à Metz le 29 mars 2007


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L'initiative "insurrection de Madagascar du 29 mars 1947" se déroulera le 29 mars 2007 à Metz (57) avec exposition, projection vidéo, débats et échanges.

Pour plus d'information :
Association Dodol Océan Indien (ADOI)
E-Mail : dodol_ocean@yahoo.fr

http://radiovazogasy.com/?rub=news/news&newsid=n45fd66c94c2e2

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élections du 17 juin 1946 à Madagascar (source : Caom, base ulysse)


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Madagascar 1947, armée


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